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  • 31/05/2025
Éditorialiste au Monde, Alain Frachon signe comme chaque année la préface du dernier rapport de la CIA, "Le monde à venir vu par la CIA, analyse, faits et chiffres" (Les Equateurs).

Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00Le grand entretien ce samedi matin avec Marion Lourd.
00:03Nous avons le plaisir de recevoir un invité qui est l'un des meilleurs connaisseurs des Etats-Unis.
00:09Éditorialiste, grande plume du quotidien Le Monde.
00:13Il signe comme chaque année la préface du dernier rapport de la CIA.
00:17Le Monde à venir, vu par la CIA, analyse, faits et chiffres.
00:23C'est publié aux éditions des Équateurs.
00:25Question chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
00:32Alain Frachon, bonjour.
00:34Bonjour Alive, bonjour Marion.
00:35Vous n'êtes pas agent secret ce matin mais vous êtes celui qui observait le monde vu par la CIA en 2025.
00:44En quelques mots, si on vous lit ciel couvert, orage menaçant.
00:49C'est ce que vous écrivez dans la préface avant de rentrer dans l'actualité qui vous donne cruellement raison Alain Frachon.
00:57C'est un portrait du monde des menaces qui pèsent sur les Etats-Unis tels que les services de renseignement américains et notamment la CIA voient le monde.
01:06C'est-à-dire que leur métier ne prête pas forcément à une bienveillance naturelle.
01:10Bon je ne dis pas qu'ils sont paranoïaques mais leur métier c'est quand même d'imaginer tout ce qui peut arriver de mauvais aux Etats-Unis venant de l'intérieur ou bien de l'extérieur.
01:21Alors ça comprend aussi d'ailleurs les pandémies, le climat, enfin toutes les catastrophes naturelles ou politiques, politico-militaires qui peuvent arriver aux Etats-Unis.
01:31L'éventail est extrêmement large mais c'est vrai que c'est du point de vue américain l'intérêt de ce rapport Alain Frachon.
01:38Dites-nous en quoi est-ce qu'il est important et en quoi est-ce qu'il nous apprend des choses sur les Etats-Unis ?
01:45Le pire dans le métier, celui d'agent du renseignement, écrivez-vous, étant de vouloir plaire au patron.
01:51Le patron aujourd'hui c'est Donald Trump et on sait qu'il a, et on va en parler, des relations très compliquées avec le monde du renseignement.
01:58C'est ça qui est intéressant. En lisant, ce rapport, si vous voulez, c'est la marque Trump.
02:05Alors je ne dis pas qu'elle est très prégnante mais enfin elle est là.
02:08Or Trump a des relations épouvantables avec les services de renseignement américains,
02:14qu'il s'agisse du FBI pour l'intérieur des Etats-Unis, de la CIA, de la NSA.
02:19Il y a 18 services de renseignement pilotés par une seule personne, en l'espèce une ancienne députée républicaine.
02:26– Directrice nationale du renseignement, elle s'appelle Tulsi Gabbard, elle est proche de Trump,
02:32elle supervise la CIA et donc d'autres agences d'espionnage.
02:36Mais la règle de la CIA, est-ce qu'elle reste la même ?
02:40La règle de la CIA reste la même, mais la CIA paye cher.
02:46Je peux vous donner un exemple récent.
02:48Donc la règle de la CIA c'est, peu importe le client, qu'il soit démocrate ou républicain,
02:54que la Maison Blanche soit tenue par un démocrate ou bien par un républicain,
02:58nous disons les choses comme nous les voyons, pas comme il souhaite qu'on les voit.
03:03– Oui mais Donald Trump il a engagé des purges dans certains services, dans certaines agences,
03:08donc est-ce que ce rapport finalement il est encore crédible d'un point de vue purement objectif,
03:13en tout cas du point de vue des renseignements,
03:14ou est-ce que c'est une CIA à la main de Donald Trump qui parle ?
03:18– Vous voyez déjà la marque de Trump,
03:21en ce sens où dans ce rapport, c'est la menace intérieure qui est,
03:27je ne dirais pas qu'elle est mise en avant, qu'elle a la priorité,
03:29mais elle tient une place supérieure à ce qu'elle tient d'habitude.
