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  • 04/06/2025
Selon une étude de l'Arcom, l'exposition des mineurs à la pornographie reste massive en ligne, malgré la législation en vigueur. En cinq ans, la fréquentation de ces sites par les plus jeunes a augmenté de 36%. La maison mère des sites pornographiques Youporn, Pornhub et Redtube va suspendre dès ce mercredi l'accès aux contenus de ces plateformes en France. Écoutez l'analyse de Samuel Comblez, psychologue, directeur général adjoint de l'association e-Enfance.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 04 juin 2025.

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Transcription
00:00Et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:02Il est 18h42, bonsoir Samuel Combley.
00:05Bonsoir.
00:05Vous êtes psychologue, directeur général adjoint de l'association E-Enfance.
00:09Merci de nous rejoindre sur RTL.
00:11Depuis cet après-midi, les trois plus gros sites de vidéos porno sur internet,
00:14YouPorn, Pornhub et RedTube, bloquent leur contenu en France
00:18pour protester contre une loi qui leur impose de vérifier l'âge de leurs clients.
00:22Que leur répondez-vous ce soir ? Enfin ?
00:25Enfin, effectivement, une réponse.
00:26C'est vrai que ça fait cinq ans que cet échange se fait entre les associations de protection de l'enfance
00:31et ces mastodontes de distribution de contenu à caractère pornographique.
00:38C'est vrai que nous, ce qu'on demande, c'est de protéger les mineurs.
00:40Rien de plus. On n'interdit pas la pornographie aux adultes.
00:42C'est d'ailleurs pour ça qu'elle est faite à partir de 18 ans.
00:44Mais avant, il faut l'interdire.
00:46Vous avez dit, il y a une loi.
00:47Ce qu'on demande, c'est tout simplement l'application de la loi.
00:50Ceux que ne font pas ces grands sites depuis plus de cinq ans.
00:53Et c'est vrai que nous, à l'association E-enfance, on prône qu'il y a un temps pour tout.
00:57Il y a un temps pour grandir et il y a un temps pour regarder des images pornographiques.
01:00Mais c'est à partir de sa majorité.
01:02Et pourtant, ces plateformes prétendent que leur propre page sur le contrôle parental
01:06permettent de facilement bloquer l'accès des mineurs.
01:09J'imagine que vous l'avez testé, oui.
01:11C'est faux. Il suffit que vous fassiez l'essai vous-même.
01:13Vous allez sur n'importe quel site de ce type.
01:16Vous dites que vous avez 18 ans et plus.
01:19Donc, il suffit de cocher une petite case.
01:20Et puis, vous allez pouvoir avoir accès à ces images.
01:23C'est évidemment très facile pour un mineur de prétendre avoir 18 ans.
01:27Et puis, il va avoir accès à ces images sans aucun contrôle, sans aucune possibilité
01:31d'avoir un adulte à ses côtés qui va lui dire que ces images, elles ne sont pas faites pour lui.
01:35D'où notre prochaine question.
01:36C'est comment vérifie-t-on l'âge de quelqu'un sur Internet ?
01:38En fait, on ne le vérifie pas.
01:40Pour l'instant, on ne le vérifie pas parce que c'est juste une déclaration.
01:42Et justement, ce que dit la loi, c'est qu'il va falloir mettre en place des systèmes de vérification d'âge qui soient efficaces.
01:48Et d'ailleurs, l'ARCOM a fait des préconisations techniques pour pouvoir justement aider les sites à choisir les bons systèmes.
01:53Ça existe au monde ?
01:54Oui, ça existe et ça a déjà été mis en place.
01:55C'est là où c'est paradoxal.
01:56C'est qu'on nous dit non, ce n'est pas possible.
01:58En fait, si d'autres sites l'ont déjà fait, ils commencent d'ailleurs à le faire en France.
02:01Et ça a déjà été fait à l'étranger.
02:03Et donc, ça marche, ça fonctionne.
02:05Pardon, mais un enfant de 10 ans sur 5 se rend tous les mois sur des sites pornos à 10 ans.
02:11On est généralement en CM2.
02:1412% du trafic de ces sites est réalisé par des mineurs, selon un rapport du Sénat et une enquête de l'ARCOM.
02:20Ces chiffres, pardon, sont effrayants.
02:22Vous, ils ne vous surprennent pas ?
02:24Alors, ils continuent à être effrayants pour nous et heureusement.
02:26C'est pour ça qu'on continue le combat.
02:28C'est vrai que ce n'est pas normal que des enfants si jeunes utilisent les outils numériques pour pouvoir apprendre la sexualité.
02:34Parce que c'est souvent pour ça qu'ils y vont, pour découvrir, pour essayer d'avoir des réponses à leurs questions.
02:38Parce que les adultes aujourd'hui en France ont bien du mal à parler de sexualité.
