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"Iran, les visages de la colère" est une plongée dans les coulisses du soulèvement "Femme, Vie, Liberté", en Iran. Quelques semaines après la mort de Mahsa Amini, jeune étudiante kurde, le 16 septembre 2022 sous les coups de la police pour quelques mèches s'échappant de son voile, Shooresh Afkari, un réalisateur iranien, contacte une consoeur française, Virginie Plaut. Il veut « lutter à sa manière, en faisant ce qu'il sait faire... filmer et donner à voir l'histoire qui s'écrit sous ses yeux ». Ce film est le journal intime de ce tournage réalisé clandestinement pendant près d'un an et demi à travers l'Iran.

Raconté à la première personne dans les pas du réalisateur iranien, ce documentaire est un récit choral qui dévoile une galerie de personnages hauts en couleurs, représentatifs de cette population iranienne à bout de forces et de patience : un petit couple de grands adolescents qui rêvent de vivre leur amour au grand jour et en toute liberté, un chauffeur de taxi, farouche opposant, et sa mère qui tente coûte que coûte de le protéger, une peintre qui essaie tant bien que mal d'exercer son art malgré le joug de la censure, un médecin soignant clandestinement les manifestants, un jeune homme prêt à tout pour trouver de l'argent...

Prévu pour durer quelques semaines ou mois, le tournage s'est finalement poursuivi pendant près d'un an et demi à travers l'Iran, au gré des rencontres et du courage de ceux qui ont accepté de se confier. Tout y est : les raisons de la colère, les préparations de manifestations, l'espoir, la peur, les désillusions, les conflits familiaux, les solidarités spontanées, les petites bulles de bonheur, la mort qui rôde...

Qui sont ces protestataires prêts à tout risquer au nom de la liberté ? Au-delà des manifestations, à quoi ressemble leur quotidien ? Que se passe-t-il dans leurs têtes, dans leurs coeurs, dans leurs familles ? Des images et des témoignages rares et précieux, d'autant plus émouvants que leur Révolution tant espérée n'a pas abouti.

Réalisé par : Shooresh Afkari et Virginie Plaut
Durée : 52' / Année : 2024
Coproduction : TV Presse et Cairn Films / LCP-Assemblée nationale / France 24

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Transcription
00:00:00Je vous propose de m'appeler Chouresh.
00:00:18En persan, ce prénom signifie rébellion.
00:00:23J'ai 37 ans et j'ai vécu toute ma vie dans l'une des grandes villes d'Iran.
00:00:30Pour ma sécurité et celle de ma famille, je ne peux pas être plus précis.
00:00:36Si jamais ma véritable identité vient à être découverte, je risque une condamnation à mort.
00:00:45En septembre 2022, le meurtre d'une jeune fille a bouleversé le pays.
00:00:50Gino Marsa Amini, une étudiante kurde de 22 ans, arrêtée le 13 septembre pour quelques mèches de cheveux s'échappant de son voile.
00:01:03Mortes, trois jours plus tard, sans doute des suites de coups reçues de la part des forces de l'ordre.
00:01:16Une injustice de plus, l'injustice de trop.
00:01:20Les femmes d'abord,
00:01:25Rejointes ensuite par les jeunes hommes, puis toute la population, sont descendues dans les rues malgré le danger.
00:01:40Le mouvement Femmes, Vie, Liberté est né.
00:01:43J'ai décidé de participer à ma manière en faisant ce que je fais le mieux.
00:01:54Prendre ma caméra et filmer.
00:01:57Pour raconter notre colère et suivre les destins de courageux protestataires.
00:02:09Une étudiante.
00:02:13Un chauffeur de taxi.
00:02:17Une peintre.
00:02:19Un médecin.
00:02:22Et une mère de famille.
00:02:27Salut Virginie.
00:02:32Je ne sais pas si tu te souviens de moi.
00:02:34On s'était croisés au festival du film de...
00:02:37C'est notre amie commune qui m'a conseillé de te contacter.
00:02:42Je veux faire un documentaire sur la révolte qui a lieu en ce moment en Iran.
00:02:46C'est impossible pour moi de tout faire tout seul d'ici.
00:02:49J'aimerais avoir un co-réalisateur sur ce projet.
00:02:53Et j'ai pensé à toi.
00:02:55Je t'enverrai les images.
00:02:56Et tu pourrais faire le montage en Europe.
00:03:08Salut Chouresh.
00:03:09Ravi de savoir que tu vas bien.
00:03:11Évidemment, je suis partante.
00:03:13Mais tu es bien conscient des risques que ça représente pour toi.
00:03:16Et éventuellement ta famille.
00:03:17Je sais tout ça.
00:03:20Mais je n'ai pas le choix.
00:03:22Il faut qu'en témoigne.
00:03:23Il faut que le monde sache.
00:03:27Le chemin a été long.
00:03:29Il a fallu prendre beaucoup de précautions.
00:03:33Filmer le plus discrètement possible.
00:03:35Souvent avec un simple téléphone portable.
00:03:37Utiliser des messageries cryptées.
00:03:42Changer régulièrement de compte et de numéro.
00:03:47Convenir de mot de passe pour déjouer la surveillance des services de sécurité.
00:03:51Mais finalement, mes images et nos histoires sont arrivées jusqu'à vous.
00:03:59Sous-titrage Société Radio-Canada
00:04:29La première fois que j'ai vu Mitra, elle a surgit d'une ruelle en courant.
00:04:52Telle une apparition au milieu des gaz lacrymogènes.
00:04:55Elle fuyait la police après avoir participé à une manifestation.
00:05:03Par réflexe, je lui ai ouvert la portière de ma voiture.
00:05:06Elle a sauté dedans sans hésiter.
00:05:09Derrière son apparence de frêle jeune fille, je comprends rapidement que j'ai à côté de moi l'une des plus déterminées du mouvement.
00:05:33Toujours prête à battre les rappels des troupes.
00:05:35Salut les gars, comment ça va ?
00:05:42Pourquoi vous ne sortez pas ?
00:05:44C'est aujourd'hui qu'il faut sortir.
00:05:46Si vous ne manifestez pas aujourd'hui, ils exécuteront deux d'entre nous demain.
00:05:50Nous serons deux personnes de moins.
00:05:53Je vous en supplie, où êtes-vous ?
00:05:54Salut à tous.
00:05:58Mais qu'est-ce que vous faites ?
00:06:00Pourquoi vous ne venez pas ?