03:33Et la menace intérieure c'est quoi ?
03:36Dans le rapport c'est l'immigration associée au trafic de drogue,
03:40associée au gangsterisme.
03:42– Et à l'intelligence artificielle et aux menaces cyber,
03:46menaces intérieures mais menaces protéiformes.
03:49On va partir de l'actualité parce qu'Alain Frachon il y a dans la nuit
03:54quelque chose qui s'est produit et qui confirme ce qu'on peut lire
03:58dans ce rapport de la CIA.
04:01Ce sont les Etats-Unis qui accusent la Chine de se préparer à utiliser la force en Asie-Pacifique.
04:08Puisque la principale menace pour la sécurité américaine c'est la Chine,
04:13les deux pays sont dans une compétition pour la prééminence mondiale.
04:18Mais le ministre américain de la Défense déclarait depuis Singapour,
04:23il accusait la Chine de se préparer à utiliser la force militaire
04:29dans une région dont Washington a fait son théâtre prioritaire.
04:33Contexte de montée des tensions, la menace que représente la Chine,
04:38je continue à citer Peter Hedset, elle est réelle, elle pourrait être imminente.
04:44On est vraiment à ce point de réchauffement de la guerre froide,
04:49à ce point brûlant où Pékin souhaite dominer et contrôler la région
04:54et s'entraîne tous les jours en vue d'envahir Taïwan ?
04:57S'entraîne tous les jours à envahir Taïwan, c'est vrai.
05:00Il y a beaucoup de détails sur ce sujet dans le rapport.
05:04Il y a plusieurs dates, souvent on cite la date de 2027,
05:08ou bien 2049 qui sera le centenaire de la République populaire de Chine.
05:13Et Xi Jinping n'entend pas, et ses successeurs,
05:15célébrer cet anniversaire avec la Chine divisée et Taïwan restant une île chinoise autonome.
05:21Pour les exercices militaires, c'est vrai de tout le Pacifique occidental.
05:26La Chine considère, et elle l'inscrit sur ses cartes,
05:29que cette zone lui appartient.
05:31Tant pis pour les revendications des Philippines, du Vietnam et des autres.
05:34Et évidemment, tant pis pour Taïwan, qui fait partie de la Chine.
05:37Et bien, selon Pékin, qui n'a pas à avoir cette autonomie,
05:42elle doit revenir sous la botte du parti communiste chinois.
05:46Alors oui, c'est chaud, c'est vrai que c'est très chaud.
05:48C'est chaud, mais c'est brûlant ?
05:50C'est brûlant, personne ne va s'aventurer.
05:52Non, mais c'est brûlant à la frachon,
05:53parce qu'on n'imagine pas une guerre entre les Etats-Unis et la Chine
05:57à cause de la dissuasion nucléaire.
06:00Mais vous levez les yeux au ciel en se disant,
06:02ouais, pas si sûr.
06:04Mais non, regardez, c'était pas si loin la crise des missiles de Cuba.
06:09Vous pouvez imaginer un blocus de Taïwan.
06:12Par la marine et par l'aviation chinoise,
06:15qu'est-ce que font les Etats-Unis ?
06:16Ils tentent de forcer le blocus ?
06:18À quoi se sont engagés les Etats-Unis vis-à-vis de Taïwan
06:21lorsque les Etats-Unis ont reconnu la République populaire
06:25comme étant l'unique représentante de la Chine ?
06:27Dans les années 70.
06:29À ce moment-là, il passe une législation.
06:32La législation sur Taïwan,
06:34ça s'appelle comme ça,
06:35et qui dit, nous nous engageons,
06:37nous prenons acte du fait que les deux parties ne sont pas d'accord
06:41et nous les engageons à régler pacifiquement leurs différends.
06:45Mais nous, nous nous engageons à donner à Taïwan les moyens de se défendre.
06:49Ça ne veut pas dire qu'ils vont aller directement défendre Taïwan.
