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  • 31/05/2025
Patrice Vergriete, président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, maire de Dunkerque, est l'invité de On n'arrête pas l'éco, avec Claire Chaudière.


https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-31-mai-2025-7564816

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Transcription
00:00Patrice Vergritte nous a rejoint dans ce studio, bonjour.
00:03Bonjour.
00:04Vous présidez l'ANRU, l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine.
00:07Vous êtes aussi le maire d'Hivergauche de Dunkerque et ancien éphémère ministre des Transports et du Logement.
00:15Avant de parler de politique de la ville, vous avez entendu ce reportage.
00:18À Dunkerque, il y a un énorme sujet logement parce qu'il va falloir accueillir, si je ne me trompe pas,
00:23près de 20 000 personnes, emplois directs et indirects confondus d'ici 2030 autour de la future vallée de l'industrie de la batterie.
00:31Comment est-ce que vous allez vous y prendre ?
00:32On s'y attache.
00:34On a un plan qui vise à construire 12 000 logements dans les 10 années qui viennent,
00:37qui vise à répondre à la fois à l'accueil des nouveaux arrivants, mais aussi à la demande qui existe aujourd'hui.
00:42Parce que, comme c'est dit dans le reportage, elle augmente aussi à Dunkerque.
00:45Et pour l'instant, on est dans les clous.
00:46C'est-à-dire qu'on doit passer notre production de logements de 500 par an à 1 500 en 2029.
00:51Nous devions en faire 750 en 2024.
00:55Nous sommes dans les clous.
00:56Comment on fait ?
00:57On mobilise du foncier.
00:58La communauté urbaine s'engage beaucoup pour valoriser les opérations d'aménagement, des friches notamment.
01:04On lutte contre les meublés touristiques, le développement des meublés touristiques.
01:07Vous savez que Dunkerque est aussi une station malnéaire.
01:09On a aussi du développement de ces meublés-là.
01:13On a aussi un dispositif comme l'ANRU qui permet de requalifier des logements,
01:18notamment des logements sociaux que les gens ne veulent plus forcément aujourd'hui
01:21parce qu'ils ne sont plus attractifs.
01:23Donc, on diminue la vacance.
01:24On a diminué, par exemple, les logements vacants de 20% sur deux ans.
01:28Donc, c'est considérable.
01:29Voilà les différentes pistes qui existent aujourd'hui
01:32qui nous permettent à Dunkerque de répondre à l'enjeu.
01:34Pour l'instant, on est dans les clous et on réussit cette croissance.
01:37Il y a quelques grues à Dunkerque en ce moment.
01:39Le logement, entre guillemets, en dur sur le temps très long, ça suffira ?
01:43Je crois que vous devrez aussi faire du logement, entre guillemets, provisoire ?
01:46Oui. Alors, on a prévu également du foncier et des sites
01:49d'y offrir à peu près 5 000 logements provisoires pour les chantines,
01:52notamment les chantines de PR.
01:53On y arrive.
01:54On a identifié des sites spécifiques qui nous permettraient, en fait,
01:56d'avoir sur quelques années du logement, puis ensuite une reconversion.
02:00En fait, c'est un travail très minutieux, local.
02:03Souvent, on aborde le logement à l'échelle nationale.
02:05En fait, ce n'est pas la bonne échelle.
02:06Paris n'est pas Montluçon.
02:07Lyon n'est pas l'une ville.
02:08Et en fait, chaque problématique logement est très spécifique à chacune des villes.
02:14À Dunkerque, on a des friches qu'on peut revitaliser et trouver des moyens de le développer.
02:20Et chaque territoire est différent et il faut à chaque fois y apporter une réponse spécifique.
02:25Et je rajoute juste une chose.
02:27On oublie aussi une solution, c'est l'aménagement du territoire.
02:30Je ne prends qu'un exemple.
02:31Un jour, quand j'étais ministre du logement, on m'a demandé de trouver une solution pour le logement étudiant.
02:35J'ai répondu à ce moment-là, mais le logement étudiant, c'est simple.
02:37Pourquoi on continue à concentrer les étudiants dans les métropoles ?
02:40Là où on a déjà du mal à se loger.
02:42Demain, vous faites tous les niveaux licence des universités dans des villes moyennes
02:45qui, aujourd'hui, ont des taux de vacances de logement très élevés.
02:48Je vous ai cité quelques villes tout à l'heure.
02:50Vous réglez aussi le problème du logement étudiant dans les métropoles.