00:06:02Demain, ils ont prévu d'exécuter deux d'entre nous.
00:06:05C'est aujourd'hui le moment de sortir.
00:06:08Je vous en supplie, venez s'il vous plaît.
00:06:10Je m'appelle Mitra, j'ai 18 ans.
00:06:29Je suis étudiante en premier semestre de comptabilité.
00:06:32Je suis née et j'ai grandi dans une famille religieuse.
00:06:36Je suis prisonnière de ma maison et je sors très rarement.
00:06:39Je me lève le matin sans objectif, sans savoir quoi faire.
00:06:46Nous, les femmes iraniennes, n'avons pas de véritable avenir.
00:06:51Ici, une femme vaut la moitié d'un homme.
00:06:54Elle est considérée comme une marchandise.
00:07:02Mais si nous luttons aujourd'hui, c'est que nous sommes remplis d'espoir.
00:07:05De belles choses nous attendent bientôt.
00:07:09Quelques jours après notre rencontre, Mitra me laisse un message.
00:07:18Il a quelqu'un à me présenter.
00:07:21Il s'appelle Arash.
00:07:22Il a 19 ans.
00:07:24Cela fait un peu plus d'un an qu'il se fréquente.
00:07:27Brisant ainsi l'un des grands tabous de la République islamique d'Iran.
00:07:31La première fois que j'ai vu Arash, j'étais de sortie avec une de mes camarades.
00:07:39En réalité, ce jour-là, je n'avais pas remarqué Arash.
00:07:41Je venais à peine de sortir et ma mère n'arrêtait pas de m'appeler.
00:07:51Et puis, mon ami m'a dit que ce gars, dont je ne me souvenais pas,
00:07:55avait dit qu'il m'aimait bien et qu'il voulait mon numéro.
00:07:59Et nous avons commencé à nous parler et appris à nous connaître.
00:08:05Mais en Iran, il est très difficile d'avoir une relation, surtout à 18 et 19 ans.
00:08:10Mais nous n'avons aucune liberté, nous ne pouvons rien faire.
00:08:15Si nous allons au parc, nous serons repérés par la police.
00:08:18Dans les rues, tout le monde nous surveille.
00:08:21Nous ne pouvons rien dire à nos familles.
00:08:24Nous ne sommes pas autorisés à voyager, car c'est interdit pour les filles.
00:08:27Et nous ne pouvons même pas faire l'amour.
00:08:32Par exemple, une fois, Mitra est venue chez nous.
00:08:40Nous ne faisions rien de spécial.
00:08:44Nous étions vraiment assis à distance et nous faisions des recherches sur Internet.
00:08:52Et ma mère est arrivée.
00:08:57On ne faisait rien de mal.
00:09:00Mais parce qu'une fille était avec moi, dans notre maison,
00:09:04c'était une catastrophe pour notre réputation.
00:09:06Ma mère est entrée dans une rage folle.
00:09:11Elle s'est précipitée vers nous et nous a giflés tous les deux.
00:09:22À quoi tu penses ?
00:09:26À la liberté.
00:09:28Allez, imaginons que nous soyons libres.
00:09:30Si on était libres, on ferait ce qui nous plaît.
00:09:47On profiterait de la vie.
00:09:52Personne ne m'appellerait toutes les deux secondes pour me demander où je suis.
00:09:56Et dans mes rêves, on pourrait se tenir la main dans la rue.
00:09:59On pourrait aller à Paris.
00:10:02On irait dans les cafés sur les Champs-Elysées.
00:10:09Et surtout, je voudrais absolument t'embrasser en pleine rue.
00:10:12Hormis ces deux jeunes amoureux pleins de rêves et d'espoir,
00:10:32Jo Pen a trouvé d'autres témoignages.
00:10:34Mes compatriotes ont trop peur pour s'exposer.
00:10:36Combien de temps tu peux rester dehors ?
00:10:43Je dois être de retour avant que mon père ne rentre.
00:10:46C'est-à-dire ?
00:10:47C'est-à-dire à 20h30 ou 21h.
00:10:51Très bien.
00:10:54Alors disons 18h15,
00:10:56je serai sur le boulevard où on s'est rencontrés.
00:10:59Sur le même banc.
00:11:00Je t'attendrai.
00:11:06Allô ?
00:11:07Salut, comment ça va ?
00:11:09Alors où es-tu ?
00:11:10Tu devais venir.
00:11:12Honnêtement, j'y ai beaucoup réfléchi.
00:11:14Et je ne peux pas.
00:11:19Alors je compte plus sur toi.
00:11:22Non, je suis vraiment désolé.
00:11:24Et je te conseille d'abandonner ce projet.
00:11:26Je commence à douter de pouvoir mener à bien ce documentaire,
00:11:35lorsque je rencontre Kavey.
00:11:40Ce jour-là, je prends un taxi pour me rendre à l'autre bout de la ville.
00:11:44En engageant la conversation,
00:11:46je réalise vite que le chauffeur fait partie des révolutionnaires les plus virulents.
00:11:50Malgré les risques,
00:11:53il accepte immédiatement de participer à notre projet.
00:12:02Dans cinq minutes,
00:12:04je vais te montrer où vivent les membres du gouvernement et les mollas.
00:12:13Regarde.
00:12:14Ça, ça appartient à nos dirigeants.
00:12:16Regarde un peu l'espace qu'ils ont.
00:12:18Dans le meilleur endroit de la ville.
00:12:20Tout ça leur appartient.
00:12:25J'ai peur de filmer.
00:12:27Ils ont des caméras.
00:12:30Laisse-moi faire un tour.
00:12:32Peux-tu remonter la vitre ?
00:12:34Regarde ce bâtiment.
00:12:40Il appartient à l'imam des prières du vendredi.
00:12:43Un vrai château.
00:12:44Cinquante familles pourraient vivre dans un immeuble de cette taille.
00:12:47Je me demande bien où ils trouvent tout cet argent.
00:12:54À l'enfoiré.
00:12:55Regarde.
00:12:56Il a un autocollant de l'ancien chef des gardiens de la révolution.
00:13:00Je suis bien content que les Américains les réduis en bouillie.
00:13:03Et j'aimerais bien avoir un cocktail Molotov en ce moment.
00:13:06Vraiment dommage que je ne puisse pas faire grand chose.
00:13:12Regarde un peu ce mouchard.
00:13:13Ce mouchard des gardiens de la révolution.
