La série Le Bureau des Légendes est-elle réaliste ? À l’occasion des 10 ans de la série d’Éric Rochant, mettant en scène les agents plus importants des services du renseignement français, l’ex-agent secret de la DGSE, Olivier Mas s'est installé dans le fauteuil de la salle obscure pour réagir et décrypter la plus iconique des séries d’espionnage.
00:00 Intro
01:06 Vivre sous couverture : c’est quoi une légende ?
02:35 Agent clandestin : quelles compétences attendues ?
03:50 L’exercice café : une étape cruciale du recrutement.
06:27 Tests et interrogatoires : quelle formation pour les agents ?
08:28 La préparation physique : un espion doit-il savoir se battre ?
11:46 Manipulation, séduction et trahison : le vrai cœur du métier ?
10:18 Détecter un agent double.
13:57 La surveillance et les techniques de filature.
16:07 Les risques du métier : quelles sont les vraies menaces et comment garder son calme ?
19:05 Le rapport au mensonge et à la double vie.
21:11 L’authenticité de la série.
23:22 La vie après l’espionnage.
Olivier Mas a passé 15 ans à la DGSE, dont plusieurs années en tant que « légende ». Cet ancien espion spécialiste en contre-terrorisme et contre-espionnage est désormais conférencier, Youtubeur (chaîne “Talks with a Spy“) et auteur de plusieurs ouvrages dont Profession espion (2019), J’étais un autre et vous ne le saviez pas (2021) et plus récemment Le Walk-in (2024) aux éditions Flammarion.
https://talkswithaspy.com/
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Pour voir d'autres expert.e.s décrypter des films & séries, c'est dans "Décrypté", sur notre chaine : https://urlr.me/FBnb6
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Retrouvez la Création Originale CANAL+ Le Bureau des Légendes, en intégralité sur CANAL+ : https://www.canalplus.com/series/le-bureau-des-legendes/h/4847919_50001
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01:06 Vivre sous couverture : c’est quoi une légende ?
02:35 Agent clandestin : quelles compétences attendues ?
03:50 L’exercice café : une étape cruciale du recrutement.
06:27 Tests et interrogatoires : quelle formation pour les agents ?
08:28 La préparation physique : un espion doit-il savoir se battre ?
11:46 Manipulation, séduction et trahison : le vrai cœur du métier ?
10:18 Détecter un agent double.
13:57 La surveillance et les techniques de filature.
16:07 Les risques du métier : quelles sont les vraies menaces et comment garder son calme ?
19:05 Le rapport au mensonge et à la double vie.
21:11 L’authenticité de la série.
23:22 La vie après l’espionnage.
Olivier Mas a passé 15 ans à la DGSE, dont plusieurs années en tant que « légende ». Cet ancien espion spécialiste en contre-terrorisme et contre-espionnage est désormais conférencier, Youtubeur (chaîne “Talks with a Spy“) et auteur de plusieurs ouvrages dont Profession espion (2019), J’étais un autre et vous ne le saviez pas (2021) et plus récemment Le Walk-in (2024) aux éditions Flammarion.
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AmusantTranscription
00:00Tous les matins, pendant 15 jours, je regardais avant de démarrer ma voiture s'il n'y avait pas de l'explosif en dessous.
00:07Je n'ai pas été formé à tuer, mais j'ai suivi des séances de tirs impressionnantes.
00:12Votre mission, c'est de connaître les gens sans vous faire remarquer.
00:15On ne peut pas se pointer à avoir du renseignement et dire « bonjour, je suis la DGSE, parlez-moi, dites-moi ce qui m'intéresse. »
00:22Maintenant, je vais t'apprendre à te faire casser la gueule.
00:23Est-ce que tu veux j'écrive que Mademoiselle Marina Loiseau n'aime pas conteste sa légende ?
00:26Je n'ai eu qu'une légende.
00:27Olivier Masse, c'est votre vrai nom ?
00:30Bonjour, je suis Olivier Masse, j'ai passé 15 ans à la DGSE.
