Le forum "Reprendre le pouvoir sur nos vies" aura lieu les 13 et 14 juin à Nantes, avec l'historien et sociologue Pierre Rosanvallon, et Claire Thoury. Elle a présidé le comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie.
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00:00Et un grand entretien ce matin autour d'une belle question, comment réveiller nos démocraties ?
00:05Questions urgentes et questions que vont se poser nos invités et de nombreux intervenants
00:11pendant deux jours de débats et de conférences dans la ville de Nantes, les 13 et 14 juin.
00:18Vos questions, réactions chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
00:25Deux invités, je vous le disais, Pierre Rosanvallon et je vais y revenir dans un instant.
00:33Pierre Rosanvallon évidemment et Claire Toury. Bonjour à tous les deux.
00:36Bonjour.
00:37Pierre Rosanvallon, vous êtes l'un de nos grands intellectuels.
00:40Je retrouve mon bon sens, directeur d'études de l'EHSS en histoire et philosophie du politique.
00:46Vous avez écrit plusieurs ouvrages de référence sur la vie démocratique, ancien professeur au Collège de France.
00:51Et Claire Toury, vous êtes présidente du mouvement associatif qui regroupe...
00:56La moitié des associations en France.
00:57Ça représente combien ?
00:58700 000 associations.
00:59700 000 associations et vous avez présidé le comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie
01:06et membre du pacte de pouvoir de vivre.
01:08On va démarrer par une question d'actualité et par la colère du président de la République dans la presse ce matin,
01:15Pierre Rosanvallon, vous aviez écrit un texte passionnant sur la démocratie écologique
01:20avec cette idée que les régimes démocratiques ont du mal à intégrer le souci du long terme dans leur fonctionnement.
01:26Emmanuel Macron lui dit, alors qu'il en est à 8 ans d'exercice du pouvoir,
01:31« je n'ai pas de leçons d'écologie à recevoir »
01:34et il dénonce les récents reculs environnementaux du gouvernement sur la question.
01:40Comment prendre à la fois la colère présidentielle et la difficulté à imposer l'écologie dans le débat public
01:47et dans la question démocratique, Pierre Rosanvallon ?
01:50La question, c'est l'alternance de la colère et de la passivité.
01:56Ça fait typiquement partie de ces grandes questions sur lesquelles il y a une conscience théorique des problèmes
02:02et il y a une inaction pratique.
02:06Pourquoi ?
02:07Non pas parce qu'il n'y a pas une conscience suffisante du futur,
02:10parce que ça on nous le serine tous les jours.
02:13Chaque Français sait bien les difficultés qui vont venir.
02:16Nous avons tous des chiffres dans la tête sur le CO2, sur toutes les difficultés.
02:20Mais on ne peut intégrer le long terme dans les décisions du présent
02:25que si on donne un visage à ce long terme.
02:28Il est évident que si on parle de nos enfants, de nos petits-enfants,
02:32à ce moment-là, il y a déjà un long terme qui prend une figure directe.
02:35Mais même dans ce cas-là, même ce long terme le plus près de nous,
02:40qui est nos enfants et nos petits-enfants,
02:41on voit bien que quand on discute retraite,
02:43quand on discute répartition, très souvent déjà, on fait défaut à cette proximité.
02:50Donc la démocratie, c'est d'abord cela.
02:53C'est un petit peu un exercice pour rendre présente,
02:57pour donner chair à ce que nous vivons.
02:59Claire Toury, même question sur la démocratie écologique.
03:02Ce qui est frappant, c'est la colère du président de la République.
03:05Et d'un autre côté, la passivité ou la colère dont parlait Pierre-Rosan Vallon.
03:08Et de l'autre côté, l'action des associations.
03:10Parce que pour le coup, si le gouvernement avance ou recule,
03:14il y a des centaines, des milliers d'associations
03:17qui agissent en faveur de l'écologie au quotidien.
03:20Absolument.
03:21Et puis c'est ce que je pensais en écoutant Pierre et suite à votre question.