00:13:15Vas-y, filme-le.
00:13:18Que tout le monde voit.
00:13:19Qu'est-ce que tu aurais fait si tu avais eu un cocktail Molotov ?
00:13:28Je l'aurais cramé.
00:13:29Je l'aurais cramé.
00:13:30Je m'appelle Kavé.
00:13:47J'ai 28 ans.
00:13:49Quand j'étais plus jeune, mon père était accro à la drogue.
00:13:53Un jour, il a quitté la maison et n'est jamais revenu.
00:13:56Ma mère a emprunté beaucoup d'argent pour acheter une vieille voiture
00:14:06afin de travailler dans le transport scolaire.
00:14:09C'était pour payer le loyer et tout le reste.
00:14:14Moi, j'adorais étudier.
00:14:17Alors j'ai décidé de faire la plonge dans un restaurant
00:14:20pour pouvoir me payer l'université en parallèle.
00:14:26Mais j'ai dû arrêter.
00:14:32Je n'ai aucun avenir ici.
00:14:36Quand je vois que les enfants des riches politiciens ou des molas mènent la belle vie,
00:14:41qu'ils vivent tous en Europe ou aux Etats-Unis
00:14:43ou alors ici, dans les quartiers très riches.
00:14:46Et nous alors ?
00:14:47On travaille jour et nuit pour ne rien gagner.
00:14:50Quand tu vois notre situation, pourquoi ne pas manifester dans les rues ?
00:14:56Mais tout le monde me dit, tu vas te faire tuer.
00:14:58Et alors ?
00:14:59À quoi bon vivre dans ces conditions ?
00:15:02J'ai cherché sur Internet la recette du cocktail Monotov.
00:15:20La seule chose qui pourrait apaiser un peu ma colère,
00:15:24ce serait de détruire quelques-unes des voitures des forces de l'ordre
00:15:27avec des cocktails Monotov.
00:15:28Viens, on en teste un.
00:15:36Imaginons que c'est la voiture d'un flic, là.
00:15:41Super.
00:15:42Ouais, ça brûle bien.
00:15:53C'est pour quand ?
00:15:55Ce soir ?
00:15:57Ce soir, j'espère.
00:15:59Quand ce sera le moment, les autres nous le feront savoir.
00:16:01En traversant le pays à la recherche de nouveaux témoignages,
00:16:12je m'interroge.
00:16:14Comment le peuple iranien a-t-il pu supporter cela si longtemps ?
00:16:18Comment avons-nous pu survivre dans ce pays où tout est interdit ?
00:16:26Chanter et danser en public pour les femmes.
00:16:36Se tenir la main, rire dans la rue, être heureux.
00:16:45Comment l'Iran a-t-il pu former autant d'intellectuels et d'artistes
00:16:49avec cette chape de plomb de la censure ?
00:16:53Je décide de creuser cette question.
00:16:58Par l'entremise d'un ami,
00:16:59je réussis à entrer en contact avec une jeune peintre.
00:17:03Je m'appelle Golbaor, j'ai 24 ans.
00:17:17Je viens d'une famille plutôt aisée.
00:17:24Mon père n'a jamais été trop strict.
00:17:27J'ai toujours pu vivre comme je le souhaitais.
00:17:33Ma mère a toujours tout fait pour ne pas porter le hijab obligatoire.
00:17:42Elle a d'ailleurs souvent eu des problèmes
00:17:43avec l'effort du régime à cause de ça.
00:17:59Je me souviens d'un épisode marquant pour moi.
00:18:03J'ai envoyé une de mes œuvres à une exposition.
00:18:08Elle avait été acceptée.
00:18:10C'était un portrait d'une femme avec les cheveux visibles.
00:18:14Et finalement, la responsable de l'exposition
00:18:16a couvert les cheveux avec du papier pour les cacher.
00:18:19Ça a été extrêmement violent pour moi.
00:18:35Après la mort de Massa Amini,
00:18:38avec plusieurs de mes amis,
00:18:40peintres ou comédiens,
00:18:42on se sentait vraiment déprimés.
00:18:43Et on n'arrivait pas à travailler.
00:18:53On se demandait si avec toute cette censure qu'on subissait,
00:18:58ça avait un sens de continuer à créer.
00:19:00Mais ensemble,
00:19:09on a trouvé la force de peindre un tableau.
00:19:20C'est la seule chose que je sais faire.
00:19:22Alors, par mon travail,
00:19:26j'exprime ma rage et ma protestation.
00:19:43Après chaque journée de tournage,
00:19:45je m'empresse d'envoyer les images à Virginie,
00:19:48qui montra le documentaire à Paris.
00:19:53Et de les supprimer de mon disque dur.
00:19:56Si jamais je me fais arrêter,
00:19:58il ne faut surtout pas qu'elles soient en ma possession.
00:20:01Ni pour moi,
00:20:02ni pour les personnes que j'ai filmées.
00:20:06Mais le réseau Internet est extrêmement lent en Iran.
00:20:10Le régime le ralentit volontairement
00:20:12pour que les opposants aient du mal à communiquer entre eux
00:20:15et à organiser leurs actions.
00:20:17Et pour avoir accès à tous les sites
00:20:19et éviter de me faire repérer par les forces de sécurité,
00:20:23je dois passer par un VPN,
00:20:25un logiciel qui me géolocalise à l'étranger.
00:20:29Parfois, il me faut plus de 24 heures
00:20:31pour envoyer quelques minutes de vidéos.
00:20:32Cela fait maintenant quelques semaines
00:20:42que je n'ai plus de nouvelles d'Omitra.
00:20:44J'ai essayé de la joindre,
00:20:46tenté de me renseigner pour savoir
00:20:48s'il lui était arrivé quelque chose.
00:20:50Mais je n'ai trouvé aucun indice.
00:20:54Quand je reçois enfin un signe de sa part.
00:20:56Pour échapper à la surveillance oppressante
00:21:07de sa famille très religieuse,
00:21:09elle leur a fait croire qu'elle partait étudier à Téhéran,
00:21:12à plusieurs centaines de kilomètres de là,
00:21:15et qu'elle logerait dans un internat
00:21:16de jeunes filles très strictes.
00:21:18Alors qu'en réalité,
00:21:21elle continue son combat,
00:21:24ailleurs,
00:21:25aux côtés de son petit ami Arash.
00:21:28Ma famille m'a emmenée à la gare
00:21:30et m'a fait monter dans le bus.