00:36J'ai commencé dans un petit service clandestin, qui était spécialiste de clandestinité, de montage de légende, justement.
00:42Et ensuite, j'ai obliqué sur des postes à responsabilité, en contre-terrorisme, en contre-espionnage,
00:48plusieurs fois en poste extérieur à l'étranger, sous des couvertures diplomatiques.
00:53Ces dernières années, je suis passé de l'ombre à la lumière en parlant un petit peu de mon métier d'espionnage,
00:58que j'ai exercé pendant 15 ans, donc avec passion, et j'exprime cette passion au travers de mes réseaux sociaux, de mes livres, de mes conférences.
01:05Ma mission, c'était de lier connaissances.
01:11Je devais fréquenter des gens dans un certain milieu, les observer, les connaître, et voir s'ils avaient accès à des informations qui pouvaient nous être utiles.
01:19Dans le monde de la DGSE, des services extérieurs, tout le monde est officier traitant, c'est le terme consacré.
01:27Et puis, il y a une petite partie, une petite casse presque, de gens en plus petit nombre, qui sont les officiers sous légende,
01:34et qui, eux, partent sur une couverture complète, c'est-à-dire en IF, en identité fausse, avec des faux papiers, avec un faux travail, avec un faux métier.
01:42Et avec une légende, c'est-à-dire une deuxième vie, une histoire à raconter aux services locaux,
01:48parce que, bien souvent, on ne peut pas se pointer à avoir du renseignement et dire « bonjour, je suis la DGSE, parlez-moi, dites-moi ce qui m'intéresse ».
01:56Donc ça, ce n'est pas possible.
01:57J'ai passé un an ou deux ans avant d'être mis sur le terrain avec ma légende.
02:01Mon personnage était un professeur d'histoire qui faisait de l'humanitaire, parce qu'il était déprimé dans sa salle de classe, il manquait de sens.
02:08Et donc, j'ai suivi un stage d'humanitaire pour avoir les bons codes, les bons vocabulaires, pour pouvoir être un humanitaire crédible.
02:16Olivier Masse, c'est votre vrai nom ?
02:19Olivier Masse est encore une légende, vous voyez, même des années après, je vis encore sous légende, c'est un pseudonyme.
02:25Le nom de la légende, personne ne le connaît, même mes collègues ne le connaissaient pas.
02:30L'identité sous légende, c'est du secret fermé sous coffre-fort.
02:34Vous allez partir à Téhéran pour repérer des ingénieurs nucléaires iraniens.
02:39Votre formation de sismologue vous permettra d'en approcher pas mal.
02:42Vous allez faire comment ?
02:44Pour ?
02:45Pour trouver un job en Iran.
02:49Je pensais que c'est vous qui alliez me le dire.
02:50Vous allez vous faire engager par cet homme, Reza Mortazavi.
02:55Il vient en France tous les deux ans et repart à Téhéran avec un ingénieur français, à l'Institut physique du globe.
02:59Vous allez vous y faire engager, puis vous allez vous faire repérer par ce Reza Mortazavi et vous allez le convaincre que vous êtes la meilleure personne pour partir avec lui.
03:10Comment je fais pour rentrer à l'Institut physique du globe ?
03:13Vous vous débrouillez.
03:14Quand on voit cette première scène d'exposition et de briefing de Marina et Loiseau, on peut avoir l'impression en tant que spectateur d'un certain amateurisme parce qu'on leur dit « tu te débrouilles ».
03:26Et je dois dire que ça correspond à la réalité. On laisse vraiment la méthode de la découverte, « tu te démerdes ».
03:32Et à ce moment-là, quand on fait ça soi-même, sans être particulièrement guidé, on va avoir tendance à trouver ses propres réponses en soi.
03:41Et donc du coup, elles seront adaptées à sa propre personnalité et c'est ce qui fonctionne le mieux.
03:45Quand on monte sa légende, il faut qu'elle soit proche de ce qu'on est véritablement.