03:24C'est aussi le sens de ce débat, de ce forum qu'on organise à Nantes la semaine prochaine.
03:27C'est aussi le sens du Pacte du Pouvoir de Vivre.
03:29C'est 60 organisations qui se sont rassemblées après la crise des Gilets jaunes
03:33pour essayer d'articuler à la fois les enjeux de transition écologique et de justice sociale.
03:37Et alors pour compléter ce que disait Pierre-Rosan Vallon à l'instant,
03:41moi ce qui me frappe là aujourd'hui, c'est cette incapacité du politique
03:45à prendre des décisions aujourd'hui en anticipant l'avenir et le futur.
03:50Et donc finalement, ce que dit le président de la République,
03:53j'allais dire c'est anecdotique, c'est pas vrai, mais c'est pas vraiment le sujet.
03:57Le sujet c'est pourquoi est-ce qu'aujourd'hui on n'est pas capable d'enclencher
04:01des décisions majeures pour la transition écologique
04:05et pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas avec les citoyens, avec la société civile
04:10et en essayant de le faire dans un débat démocratique exigeant.
04:13Donc c'est l'objectif de ces deux journées à Nantes précisément où on en débattra beaucoup.
04:17Alors le titre officiel c'est comment reprendre le pouvoir sur nos vies
04:21et il est effectivement question pendant ces deux jours de réveiller la démocratie.
04:25Pierre-Rosan Vallon, mais est-ce qu'elle dort la démocratie ou est-ce qu'elle est moribonde ?
04:29Parce qu'il y a eu quand même beaucoup d'événements marquants,
04:30il y a eu y compris le nom au référendum sur la constitution européenne il y a 20 ans maintenant
04:35qui a été contourné par le traité de Lisbonne.
04:37Il y a eu plus récemment l'usage répété du 49-3 pour passer en force sur certains textes au Parlement.
04:43Est-ce que c'est une véritable crise ?
04:46On peut dire oui qu'il y a une sorte de fatigue démocratique qui se traduit d'une double façon.
04:53La première façon c'est l'enfermement même de l'idée de démocratie simplement dans le débat électoral.
04:59On fait comme si la démocratie c'était simplement, et c'est ça aussi en partie,
05:04c'était arbitré entre des compétiteurs.
05:08Donc il y a cette dimension directement politique de la démocratie
05:11qui est je dirais nécessaire mais elle n'est pas suffisante.
05:16Et puis ce qui n'est pas suffisant non plus dans la démocratie,
05:19c'est qu'au fond la démocratie elle doit être là pour nous apprendre à faire société commune.
05:25Or on voit aujourd'hui que nous sommes dans des sociétés de plus en plus polarisées,
05:30dans des sociétés de plus en plus divisées.
05:32Donc le but de notre entreprise de réflexion que nous lançons avec ce forum,
05:38c'est justement de parler de la démocratie concrète.
05:42La démocratie ce n'est pas simplement sélectionner,
05:44la démocratie ce n'est pas simplement arbitrer,
05:47la démocratie c'est aussi représenter, dire ce que vivent les gens.
05:51La démocratie c'est aussi contrôler,
05:55la démocratie c'est aussi surveiller les pouvoirs.
05:58Donc on veut faire vivre, pendant ces deux jours,
06:01mais j'espère après de multiples façons,
06:03faire vivre les fonctions vivantes de la démocratie
06:07et pas simplement la réduire à la démocratie électorale.
06:10Claire Toury, je vous voyais acquiescer aux paroles de Pierre Rosanvelon,
06:14la démocratie concrète ce n'est pas que le débat électoral,
06:17ça vous le voyez bien avec le mouvement associatif.
06:19Ah oui c'est certain, quand vous savez qu'on a 20 millions de bénévoles aujourd'hui en France,
06:225,4 millions d'associations, 70 000 associations qui se créent chaque année,
06:26donc on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'espace démocratique du quotidien.
06:29Mais il me semble que, pour compléter ce que disait Pierre Rosanvelon,
06:31il me semble que l'enjeu de ces deux jours est au-delà du moment,
06:34c'est de lutter ou de résister à une forme d'ambivalence.
