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  • il y a 5 jours
La lauréate du 51ème prix du Livre Inter, pour son roman "Un perdant magnifique", est notre invitée, avec la présidente du jury Marie-Hélène Lafon, Eva Bettan, responsable du Prix du Livre Inter, et des membres du jury de lecteurs qui l'a élue ce dimanche. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-02-juin-2025-8314060

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00:00Et c'est un grand entretien spécial autour de la lauréate 2025 du prix du livre inter que nous vous révélions dans le journal de 8h.
00:10Avec Léa, nous sommes en studio avec une trentaine de personnes.
00:13Oui, voilà, on peut le dire. On peut dire qu'il y a bien 30 personnes un peu partout, debout, assis, partout.
00:19La présidente du jury de l'édition 2025, Marie-Hélène Laffont, qui est avec nous.
00:22Bonjour et bienvenue. C'est toujours un plaisir de vous voir et de vous avoir accompagnée de l'impératrice du livre inter.
00:28Ou moins, oui. L'année dernière, on avait dit que Rennes.
00:32Donc c'était un peu... On s'est dit, il faut monter d'un cran cette année.
00:34Comment on va faire après ?
00:35Eva Betten qui est là et en studio également tous les membres du jury du livre inter.
00:39Ça a discuté sec hier, on a compris toute la journée.
00:43Et vont prendre la parole notamment Marie de Ricard Carfontan.
00:47Vous êtes orthophoniste à Versailles. Bonjour à vous.
00:49Monique Chestakova, professeure et chef d'établissement aujourd'hui à la retraite.
00:53Vous venez d'Alsace. Une bergère et une vachère, les deux à la fois.
00:58Qui nous vient de Grenoble, c'est Florence Guillermet. Bonjour et bienvenue.
01:01Et Ahmed Ba, qui vient de Guinée et qui est juriste.
01:05Bonjour à tous les quatre. On vous donne le micro dans un instant.
01:07Et enfin, la lauréate, Florence Sévos. Bravo et bienvenue à ce micro.
01:13Merci.
01:14Vous avez donc reçu le prix du livre inter pour un perdant magnifique aux éditions de l'Olivier.
01:21Première réaction, vous êtes heureuse.
01:24Qu'est-ce qui vous a traversé quand vous avez reçu le coup de fil vous annonçant que vous étiez la lauréate 2025 de ce prix ?
01:32J'étais tellement abasourdie parce que vraiment je n'y pensais pas du tout.
01:39Donc j'ai eu une espèce de dialogue de sourds avec la directrice des éditions de l'Olivier qui me disait
01:44« Mais je ne fais pas ce genre de blague. »
01:46Je lui disais « Je sais que vous ne faites pas ce genre de blague, mais je ne vous crois pas. »
01:51Mais pourquoi c'était si difficile à croire ?
01:54Peut-être parce que c'est un livre, enfin je me disais, c'est juste un petit roman.
02:02Et c'est un livre qui ne parle pas du tout de sujets de société.
02:07Peut-être c'est aussi pour ça.
02:09Non, ce n'est pas juste un petit roman, Florence Sévos.
02:12Je précise que vous avez reçu il y a quelques années le concours des lycéens pour votre roman « Les apparitions »
02:17et que depuis vous bâtissez une œuvre singulière, sensible, entre vos romans, vos livres pour enfants
02:22et les scénarios que vous co-signez pour à peu près tous les films de Noémie Lwowski.
02:26Ce roman, « Le perdant magnifique » est votre septième.
02:28Il a été salué quand il est sorti en janvier par toute la presse de Télérama au Figaro.
02:32On vous avait reçu à 9h20 avec grand plaisir pour ce livre que j'ai beaucoup aimé.
02:37Mais le prix du livre inter, c'est vraiment un prix passionné de littérature.
02:43Je les vois, oui, c'est des lecteurs exigeants.