03:51J'avais vu une photo de vous, mais je n'étais pas sûre.
03:53Bonjour.
03:54Je suis Marina Loiseau.
03:55C'est un honneur, vraiment. C'est une chance.
03:59Deux ans dans le comptoir d'air, bon.
04:03Costard bleu ?
04:04Non, un peu plus à gauche.
04:07Un grand en veste, chemise rose et un type en blouson de jean, 30 ans à peu près.
04:12Belle capacité d'observation ?
04:14Alors nom, prénom, profession, numéro de portable. Je vous donne un quart d'heure.
04:20Ok.
04:25J'aime beaucoup sa réaction où elle est, elle semble étonnée, surprise, mais en même temps, elle y va, elle est déterminée.
04:35Donc c'est un bon point pour ce personnage.
04:40Est-ce que là, ça va ?
04:41Et puis voilà, elle a eu beaucoup de cordeur, de simplicité, de sourire et ça passe comme une lettre à la poste.
04:47Personne ne se méfie.
04:51Alors, nom, prénom, profession, numéro de portable.
04:55Très bien. Vous avez fait l'erreur que j'attendais.
05:03Votre mission, c'est de connaître les gens sans vous faire remarquer.
05:07Vous n'êtes pas agent, vous êtes clandestin.
05:10Alors là, c'est un grand classique de la DGSE et c'est un exercice tout à fait réel.
05:15C'est ce qu'on appelle l'exercice café.
05:16Alors, on nous désigne un café à l'avance et puis on sait qu'on va devoir commencer une conversation et essayer de nouer un contact et faire parler la personne, la cible qu'on a choisie, pour lui faire donner, dire le maximum de choses sur sa vie privée, sur son boulot, sur ses soucis, etc.
05:35Et cerise sur le gâteau, il faut récupérer son numéro de téléphone, son 06.
05:40Alors, moi, j'ai été recruté, j'étais militaire, j'ai été recruté dans un exercice de projection logistique de l'armée en République tchèque, il faisait très froid.
05:50J'ai retrouvé un de mes anciens instructeurs de saumur et je lui ai dit, moi, je commence à m'ennuyer dans l'armée classique.
05:56J'aimerais faire autre chose, j'aimerais rejoindre la DGSE.
05:58Et il m'a dit, je connais quelqu'un qui a l'air de s'éclater, je vais te le faire rencontrer.
06:02Et là, j'ai rencontré dans un café de l'Est parisien un type qui était bardé de téléphones portables.
06:10Ça sonnait en permanence, c'était en pleine crise au début de l'Afghanistan.
06:15Je me suis mis à rêver et à voir les yeux qui pétillaient et ils m'ont expliqué qu'ils pouvaient être intéressés par mon profil.
06:22Et j'ai dit oui tout de suite, ravi de l'occasion qui m'était offerte.
06:25Nom et prénom ?
06:28Mort à Zavie.
06:29Non, vous.
06:30L'Oiseau Marina.
06:32Votre adresse à Paris ?
06:34Mon ancienne adresse, j'ai rendu l'appartement.
06:3623 rue des Pyrénées.
06:38Métro ?
06:38Porte de Vincennes.
06:40Date et lieu de naissance ?
06:4114 mai 1989 à Bayonne, avenue du général Leclerc.
06:46C'est quoi le nom des arènes à Bayonne ?
06:48Je sais pas, j'aime pas la corrida.
06:52Si vous avez grandi à Bayonne, vous le savez.
06:53Vous avez grandi à Bayonne.
06:58Moi j'ai habité 4 ans à Bayonne, je connais pas le nom des arènes.
07:00Lâche pas yé.
07:02Lâche pas yé.
07:03T'as vraiment pas l'air d'avoir envie de me parler.
07:05Non mais c'est pas une question d'avoir envie.
07:06Ah, tu vois, t'as pas envie.
07:07Non.
07:08Tu préférais rentrer chez toi, c'est ça ?
07:10Mais non.
07:12Tu sais que je dois faire un rapport sur toi ?