06:37En fait on est pris dans une ambivalence qui est assez difficile,
06:39puisque d'un côté il y a une impuissance très forte que l'on ressent toutes et tous,
06:44face à des forces obscures qui prennent de l'ampleur
06:46et face au tumulte du monde que l'on connaît, il y a ça.
06:49Et dans le même temps, il y a aussi une puissance du quotidien.
06:52Quand on voit ces individus qui se rassemblent autour de tout un tas de projets hyper concrets,
06:57du club de foot, au comité des fêtes,
07:00en passant par les colonies de vacances, le festival culturel, etc.
07:05Quand on voit tous ces gens qui se rassemblent pour faire ça,
07:07on ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'action,
07:08on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de démocratie concrète au quotidien.
07:10Et donc c'est la réconciliation de ces deux réalités qu'il faut qu'on arrive à travailler ensemble
07:16pour entrevoir des solutions qui nous conviennent à tous.
07:18Pour 78% des Français,
07:20ce sont les chiffres d'une étude sur les fractures françaises de la Fondation Jean Jaurès,
07:26pour 78% des Français, le chiffre est considérable,
07:29la démocratie ne fonctionne pas bien et ça ne cesse d'augmenter.
07:34Comment qualifier le temps démocratique dans lequel nous sommes,
07:37où il y a à la fois la défiance, l'abstention, la retenue, la critique, Pierre-Rosan Vallon ?
07:44Bon, il ne s'agit pas simplement de réveiller, les gens sont réveillés
07:47et quand ils se réveillent, ils sont en général en colère.
07:49Mais comment les faire délibérer ou participer ?
07:51C'est vrai qu'il y a à la fois de la colère mais de la résignation.
07:55Il y a un sentiment d'impuissance aussi.
07:59Je pense qu'il faut faire vivre ce que j'appellerais une démocratie civile.
08:04Une démocratie civile, justement, ça veut dire être une démocratie
08:11dans laquelle des citoyens s'organisent pour parler de ce qu'ils vivent.
08:16On va bientôt publier, je crois, les premiers résultats universitaires
08:19de l'exploitation des cahiers de doléances qu'il y a eu avec les gilets jaunes.
08:26Ils vont bientôt être ouverts au public.
08:28Voilà, mais ils ont commencé à être exploités.
08:29Donc, tout ça, il faut que la prise de parole...
08:33Il y a un philosophe anglais qui disait la démocratie,
08:36ce n'est pas simplement la voix du peuple.
08:38La voix du peuple, c'est son bulletin de vote, c'est protester dans la rue, c'est marcher.
08:42Il y a aussi l'œil du peuple.
08:44Donc, il faut faire vivre l'œil du peuple.
08:46Il faut faire vivre ses formes de représentation.
08:49Et quand on aura une démocratie civile forte, à ce moment-là,
08:53on pourra commencer à faire pression pour que la démocratie politique nécessaire,
08:59la démocratie électorale classique, en tienne compte.
09:03Je le disais, Claire Thory, vous avez donc été à la tête du comité de gouvernance
09:08de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
09:10Il y a eu une Convention citoyenne sur le climat.
09:13Est-ce que ce sont, là, pour le coup, des modèles et des espaces particulièrement adaptés
09:19à ce renouveau, à ce réveil démocratique que vous appelez de vos voeux ?
09:23Oui, alors, c'est clair, ça marche.
09:25C'est extrêmement...
09:25Ça marche ?
09:26Ça marche, c'est hyper puissant.
09:27Et qu'est-ce qui marche, justement ?
09:29Ce qui marche, c'est de rassembler des citoyens tirés au sort,
09:32représentatifs de la diversité de la population française,
09:34monsieur et madame tout le monde en substance,
09:36qui vont, dans un cadre organisé, débattre de façon exigeante.
09:40Et c'est intéressant, parce que je lisais un article en venant là tout à l'heure,
09:42qui dit, finalement, le problème de notre époque, c'est qu'on ne débat plus,
09:46ou plutôt, on a du mal avec les désaccords.
