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  • 05/06/2025
La France pourrait légaliser “l’aide active à mourir” à l’automne 2025. Bien avant elle, depuis 80 ans, la Suisse autorise l’assistance au suicide. Chaque année, quelque 1 500 personnes disposent de cette “liberté que l’État concède aux individus”, explique Richard Werly, correspondant en France pour le quotidien suisse “Blick”.

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Transcription
00:00Choisir de mettre fin à vos jours et maintenant largement accepter en Suisse,
00:04c'est au fond une liberté que l'État, que la société concède aux individus.
00:10La Suisse est le premier pays au monde à avoir dépénalisé l'assistance au suicide.
00:16À partir de 1942, il y a eu cette ouverture à l'assistance au suicide.
00:21C'était quelque chose à l'époque d'absolument précurseur.
00:24Ça correspondait aussi à des défis médicaux.
00:28Un certain nombre de personnes se retrouvaient face à des maladies graves que l'administration ne savait pas gérer.
00:36Et donc le droit a petit à petit évolué.
00:37Mais la véritable date qu'il faut retenir, c'est plutôt les années 70, septembre comme on dit en Suisse.
00:44C'est à partir de ce moment-là que le code pénal a été adopté en Suisse et que donc l'assistance au suicide a été permise.
00:51En plus d'assister, est-ce qu'un médecin suisse peut effectuer l'acte létal ?
00:56Ce que la législation suisse dit de l'aide à mourir, c'est qu'elle permet l'assistance au suicide.
01:04Et c'est très différent d'une légalisation de l'euthanasie, par exemple.
01:08Donc l'euthanasie reste un crime au regard du droit pénal suisse.
01:13Mais dès lors que le suicide n'est pas motivé par un acte égoïste,
01:16c'est exactement ce que dit le code pénal dans son article 115,
01:20l'assistance portée à la personne qui désire en finir, pour des raisons évidemment médicales, elle est autorisée et permise.
01:29Combien de Suisses font le choix de l'aide active à mourir ?
01:31Et même question pour les Français qui viennent chez vous.
01:34Alors cela ne vous surprendra pas, c'est le cas également en France.
01:36Quand il y a des populations vieillissantes, et c'est ce qui se passe en Suisse,
01:41le nombre de requêtes pour la fin de vie augmente, c'est assez logique, vu les pathologies que nous connaissons.
01:46Alors là je me réfère à un article récent de la radio-télévision suisse,
01:51il concerne les données de l'année 2022, mais depuis on sait que ça a encore augmenté.
01:56Alors vous savez que le Covid était passé par là, je pense qu'on peut dire sans se tromper qu'environ 1500 personnes par an
02:13demandent à en finir, à mettre fin à leur jour en Suisse.
02:17Et l'explication donnée par Exit, cela est dû au vieillissement de la société
02:21et à l'augmentation du nombre de personnes atteintes de maladies graves et de handicaps.
02:27L'âge moyen des patients décédés par suicide assisté en Suisse était de 79,6 ans en 2022,
02:37soit plus que l'âge moyen de 78 ans en 2021.
02:40Et il y a environ 50 citoyens français qui dans l'année 2022, et on sait que depuis ça a augmenté,
02:47sont venus solliciter une euthanasie assistée en Suisse.
02:51Quelles sont les différences entre cette permission suisse et la proposition de loi française sur l'aide active à mourir ?
02:58Alors ce que j'ai lu de l'assistance française se rapproche quand même pas mal de la situation en Suisse.
03:04A cette différence près, la loi française future, si elle est adoptée par le Sénat,
03:08parce que ce n'est pas encore le cas, elle fixera de manière très précise les conditions de cette assistance
03:16à la fin de vie.
03:17En Suisse, vous avez remarqué, il y a un flou.
03:20On autorise l'assistance au suicide, dès lors qu'il n'est pas motivé, je le répète, par un motif égoïste.
03:28C'est suffisamment large pour englober différents types de situations,
03:33à savoir des gens par exemple qui sont victimes d'une maladie grave,
03:36qui sont en phase terminale, mais qui pourraient survivre quelques semaines, voire quelques mois,
03:41et ceux qui sont véritablement au seuil de leur existence.
03:45Donc je dirais que la grande différence, c'est qu'en Suisse, il y a un pragmatisme.
03:49La loi épouse en quelque sorte les contours de la réalité,
03:53alors qu'en France, comme souvent, elle cherche à dicter la réalité,
03:57ce qui provoque des réactions à la fois des grands partisans de l'euthanasie
04:01et de ceux qui y sont radicalement opposés.
04:04Est-ce qu'il y a des voix critiques en Suisse ?
04:06Oui, il y en a. La meilleure preuve, c'est qu'il y a même eu des recours en justice,
04:09je vous le disais, notamment dans le canton de Neuchâtel,
04:11il y a des critiques de deux ordres.
04:13D'abord, il y a les critiques morales, celles les mêmes qu'on retrouve en France
04:16et qu'on va sûrement voir durant le débat au Sénat,
04:20à savoir, est-ce que la puissance publique peut accepter
04:24que des citoyens décident d'en finir avec l'acceptation de la société ?
04:31Et la deuxième chose, c'est une critique plus récente,
04:35qui est le fait que de plus en plus d'étrangers, c'est le cas des Français,
04:38mais pas seulement, viennent en Suisse pour mourir.
04:40Avec cette question, est-ce que la Suisse a vocation à devenir un mouroir européen ?
04:46Et là, vous comprenez que ça touche à des sentiments aussi de fierté nationale.
04:50On peut permettre à ses concitoyens d'avoir une fin de vie digne
04:55et ne pas avoir envie d'être le lieu où tous les Européens décident de venir finir leur jour.
05:02Je dirais qu'en Suisse, aujourd'hui, l'aide active à mourir est quelque chose de normal,
05:08est quelque chose d'accepté.
05:09Ça ne veut pas dire parce qu'elle est acceptée par tout le monde.
05:12Ça ne veut pas dire qu'il y a un consensus, encore moins une unanimité.
05:16Mais l'idée que vous pouvez choisir de mettre fin à vos jours
05:20et maintenant largement acceptée en Suisse,
05:23c'est au fond une liberté que l'État, que la société concède aux individus.
05:28Qu'est-ce qu'on devrait retenir de tout ce que vous venez de nous dire ?
05:31Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la Suisse n'a pas légiféré sur cette question.
05:36C'est une tolérance juridique.
05:38On tolère juridiquement le suicide dès lors qu'il n'est pas motivé de façon égoïste.
05:45Ce qui est, avouez-le, un concept assez flou.
05:48Donc on adapte le droit à la réalité de la société.
05:53En France, c'est le contraire.
05:54On va peut-être voter une loi et cette loi, elle va imposer un certain carcan à la société.
06:01Et c'est en partie pour ça que les opposants des deux camps,
06:05ceux qui voudraient davantage de tolérance et ceux qui en voudraient beaucoup moins,
06:09en ce moment sont en train de batailler sur ce projet de loi sur la fin de vie.

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