07:14Est-ce que tu veux que j'écrive que Mademoiselle Marina Loiseau n'aime pas conteste sa légende que ça la fatigue ?
07:18C'est ça que tu veux ?
07:19J'ai jamais dit ça.
07:20Tu veux quoi alors ? Tu veux que j'écrive quoi ?
07:21Et pourquoi tu me laisses dire que je teste ta légende ?
07:25C'est ça que je fais.
07:26Je teste ta légende, là.
07:30Ah merde, merde.
07:31Oui.
07:32Merde, oui.
07:35Là, on voit une voir, quelque chose qu'on fait systématiquement avant de partir, d'être projeté sur le terrain sous sa légende.
07:41Eh bien, on a un test grandeur nature où on teste notre légende si on la connaît bien sur le bout des doigts.
07:47L'examinatrice, en mode combat, désagréable, rentre dedans, comme le ferait un véritable service local qui viendrait avoir des doutes et qui viendrait interroger l'espion sous les jambes.
07:58Donc, on est abrupt, on est désagréable et on pose des questions comme ça.
08:03Tiens, si tu habites à telle adresse, tu dois connaître le boulanger sur le côté.
08:08Tu sais qu'il y a une pharmacie sur le coin de la rue.
08:11Tu connais les itinéraires par cœur de métro pour aller chez toi et à ton bureau où tu travailles.
08:18Et quand on est chaleureux, souriant, naturel, bien souvent, tout le monde nous croit.
08:23Et donc, ça accroît la confiance de l'officier sous les jambes.
08:28Oh, ok, c'est bon, c'est bon.
08:31Ben voilà, t'es prêt, tu es à peu près qui tu veux maintenant.
08:35Juste avec tes mains.
08:37Ça va pas te servir à grand chose en mots.
08:38Maintenant, je vais t'apprendre à faire casser la gueule.
08:43Serre des bras juste pour te défendre.
08:49Ça rigole pas là, ça frappe.
08:52Contège les viscères.
08:54En haut, t'as les coudes qui font le boulot.
08:57En tant qu'espion sous les jambes, je n'ai pas suivi ce genre d'entraînement intensif de combat.
09:04Si on se bat, c'est qu'on a fait une erreur.
09:06C'est-à-dire qu'on a un doute et on a été attaqué.
09:09Il ne faut pas savoir utiliser son arme parce que tout d'un coup, on est grillé.
09:13Moi, je n'ai jamais été attaqué dans ma vie d'espion.
09:15Je n'ai jamais eu à me battre.
09:17En revanche, on a suivi une formation qui me semblait très astucieuse.
09:22C'était de montrer des images de vidéosurveillance, des choses qu'on trouve sur Internet, de véritables attaques réelles.
09:28Et ça, on nous a abreuvés de ça.
09:29On nous a envoyés.
09:30Dans la vraie vie, la personne en face de vous, elle va être à un niveau animal, d'une violence extrême.
09:36Si vous voulez vous défendre et vous en sortir, c'est ou la fuite.
09:42N'hésitez pas à fuir.
09:44C'est quand même la meilleure solution.
09:46Ou alors, si jamais vous devez frapper, vous devez être à ce niveau d'animalité et d'être extrêmement violent.
09:53J'ai suivi des séances de tir impressionnantes.
09:58J'ai été formé à de la conduite rapide, à pouvoir faire des dérapages contrôlés.
10:02J'avais même Kélachnikov entre les genoux, on doit tirer, se protéger derrière les roues de la voiture, ce genre de choses.
10:10Donc, ce n'est pas apprendre à tuer, c'est apprendre à se défendre, en tuant s'il le faut, si on est pris à partie.
10:16Tu vas organiser un dîner, avec elle et quelques amis.
10:21Tu n'outes pas, tu m'écoutes.
10:24Tu vas inviter 4-5 personnes de la boîte.
10:27Si c'est un clandet, ce dîner va être pour elle l'occasion de pêcher son premier poisson.
10:32Vicky.