09:48C'est comme si les désaccords étaient impossibles.
09:51Après le Covid, on n'osait plus parler de vaccins.
09:54Et puis après, on ne parle plus de politique, on ne parle pas de religion.
09:56On a toujours peur, en fait, du conflit, comme si le conflit était paralysant.
10:00Voilà, et comme si le conflit nous renvoyait à quelque chose de très intime
10:03et très individuel qu'on n'arrivait pas à dépasser.
10:05Ce qu'on a fait pendant quatre mois, au moment de la Convention citoyenne sur la fin de vie,
10:09c'est qu'on a fait débattre des citoyens profondément en désaccord sur un sujet extrêmement difficile.
10:14Et on leur a demandé d'essayer de construire un chemin
10:16en essayant de se mettre à la place de l'autre,
10:20de conjuguer des affects, des convictions, des peurs, mais aussi des envies.
10:27Et surtout, de le faire avec beaucoup d'humilité, beaucoup d'exigence et beaucoup de nuance.
10:31Et c'est ce qu'on a fait pendant quatre mois.
10:33Mais, alors, il y a la Convention citoyenne sur la fin de vie qui est une forme d'expérimentation,
10:37d'expérience réelle et extrêmement forte, mais on peut le faire ailleurs.
10:42C'est créer des espaces de désaccords organisés.
10:44Et on le fait dans nos associations, par ailleurs.
10:46J'étais à mon Assemblée générale vendredi, l'Assemblée générale du mouvement associatif.
10:49Je peux vous dire qu'on débat.
10:50Je peux vous dire qu'on a des désaccords.
10:52Et ça ne nous empêche pas de parler pour autant,
10:55parce qu'on a le souci de trouver des solutions.
10:57Claire Toury, pour prolonger sur la fin de vie,
10:59les conclusions de cette Convention, elles avaient été rendues il y a deux ans.
11:03La loi, elle a été votée par le Parlement le mois dernier.
11:08Est-ce que c'est un temps trop long par rapport au travail qui avait été fait ?
11:13Ou est-ce que finalement, c'est le temps nécessaire ?
11:16C'est-à-dire, qu'est-ce que les résultats ont été pris en compte de la façon dont vous l'espériez ?
11:19Oui, alors, moi, ce que j'espérais, c'est que surtout, on aille au bout.
11:22C'est-à-dire qu'on monte l'articulation possible entre une démocratie civile,
11:28parce qu'il y avait ça, il y a la place de la société civile qui a été très importante,
11:31une démocratie participative et délibérative,
11:34puisque c'est ce qu'on a fait avec cette Convention citoyenne,
11:37les débats qui ont été aussi alimentés par le comité d'éthique,
11:40et donc qu'on arrive au Parlement.
11:42Et donc, il y a eu ce vote en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai.
11:46Je dis bien première lecture, parce qu'il faut que ça aille au Sénat,
11:48puis que ça revienne, puis que ça reparte. Donc, on en a encore pour un temps long.
11:51Moi, je ne dirais pas que c'est trop long.
11:53En fait, je pense que ce n'est pas grave que la démocratie,
11:55alors, Pierre Rosanvalon dirait mieux que moi,
11:57mais que la démocratie, ça prend du temps, et ce n'est pas un problème que ça prenne du temps.
12:00Par contre, ce qui est un problème, c'est quand on prend des engagements et qu'on ne les tient pas.
12:04Et ce qu'il faut qu'on travaille tout le temps, tout le temps, tout le temps,
12:06quels que soient les espaces dans lesquels on se trouve, c'est la confiance.
12:09On l'a fait dans la Convention citoyenne, on le fait dans le monde associatif,
12:12on va le faire pendant deux jours, on va aussi valoriser ça dans le cadre de notre forum à Nantes.
12:17Donc, voilà, la confiance et la conviction.
12:20Pierre Rosanvalon, vous avez parlé de démocratie intermittente.
12:23Comment retrouver une démocratie permanente ?
