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Transcription
00:00Il n'y a pas qu'un Robert Douaneau.
00:02Dans cette nouvelle exposition à voir actuellement au musée Mayol,
00:05ce n'est pas seulement le Douaneau des photos de gamins et d'amoureux dans la rue que l'on retrouve.
00:09Elle nous emmène bien au-delà de ces fameux clichés pour cartes postales,
00:13vendus à des millions d'exemplaires,
00:15qui avaient fini par lasser ou enfermer dans la catégorie photographes légers et secondaires.
00:21Robert Douaneau, disparu le 1er avril 1994,
00:30n'était pas qu'un simple illustrateur de commandes, pourvoyeur de nostalgie.
00:35Il a aussi orienté son objectif sur la dureté de la réalité.
00:38Salarié des usines Renault de 1934 à 1939,
00:42il assiste à la montée du Front populaire.
00:45C'est là qu'il se forge une conscience politique
00:47et sa volonté d'épouser la cause de la classe ouvrière,
00:51dont il ne cessera de photographier le quotidien difficile.
00:54Impossible de photographier sans rémunération,
00:57ces sujets sont le plus souvent des commandes de la presse de gauche.
01:01J'aurais dû faire à ce moment-là tout un travail sur le monde du travail, justement.
01:07Pendant que j'étais chez Renault, je ne pouvais pas du tout faire autre chose
01:10que ce qui se passait dans l'usine de Biancourt,
01:1230 000 ouvriers, il y avait déjà certains choix.
01:16Mais j'aurais dû faire un travail sur les conditions de vie des gens,
01:19de la grossidururgie, des mines, des pêcheurs.
01:24J'ai à chaque fois un peu égratigné le sujet,
01:26mais sans profondément vivre plusieurs jours ou plusieurs semaines avec ces gens-là.
01:33Je ne pouvais pas le faire parce qu'il fallait tout de même avoir des moyens.
01:38Il fallait accepter des travaux alimentaires pour faire vivre la famille.
01:41Mais je n'ai peut-être pas eu la volonté, l'organisation, la méthode pour réussir ce travail.
01:49Pourtant, Robert Douaneau suivra constamment les laissés pour compte,
01:52les exclus de la société.
01:53Au contact des mineurs de Lens, des prostituées de la capitale,
02:10des reclus de la prison hospice de Nanterre,
02:13le photographe fonctionne comme un révélateur.
02:15Les gens transportent avec eux un trésor dont ils sont complètement inconscients.
02:21Alors on montre que ce trésor existe.
02:24À partir de ce moment-là, ils peuvent dire
02:27« Ah oui, mais ça m'appartenait.
02:30Je ne savais pas que j'avais ce trésor avec moi. »
02:35Là, je révèle le truc.
02:37Et ça, c'est mon rôle social, de montrer l'évidence, c'est ça.
02:42Avec ces photos émerge une œuvre nouvelle plus mélancolique,
02:47avec notamment ces clichés publiés dans la banlieue de Paris,
02:50un ouvrage coréalisé en 1949 avec l'écrivain Blaise Sandrars.
02:55C'est là qu'il photographie la banlieue de son enfance,
02:58même si celle-ci n'intéresse personne.
03:00C'est-à-dire que là, c'est plus facile pour quelqu'un
03:03qui va extraire ce qu'il trouve beau
03:06d'endroits où on ne pense que seule la bananité règne.
03:13Et c'est bien de révéler qu'il y a là des moments
03:16de beauté, de charme, d'exaltation possibles.
03:21Et c'est là que réside tout le génie Douaneau.
03:24Imposé à la réalité, son monde rêvé.
03:27Douaneau avait ce talent fou pour débusquer
03:29ses moments d'humanité,
03:31y compris dans des lieux où celle-ci semblait évaporée.
03:34Comme sur cette photo.
03:36C'était pour les 20 ans de Josette Périsson
03:38aux HBM de Gentilly,
03:40dit la légende de cette photo.
03:42C'est dans cette banlieue qu'énerre Robert Douaneau.
03:44Avec ce cliché, il donne de la chair
03:46à ces nouveaux espaces impersonnels.
03:49Il aurait pu rester dans l'anecdotique
03:51et se rapprocher de ces jeunes
03:52qui fêtent un anniversaire.
03:54Mais il préfère prendre de la distance
03:56et intégrer l'humain dans le paysage.
03:59Un contraste très fort apparaît soudain
04:01entre cette jeunesse bouillonnante
04:03et les immeubles écrasants.
04:05Une barre de béton comme seul horizon ?
04:07Peut-être.
04:08Mais à cet état des lieux,
04:09décourageant de laideur,
04:11le photographe y ajoute
04:12sa petite étincelle d'espoir.
04:15Car cette photo est aussi
04:16une histoire de ligne.
04:18Cette farandole court sur une pente ascendante.
04:20Le spectateur se prend alors à espérer
04:22que ces jeunes sauteront
04:24par-dessus cette barrière.
04:25Dans cette banlieue où il a grandi,
04:28Robert Douaneau fait revivre
04:29une vision de son enfance.
04:30recherche désespérée
04:32de conserver un monde
04:33qui petit à petit disparaît.
04:37Plus de 30 ans après la disparition du photographe,
04:40en prenant du champ,
04:41cette rétrospective révèle
04:42un artiste d'une autre dimension,
04:44celle d'un photographe humaniste.
04:47Non décidément, en 2025,
04:49on ne se lasse pas de ces photos
04:51et le besoin de voir et revoir Douaneau
04:54n'est pas encore sur le point d'être épuisé.
04:56Sous-titrage Société Radio-Canada
05:00Sous-titrage Société Radio-Canada

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