10:34Maud et Vincent, qui sont tous les deux à un site à Bordeaux.
10:38Elle va être discrète, ni trop enthousiaste, ni trop distante.
10:41L'aura.
10:44Parmi tes amis, il y en a un seul qui va l'intéresser.
10:45Il y a une sécutrice aussi.
10:47Et qui est la femme de Simon, qui travaille dans un ministère.
10:50Enchantée.
10:50En disant ça, tu lui fais comprendre qu'il travaille pour la DGSE.
10:54Tu lui désignes sa proie.
11:00Personne ne pourrait dire qu'elle est focalisée sur ton ami qui travaille dans un ministère.
11:03On a mis un an à être vraiment installé.
11:06Mais si tu l'observes bien, tu verras que personne d'autre n'existera pour elle.
11:10La scène du repas, elle est parfaite.
11:12Parce que vous vous demandez, tiens, c'est quoi les qualités d'un officier sous les jambes ?
11:16Là, ils essaient de détecter un officier sous les jambes qui travaille contre quelqu'un de la DGSE.
11:23Et donc, c'est quelqu'un qui va être chaleureux, mais sans trop en faire.
11:26Qui va trouver la bonne distance.
11:28Et qui, tout d'un coup, va arriver avec un argument qui lui permettra, de manière très discrète et naturelle,
11:33de dire, tiens, il faut qu'on se revoie parce qu'on habite dans la même ville,
11:37on a une même expérience commune, c'est sympa, il faut qu'on se revoie.
11:40Et c'est fait d'une manière tellement naturelle et discrète que ça passe très très bien, ça fait vrai.
11:46C'est la merde.
11:48J'ai rien fait, moi.
11:50En plus, pour moi, il est iranien, il est marié, il est en mission officielle.
11:52Ben, justement, vous êtes jeune, vous êtes nouvelle, vous êtes interdite, ça fait trois bonnes raisons.
11:58Je fais quoi, là ?
12:00Vous faites attention.
12:01Donc, je le jette ?
12:03Oui, mais pas n'importe comment.
12:05Si vous le mettez trop mal à l'aise,
12:07s'il a l'impression que vous vous foutez de lui, que vous le méprisez ou qu'il vous dégoûte,
12:11après, c'est terminé.
12:12Il n'y rend plus aucune chance.
12:13Il ne vous y emmènera jamais.
12:15Fin de l'histoire.
12:16Ok, donc je fais quoi, alors ?
12:17Vous le laissez venir.
12:20Et là...
12:21Oui ?
12:22Vous verrez.
12:24Ça dépend de l'animal en face.
12:26Vous devez le désarmer.
12:31Vous trouverez.
12:33J'aime beaucoup ces extraits où on est vraiment dans le cœur du métier
12:36et avec des conseils qui sont tout à fait réalistes.
12:39C'est des choses qu'on aurait pu me dire,
12:41que j'ai pu dire à d'autres plus jeunes que moi.
12:44Donc, c'est chouette.
12:45Je ne me souvenais pas que c'était aussi bon
12:46et ça me donne envie de revoir la série.
12:49Donc, on donne des directives,
12:51mais on garde également la distance
12:54pour que l'agent lui-même trouve sa propre solution.
12:58Donc, on l'aiguille un petit peu
12:59en disant attention,
13:01ne tombe pas dans cette facilité.
13:02Il ne faut pas que ça devienne une affaire de fesses.
13:05C'est une catastrophe.
13:05Parce que là, ça va fausser complètement la relation.
13:09Au sein de la DGSE, on n'aime pas obtenir des renseignements en couchant.
13:12C'est-à-dire que, du coup, l'officier contrôleur et le service,
13:15ils ont un doute sur savoir qui manipule qui.
13:17C'est la source, la cible,
13:19ou c'est l'agent sous les jambes.
13:21Donc, c'est très mal vu.
13:23Ça peut aider à faire un rapprochement,
13:25aider à donner des confidences supplémentaires.
13:29Mais il faut savoir ne pas franchir le pas.