02:41Le problème de la pornographie, c'est que ça va donner des mauvaises réponses à des bonnes questions.
02:46Ça va donner, non pas des réponses, mais aussi des fausses certitudes.
02:50Les jeunes vont partir avec l'idée que la pornographie, c'est le reflet de la sexualité des adultes.
02:54Et donc, c'est là où nous, on a besoin de les protéger.
02:57De pouvoir, bien évidemment, en parallèle de ce blocage des sites pornographiques,
03:01pouvoir aussi apporter un contenu qui soit de qualité.
03:03Un contenu qui les aide aussi à comprendre ce qu'est la sexualité.
03:07C'est vrai qu'elle s'affiche partout, dans les séries accessibles aux jeunes.
03:10Les jeunes en parlent.
03:11Et donc, c'est normal de pouvoir avoir des questions.
03:14Mais pour cela, il faut leur apporter des contenus qui leur permettent de comprendre
03:17dans quoi ils s'engagent avec tout ce qui va autour de la sexualité.
03:20Le consentement, la protection de soi, etc.
03:22Alors justement, vous qui êtes psychologue, avez-vous des jeunes patients qui vous parlent de pornographie,
03:27qui évoquent l'impact de ces images ?
03:29Bien sûr.
03:30Il faut savoir que la pornographie fait partie, vous avez rappelé quelques chiffres,
03:34de la vie des jeunes énormément.
03:36Moi, je considère qu'aujourd'hui, quasiment la totalité des jeunes avant 18 ans
03:39ont vu à un moment de leur vie, pas forcément avant 10 ans,
03:42mais en tout cas au cours de leur vie, des images à caractère pornographique.
03:46Ce que ça va donner comme impact, c'est d'abord une image tronquée de ce qu'est la sexualité.
03:51Quand j'ai mes patients, puisque vous m'en parlez,
03:53ils me racontent ce qu'ils ont compris de la sexualité,
03:56ils vont me décrire en fait un scénario qui va être systématiquement le même.
04:00Parce que dans les films pornographiques, on a systématiquement le même déroulement.
04:04Il n'y a pas de préliminaire, il n'y a pas de tendresse, il n'y a pas de dialogue,
04:07il n'y a même pas d'humour, il n'y a pas de pause.
04:08Et c'est vrai que les jeunes vont s'inspirer de ce qu'ils voient
04:12pour faire ensuite la même chose avec leur partenaire.
04:15Parce qu'ils croient que c'est ce qu'il faut faire.
04:16C'est une sorte d'exemple.
04:17Parce qu'il n'y a pas de contre-discours,
04:19il n'y a pas d'autre possibilité pour eux d'imaginer autre chose,
04:22puisque la pornographie leur impose d'une certaine manière ces images
04:25et leur impose que c'est comme ça qu'ils font fonctionner.
04:27Ça va aussi créer chez les plus âgés des troubles anxieux,
04:30tout simplement parce que la pornographie,
04:32elle renvoie l'idée que la sexualité, c'est une compétition,
04:35c'est une espèce de moment physique
04:37où on va devoir imposer quand on est un garçon sa domination,
04:41imposer aussi quand on est une fille l'idée
04:43qu'on doit se soumettre au désir du garçon,
04:45qu'on doit crier, avoir mal,
04:47supporter des choses qui nous sont intolérables.
04:49Et c'est vrai que c'est très ancré dans l'idée des adolescents
04:52qu'il va falloir reproduire ce même type de choses.
04:55Et pour les plus jeunes, parce que vous l'avez dit aussi,
04:57dès le primaire, les enfants vont aller sur ces sites,
05:00ça va créer aussi beaucoup de confusion
05:03parce que souvent les enfants,
05:04quand ils vont être confrontés à ces images,
05:05la première chose qu'ils vont faire,
05:06c'est ne pas en parler à leurs parents.
05:08Or, c'est ça qu'il faudrait faire pour pouvoir se rassurer,
05:11demander aux parents,
05:11est-ce que ce que j'ai vu est ce que vous faites ?
05:14Parce qu'il faut avoir aussi en tête que les jeunes
05:17imaginent que c'est le reflet de la sexualité de leurs propres parents.
05:21Et j'invite vos auditeurs à aller regarder
05:22ce que sont la réalité des images pornographiques aujourd'hui.
05:25Je pense qu'on n'a pas tellement envie
05:26d'imaginer que nos enfants pensent ça de nous.
05:29D'ailleurs, il faudrait parler des pornographies,
05:30non pas de la pornographie.
05:32La pornographie a beaucoup évolué.
05:34Elle transmet une image extrêmement dégradée de la femme
05:36avec, comme je disais, une domination systématique des hommes,
05:40avec aussi des contenus qui peuvent être extrêmement choquants.