02:53Donc, l'aménagement du territoire, une autre façon de regarder le pays,
02:56c'est aussi une réponse à la crise du logement.
02:57Alors, on va parler de rénovation urbaine.
02:59On est à la fin du deuxième grand plan lancé par l'agence que vous présidez,
03:04qui a été créée il y a 20 ans par Jean-Louis Borloo,
03:06avec donc ces grands travaux de transformation ou de démolition,
03:10reconstruction de bars, de tours, d'écoles et de médiathèques,
03:13parfois dans 450 quartiers populaires.
03:16La plupart des projets sont lancés,
03:18sauf que depuis le moment où ça a été lancé, l'inflation est passée par là.
03:23Et surtout, l'État cherche à faire aujourd'hui des économies absolument partout.
03:25Il a bien du mal à mettre sa part de financement.
03:28Est-ce que vous allez vraiment pouvoir aller au bout de ce deuxième programme ?
03:31Je le souhaite. D'autant plus que l'ANRU est aujourd'hui un succès reconnu par l'ensemble des maires.
03:36On le voit. J'ai rencontré l'ensemble des associations d'élus locaux depuis que je suis président de l'ANRU.
03:41C'est unanime. Aujourd'hui, les maires reconnaissent que ça a changé le paysage des villes,
03:46que ces quartiers qui souffraient pour certains de dysfonctionnements urbains,
03:50j'ai envie de dire soit un enclavement et des démolitions-reconstructions qui ont permis de désenclaver les quartiers,
03:56soit des bâtiments qui étaient totalement obsolètes, des logements dont on ne voulait plus, en fait, en réalité.
04:00Et donc, on n'a plus engagé des restructurations urbaines qui ont changé la physionomie des quartiers.
04:05J'étais à Lille encore cette semaine, à Créteil la semaine d'avant.
04:08À chaque fois, les maires sont unanimes.
04:09Ça aide donc. Ça marche.
04:11Donc, il faut continuer.
04:12Pourquoi, effectivement, c'est un enjeu financier en ce moment ?
04:14Parce que l'État a pris des engagements de financement autour d'Action Logement, autour de l'USH.
04:20L'État a pris un engagement d'un milliard d'euros d'apport.
04:23Il se trouve qu'ils ont demandé qu'on accélère les restructurations urbaines de l'ANRU.
04:28On arrive aujourd'hui donc au top.
04:30C'est-à-dire, on est au moment où tous les chantiers...
04:32C'est maintenant que l'État doit payer.
04:34Voilà. C'est là, aujourd'hui, où les projets engagent le plus de financement.
04:37Et est-ce que l'État décaisse ?
04:38Et donc, il faut, l'an prochain, 270 millions sur le budget de l'État.
04:42L'année dernière, vous n'avez rien eu ?
04:43Vous avez difficilement eu 50 millions il y a quelques semaines.
04:47Comment vous allez faire ?
04:47Eh bien, je rencontre le Premier ministre.
04:50Valérie Létard, François Rebsamen se mobilisent pour y arriver.
04:53Il faut 270 millions pour que l'État tienne son engagement.
04:56On ne va quand même pas arrêter quelque chose qui marche, qui est reconnu par les élus locaux.
04:59Aujourd'hui, il me semble que c'est à la portée, en tout cas, de l'État de pouvoir mettre 270 millions l'an prochain à l'ANRU.
05:05Je pense que c'est possible.
05:06Donc, il faut maintenant que l'État tienne son engagement.
05:08Alors, il y a un comité interministériel à la politique de la ville vendredi prochain à Montpellier.
05:14Alors, il a déjà été reporté deux fois, mais il va se tenir.
05:17Ça veut dire une grande partie du gouvernement réunit autour de cette question des quartiers prioritaires.
05:21Qu'est-ce que vous en attendez ?
05:22Je pense que c'est d'abord, à mon avis, une attente sur le volet social de la politique de la ville.
05:28Comme je le disais à l'instant, l'ANRU a plutôt montré un succès dans la politique de la ville.
05:33La rénovation urbaine, la partie urbaine de la politique de la ville, on a trouvé le bon outil.
05:37On est au niveau de l'ambition qu'il faut en termes financiers.
05:41Donc, je pense que ce que j'attends le plus aujourd'hui, c'est des enjeux sur le volet social.
05:46Éducation, emploi, enfance, sécurité.
05:50C'est-à-dire ce qu'on appelle le contrat de ville dans la politique de la ville.
05:52Pas forcément la rénovation urbaine.
05:54La rénovation urbaine, ce qu'on attend, j'ai envie de dire, c'est plutôt un engagement d'un ANRU3.