06:52Et ce n'est pas par charité, en l'occurrence,
06:56puisque Taïwan, c'est vraiment l'une des principales ressources
07:01pour les semi-conducteurs indispensables à l'économie américaine, par exemple.
07:05Pas seulement pour l'économie américaine.
07:07Taïwan a le monopole des microprocesseurs de l'avenir.
07:10Elle va construire une usine maintenant au Texas,
07:12mais avant, c'était vraiment sur l'île.
07:14La Chine continentale dépend aussi de ses microprocesseurs.
07:18Donc, si vous voulez, Taïwan a quelques arguments aussi.
07:21Et les relations sont...
07:22Toujours, on est dans le monde chinois.
07:24Les relations économiques sont assez développées
07:26entre Taïwan et la Chine continentale également.
07:29Donc, moi, je ne fais pas de scénario.
07:31Je vois que, de plus en plus,
07:34il n'y a pas de moi sans lesquels il n'y a pas
07:37soit les avions chinois qui font des exercices au-dessus de Taïwan,
07:41soit des avions, soit des bateaux dans le détroit de Formos
07:45qui entourent Taïwan.
07:47Alors, il y a la question militaire, effectivement.
07:49La tension militaire qui peut y avoir.
07:51Et puis, avec la Chine, il y a cet autre terrain d'affrontement,
07:54celui des droits de douane,
07:55qui vise le monde entier, mais particulièrement la Chine.
07:59Les barrières douanières qui ont été mises en place par Trump
08:02le jour de la libération.
08:03C'est comme ça qu'il avait appelé le 2 avril dernier.
08:06Ils ont été suspendus cette semaine par un tribunal américain,
08:09rétabli par une cour d'appel.
08:10On ne comprend plus grand-chose.
08:12Et ce matin, il y a Donald Trump qui annonce une surtaxe
08:15de 50% sur l'acier et l'aluminium.
08:17Pourquoi vous dites que cette bataille des droits de douane,
08:20elle dépasse l'économie ?
08:22Elle dépasse l'économie parce que, si vous voulez,
08:25elle fait partie d'une volonté américaine
08:28d'être de moins en moins dépendante de l'étranger.
08:30Donc, si vous voulez être de moins en moins dépendante de l'étranger,
08:33le libre-échange, vous savez, Donald Trump n'aime pas le libre-échange,
08:38le libre-échange, vous essayez de le réduire.
08:40Vous essayez d'importer de moins en moins, vous espérez bien exporter,
08:45mais vous voulez importer de moins en moins dans un certain nombre de domaines clés.
08:50Vous voulez être autonome et totalement indépendant.
08:52pour des raisons de souveraineté et dans l'esprit que vous dites.
08:57Ça fait partie de la grande bataille pour la prééminence mondiale
09:01que se livrent les Etats-Unis et la Chine.
09:03Ce n'est pas seulement cela, mais ça en fait partie.
09:06Si on vous lit bien, on a l'impression que vous êtes optimiste quand même.
09:09Parce que vous dites, comment est-ce qu'on peut vivre ensemble
09:12quand on échange 2 à 3 milliards de dollars ?
09:15On est bien obligé de dépasser ce conflit-là
09:17quand on échange 2 à 3 milliards de dollars par jour en biens et services.
09:20Parce qu'on est dans une situation stratégique inédite.
09:23Il n'y a pas de comparaison, si vous voulez.
09:26Voilà deux puissances économiques,
09:28la numéro 1 et la numéro 2,
09:30qui échangent toujours énormément entre elles,
09:32même si les échanges ont diminué.
09:34Donc ça va se régler ?
09:35Parallèlement, elles sont en rivalité stratégique.
09:38Politico-militaire, si vous voulez.
09:40Mais en même temps, il y a une relative interdépendance.
09:44Je dirais que la Chine est probablement plus dépendante des Etats-Unis
09:46que les Etats-Unis, elles le sont de la Chine.
09:48Mais il y a une relative interdépendance entre les deux.
09:51Ce qui fait la spécificité de cette relation.
09:54Il y a une question d'actualité.
09:56C'est le départ de l'alter ego de Donald Trump.
10:00Donald Trump de la nouvelle présidence.