13:32Si on tombe amoureux en mission,
13:35comment ça se passe ?
13:36Alors, moi, ça ne m'est pas arrivé.
13:39Mais c'est ça.
13:40Moi, j'ai eu un collègue à qui c'est arrivé.
13:42Et donc, il a...
13:43Et en plus, il a fait l'erreur de le cacher au service.
13:47Il l'a appris plus tard.
13:48Et donc, il a été renvoyé.
13:50Il n'est pas comme dans la série où on a tout accepté
13:53et pardonné à malotrus.
13:54Je trouve qu'on a beaucoup trop pardonné à malotrus.
14:20Allo ?
14:41Allo ?
14:42C'est Henri.
14:43Tout va bien ?
14:46Oui.
14:47Dis-moi, t'es où ?
14:52Rue de l'île devant un resto.
14:55J'ai un rendez-vous.
14:56Ah, d'accord.
14:59Tant pis.
15:00Je suis à la boîte et je voulais boire un verre.
15:02Tu n'es pas star ?
15:04Excuse-moi.
15:04La confiance, c'est que ce n'est pas le contrôle.
15:07Et donc, là, on teste pour savoir s'il ment sur sa position.
15:10Cette séquence où on voit malotrus qui suit quelqu'un
15:13et en même temps, lui-même est suivi par le directeur du renseignement
15:16qui a des doutes ou qui veut en tout cas lever des doutes à son égard,
15:20ça me fait penser à moi aussi.
15:22Quand j'étais sous légende, je me souviens, j'avais été filé
15:25parce qu'on voulait bien s'assurer que je me rendais bien à mon local de contact,
15:29comme j'avais prévu de le faire.
15:32Dans la vraie vie, on n'est pas, évidemment, pas systématiquement suivi soi-même
15:37mais au retour de mission en tout cas, souvent, et c'est la procédure,
15:42il y a une équipe de la DGSE qui est chargée de nous filer
15:45mais pas pour nous contrôler nous-mêmes
15:48mais contrôler surtout si le fait qu'on n'est pas filé par d'autres
15:50et si on peut bien cloisonner sa vie de mission avec sa vraie vie,
15:56est-ce qu'on est clair, est-ce qu'on n'est pas suivi par un service extérieur
15:59donc voilà, on a des équipes de filature qui sont chargées de nous contrôler,
16:03de nous aider, voir si nous-mêmes, nous ne sommes pas suivis par l'adversaire.
16:07Ça y est, j'ai réussi à communiquer avec le téléphone de Mère Thérésa.
16:29Mère Thérésa ?
16:42Mère Thérésa !
16:44Mère Thérésa !
16:45Les Mères on me détruisent les roumains !
16:46Voilà !
16:47Mère Thérésa !
16:50Mère Thérésa !
16:52Mère Thérésa !
16:54J'ai perdu la connexion.
17:12Ce que montre bien cet extrait, c'est le risque de trop en faire.
17:17Le risque technique.
17:20Souvent, les officiers sous les jambes, ils restent dans l'histoire.
17:23Des gens qui ont gardé leur couverture pendant 5 ans, 6 ans, 7 ans, 8 ans, 10 ans.
17:27On a pas mal d'agents du Mossad infiltrés en Syrie, en Égypte,
17:31qui ont fini par se faire prendre à cause de la technique, à cause des transmissions.
17:36C'est très difficile de détecter un espionn sous les jambes.
17:39Mais en revanche, le moment qui est dangereux,
17:41c'est le moment où il communique avec sa centrale et il transmet son renseignement.
17:45Dans ma carrière, j'ai suivi pas mal d'exercices d'interrogatoire,
17:56dans les armées, dans les forces spéciales.
17:59Si on est torturé, quand c'est un exercice, on sait que c'est un exercice,
18:01on sait que ça va s'arrêter, même si la torture, il va y avoir de la souffrance physique.
18:06Quand ça devient réel, il n'y a plus de limite.