02:45Est-ce qu'il a une saveur particulière pour vous ?
02:48Ah oui, oui.
02:49Et puis, je n'arrête pas de le mesurer à chaque instant depuis hier soir,
02:55depuis le moment où j'ai rencontré les jurés et Marianne Laffont.
03:01À chaque moment, je me dis, en fait, c'est un prix qui n'a pas de prix.
03:04C'est parce que, voilà, déjà, c'est toutes ces personnes qui veulent absolument faire partie de ce jury,
03:16qui écrivent des lettres, la façon dont ça se passe,
03:18et qui viennent pour parler, se disputer à propos de livres que les ont touchés.
03:27Et quand on écrit, on ne sait pas pour qui on écrit.
03:32Souvent, on écrit pour son éditeur.
03:34Il y a quelque chose d'abstrait.
03:35Et on se dit, si jamais ça touche une personne, c'est merveilleux.
03:40Donc là, je suis extrêmement émue.
03:42Le prix qui n'a pas de prix, très bon slogan pour l'an prochain, Eva, vous le notez.
03:48Le jury est là, dans le studio de la matinale.
03:53On rappelle comment il est composé.
03:5624 auditeurs, lecteurs, 12 femmes, 12 hommes, tous amoureux des mots et des textes.
04:02Alors, Eva Bétan, racontez-nous comment se sont passées les délibérations.
04:06Ça a été tendu, disputé, ça a été rapide.
04:11Expliquez-nous.
04:12Au début, on les chauffe, je les chauffe à la liberté.
04:16En leur disant, c'est ici et maintenant.
04:19On ne pleure pas à la machine à café après, ça ne sert à rien.
04:22Il faut même s'entretuer pour des idées.
04:25Mais vraiment, parce qu'il faut qu'ils aient conscience qu'on fait tout ça pour eux.
04:29On leur donne vraiment le pouvoir.
04:30Ils ne seront pas des alibis.
04:32Ils se sont entretués ?
04:34Je voulais, mais vraiment, j'attendais le premier son.
04:37Mais oui, quand même, il se sont.
04:38Et c'est une déception ce matin.
04:40Le goût du son.
04:42Non, mais vraiment, c'est super important.
04:44Parce que c'est comme ça que ça devient leur prix à tous.
04:47Aucun livre ne pourrait faire l'unimité, sinon on serait dans une dictature.
04:51Mais le prix est leur prix à tous, parce qu'il est né de tout ça.
04:54Et ce qui est très beau, c'est quand on voit aussi des gens dire,
04:57j'ai changé d'avis en fait.
05:00Ça m'a ouvert sur d'autres livres.
05:01Il y a des années où ça va plus vite.
05:03Là, il a été disputé.
05:05Oui, il a été disputé, mais aussi parce que Marie-Hélène Laffont voulait que, d'abord,
05:10que, moi je trouve que tous les livres, on leur doit l'honnêteté que tout soit discuté.
05:15Même ceux dont il semble, d'après le premier tour de table, qu'ils n'ont pas beaucoup de chance.
05:19C'est la moindre des choses qu'on doit aux livres.
05:22Et après, c'est aller au fond pousser les gens.
05:24Et ça, Marie-Hélène l'a très bien fait.
05:25Quelle présidente avez-vous été ?
05:28Une présidente ferme et attentive.
05:31Dure et impitoyable.
05:33Ça veut dire dure et impitoyable.
05:36Ferme et attentive.
05:37En tout cas, j'avais à cœur, en effet, qu'il soit question de chaque livre.
05:41Que chaque livre soit mis en question.
05:43Et ce qui m'a...
05:45Nous avons délibéré pendant cinq heures, trois tours.
05:48Troisième tour, le livre est sorti au troisième tour.
05:50Et ce qui m'a beaucoup frappée, c'est que l'intensité n'a pas...
05:54Ça n'a pas molli jusqu'au bout.