10:04C'est Elon Musk.
10:05Elon Musk qui quitte le Doge et qui retourne à ses affaires.
10:09Et Chantal, au standard, a une question pour vous, Alain Frachon.
10:12Bonjour. Bonjour Chantal.
10:14Bonjour. Bonjour.
10:15Merci d'avoir retenu ma question.
10:16Elle est tout à fait simple.
10:17Je voulais savoir si on pouvait justement considérer
10:20que ce départ de M. Musk était une première fissure dans l'édifice Trump.
10:25J'ajouterai à titre personnel, mais pas seulement personnel,
10:27que ce serait ce que beaucoup de gens attendent.
10:31Le début de la fin de ce qu'il a créé directement,
10:33au début de son mandat pour compléter votre question, Chantal.
10:37Réponse Alain Frachon ?
10:38En tout cas, c'est un échec.
10:40C'est un échec pour Trump,
10:42mais c'est un échec peut-être encore plus grand pour Musk.
10:45En ce sens qu'il avait promis de réduire
10:48toute une partie du déficit budgétaire américain
10:51en licenciant à tout va.
10:53Et il a pratiqué à l'aveuglette une sorte de vandalisme,
10:56mettant des centaines et des milliers de gens au chômage,
11:01y compris des milliers de scientifiques.
11:04Et donc, il a fait ça, si vous voulez, comme un amateur,
11:06ne connaissant strictement rien à la structure du gouvernement fédéral
11:10et à cette organisation compliquée qu'il représente.
11:13Il s'en va sur un échec sur le plan politique et administratif et budgétaire.
11:18Et il s'en va sur un échec personnel,
11:21parce que ces entreprises ont souffert de cette réputation.
11:25Exactement.
11:26L'action Tesla a dévissé.
11:28C'est important de voir que, de toute manière,
11:30le DOJ, ce ministère de l'efficacité gouvernementale,
11:35ne concernait pas les agences régaliennes.
11:38Elle ne concernait pas les agences de renseignement,
11:40et notamment la CIA.
11:42Il a fallu que le directeur de la CIA,
11:44John Ratcliffe, qui est un proche de Donald Trump,
11:47demande que le DOJ s'applique aussi à son agence,
11:52fin de non recevoir.
11:53Mais tout à l'heure, vous me disiez qu'il y avait quelque chose de nouveau
11:57depuis la succession des présidents.
12:00La CIA, elle est restée la même, avec sa même vocation,
12:03avec son même travail.
12:04Qu'est-ce qui a changé avec Donald Trump ?
12:07Il ne s'aime pas.
12:08Il ne s'aime pas.
12:09Il fait plus confiance au président russe.
12:12C'est ça qu'il dit quand même.
12:13La phrase qu'a eue Trump lorsqu'il était, je crois que c'était en Allemagne,
12:17après un entretien, durant son premier mandat,
12:20après un entretien avec, je crois, un chancelier,
12:23ou la chancelière, je ne sais plus exactement.
12:25Il a dit, mais je fais plus confiance à la parole de Vladimir Poutine
12:29qu'à celle de mes services.
12:31Ça, c'est ahurissant.
12:33C'était dès 2017 qu'il disait ça.
12:34Absolument, dès 2017.
12:35Vous le citez dans votre préface.
12:37Même chose pour le FBI.
12:39Tous les gens qui ont enquêté sur Trump
12:41sont soupçonnés de faire partie d'un État profond
12:45qui n'aurait qu'une seule obsession,
12:46dégommé Trump.
12:47Non, ils ont appliqué la loi.
12:49Les procureurs, les enquêteurs, les policiers
12:52qui ont enquêté sur l'attaque du congrès,
12:56l'attaque du bâtiment du congrès, le 6 janvier 2021,
13:00ont été écartés, licenciés, mis à d'autres postes.
13:04Il y a une purge gigantesque, si vous voulez.
13:07C'est de la paranoïa ?
13:08Qu'est-ce que c'est ?
13:09Parce que c'est fascinant de vous lire.