00:21:31On avait prévu un plan avec Arash.
00:21:34Il a pris un taxi et a suivi le bus.
00:21:36Dès qu'on est sortis de la ville,
00:22:02j'ai demandé au chauffeur d'arrêter le bus
00:22:04pour que je puisse descendre.
00:22:06Il a été surpris.
00:22:08Il m'a même demandé si j'étais sûre
00:22:09de vouloir descendre.
00:22:14Arash était là avec le taxi.
00:22:16Il faisait nuit,
00:22:18on avait vraiment froid.
00:22:18un garçon et une fille qui se promènent la nuit.
00:22:34On ne savait pas où aller.
00:22:43Un garçon et une fille qui se promènent la nuit.
00:22:48Ça pouvait attirer l'attention de la police.
00:22:50On risquait d'être arrêtés.
00:22:51Finalement, on s'est cachés sous un pont
00:22:56pour que personne ne nous voit.
00:23:04Et le lendemain,
00:23:06je suis partie à la recherche d'un lieu
00:23:07où dormir.
00:23:08Finalement, j'en ai trouvé un moins cher que les autres,
00:23:17même si c'était encore trop pour moi,
00:23:19qui n'est pas grand-chose.
00:23:19Et puis, j'ai trouvé un petit boulot.
00:23:37En partant ce soir,
00:23:39couvre-toi le visage
00:23:40pour ne pas être reconnu.
00:23:41Tu peux prendre des masques dans mon sac
00:23:45si tu n'en as plus.
00:23:48C'est bon, j'en ai.
00:23:49Garde-les pour toi,
00:23:50c'est plus important.
00:23:52Ça va ?
00:23:52Je ferai attention,
00:23:54ne t'inquiète pas.
00:23:56Toi, n'oublie pas qu'ils sont sans pitié.
00:23:58Ils frappent tout le monde.
00:23:59Sois prudente.
00:24:00Je reste à mes côtés
00:24:01et il ne se passera rien.
00:24:07Si on m'arrête,
00:24:08je dis que je ne te connais pas.
00:24:11On dit qu'on va faire des courses,
00:24:12qu'on ne fait que passer.
00:24:17Mais bon, ce sont des connards,
00:24:19des menteurs et des barbares.
00:24:22Ils te reprocheront toujours quelque chose,
00:24:24même si tu n'as rien fait de mal.
00:24:27Alors, quel est le plan pour ce soir ?
00:24:29Les gars sont en route.
00:24:35Arash, tu n'aurais pas dû laver avec ça.
00:24:38Pourquoi ?
00:24:38Ça marche bien.
00:24:40Ça va rayer le fond.
00:24:41D'accord.
00:24:50Salut Mohsen, comment vas-tu ?
00:24:54Pour ce soir,
00:24:55essaie de nous livrer au moins 1 000 tracts.
00:25:00Les gars, ce soir, à 23h,
00:25:02on se retrouve à la station 7.
00:25:04Assurez-vous de porter gants,
00:25:06masques, chapeaux,
00:25:07lunettes de soleil,
00:25:08vêtements confortables
00:25:09et chaussures adaptées.
00:25:11Vous avez l'habitude,
00:25:12on se retrouve tous
00:25:13et ensuite on se répartira
00:25:14deux par deux
00:25:14et on fait ce qu'on a prévu.
00:25:17depuis le début du soulèvement,
00:25:31j'entends parler de ces médecins
00:25:33qui soignent clandestimement
00:25:35les nombreux manifestants blessés.
00:25:37Impossible pour ces derniers
00:25:39de se rendre dans les hôpitaux
00:25:40sous peine d'être dénoncés au régime.
00:25:42Alors, le docteur Sopanier
00:25:50et ses collègues
00:25:51ont décidé de s'engager
00:25:52à leur manière
00:25:53en mettant leurs compétences
00:25:54au service de la cause.
00:25:57Il m'a fallu
00:25:58de longues semaines
00:25:59de discussions
00:25:59pour gagner sa confiance
00:26:01et le convaincre
00:26:02de me laisser l'accompagner
00:26:03dans ses tournées.
00:26:04Bonjour, docteur.
00:26:15Bonjour, qu'est-ce qui t'arrive ?
00:26:17J'ai très mal à l'œil, docteur.
00:26:19Qu'est-ce que je peux faire ?
00:26:23Ne t'inquiète pas,
00:26:24je vais t'examiner.
00:26:25Tu es au même endroit
00:26:26que la dernière fois ?
00:26:28Oui, je n'ai pas bougé.
00:26:30D'accord.
00:26:32J'arrive, à tout à l'heure.
00:26:34Je vais t'examiner les yeux maintenant.
00:27:04Là, ça ne va pas.
00:27:12Ton œil s'est infecté.
00:27:14Je dois demander conseil
00:27:15à un spécialiste.
00:27:16Je te donnerai son numéro
00:27:18pour que tu puisses
00:27:18t'adresser directement à lui.
00:27:20Merci, docteur.
00:27:21Je t'en prie.
00:27:21Je suis médecin depuis dix ans.
00:27:32Mon père était colonel
00:27:33dans la garde impériale
00:27:34du Shah d'Iran.
00:27:36Il n'a pas quitté l'Iran
00:27:37après la révolution islamique,
00:27:39donc il a été arrêté.
00:27:39des milliers de personnes
00:27:44ont été exécutées
00:27:45en quelques jours.
00:27:49Mon père a été
00:27:51miraculeusement libéré.
00:27:56Mais après sa libération,
00:27:58il était incapable
00:27:59de travailler
00:28:00à cause des tortures
00:28:01physiques et psychologiques
00:28:02qu'il avait subies.
00:28:09Son esprit était brisé
00:28:11et il s'est mis à la retraite.
00:28:15Peu de temps après,
00:28:17il a fait une crise cardiaque
00:28:19et il est mort.
00:28:19J'ai toujours été opposé
00:28:27au régime
00:28:28de la République islamique,
00:28:29mais je n'ai jamais participé
00:28:31à aucune des manifestations.
00:28:34Honnêtement,
00:28:35j'avais peur.
00:28:38Surtout après ce que le régime
00:28:40avait fait subir à mon père.
00:28:43Mais quand la nouvelle
00:28:44de la mort de la jeune fille
00:28:45s'est répandue,
00:28:46la mort de Massa Amini,
00:28:48j'ai pu constater
00:28:50le nombre élevé
00:28:51de blessés et de morts
00:28:52parce que j'étais
00:28:53en première ligne
00:28:53en tant que soignant.