05:57Et en effet, il a été question de chaque livre.
05:59Et il a été question aussi de...
06:01Il a été question de ce que disaient les livres.
06:04De la manière aussi dont la chose était dite.
06:06C'est-à-dire, il a été question, pour dire les choses un peu simplement, de fond et de forme.
06:09Il a été question de littérature.
06:11Il a été question de langue.
06:12Et...
06:13Vous vous dites...
06:14Enfin, on nous a envoyé des petits SMS.
06:18Il a eu les coulisses.
06:19Il nous est revenu.
06:21Il nous est revenu dans l'entourage du livre inter.
06:25L'entourage proche.
06:26L'entourage proche que vous avez particulièrement défendu, vous comme présidente du jury, le livre de Florence Cévoste.
06:32Disant que c'était le choix de la langue, le choix de la littérature, le choix du roman, le choix du texte.
06:37Oui, le choix du texte.
06:39Et justement, c'était vraiment au centre du terrain.
06:43Au centre de la mêlée hier.
06:44Donc, il n'y a pas eu de mêlée au sens physique du terme.
06:49Et nous avons, ce que j'ai beaucoup aimé aussi, c'est que nous étions en pleine littérature et nous entendions monter par les baies ouvertes le, on va dire, le feulement du foot.
07:00Ah, vous entendez ?
07:01Oui, parce que les supporters passaient devant la maison de la radio pour aller sur les Champs-Elysées ou pour repartir.
07:06Donc, c'était le mélange de la littérature et de l'intensité de la liesse footballiste.
07:12Mais il y avait de la liesse aussi dans la littérature.
07:13Il y a de la liesse dans la littérature.
07:15Alors, juste peut-être avant de donner la parole et de parler du livre, de dire quelques mots sur le livre.
07:20Eva, ça s'est joué.
07:21Est-ce que vous pouvez dire les deux ou trois autres livres qui ont marqué ?
07:25Tout à fait. Il y a eu le livre d'Adélion.
07:29Qui a reçu le prix France Télévisions.
07:31Exactement.
07:32Et la question s'est posée, mais aussi à quel genre il appartenait.
07:36Mais je crois que tout le monde comprend aujourd'hui que les frontières sont floues dans ce qui entre dans la littérature.
07:43Il y a eu aussi le livre de Chêne Haddad et Mégil.
07:48Et je dirais qu'à l'arrivée, ça s'est joué entre ces trois livres.
07:51Vraiment.
07:52Il faut dire aussi que les deux premiers tours sont à la majorité absolue.
07:56Donc, 25 votants, 13 voix.
07:58Et le livre de Florence Evoz a failli passer au deuxième tour parce qu'au deuxième tour, il en avait 12.
08:02Donc, vraiment, ça ne s'est fait à rien pour la majorité absolue.
08:05Alors, juste pour les auditeurs qui débarquent et qui n'ont pas lu le livre,
08:09pourtant, on l'encourage depuis des mois.
08:10C'est l'histoire d'une relation atypique de deux adolescentes et de leur beau-père fantasque.
08:14C'est lui, ce perdant magnifique.
08:16Il est fantasque, il est flamboyant, autoritaire.
08:19Elle vive entre le Havre et Abidjan en Côte d'Ivoire.
08:21C'est ce Jacques qui couvre ses belles-filles de cadeaux alors qu'il est fauché,
08:26qui les regarde alors qu'il est un peu taré.
08:29C'est un perdant, un perdant magnifique.
08:32Vous allez lire quelques...
08:33Marie, tout de suite, peut-être, c'est parce que c'est vraiment l'ambivalence de ce personnage
08:37qui vous a plu, à la fois fantasque, flamboyant et loser, quoi.
08:41Parfois, je pense que notre mère avait choisi d'épouser Jacques parce qu'elle aimait la difficulté,
08:48parce que c'était un choix à la mesure de sa propre combativité, de son besoin secret d'en découdre.