05:58C'est-à-dire qu'on engage un nouveau programme de rénovation urbaine.
06:02Ce n'est pas forcément le CIV qui doit permettre d'annoncer ça.
06:04Je pense que le CIV doit plutôt privilégier le comité interministériel.
06:08Un ANRU3, ça veut dire quoi ?
06:09Ça veut dire que là, on n'a pas encore fini le deuxième programme,
06:11mais on se projette dans un troisième programme qui va durer 15 ans et qui démarrerait dans 5 à 10 ans.
06:16C'est ça que vous dites ?
06:17Non, c'est très divers.
06:18C'est ça que vous demandez aujourd'hui ?
06:19Non, non, il y a des situations où c'est terminé.
06:21Par exemple, sur Dunkerque, j'ai un quartier aujourd'hui où l'ANRU2 aura permis d'aboutir.
06:26On est au bout.
06:27Mais il y a des plus grands quartiers, je pense aux Francs-Moisins, que j'ai visités à Saint-Denis aujourd'hui,
06:31où ce n'est pas terminé.
06:32Et vous ne pouvez pas dire à une partie de la population des Francs-Moisins,
06:35vous, c'est bien, vous allez vivre dans un cadre de vie apprécié.
06:38Mais alors la rue d'en face, non, on va arrêter, la rue d'en face, vous restez comme vous étiez avant.
06:43Ça, ce n'est pas possible, c'est une injustice qui est absolument impossible.
06:47Et puis, qu'est-ce qu'on va faire ?
06:48On va revenir à une ségrégation socio-spatiale dans notre pays ?
06:52Alors, cette ségrégation socio-spatiale, elle s'est d'ailleurs accrue ces dernières années,
06:57malgré ces programmes de rénovation urbaine.
06:59C'est ce que dit un récent rapport qui a été rendu, y compris par la directrice générale de l'ANRU
07:06et puis le maire de Villeurbanne.
07:07La ségrégation s'est accrue, alors même qu'il y a tous ces travaux,
07:12c'est quand même, qu'est-ce qui s'est passé là ?
07:14Oui, c'est vrai, et d'ailleurs c'est vrai depuis 30 ans.
07:16C'est un constat d'échec, malgré tout ?
07:17C'est-à-dire que ça s'accroît depuis 30 ans, la ségrégation socio-spatiale.
07:20Mais j'ai envie de dire, il y a un objectif de mixité sociale en France.
07:25Très bien.
07:27Moi, à titre personnel, ça ne me gêne pas de voir des quartiers populaires.
07:30Ça ne me gêne pas.
07:31Moi, j'ai grandi dans un quartier populaire, les glacis à Dunkerque.
07:34J'y vivais bien.
07:36Ce qu'il faut éviter, c'est que le quartier populaire bascule dans un quartier en difficulté.
07:40C'est-à-dire qu'il soit stigmatisé, que les gens refusent d'y aller, refusent d'y habiter,
07:44ou que les services publics ne soient pas à la hauteur,
07:46et que les gamins qui grandissent dans ces quartiers n'aient pas la même chance que les autres.
07:50C'est ça que permet de faire la politique de la ville,
07:52et l'ANRU dans sa dimension urbaine.
07:55Et donc pour moi, c'est ça qui est important.
07:56Que les catégories les plus aisées se regroupent entre elles aujourd'hui dans les villes,
08:01c'est une réalité depuis 30 ans.
08:03Ce que moi, je souhaite en tant que maire, c'est que les quartiers populaires vivent bien.
08:06Même s'il y a des quartiers populaires dans ce pays, il faut qu'ils vivent bien.
08:09Il faut qu'ils aient le niveau de service public approprié.
08:11Il faut qu'ils puissent vivre en sécurité.
08:13Il faut que le cadre de vie ne soit pas un repoussoir pour les autres.
08:17Il faut que chacun ait envie aussi d'y venir dans les services publics qui sont proposés.
08:21Moi, c'est ma vision de la ville.
08:23C'est ma vision de la ville.
08:24Donc, on peut imaginer demain qu'il y ait des quartiers populaires dans une ville.
08:28On n'est pas obligé de faire la mixité partout, tout le temps, etc.
08:30Mais par contre, il est hors de question que les quartiers populaires, on les laisse dériver.
08:34Il faut un peu plus de moyens dans ces quartiers, un peu plus de profs.
08:36Une volonté politique, c'est ce que disent un certain nombre d'élus, de banlieues, de tous bords politiques d'ailleurs.