12:25Il y a ceux qui veulent retourner au peuple, aller au peuple.
12:28La voie du référendum, est-ce que c'est une bonne solution ?
12:31Le référendum a une vertu, c'est que le référendum permet de trancher.
12:37Mais le référendum permet de trancher quand la mise en œuvre et la définition de la question est claire et nette.
12:45Il est évident qu'on peut faire un référendum, par exemple, sur, et ça a été lu en Italie par exemple,
12:50sur faut-il rendre l'avortement possible ou pas ?
12:54Parce que le lendemain du référendum, on peut appliquer.
12:57Est-ce qu'on peut faire ? On peut tout à fait faire un référendum sur le mariage pour tous.
13:01Mais on ne peut pas faire un référendum sur une politique en général.
13:03Sur l'immigration, par exemple.
13:04On ne peut pas faire un référendum en disant qu'il faut moins d'immigrés.
13:07En Italie, aujourd'hui, ils votent sur le sujet de l'immigration ?
13:10Oui, mais justement, c'est très intéressant parce qu'il y a eu ce vote, justement, en Suisse.
13:15Monsieur Blocher, le chef de l'extrême droite, a fait une proposition.
13:19Il a fait voter les Suisses sur « voulez-vous mettre fin à l'immigration ? »
13:23Réponse majoritaire des Suisses, oui.
13:25Mais à ce moment-là, le Conseil fédéral, quand on est saisi, dit « comment on le fait pratiquement ? »
13:30Puisqu'on a des accords avec la communauté européenne,
13:33on a des accords avec les travailleurs frontaliers.
13:35Et donc, un référendum ne peut être mis en œuvre sérieusement
13:40que si la question est posée dans des termes qui contiennent les conditions de sa mise en œuvre.
13:47Ce qui n'est pas le cas quand on mène une politique en général.
13:51Et puis, le référendum, c'est la démocratie qui tranche de temps en temps.
13:56Mais la démocratie, pour être permanente, c'est justement celle de la discussion,
13:59celle de la délibération, celle de la représentation.
14:03Vous disiez, Pierre-Rosan Vallon, il ne faut pas parler que de la démocratie électorale,
14:06mais malgré tout, c'est quand même un sujet sur lequel vous avez beaucoup, beaucoup travaillé.
14:11Ça fait un an, en fait, qu'Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale.
14:16Ça n'a fait que des perdants, c'est ce que disait notre éditorialiste politique tout à l'heure.
14:20Vu la difficulté aujourd'hui à faire adopter des textes sans majorité absolue,
14:24est-ce que l'ultime geste démocratique, ça ne serait pas de dissoudre à nouveau cette Assemblée nationale ?
14:29Je n'en suis pas sûr, parce que dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale,
14:33c'est penser qu'il y aurait une résolution miracle à la crise actuelle.
14:39Je crois que la crise de nos démocraties, elle est très profonde.
14:43La crise de notre démocratie, elle est à la fois instrumentale,
14:46c'est-à-dire les moyens de cette démocratie, et elle est à la fois sociétale.
14:51C'est que nous sommes dans des sociétés de plus en plus polarisées, de plus en plus divisées.
14:57Et on ne sort pas de la polarisation par des combats idéologiques de face à face.
15:03Je crois que Claire Touril a très bien expliqué la grande vertu de ce qui s'est passé sur la fin de vie,
15:10la conférence citoyenne, c'est qu'on part des perplexités des gens.
15:14On peut avancer en commun quand on s'interroge en commun.
15:17Et on n'avance pas beaucoup quand c'est simplement le face à face brutal d'idéologies bien carrées
15:24qui sont là, comme des batailles qui vont mener le combat.
15:29Claire Touril, avant d'aller au standard ?
15:31Oui, peut-être juste pour compléter ce que dit Pierre Rosanvalon,
15:33à un moment, on ne va pas régler les problèmes du monde tout seul.
15:36C'est quand même ça qu'on peut retenir de ces dernières années.