00:28:56J'ai vu également
00:28:57les forces de l'ordre
00:28:58enlever les blessés
00:28:59à l'intérieur de l'hôpital.
00:29:03Je les ai même vus
00:29:04à plusieurs reprises
00:29:06faire disparaître
00:29:07les corps des personnes
00:29:08qu'elles avaient tuées.
00:29:10Si les forces de l'ordre
00:29:11faisaient ça,
00:29:11c'est parce que
00:29:12les blessures des victimes
00:29:13étaient tellement atroces
00:29:14avec de nombreuses plaies
00:29:15et des marques de coups
00:29:16que le régime craignait
00:29:17les réactions des familles
00:29:18de ces victimes.
00:29:20Je me souviens
00:29:21d'une petite fille
00:29:22qui avait reçu
00:29:22un coup de bâton
00:29:23si fort sur la tête
00:29:24que son oeil
00:29:25était sorti de son orbite.
00:29:29À ce moment-là,
00:29:30j'ai décidé de réagir
00:29:31et de faire tout ce que je pouvais
00:29:34pour aider les blessés.
00:29:34vos cicatrices vont mieux.
00:30:01Je vais retirer le pansement
00:30:03pour regarder.
00:30:04Il y a eu des saignements.
00:30:07Je vais changer le pansement.
00:30:08J'ai beaucoup de maux de tête
00:30:09et de vertiges.
00:30:11Ne vous inquiétez pas.
00:30:13Laissez-moi vérifier
00:30:14votre pression artérielle.
00:30:23Vos vertiges sont dus
00:30:24à une baisse de tension.
00:30:25Je vais vous poser une perfusion
00:30:27et vous vous sentirez mieux.
00:30:35Depuis 1979
00:30:36et l'avènement
00:30:37de la République islamique
00:30:39en Iran,
00:30:40à plusieurs reprises,
00:30:41le peuple a tenté
00:30:42de faire tomber l'origine.
00:30:43Mais pour la première fois,
00:30:49en ce début février 2023,
00:30:51j'ai l'impression
00:30:52que nous en sommes proches.
00:30:55Dans la rue,
00:30:57on assiste à des scènes
00:30:58que je n'aurais jamais cru voir un jour.
00:31:01Des jeunes iraniennes
00:31:01n'hésitant pas à humilier
00:31:03publiquement dirigeants et religieux.
00:31:05Et à l'étranger,
00:31:13pour la première fois
00:31:14depuis 1979,
00:31:16les opposants en exil
00:31:18de tous bords
00:31:18ont décidé de s'allier
00:31:20pour faire chuter les Molla.
00:31:27Salut Virginie.
00:31:29Aujourd'hui,
00:31:30j'ai eu envie de t'écrire
00:31:31pour partager avec toi
00:31:32mon espoir.
00:31:33Depuis hier,
00:31:35nous avons une coalition
00:31:36de l'opposition iranienne
00:31:38à l'étranger.
00:31:39C'est une grande première.
00:31:41Je sens que cette fois-ci,
00:31:42c'est la bonne.
00:31:46En plus,
00:31:47j'ai vu grâce à mon VPN
00:31:49qu'il y avait des manifestations
00:31:50pour nous soutenir en Europe
00:31:51et même à Paris.
00:31:58Salut Chouresh.
00:31:59Tu m'as peut-être vue
00:32:03sur les images.
00:32:04J'étais à la manifestation parisienne.
00:32:06Oui,
00:32:06il y a une vraie mobilisation
00:32:08pour vous ici.
00:32:09Nous sommes en pays !
00:32:12Nous sommes en pays !
00:32:14Nous sommes en pays !
00:32:16Nous sommes en pays !
00:32:16Tu n'imagines pas
00:32:19à quel point
00:32:20c'est important
00:32:21pour nous de savoir tout ça.
00:32:22Ça nous donne
00:32:23de la force et du courage.
00:32:31Mais nos élans d'euphorie
00:32:32sont régulièrement douchés
00:32:34par la réalité quotidienne.
00:32:35Alors que j'ai rendez-vous
00:32:38avec Kavey,
00:32:39deux chauffeurs de taxi militants,
00:32:41pour la suite
00:32:42de notre tournage,
00:32:43je tombe sur sa mère
00:32:44inconsolable,
00:32:46au milieu
00:32:46de leur appartement dévasté.
00:32:52Il était 8h
00:32:53ou 9h du matin.
00:32:55J'ai entendu du monde
00:32:56frapper à la porte.
00:32:58Je suis allée ouvrir.
00:33:00Plusieurs personnes
00:33:00sont entrées,
00:33:01le visage couvert.
00:33:02Je ne les connaissais pas du tout.
00:33:05Je ne savais pas
00:33:05qui ils étaient
00:33:06ni d'où ils venaient.
00:33:08Ils sont entrés
00:33:09dans la chambre.
00:33:11Kavey dormait.
00:33:12Ils rentraient du travail.
00:33:13Ils l'ont attrapé
00:33:14et ils l'ont emmené.
00:33:19Je n'arrêtais pas
00:33:20de demander
00:33:21qu'est-ce qui s'est passé,
00:33:22pourquoi l'emmenez-vous,
00:33:23qu'a-t-il fait ?
00:33:24Ils m'ont dit
00:33:24qu'ils me tiendraient au courant.
00:33:26Vous ne l'avez pas suivi
00:33:27pour voir où il était emmené ?
00:33:29Non, on ne sait pas
00:33:30où ils l'ont emmené.
00:33:30On ne sait même pas
00:33:32qui étaient ces gens.
00:33:34À mon avis,
00:33:35c'était les services
00:33:36de renseignement
00:33:36des gardiens de la révolution.
00:33:40J'avais entendu dire
00:33:41qu'ils faisaient éruption,
00:33:42qu'ils emmenaient les jeunes.
00:33:45Je n'ai aucune idée
00:33:46de quel crime on l'accuse.
00:33:48Je n'ai aucune nouvelle de lui.
00:33:52Ils ne lui ont rien pris ?
00:33:54Il n'y avait rien de suspect ?
00:33:56Ils ont pris le disque dur
00:33:58de son ordinateur
00:33:59mais n'ont rien trouvé d'autre.
00:34:03Ils m'ont menacée.
00:34:04Je ne dois en parler à personne.