08:55Elle l'admirait comme elle admirait Napoléon.
08:58Elle aimait que la vie de Jacques ressemble à un destin et que ce mariage fasse d'elle une héroïne.
09:03Elle aimait aussi, je crois, même si cela l'exaspérait souvent,
09:07que Jacques ne supporte ni les contraintes ni les obligations
09:10et qu'il ne fasse les choses que lorsqu'il l'avait lui-même décidé.
09:19Magnifique lecture.
09:20Marie de Ricard Carfenton, je rappelle que vous êtes orthophoniste.
09:23Vous, on nous a dit aussi dans les...
09:26On nous a dit que...
09:26Alors Marie, elle était prête à se jeter par terre en boule pour que Florence Céveau, c'est le prix.
09:32Et pourquoi ce livre vous a particulièrement touché ?
09:34Alors en fait, je cherchais un beau roman.
09:37J'ai trouvé ce roman-là m'a touchée coulée.
09:40Je cherchais à être touchée coulée.
09:42J'ai trouvé que la langue était juste, précise.
09:45Et ce que j'aime beaucoup, il y avait beaucoup d'implicite.
09:48C'est-à-dire que comme Eva Betten le disait hier,
09:50nous lecteurs, on a dû être actifs.
09:52C'était un livre qu'on ne recevait pas tout cru.
09:55Pas tout cru.
09:56Les choses étaient en plein et en creux.
09:58Les portraits en plein et en creux.
09:59Et j'espère vraiment que beaucoup de gens seront touchés, coulés.
10:04Que ce soit des jeunes, des moins jeunes, toutes les professions.
10:08J'espère que ça touchera une population aussi vaste que notre jury.
10:12Et merci France Inter pour cette très belle aventure.
10:15Merci à vous d'y avoir participé.
10:17Monique Chestakova, même sentiment ?
10:19Oui, même sentiment.
10:20Moi, j'ai découvert le livre de Florence Céveau avant la liste que nous avons dévorée tous.
10:28Et je suis tombée dedans.
10:32J'ai trouvé ma place en tant que lectrice.
10:36Parce que Florence propose une écriture qui ne dit pas tout.
10:41Qui laisse l'imagination faire son travail.
10:44Et donc moi, j'ai eu beaucoup d'empathie pour Jacques.
10:48Et les personnages qu'on lit, qu'on découvre, on les rapporte toujours un peu à soi.
10:53Et la question de la déraison, la question de la folie douce, la question de la fantaisie portée jusqu'au bout, c'est une question qu'on peut s'appliquer à soi.
11:04Et est-ce bien raisonnable ?
11:05Est-ce qu'il est légitime d'être aussi fou que Jacques ?
11:10Pas trop, mais un peu.
11:11Et quelle place on fait à ces gens-là dans la société ?
11:14Et donc ce Jacques, moi, il m'a porté.
11:18J'ai voyagé dans sa vie.
11:23Merci Florence de nous avoir donné ce moment de bonheur.
11:28Et merci France Inter pour cette aventure.
11:30Florence Evos, la folie, la folie douce, l'ambivalence de ce personnage-là, elle est présente très souvent dans vos livres-là.
11:38Vous dites, c'est ça qui m'intéresse, c'est les mauvais sentiments, c'est la lisière, c'est le...
11:45On ne sait pas s'il est fou ou pas fou.
11:48C'est cette...
11:48Voilà, c'est cette...
11:51Les zones un peu grises et un peu indécidables comme ça.
11:56Et d'ailleurs, moi, je suis toujours touchée quand des lectrices ou des lecteurs aiment le personnage de Jacques.
12:04Mais je sais que parfois aussi, ils suscitent vraiment des réactions assez vives.
12:08J'étais dans une librairie, une fois, au bonheur à Montrouge, où en fait, les gens se disputaient dans la librairie.
12:16Ah mais moi, je ne peux pas le piffrer.