05:45J'en cite, de la zoophilie, de la scatophilie,
05:47des films qui font la promotion de l'inceste.
05:50Et ça, ce n'est pas normal que des enfants si jeunes y aient accès.
05:53C'est déjà difficile à regarder pour certains adultes.
05:56Et donc, il n'est pas normal que les enfants grandissent.
05:58Et là, on est depuis 5 ans sur ce sujet.
06:01Et donc, ça veut dire que des jeunes qui avaient 12 ans
06:03il y a quelques années sont quasiment devenus majeurs
06:06et ont pu s'abreuver de ces images
06:08sans avoir la possibilité d'avoir vraiment une protection maximale.
06:13Et c'est sur ce sujet que nous essayons de lutter.
06:15Et vous le dites très bien, ces jeunes,
06:16s'ils regardent aussi ces sites pornographiques,
06:19c'est pour apprendre des choses.
06:22Est-ce qu'ils vous expliquent, vos patients,
06:24pourquoi ils n'arrivent pas à en parler avec leurs parents ?
06:27Est-ce que ce sont les parents qui manquent d'arguments ?
06:29Est-ce que ce sont les enfants qui n'osent pas poser des questions ?
06:32Alors, il y a plein de choses.
06:33Effectivement, d'abord, les jeunes sont en difficulté d'aller vers l'adulte
06:36parce qu'ils sont toujours un peu gênés de parler de leur intimité,
06:39ce qu'on peut tout à fait comprendre.
06:41Moi, ce que je pense, c'est qu'il faut pouvoir parler de ces sujets
06:44le plus tôt possible, peut-être dès les premiers moments
06:47où le jeune va avoir des outils numériques dans les mains
06:49et ça se fait en primaire parce que, de toute façon,
06:51il va être confronté à des images pornographiques
06:53et donc, il faut avoir, encore une fois, un contre-discours.
06:56Donc, parler de la sexualité, ça ne veut pas dire, évidemment,
06:58de parler de position sexuelle, surtout chez des enfants de primaire,
07:00mais c'est déjà parler du respect de soi, du respect de l'autre,
07:03du consentement, de pouvoir parler du plaisir aussi,
07:06mais pas forcément sexuel, de pouvoir dire aussi
07:07que ce que je ressens, ce n'est pas forcément ce que l'autre ressent
07:10et que je ne peux pas imposer des choses.
07:12Et tous ces messages sont des préalables, en fait,
07:16à pouvoir, plus tard, quand l'enfant sera rentré au collège,
07:20quand il aura l'âge, peut-être, d'avoir ses premiers rapports,
07:22de comprendre, justement, l'importance de tous ces sujets,
07:25de se protéger, etc.
07:26Les adultes, ils ont du mal à en parler
07:28parce que, des fois, ils ont parfois eux-mêmes
07:29des problèmes avec leur propre sexualité,
07:31parce qu'on a toujours aussi, surtout en France,
07:34l'idée que c'est toujours trop tôt,
07:36qu'il ne faut pas en parler trop tôt
07:37parce qu'on a l'idée qui est fausse
07:39qu'en parler va donner l'envie aux enfants de passer à l'acte.
07:43Or, c'est faux.
07:43Toutes les études nationales et internationales le montrent.
07:46Plus on parle tôt de sexualité à un enfant,
07:49plus tard aura lieu son premier rapport sexuel.
07:51Tout simplement parce que, du coup,
07:52il a la réponse à ces questions.
07:53Il n'y a pas besoin de passer à l'acte
07:55pour pouvoir se rassurer, comprendre ce qu'est la sexualité.
07:58Une toute dernière question.
07:59Un auditeur d'RTL nous affirmait à la mi-journée
08:01que les contrôles imposés pour accéder au site
08:03de la Française des Jeux,
08:05je dis bien la Française des Jeux,
08:06sont plus stricts que sur les sites pornos.
08:10Ça veut dire qu'on sait faire si on veut.
08:12Exactement.
08:12Vous avez résumé parfaitement la situation, effectivement.
08:15Et peut-être que quand on aura réussi aussi
08:16à le faire pour la pornographie,
08:17on pourra le faire aussi pour les réseaux sociaux.
08:19Il n'est pas normal que des enfants de moins de 13 ans
08:21aient accès aux réseaux sociaux,
08:22alors que normalement, ça leur est interdit.
08:24Et donc, ça veut dire que ces systèmes,
08:25ils sont intéressants pour la protection d'enfance au sens large.
08:29Merci infiniment, Samuel Combley.
08:30Je rappelle que vous êtes psychologue
08:31et directeur général adjoint de l'association E-Enfance.
08:35Dans un instant, on retrouve Marc-Antoine Lebray
08:36sur RTL pour son Breaking News.

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