08:41Ils disent qu'aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de volonté politique incarnée par le gouvernement.
08:45Ce n'est pas porté, on entend.
08:47C'est très peu porté.
08:48Le gouvernement dont vous avez fait partie, ces élus disent que ça ne date pas d'aujourd'hui.
08:53Ça fait quand même déjà plusieurs années qu'il y a eu une absence de portage de cette politique de la ville.
08:58Vous faites le même constat, vous, aujourd'hui, maintenant que vous êtes de l'autre côté, à l'agence de la rénovation urbaine ?
09:04En tant que ministre, je pense l'avoir porté.
09:06Je pense que Valérie Letard et François Rupsamène le portent.
09:08Par contre, ce qui est vrai, c'est que politiquement, on a sans doute baissé la garde.
09:14Je pense que les maires ont baissé la garde par rapport à la politique de la ville
09:17et n'ont peut-être pas assez défendu cette politique.
09:19C'est ce que j'ai dit récemment aux associations d'élus locaux.
09:22On a cru, par exemple, que l'Agence nationale de rénovation urbaine était immortelle.
09:26Que finalement, comme ça marchait, ça allait toujours continuer.
09:29Qu'il n'y aurait jamais de problème de financement.
09:31Et donc, c'est vrai, les maires que je vois en ce moment, ils me disent
09:34« Ah bon ? L'Henri, il peut y avoir un problème de financement ?
09:37Ah bon ? Je pourrais ne pas avoir mes subventions ?
09:40Ah bon ? L'Henri, ça pourrait s'arrêter ? Il pourrait ne pas y avoir d'Henri 3 ? »
09:43Et du coup, je trouve des maires inquiets qui, maintenant, ont envie de parler.
09:46Et je les entends d'ailleurs.
09:47Aujourd'hui, ils s'expriment parce qu'ils ont compris l'enjeu de la suite.
09:51Donc peut-être qu'effectivement, comme on avait un outil qui fonctionnait,
09:54on a baissé la garde.
09:55Peut-être aussi que sur la politique de la ville, sur le volet social,
09:58on n'a pas mis l'ambition à la hauteur de l'ambition urbaine.
10:01C'est vrai que l'Henri, il y a une belle ambition.
10:02Il y a des milliards d'euros, vous l'avez dit.
10:04Mais peut-être que sur le volet social, on n'a pas été à la hauteur.
10:06Je voudrais quand même qu'on dise, avant de se quitter,
10:08un tout petit mot sur l'info de la nuit.
10:11Donc Donald Trump qui annonce que les droits de douane
10:12vont passer à 50% sur l'acier dans quelques jours à peine.
10:15Arcelor Mittal à Dunkerque est en train de licencier 150 personnes.
10:20Cette bataille de l'acier compétitive, vous pensez vraiment qu'elle est gagnable ?
10:23Oui, elle est gagnable.
10:24C'est une question de volonté politique.
10:26On arrive à un moment où la concurrence,
10:29vous avez eu le débat tout à l'heure,
10:31les normes sociales et environnementales européennes
10:32font que la concurrence avec les Etats-Unis et la Chine,
10:36elle ne peut plus s'opérer, j'ai envie de dire, dans une logique juste.
10:40Donc, il se trouve que l'acier est un bien souverain.
10:43C'est-à-dire que, j'entends parler d'industrie d'armement en ce moment,
10:45on ne va pas demander l'autorisation aux Chinois
10:47de pouvoir avoir de l'acier pour construire nos chars et nos avions.
10:50Bien.
10:51Donc, il me semble que l'acier est un bien souverain.
10:53À partir du moment où vous avez un bien souverain,
10:55vous devez garantir des capacités de production en Europe.
10:57Donc, aujourd'hui, il va falloir...
10:59L'Union européenne doit aller plus vite, c'est ce que vous dites.
11:01Le gouvernement doit pousser encore plus pour ce plan acier ?
11:03Non, aujourd'hui, il se mobilise.
11:05C'est à l'échelle de l'Union européenne aujourd'hui
11:06qu'il faut des mécanismes de protection des capacités de production d'acier en Europe.
11:10Je pense qu'Emmanuel Macron et le chancelier allemand, maintenant,
11:13se mobilisent là-dessus.
11:14Mais il faut avancer et il faut un plan acier européen fort.
11:17Merci, Patrice Vergritte.
11:19Vous étiez l'invité d'On n'arrête pas l'écho.
11:20Merci à vous.
11:21Très bon samedi.
11:22Merci à vous.

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