00:34:06J'ai tellement peur
00:34:07qu'il fasse quelque chose
00:34:08à mon fils,
00:34:09comme ils l'ont fait
00:34:10à tant d'autres.
00:34:10mitra, elle a jusqu'à là
00:34:34réussi à échapper à la police
00:34:36et tente de profiter
00:34:37des plaisirs clandestins
00:34:39que s'octroient régulièrement
00:34:40malgré le danger
00:34:42que cela représente
00:34:43la jeunesse iranienne.
00:34:44J'ai tellement peur.
00:34:45Il est en train de se
00:34:46de se
00:34:50dans les mains
00:34:51de la police
00:34:52de la police
00:34:52au
00:34:53il est en train de se
00:34:54et
00:34:55les bâtiments
00:34:55de la police
00:34:56des
00:34:56de
00:34:57de
00:34:58de
00:34:58de
00:34:59de
00:34:59de
00:35:00de
00:35:00C'est génial
00:35:30Ses parents la croient toujours dans un internat géré par le régime à plusieurs centaines de kilomètres au-delà, mais ne relâchent pas la pression pour autant.
00:35:39Oui, maman, salut.
00:35:55Je t'ai dit que j'avais cours aujourd'hui, ça fait dix fois que tu m'appelles.
00:35:59Je suis en classe, je ne peux pas répondre au téléphone.
00:36:04Tu me saoules, j'en peux plus.
00:36:09Je t'ai dit que j'étais en cours toute la journée.
00:36:13Oui, j'ai des cours tous les jours.
00:36:17Ok, je t'enverrai mon emploi du temps.
00:36:20Je te l'ai proposé, mais tu n'en as pas voulu.
00:36:24Tu n'as qu'à appeler l'université ?
00:36:28Mais oui, bien sûr que je mets mon voile pour aller à l'université.
00:36:36Ok, maman, ça suffit.
00:36:37J'en ai assez.
00:36:51Après quelques mois de flottement face au mouvement Femmes, Vie, Liberté,
00:36:56le régime est repassé à l'offensive.
00:36:58Le guide suprême nous abreuve de discours de propagande sur les médias d'État.
00:37:03Pour la présence de propagande,
00:37:07La présence d'uni d'uni d'uni d'uni d'uni d'uni d'uni,
00:37:11c'est un peu comme un peu comme un d'uni d'uni.
00:37:12C'est une chose qui n'a pas voulu.
00:37:16Ce n'a pas voulu.
00:37:19Nos enfants sont pas voulu.
00:37:20Les hommes, nous sont prises.
00:37:23Seuls et nous sont prises.
00:37:25Nous devons être prises.
00:37:26Nous devons respecter.
00:37:28Dans la rue, une répression encore plus sévère s'organise.
00:37:58Un peu partout, des caméras de surveillance intelligentes sont censées repérer et identifier les femmes ne portant pas le voile.
00:38:09Et les arrestations arbitraires pour étouffer toute résistance se multiplient. Personne n'est à l'abri.
00:38:28Virginie, c'est moi. J'ai été arrêté, mais j'ai réussi à m'échapper. J'ai dû me cacher quelques jours.
00:38:55J'espère que tu n'as pas essayé de me joindre. Ils ont pris mon téléphone et ma caméra.
00:39:01Si jamais ils se rendent compte que je communique avec une occidentale.
00:39:10Tellement contente d'avoir de tes nouvelles, je n'en pouvais plus d'attendre.
00:39:14Comme promis, je ne t'ai envoyé aucun message, ne t'inquiète pas.
00:39:17En lisant les journaux étrangers sur Internet, je prends la mesure du nombre de victimes de notre mouvement.
00:39:29Près de 600 morts dans les manifestations, dont plusieurs dizaines d'enfants.
00:39:34Près de 200 000 personnes ont été arrêtés.
00:39:44Une dizaine a déjà été exécuée.
00:39:47D'autres attendent dans le couloir de la mort.
00:40:07Sans compter ceux qui, comme Corvé, le chauffeur de taxi, manquent toujours à l'appel.
00:40:17Qu'ils aillent tous au diable.
00:40:21Chaque jour, sa mère fait le tour des commissariats et des prisons pour tenter de retrouver sa trace.
00:40:26Ils me forcent à porter le tchador, ce maudit hijab obligatoire.
00:40:32Je suis obligée de porter ça pour m'adresser aux autorités.
00:40:37J'espère qu'ils iront tous en enfer.
00:40:40Je n'ai jamais été confrontée à une telle situation.
00:40:45Mon Dieu, aidez-moi.
00:40:48J'ai tellement peur.
00:40:51Je n'ai pas réussi à manger ni à dormir depuis des jours.
00:40:56Je n'ai qu'un seul fils.
00:41:11Je donnerai ma vie pour lui.
00:41:13Je ne peux pas rester assise et attendre.
00:41:15Et s'il ne me donne que son cadavre, comme tant d'autres...
00:41:24Comment ça va ? Tout va bien ?
00:41:26Je suis arrivée.
00:41:29Je suis juste à côté du tribunal en ce moment.
00:41:33Et personne ne me donne vraiment de réponse.
00:41:37Ils ne te répondront pas.
00:41:40Quand je leur dis son nom, ils me disent qu'il n'est pas là.
00:41:46Oui, j'ai aussi essayé de me renseigner, mais personne ne veut me répondre.
00:41:49Et qu'est-ce qu'on fait pour l'avocat ?
00:41:54J'ai parlé à deux amis.
00:41:56Ils m'ont dit que le tribunal désignerait un avocat commis d'office.
00:42:00Je ne sais pas ce qu'il y a de mieux à faire.
00:42:02Je dois encore y réfléchir.
00:42:03Qu'est-ce que je dois faire ?
00:42:10Ils vont tuer mon fils.
00:42:12Non, ça n'arrivera pas.
00:42:14Ne pleure pas.
00:42:15On va trouver une solution.
00:42:19S'il te plaît, fais quelque chose.
00:42:21Je t'en supplie.
00:42:23Je vais d'abord voir si je peux le trouver.
00:42:25Au moins pour savoir s'il est vivant ou non.
00:42:26Ils m'ont dit que je devais chercher dans les prisons, une par une.
00:42:33Mais lesquelles ?
00:42:35C'est la question que j'ai posée.
00:42:36Ils ne m'ont pas répondu.
00:42:38Ce matin, je les ai entendus dire à des gens de récupérer le cadavre de leur enfant, quelque part.