12:17Ah mais c'est...
12:19C'était drôle.
12:21Qui n'a pas pu le piffrer, là ?
12:24Est-ce qu'il y en a un ?
12:25Levez la main et donnez un micro.
12:28Allez-y, c'est marrant, ça.
12:30Il y en a un que le personnage...
12:31Allez, vas-y.
12:32Le micro.
12:33Allez, le micro.
12:35Alors, présentez-vous, monsieur, avec une très belle chemise à la Magnum, hawaïenne.
12:40La Senghorari, 43 ans, parisien.
12:43Alors moi, je n'ai pas apprécié le livre, car ça ne m'a pas touché.
12:47Le personnage de Jacques.
12:49Je trouve que c'est un peu de certaine longueur.
12:51Après, c'est sûr, je l'ai lu en dernier dans la sélection des dix livres.
12:54Je l'ai lu après Aimé Gilles.
12:55Moi, j'ai adoré Aimé Gilles.
12:57Voilà.
12:59Je vais certainement le relire, parce qu'hier, il y a eu des très beaux commentaires.
13:02Marie m'a convaincue de le relire.
13:05Marie vous a convaincue.
13:06Alors, je voudrais qu'on donne le micro à Florence Guillermet, à notre bergère vachère, ce matin,
13:11qui vient de Grenoble et qui doit retrouver ses vaches ensuite.
13:13Vous, Florence, vous l'avez beaucoup aimé, ce livre-là.
13:15Oui, je l'ai beaucoup aimé.
13:16Il faisait partie du top 3, en fait.
13:19Ce que j'ai aimé, moi, c'est que j'ai aimé les personnages.
13:22En fait, moi, ce que j'aime, c'est m'attacher aux personnages.
13:25Après, je n'aimerais pas avoir un beau-père comme Jacques.
13:27Je trouve que c'est extrêmement, ça nous met dans des situations un peu précaires, difficiles.
13:34J'ai trouvé très beau la relation des deux sœurs avec leur maman.
13:38J'ai trouvé vraiment un très beau bouquin que j'offrais avec plaisir, que je prêterais à mes copines.
13:44Et puis surtout, demain matin, en fait, j'ai des vaches qui arrivent.
13:46J'ai un sac à dos préparé et je le mettrai dans mon sac à dos.
13:49Avec Aimé Gilles, que j'ai beaucoup aimé.
13:51Vous en lirez des extraits à vos vaches ?
13:53Le lait sera d'une qualité sinouïste.
13:59Ahmed Ba, dites-nous alors.
14:01Qui nous vient de Guinée ?
14:03Oui, moi, je suis originaire de Guinée, effectivement, je viens de Guinée.
14:06C'est un roman que j'ai beaucoup aimé.
14:09Surtout, moi, c'est l'atmosphère, en fait.
14:10Je me suis dit, en le lisant à la fin, l'écriture et les dépouillés, ça m'a fait penser à Annie Ernaud.
14:15Mais c'est l'atmosphère parce que je me disais à un moment, est-ce que ce n'est pas un polar ?
14:18Parce qu'on n'avait pas de cadavres.
14:19Certes, on n'avait pas de cadavres ou de meurtres ou de sang.
14:24Mais en fait, l'atmosphère, elle était là, elle était pesante.
14:27Elle était lourde, même sur la fameuse scène du piano, que nos auditeurs pourront effectivement remarquer.
14:32Découvrir.
14:33Et d'un autre côté, en fait, je pense qu'on est tous un peu Jacques, un peu fous.
14:37C'est les humains, un peu des hauts et des bas.
14:39On gagne, on perd.
14:40Donc finalement, j'ai beaucoup aimé ce roman et je remercie France Inter pour ce livre et ce magnifique prix.
14:48Et ça vous a plu de venir en France pour être un des jurés du livre Inter ?
14:52Alors, je suis venu pour mes études supérieures.