15:39Ce n'est pas une personne toute seule dans un grand palais ou un petit palais qui va régler les problèmes du monde tout seul.
15:44C'est ça, le président de la République en l'occurrence.
15:46C'est pour ça qu'on a besoin de travailler avec tout le monde,
15:48qu'on a besoin de travailler avec les citoyens, de leur donner les moyens de s'exprimer,
15:51qu'on a besoin de travailler avec les corps intermédiaires, avec les associations, les syndicats, les mutuels,
15:55toutes les organisations de l'économie sociale et solidaire.
15:57On a besoin de leur donner de la place, de leur donner du pouvoir
15:59et de se rappeler surtout que ce qui pourra faire que la démocratie aille mieux,
16:04c'est de beaucoup, beaucoup, beaucoup travailler.
16:06Je pense que c'est quand même ça le sujet, c'est travailler beaucoup, être humble, écouter.
16:10Et c'est à cette condition-là qu'on pourra éventuellement s'en sortir.
16:13Bonjour Daniel et bienvenue sur France Inter.
16:16Oui, bonjour, merci à vous et à vos deux personnes que vous avez invitées.
16:23Pierre Rosanvalon et Claire Toury.
16:24Oui, alors ma question est simple, je voudrais savoir surtout que pensez-vous du vote proportionnel
16:34et en comparaison avec le vote que vous aviez présenté il y a très longtemps,
16:39il s'appelle le jugement majoritaire ou préférendum, c'est le même système
16:44qui est une association d'intelligence collective très, beaucoup plus performante que le vote à mon avis proportionnel.
16:55Mais votre avis m'intéresse beaucoup.
16:56Merci Daniel pour votre question et votre intervention.
16:59Alors d'abord, monsieur le professeur, là aussi, rappel et définition préférendum, qu'est-ce que ça veut dire ?
17:05Je crois qu'il s'agit effectivement dans ce cas de trouver le moyen de manifester la diversité des opinions.
17:14Mais il ne s'agit pas simplement de manifester la diversité des opinions,
17:19il faut manifester la diversité des situations de vie.
17:23Il faut manifester la diversité de la société réelle.
17:27Et je pense certainement qu'il y a un petit progrès à faire dans le sens de la représentation des opinions.
17:34Mais il faut voir que ça ne suffira pas.
17:35Mais préférendum ?
17:36Préférendum ? Mais en quel sens préférendum ?
17:40Ah bah si c'est vous qui avez employé le mot, c'est en tout cas pour engager le jugement majoritaire.
17:45Aujourd'hui, il est question du vote à la proportionnelle.
17:47Est-ce que vous, par exemple, dans le milieu associatif, Claire Toury, c'est quelque chose que vous regardez de loin ?
17:52Est-ce que vous regardez ça comme une étape nécessaire, malgré tout, pour améliorer le fonctionnement de la vie démocratique ?
17:59Je pense qu'il ne faut rien s'interdire.
18:00Après, il faut aussi être prudent avec...
18:02Enfin là, ça me fait rire, parce que pendant la Convention citoyenne sur la fin de vie,
18:06on a expérimenté tout un tas de manières de voter et ça a été notre croix.
18:09Notre croix, sincèrement.
18:10Je pense que s'il y a un truc qui n'a pas fonctionné, c'est ça.
18:12Mais enfin, c'est entre le tirage au sort, les élections sans candidats,
18:18et puis les votes, et puis les votes majoritaires, et puis les votes tranchés.
18:22Et puis, oh là là, franchement, rien que d'y penser, ça a été des prises de tête infinies.
18:25Donc, ne nous interdisons rien, mais soyons quand même lucides sur nos outils.
18:30On parlait tout à l'heure, Pierre-Rosanvalon, de cet autre outil.
18:33Alors, il y a les conventions citoyennes, et puis il y a les cahiers de doléances qui ont suivi la crise des gilets jaunes.
18:38Les cahiers de doléances qui sont accessibles au public, alors l'Assemblée nationale réclame même qu'ils soient mis en ligne,
18:42on verra si c'est fait ou pas, mais qu'est-ce qu'on peut en tirer ?