00:42:43Mais c'était faux.
00:42:45C'était juste pour briser leurs espoirs.
00:42:47Je fais quoi ?
00:42:49Je vais me renseigner.
00:42:50Tu ferais mieux de rentrer chez toi.
00:42:54Rentre chez toi et prends soin de toi.
00:42:56D'accord. Au revoir. Au revoir.
00:43:21Le temps passe.
00:43:22Cela fait maintenant plus de huit mois que le soulèvement a commencé.
00:43:30Nous espérions la chute rapide du régime.
00:43:33Mais nous comprenons désormais qu'il faudra tenir sur la durée.
00:43:37Alors même que le quotidien est chaque jour plus insupportable en Iran.
00:43:41Entre les sanctions économiques internationales et nos dirigeants corrompus qui s'accaparent de quelques richesses qu'il nous reste,
00:43:55la population s'enfonce dans la pauvreté.
00:43:57Sommes membres de la misère,
00:44:26ces affiches qui fleurissent dans les grandes vides iraniennes proposant des organes contre-monnaissonnantes et trébuchantes.
00:44:33Quand je travaille, je ne gagne jamais assez.
00:44:49Parfois, je cumule deux boulots.
00:44:54Mais tout ce que je gagne part dans le loyer ou dans la nourriture.
00:44:58Un jour, j'ai fait des recherches sur Internet pour savoir comment les gens devenaient riches.
00:45:06Et je suis tombé sur une annonce pour vendre son rein.
00:45:09On m'appelle Sina.
00:45:20Je vis seul.
00:45:22Ma mère n'en a rien à faire de moi.
00:45:25Elle dit que je ne suis pas son enfant.
00:45:28Et mon père est un drogué.
00:45:29Il ne s'intéresse qu'à lui-même.
00:45:30J'ai toujours voulu être magicien.
00:45:43Je m'imaginais qu'en devenant magicien, je pourrais jouer dans des films.
00:45:47Comme toutes ces stars qui ont des maisons et des voitures et qui peuvent aider les pauvres.
00:45:51Si je parviens à vendre mon rein, je n'aurai plus besoin d'emprunter.
00:45:59Ça me fera un peu d'argent pour mon avenir.
00:46:01Allô ?
00:46:22Bonjour, désolé de vous déranger.
00:46:26J'ai vu votre annonce pour un rein.
00:46:28Est-il encore disponible ?
00:46:31Oui, en effet.
00:46:34Je souhaiterais l'acheter pour 15 500 euros, si vous êtes d'accord, bien sûr.
00:46:39Pour combien ?
00:46:4015 500 euros, en liquide.
00:46:45Ça vaut plus que ça en ce moment.
00:46:49Mon rein est en bonne santé.
00:46:51Je ne bois pas d'alcool, je ne fume pas.
00:46:54Il est sain.
00:46:56Si vous êtes d'accord pour 15 500 euros, enregistrez mon numéro.
00:47:01Rappelez-moi pour qu'on règle ça et que je vous remette l'argent.
00:47:07Non, 15 500, c'est trop peu.
00:47:10Pas de problème.
00:47:11Bonne continuation.
00:47:12Rappelez-moi si vous changez d'avis.
00:47:14Bonne journée.
00:47:16Bonne journée.
00:47:16Qui vendrait un rein pour 15 500 euros ?
00:47:22Ça n'a aucun sens.
00:47:26Qu'est-ce que je vais faire, mon Dieu ?
00:47:2815 500 euros, ce n'est pas assez.
00:47:31J'ai besoin de beaucoup plus.
00:47:32Tu préfères donc avoir l'argent avec un corps handicapé ?
00:47:38Bien sûr.
00:47:40Je préfère vivre en paix pendant deux semaines ou un mois
00:47:43plutôt que de vivre dans le besoin tous les jours.
00:47:48C'est terrible, cette souffrance au quotidien.
00:47:51La crainte de ne pas avoir assez d'argent pour acheter du pain.
00:47:54De ne pas vivre correctement.
00:47:55Avec la répression et la surveillance toujours plus grandes,
00:48:16les manifestations se font plus rares.
00:48:22Mais une nouvelle forme de résistance se met en place.
00:48:25Peut-être moins spectaculaire,
00:48:27mais tout aussi courageuse et déterminée.
00:48:49La jeune peintre Golbahor délaisse régulièrement ses pinceaux
00:48:54pour tenter d'entretenir la flamme de l'espérance.
00:48:58Si j'écris ces petits messages,
00:49:02c'est parce qu'en ce moment,
00:49:04les Iraniens portent un fardeau de tristesse
00:49:07et de colère,
00:49:11trop lourd pour leurs épaules.
00:49:13avec ça,
00:49:18je veux rappeler que nous devons garder espoir.
00:49:23Parfois, le quotidien est tellement dur.
00:49:28Mais le fait de se souvenir que nous sommes nombreux,
00:49:31que nous sommes là les uns pour les autres,
00:49:33ça apaise nos souffrances
00:49:37et les rends supportables.
00:49:45Une initiative qui peut paraître anodine vue d'Occident,
00:49:49mais qui pourrait lui coûter au minimum
00:49:51de longues années de prison.
00:49:52Après plusieurs semaines de recherches vaines,
00:50:01la mère de KV,
00:50:02le chauffeur de taxi,
00:50:04se raccroche désormais
00:50:05à tous les petits signes d'espoir.
00:50:09Là, je vais dans un marché.
00:50:11Il s'appelle le marché du diable.
00:50:13On m'a dit que je pouvais y trouver
00:50:16des pigeons blancs.
00:50:20C'est ce que je cherche maintenant,
00:50:21un pigeon blanc.
00:50:25Je le relâcherai,
00:50:26dans l'espoir que mon fils soit libéré aussi.
00:50:38Donne-lui l'argent.
00:50:40Combien ça fait ?
00:50:4240, Thomas.
00:50:54Merci.
00:50:57Merci.
00:50:57Merci.
00:51:27Nous avons beaucoup d'espoir
00:51:32et je suis certaine que notre révolution
00:51:34finira par l'emporter.
00:51:40Quant à Mitran et Orash,
00:51:42ils défilent au pouvoir
00:51:43en vivant leur histoire d'amour au grand jour.
00:51:46« À la télé,
00:51:51les religieux disent que si nous subissons
00:51:53une grande sécheresse,
00:51:55c'est parce qu'on ne respecte pas
00:51:56l'obligation de porter le hijab,
00:51:58que cela met Dieu en colère.