18:08Évidemment, même si on est bien entraîné, face à la torture, c'est très difficile de réagir.
18:14On ne sait pas comment on réagira au bout du compte.
18:17Moi, dans ma carrière, il y a eu des moments où j'étais pas sous les jambes à ce moment-là.
18:20J'étais sous le passeport diplomatique, sous mon véritable nom.
18:23Je travaillais sur un dossier, sur un attentat de Rafi Karayri,
18:27le premier ministre libanais de l'époque qui avait été assassiné.
18:31Et donc toute l'enquête pointait sur le Hezbollah.
18:34Donc moi, j'étais en mission courte au Liban.
18:37Et mon alter ego, un de mes alter ego libanais, a été assassiné pendant que j'y étais, à la voiture piégée.
18:43À ce moment-là, j'ai eu peur pour ma propre vie.
18:45Je me suis dit, tiens, est-ce que le Hezbollah va vouloir, c'est que je travaille sur ce dossier-là aussi ?
18:50Est-ce qu'il veut envoyer un message également ?
18:52Et donc tous les matins, pendant qu'un jour, je regardais avant de démarrer ma voiture,
18:58s'il n'y avait pas de l'explosif en dessous.
19:00Donc ce n'était pas un moment très agréable pour moi, je l'avoue.
19:03Vous êtes formés pour vous glisser dans les habits d'un autre, puis retrouver vos vrais habits, puis changer de nouveau.
19:10Oui.
19:11En fait, ce qui s'approche le plus de cette vie sous les jambes, c'est l'expérience de l'adultère.
19:17Ah ouais.
19:17C'est vrai, beaucoup de personnes qui ont fait cette expérience de l'adultère se rendent compte que ce qu'il y a d'excitant,
19:23ce qu'ils aiment là-dedans, c'est presque plus le secret, la double vie, que la relation elle-même.
19:28Et ce qui leur manque après, quand ils reviennent à une vie conjugale normale,
19:31c'est moins la personne perdue que...
19:33le contexte, l'ambiance,
19:36le petit monde secret, mystérieux, où ça se passe,
19:41en dehors du monde réel, quotidien, ordinaire.
19:44Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?
19:46Oui et non.
19:49La comparaison ne vous paraît pas pertinente ?
19:53Je ne doute pas qu'elle le soit pour vous.
19:56Mais pour vous ?
19:58C'est une belle vue de l'esprit.
20:01Est-ce qu'ils sont bons, les dialogues ?
20:03C'est un métier où il y a beaucoup de confiance, en fait, d'une manière surprenante.
20:08On ne ment jamais à ses pairs, on ne doit pas mentir à ses pairs, on ne ment pas à sa hiérarchie.
20:12On ment quand il faut mentir pour les bienfaits de la mission.
20:15On ment, avec son personnage de légende, les gens qu'on rencontre,
20:18mais on ne va pas trahir ses propres sentiments.
20:20C'est-à-dire qu'on va aller au contact de gens qu'on apprécie véritablement.
20:23À l'intérieur de soi, on est éminemment sincère, ça je le crois profondément.
20:27Alors moi, j'avais un personnage de couverture qui était plus fade que mon moi de réel.
20:33Donc c'était facile de me retrouver dans ma véritable identité.
20:37Mais c'est vrai que j'ai connu des gens qui étaient photographes ou qui frayaient avec des mafieux.
20:43Et donc il y avait de l'argent, il y avait des gros 4x4, il y avait des jolies femmes, etc.
20:47Et donc leur vie de couverture avait un côté assez exaltant.
20:52Et quand ils retrouvaient leur vraie vie dans leur pavillon de banlieue, il y avait quand même un décalage.
20:58Et donc il y avait un suivi psychologique qui est peut-être important de faire
21:02parce que c'était parfois, pour certains cas, pas forcément facile de revenir à sa vraie vie
21:07qui, elle, était plus terne que la vie sous couverture.
21:12Bonjour, j'ai rendez-vous avec monsieur Duflo.
21:24Tout est dans le détail, même cette carte de visiteur, c'est la vraie.