18:46C'est-à-dire, au-delà de dire, il existe ces cahiers, ces 19 000 cahiers qui recensent les colères, les demandes, les espoirs des citoyens,
18:53qu'est-ce qu'on peut concrètement en faire ? Comment on peut les exploiter ?
18:56En 1789, il y a un député qui a eu cette très belle formule.
19:03Il a dit, les Français n'ont pas simplement pris le pouvoir, ils ont pris la parole.
19:08À côté de la prise de la Bastille, ils ont pris la parole.
19:11Et ça, je crois que c'est très important.
19:13Ça, c'est une fonction démocratique.
19:15Ce qu'on en fait, c'est que chacun est rétabli dans sa dignité.
19:18Chacun est écouté, chacun est respecté, a le sentiment d'exister.
19:25Aujourd'hui, ce qui crée une forme de désespoir social, c'est le sentiment qu'on ne compte pour rien,
19:31qu'on n'est pas écouté, qu'on n'est pas une voix dont on pense qu'elle est importante.
19:36Et donc, donner de l'importance aux gens, c'est ça aussi la démocratie.
19:39La nécessité de l'engagement ?
19:41La nécessité de l'engagement, la nécessité de l'écoute.
19:42Notre débat, c'est réveiller la démocratie et reprendre le pouvoir sur nos vies.
19:46Et ça, je pense que c'est très très important.
19:48Reprendre le pouvoir sur nos vies en écoutant ce que les gens vivent au quotidien,
19:52non pas de manière théorique, mais de manière pratique.
19:54Qu'est-ce que c'est votre quotidien ?
19:55Est-ce que vous arrivez à boucler vos fins de mois ?
19:57Pourquoi est-ce que vous n'y arrivez pas ?
19:58Qu'est-ce qui vous donne du sens ?
19:59Qu'est-ce qui vous donne envie de vous réveiller le matin ?
20:01Quels sont vos liens sociaux ?
20:02Quels sont vos colères ?
20:03Quels sont vos désirs, vos plaisirs, etc.
20:06Quels sont vos liens, vos relations, votre travail, etc.
20:09C'est ça qu'il faut qu'on arrive à dire.
20:10Et c'est pour ça qu'on fait ces deux jours.
20:12Et c'est aussi pour ça, et je le redis,
20:13que le collectif dans lequel je suis inscrite,
20:17à savoir le Pacte du Pouvoir de Vivre,
20:18c'est aussi pour ça qu'on s'est créé,
20:20pour offrir des espaces de débats, de dialogues,
20:23et pour essayer de construire des solutions à partir du réel,
20:26à partir de ce que les gens vivent.
20:27Et là, je vais citer Pierre Rosanvalon, je le fais souvent,
20:29mais là, il est à côté de moi.
20:30La fonction démocratique des corps intermédiaires,
20:33c'est de dire le réel,
20:33et c'est ce qu'on va essayer de faire pendant deux jours,
20:35la semaine prochaine à Nantes.
20:36De prendre en compte les épreuves de la vie,
20:38comme vous l'aviez titré dans l'un de vos livres,
20:40Pierre Rosanvalon,
20:41mais les conventions citoyennes,
20:42beaucoup de questions d'auditeurs
20:43sur comment les organiser,
20:45sur quel sujet, pourquoi,
20:47et pourquoi ne le fait-on pas davantage ?
20:50Merci infiniment à tous les deux.
20:52Je rappelle donc que pendant deux jours,
20:54les 13 et 14 juin prochains,
20:56à Nantes, au lieu unique,
20:57et c'est en entrée libre,
20:59le forum que vous organisez,
21:01reprendre le pouvoir sur nos vies,
21:03comment reprendre le pouvoir sur nos vies,
21:05et réveiller nos démocraties,
21:06se tiendra.
21:07Merci infiniment à tous les deux
21:08d'avoir été les invités de France Inter.
21:11Excellente journée.
21:12Merci.
21:13Merci beaucoup.
21:14Merci.
21:14Merci.