14:56J'arrivais pour faire des études supérieures.
14:58Je suis de Guinée, je suis tombé en Savoie.
14:59Donc voilà, l'ambiance, elle était déjà menée.
15:02J'avais pas des tongs, je vous rassure.
15:04Mais c'était, j'ai connu après là, beaucoup les médiathèques, les librairies et tout.
15:10Et en fait, j'ai continué à dévorer des littératures françaises et du monde.
15:13Donc c'est ce qui me passionne aujourd'hui et qui me fait vibrer, me fait vivre.
15:18La lettre était extraordinaire.
15:19Vous racontez que vous étiez un enfant Peul au bord d'une rivière et comment les livres sont venus à vous alors que c'était pas évident.
15:27Et c'est ça qui est formidable, c'est qu'on voit que quand la greffe de la lecture a pris, elle reste pour la vie.
15:35Et ça transcende les pays, les milieux, parce qu'on peut bien gratuit.
15:39Et les âges ?
15:39Et les âges, parce que c'est vrai que vous avez choisi Eva, c'est elle qui fait la sélection.
15:43Bien sûr, vous avez été choisie grâce à Eva Bétan.
15:45L'impératrice.
15:47Attention Léa, attention.
15:49Malheureusement, on n'a pas l'image de tout le monde, mais il y a tous les âges, tous les métiers, toutes les régions.
15:56Et c'est vrai que ça, ça fait plaisir, quoi.
15:58C'est pas juste...
16:00On a une prof et chef d'établissement.
16:03Oui, on a les retraités.
16:04Et Marie-Hélène Lavreau.
16:05On a les deux profs.
16:06Mais ce que je veux dire, c'est pas que ça.
16:08Et c'est ça qui est beau, quoi.
16:09Mais c'est pas que la France est grande ville.
16:10Il y a des endroits.
16:11Moi, je connaissais pas l'Ivaro-Pays d'Auge.
16:13Je connaissais pas l'Antiole-Dornal.
16:15Oui, mais bon.
16:17Voilà.
16:18C'est toute la France.
16:19C'est des gens qui viennent de partout, de tous les horizons.
16:22Et on le fait pas statistiquement.
16:24C'est ça, les lettres.
16:25On les prend avec le cœur, mais ils sont représentatifs.
16:30Impératrice, dans la sélection de cette année, plusieurs romans mettaient à l'honneur des personnages de jeunes femmes
16:36qui questionnent les codes amoureux, la passion adultère dévorante dans le livre d'Emma Becker, Le Maljoli,
16:43le trio amoureux ardent qui explore la violence des corps dans celui de Sean Haddad, Aimé Gilles, on en a dit un mot à l'instant,
16:52une jeune femme fascinée par des mentors masculins, un télo dans celui d'Emmanuel Lambert, Aucun Respect.
16:58Comment vous l'analysez, ça, Eva ?
17:01C'est beaucoup de livres sur les femmes et l'amour, donc, c'est un hasard ou ça dit quelque chose de l'époque ?
17:07Il y a deux constatations qui me viennent.
17:09C'est que cette année, on a vu le nombre de femmes autrices augmenter au fil des ans.
17:14Cette année, 7 écrivains sur 10 sont des femmes.
17:18Il y a eu des années, à quelles années, je ne sais pas possible, il ne va pas y avoir que des hommes.
17:21Et là, c'est l'inverse, je me disais, mais ce n'est pas possible.
17:24On ne va avoir que des femmes quand même, on va croire qu'on a truqué la liste.
17:28La deuxième chose, je vois aussi que dans certains livres, le féminisme actuel imprime aussi le contenu des livres.
17:35C'est-à-dire que l'histoire est aussi vue avec le recul du temps.
17:39Emmanuelle Lambert, elle parle de sa jeunesse auprès d'Europe grillée,
17:42en revoyant ça avec le recul du temps.