21:28Là, on a vu l'entrée, c'est la vraie du boulevard mortier.
21:31Le contrôle, tout ça, ça se fait systématiquement.
21:36Les uniformes des gardiens, c'est les vrais.
21:39Donc il y a un souci du détail dans le décor qui est assez exceptionnel.
21:44Tous les soirs, vous devez détruire vos documents dans la choucrouteuse.
21:48La choucrouteuse, un grand classique aussi. On choucroute beaucoup.
21:51La DGSE.
21:52Rien ne doit traîner sur votre bureau ni dans la poubelle.
21:56Ah, une dernière chose.
21:59Vous ne dites rien à personne.
22:01Personne n'a à vous interroger.
22:03Si quelqu'un vous pose une question, c'est qu'il ne sait pas ce que vous savez.
22:06Et s'il ne sait pas, c'est qu'il n'a pas le droit d'en connaître.
22:08C'est comme ça qu'on dit. Le droit d'en connaître ou non.
22:11Comme le secret professionnel.
22:13Non, comme le secret défense.
22:14Ce qui rend cette série aussi fascinante, c'est qu'elle est très réaliste visuellement déjà.
22:22Et puis il y a plein de petits clins d'œil, notamment Henri Duflo, joué par Daroussin.
22:27Cet homme avec ce costume cravate et ses cravates très colorées.
22:31Ça, c'est un petit clin d'œil à l'interne qui peut être compris que par les gens qui sont passés à la DGSE.
22:37C'est un véritable personnage, un cadre important de la DGSE qui a fait de nombreuses années,
22:40qui avait des cravates flashy comme ça.
22:44Et il disait que moi j'ai toujours cette cravate flashy parce que quand je suis à l'étranger,
22:48les services locaux qui vont me suivre, ils vont me dire tiens, suis l'homme à la cravate.
22:51Et lorsqu'il fait de la clandestinité, il enlève sa cravate.
22:55Et là, tout d'un coup, on le perd et il devient invisible parce qu'il n'a plus sa cravate.
23:00Évidemment, il y a aussi un côté de fiction qui est assumé par Henri Rochand.
23:04Des fois, il se dit, moi je fais une œuvre de fiction, donc je veux que ça soit...
23:07Il y a une dramaturgie qui fonctionne, donc parfois on s'écarte.
23:10Malotru, pour moi, si ça ne tenait qu'à moi, on l'aurait viré dès le premier épisode.
23:15Tout de suite, dès son premier contact, on sent qu'il est en dehors des clous et qu'il est dangereux.
23:18C'est une série magnifique, très réaliste bien sûr.
23:22Monsieur le directeur, cher Henri, vous m'avez accordé votre confiance et je n'en ai pas été digne.
23:28C'est avec une grande tristesse que je vous remets ma démission.
23:30Je viendrai voir demain l'administration pour qu'on m'explique la marche à suivre.
23:35J'espère que vous saurez réparer les erreurs graves que j'ai commises, cordialement, Marina.
23:40On ne nous empêche jamais de démissionner.
23:43Il n'y a aucun problème, on peut arrêter à tout moment.
23:45Personnellement, j'ai arrêté par choix pour avoir une vie familiale plus équilibrée.
23:50C'est compliqué parce qu'on se demande, on a vécu sous adrénaline, avec la passion,
23:54et comment va être la vie d'après ? Est-ce qu'elle va être aussi passionnante ?
23:59C'est un grand point d'interrogation.
24:01On essaye de retrouver cette adrénaline en multipliant des expériences nouvelles,
24:07en passant par les plateaux de télévision, en se donnant des conférences sur un public qui change.
24:12Vous n'avez pas de regrets aujourd'hui ?
24:14Je dois dire que je n'ai pas de regrets, parce que j'aime beaucoup cette deuxième vie actuelle.
24:20C'est une vie plus variée et tout aussi passionnante.
24:26Merci infiniment Olivier, c'était parfait.
24:27Oui, ça va bien.