00:51:59mais depuis que les femmes enlèvent leur voile,
00:52:06il pleut bien plus souvent.
00:52:13Cette année, il a vraiment beaucoup plu ici,
00:52:16à tel point qu'il y a maintenant une rivière
00:52:17qui traverse notre ville.
00:52:18Arash et moi avons décidé
00:52:21de nous y promener.
00:52:23J'avais dit à Arash
00:52:25que je voulais y aller sans voile.
00:52:32C'est vraiment des super moments.
00:52:34Mais en même temps,
00:52:35j'ai toujours peur
00:52:36qu'il se passe quelque chose.
00:52:37« À tout instant,
00:52:40la police peut m'arrêter
00:52:41parce que je ne porte pas le voile.
00:52:45Ou bien un gardien de la révolution
00:52:47peut m'abattre, de loin.
00:52:57Mais enlever mon voile
00:52:58et marcher tête nue
00:52:59me permet de me sentir libre.
00:53:00Surtout aux côtés de mon petit ami.
00:53:11Et c'est aussi pour manifester
00:53:13publiquement mon opposition au régime.
00:53:15Je suis allée au tribunal ce matin.
00:53:31Ils m'ont dit que la lettre
00:53:32pour la libération de KV
00:53:33avait été délivrée.
00:53:35Mais ils ne me l'ont pas donnée.
00:53:36Depuis, j'attends ici.
00:53:38Mais il n'est toujours pas sorti.
00:53:39Je suis tellement inquiète.
00:53:45Oh, le voilà.
00:53:55Il est là.
00:54:01C'est lui.
00:54:02Bonjour, mon fils.
00:54:15Bonjour, maman.
00:54:36Comment vas-tu, mon chéri ?
00:54:37Mon bébé ?
00:54:37Ils vont nous tomber dessus
00:54:38si on reste ici.
00:54:39Tu m'avais promis de faire attention.
00:55:03J'ai fait attention, maman.
00:55:05J'y suis pour rien.
00:55:06Tu n'as pas idée
00:55:07de ce que j'ai vécu
00:55:08pendant tout ce temps.
00:55:09C'est ma voiture.
00:55:13Je savais que tu serais content
00:55:14de la voir.
00:55:15Alors, je suis venue avec.
00:55:24Je suis tellement anxieuse.
00:55:26C'est mieux si c'est toi
00:55:26qui conduis.
00:55:27Qu'avec, qu'est-ce que c'est ?
00:55:39C'est une marque de torture ?
00:55:45Non, non.
00:55:47C'est plus comme avant.
00:55:48Ils ne frappent pas.
00:55:49Ils essayent de te briser mentalement.
00:55:51Ils ne t'ont pas torturé ?
00:55:53Ils te torturent psychologiquement.
00:55:55C'est pire que de te battre.
00:55:57Ça me brise le cœur.
00:55:59J'ai été placé à l'isolement
00:56:00pendant 40 jours.
00:56:02Je ne savais pas où j'étais.
00:56:06Je ne pouvais pas savoir
00:56:07si on était le jour ou la nuit
00:56:08ni quelle heure il était.
00:56:11Il n'y avait personne.
00:56:12Et puis, quelqu'un
00:56:14est venu me parler.
00:56:16Je ne savais pas
00:56:16si je pouvais le croire.
00:56:18Il a dit qu'il était juge
00:56:19et que j'avais été condamné
00:56:21à 20 ans de prison.
00:56:23Quelle horreur.
00:56:25Quand ils m'ont emmené en prison,
00:56:28je pensais que j'allais me retrouver
00:56:29au milieu de meurtriers
00:56:30et de criminels.
00:56:33Mais pas du tout.
00:56:36Tous des intellectuels.
00:56:37Toutes les personnes
00:56:40scènes d'esprit
00:56:41qui réfléchissent un peu.
00:56:43Tous sont enfermés là-bas.
00:56:46Ils ont tous été emprisonnés.
00:56:52C'est une université de haut niveau
00:56:54à l'intérieur de la prison.
00:57:00Dieu merci, tu es libre qu'avait.
00:57:03Dieu merci.
00:57:05Sois plus prudent
00:57:06à partir de maintenant.
00:57:07S'il te plaît,
00:57:08nous sommes sous surveillance.
00:57:10Je t'en supplie,
00:57:11j'en peux plus.
00:57:12Il faudra bien
00:57:13qu'ils finissent
00:57:13par dégager un jour.
00:57:16Tu te feras tuer.
00:57:18Au moindre faux pas,
00:57:19ils ne te louperont pas.
00:57:22Tu dois faire attention.
00:57:24Si quelque chose se passe,
00:57:26je manifesterai à nouveau
00:57:27jusqu'à ce que ces salauds
00:57:29soient partis.
00:57:30Fais attention.
00:57:31Tu n'auras pas toujours
00:57:31la chance de t'en sortir vivant.
00:57:37à ce moment-là.
00:57:38Je t'en supplie.
00:57:39Je t'en supplie.
00:57:39Je t'en supplie.
00:57:39Je t'en supplie.
00:57:40Je t'en supplie.
00:57:41Voilà maintenant
00:57:54plus de 18 mois
00:57:55que je parcours l'Iran
00:57:56pour documenter
00:57:57le soulèvement
00:57:58femme-vie-liberté.
00:57:59A plusieurs reprises,
00:58:01j'ai échappé de justesse
00:58:02à une arrestation.
00:58:04Mais je sens que l'étau
00:58:06se resserre.
00:58:07La police me convoque
00:58:09régulièrement au commissariat.
00:58:11Interroge mes proches
00:58:12sur mes allées et venues
00:58:13et mon travail.
00:58:15Il est temps pour moi
00:58:16de partir.
00:58:17Une dernière fois,
00:58:27je m'imprègne
00:58:28de ces paysages,
00:58:29de ces odeurs
00:58:30qui ont bercé
00:58:31toute ma vie.
00:58:36Je ne sais pas
00:58:37ce qui m'attend
00:58:38de l'autre côté
00:58:39de la frontière.
00:58:40Mais une chose
00:58:41est certaine.
00:58:43Dès la chute
00:58:43de la République islamique,
00:58:45je serai de retour
00:58:46dans mon pays.
00:59:16Sous-titrage Société Radio-Canada
00:59:42Sous-titrage MFP.
01:00:12...

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