17:45C'était un âge du féminisme et elle parle d'un âge du féminisme plus radical aujourd'hui.
17:49Adélion, elle revoit la folie, la schizophrénie de sa grand-mère dans son enquête,
17:54avec aussi son regard de jeune femme d'aujourd'hui, avec le poids du patriarcat,
17:58avec la manière dont on veut conditionner la femme pour qu'elle corresponde à un modèle.
18:02Donc c'est tout ça qu'on voit dans le contenu des livres et qui est vraiment intéressant
18:06parce qu'il donne l'époque.
18:08Après la question c'est comment on relira ses livres dans 10 ans, dans 15 ans, je ne sais pas.
18:12Vous, le Père dans Magnifique, c'est une époque aussi,
18:15puisque c'est une époque, on est quoi dans les années 80 ?
18:17On communique par fax entre le Havre et Abidjan,
18:20les filles regardent Rocky, se bourre la gueule au whisky-coca,
18:24écoutent des vinyles de Niliang coucher sur la moquette.
18:27C'est aussi cette époque-là...
18:28Après avoir vomi.
18:29Après avoir vomi, oui, bien sûr.
18:31C'est cette époque-là aussi que vous avez voulu ressusciter dans ce livre-là ?
18:36C'est cette époque-là, mais vu depuis la narratrice, c'est drôle parce que ça a vraiment à voir, je crois,
18:46avec ce dont vous parliez à l'instant.
18:48C'est que la narratrice a un recul d'à peu près 40 ans par rapport à ce qu'elle raconte
18:55et elle a besoin d'y revenir parce qu'il y a quelque chose qui n'est pas passé.
19:01Il y a quelque chose qui la taraude, qui lui cause une espèce de chagrin
19:07qu'elle n'arrive pas bien à identifier.
19:11Et c'est pour ça que j'ai l'impression qu'elle éprouve le besoin de se re-raconter cette histoire.
19:17Moi, ce qui m'avait touchée aussi, je ne sais pas si ça a touché certains des lecteurs,
19:20c'était que vous écrivez sur cette relation si particulière de la belle famille.
19:24Je veux dire, ce n'est pas la même chose si ça avait été leur père biologique.
19:27Un beau-père et cette relation très particulière qui se crée entre un beau-père et ses belles-filles,
19:33en l'occurrence dans le livre, mais ça pourrait être une belle-mère et son beau-fils,
19:36c'est une relation qui est parfois plus belle encore.
19:39Et ce qu'on sent chez ce beau-père à l'endroit de ses deux filles,
19:42c'est qu'il les aime à sa manière et qu'il les regarde.
19:46Ce que peut-être un père ou une mère biologique ne fait pas.
19:50Oui, ou en tout cas, les enfants ne s'en rendent pas forcément compte
19:53parce qu'il y a quelque chose de naturel dans le regard porté par les parents.
19:58Mais quand c'est quelqu'un qui arrive de l'extérieur,
20:00quelqu'un qui ne vous connaît pas et qui vous regarde,
20:03qui vous reconnaît pour la personne que vous êtes et qui vous le fait sentir,
20:09tout à coup, vous vous sentez une personne spéciale, très importante.
20:13Ça compte énormément.
20:14Et je crois que ces deux sœurs, ça leur donne une espèce de sentiment de puissance,
20:20cette espèce d'affection inconditionnelle de Jacques
20:25et puis ce sentiment d'être adopté.
20:30Les liens d'adoption, c'est un thème qui m'intéresse énormément.
20:35Oui, et d'ailleurs, quand il est question que la mère se sépare de Jacques,
20:40qu'elle divorce, ce sont les deux sœurs,
20:43Irène et Anna, qui ont des relations orageuses avec ce beau-père,
20:46mais des relations intenses et passionnées,
20:47ce sont les deux sœurs qui, d'une certaine manière,
20:50le défendent et le protègent
20:51et remettent en question la décision que cette mère, finalement, ne prendra pas.
20:57Florence Evos, vous dites,
20:59je ne m'intéresse qu'aux détails et à l'impureté des sentiments.
21:02Expliquez-nous, la bonne littérature doit forcément explorer ces zones-là ?
21:11Je ne vais pas me lancer dans une définition de la bonne littérature.
21:15Alors, enlevez bonne.
21:18Mais en tout cas, oui, j'ai l'impression,
21:22moi, c'est ce qui m'intéresse,
21:26c'est quand c'est confus,
21:29quand on est un petit peu perdu dans ses sentiments,
21:31quand on ne peut pas porter de jument.
21:36Et puis surtout, ça ne m'intéresse pas du tout de porter un jugement.
21:40Ce que j'aime, c'est essayer de décrire des situations
21:45et parfois aussi de faire des portraits.
21:50J'aime vraiment essayer de le faire le mieux que je peux.
21:52Et j'aime, c'est vrai, beaucoup décrire des atmosphères.
21:56Donc, j'étais très touchée par ce que vous disiez tout à l'heure,
21:59monsieur, j'essaye de retrouver parfois
22:01l'atmosphère de situations que j'ai connues
22:04et d'essayer de les faire exister à nouveau.
22:08Et du point de vue des atmosphères,
22:09on joue vraiment le grand écart.
22:10Parce qu'on passe, je crois qu'on ne l'a pas dit ce matin,
22:13en tout cas encore,
22:14on passe d'Abidjan au Havre et du Havre à Abidjan.
22:16Vas-y, je l'ai dit, Marie-Hélène,
22:18vous n'écoutez pas, je l'ai dit au moins deux fois.
22:20Pardon, pardon, pardon.
22:22Vous n'écoutez pas en classe.
22:24Ça, c'est vrai.
22:25Mais on joue vraiment là, pour le coup,
22:27on joue à un grand écart.
22:29Et il y a une puissance d'incarnation dans la langue
22:31qui est extrêmement prenante.
22:35Et je crois que les discussions qui ont été intenses
22:38tournaient autour de ça.
22:39C'est-à-dire qu'on ressent la grisaille d'un après-midi
22:45de fin novembre au Havre.
22:48Et aussi la moiteur de la maison d'Abidjan
22:55qui est un lieu extrêmement particulier.
22:57Les maisons ont une présence extrêmement intense
22:59dans la langue de Florence Sévost.
23:00Il y a une dinde aussi qui a beaucoup d'importance.
23:03Oui, il y a une dinde.
23:04Il y a une dinde qui sue dans un four un soir de Noël.
23:07Un moment terrible.
23:08Et la dinde, on suit la dinde, la dinde crue.
23:10La petite fille tape la dinde, elle énerve.
23:13Et puis après, c'est formidable.
23:14Le suspense de la dinde.
23:16Les larmes de la mer et le jus de la dinde.
23:19Merci en tout cas.
23:20Merci infiniment à tous.
23:23Bravo à Florence Sévost, un perdant magnifique aux éditions de l'Olivier.
23:29Prix du Livre Inter 2025.
23:32Bravo.
23:32Merci d'avoir été à notre micro.
23:35Bravo et merci à Marie-Hélène Laffont
23:37qui a été, je crois, une grande présidente.
23:39Formidable.
23:40Formidable.
23:40Merci de m'avoir offert cette présidence.
23:43Bravo à l'ensemble du jury présent ce matin dans le studio de la matinale.
23:51Et moi, bravo et plein de baisers à Eva Bétan.
23:56Merci.
23:57Sans laquelle le livre interne n'existerait pas.
24:00Merci encore à tous.
24:01Sous-titrage Société Radio-Canada.
24:03Merci.
24:04Merci.
24:05Merci.
24:06Merci.
24:07Merci.
24:08Merci.
24:09Merci.
24:10Merci.

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