13:11La CIA, la compagnie, c'est aussi bien une agence extrêmement puissante
13:16qui a eu un rôle à l'étranger dans l'histoire contemporaine
13:20absolument majeure pendant la guerre froide, évidemment.
13:24Mais même pendant les guerres les plus récentes des États-Unis.
13:28Mais en l'occurrence, vous écrivez que Trump a composé
13:31son équipe de sécurité à l'aune d'un seul critère,
13:34la fidélité ou plutôt la soumission à sa personne.
13:39Et ça, c'est complètement contraire aux règles de la compagnie.
13:42Absolument.
13:43En général, vous avez soit un homme de la profession,
13:47soit un militaire, soit un politique de haut rang.
13:51Par exemple, ça a été Bush père, a été le directeur de la CIA pendant dix mois.
13:55Vous voyez, c'est juste un passage comme ça.
13:57Mais c'est un passage intéressant.
13:59Il n'empêche.
14:00Mais pas la... comment dire ?
14:03J'allais dire...
14:04J'allais dire les branquignoles.
14:06Non.
14:07Il a nommé...
14:07Les branquignoles ou les affidés, Alain Franchon.
14:10Des affidés, voilà.
14:11Plutôt des affidés, il a nommé des affidés à la tête des services.
14:15À la tête du FBI, vous avez Cash Patel, qui est un procureur de métier, mais conspirationniste,
14:21qui était à fond en faveur du 6 janvier.
14:25C'est quand même le patron du FBI.
14:27Quand ils ont essayé d'empêcher Joe Biden d'arriver au pouvoir parce que Trump avait perdu l'élection.
14:32Et puis, on en parlait tout à l'heure, Aline en parlait tout à l'heure, la femme qui dirige l'ensemble de ses services,
14:40elle, Toulsi Gabbard, a eu des positions systématiquement pro-Poutine, pro-Russe.
14:46Elle a été voir Bachar el-Assad pendant la guerre de Syrie.
14:49Et donc, elle a un profil politique, si vous voulez, qui est absolument à l'opposé de, pour autant qu'il y ait un profil politique de la CIA,
14:58mais elle est à l'opposé de ce qu'on pouvait attendre à la tête de l'ensemble des services de renseignement américains.
15:03Mais alors, prenons ce rapport de la CIA, puisqu'il est important, il est utile,
15:06et il permet de comprendre donc le monde vu par cette agence si importante pour la sécurité des États-Unis,
15:14avant de retourner voir les auditeurs d'Inter, Alain Frachon, l'autre menace sérieuse pour la sécurité américaine, c'est la Russie.
15:22Là, pour le coup, le rapport de la CIA, il est clair.
15:25La Russie considère la guerre en cours en Ukraine comme un conflit par procuration avec l'Occident.
15:32Ce constat, il apparaît clairement en contradiction, au moins sous forme de paradoxe, quand on voit les décisions de Trump.
15:41– Expliquez-nous en fait cette bizarrerie.
15:45Qu'est-ce qui fait que Donald Trump était d'avis que la Russie n'était pas responsable de la guerre contre l'Ukraine ?
15:52Il a changé d'avis il y a 48 heures.
15:54– Il n'a pas forcément changé d'avis.
15:58Ce n'est pas la première fois que le rapport de la CIA reflète sur la Russie par exemple,
16:04mais sur d'autres sujets, un regard qui contredit celui du pouvoir politique.
16:09Ça fait partie des règles du jeu, en principe.
16:13L'inquiétude en ce moment, c'est plutôt que la CIA ne fournisse que des papiers et des analyses
16:18qui confortent Trump dans ses illusions sur ce qu'est la réalité internationale.
16:23Donc ce n'est pas la première fois.
16:26Le rapport est clair sur l'ennemi numéro un, c'est la Chine.
16:29Mais c'est vrai qu'il est dur aussi.
16:30– Qui est allié à la Russie.
16:31– Il est dur, quand vous lisez ce rapport, c'est une analyse très fine de qui est Vladimir Poutine.
16:39Vous trouvez des éléments très intéressants sur qui est Vladimir Poutine
16:42et comment il a fait de la guerre en Ukraine un élément clé de son héritage.
16:50– Et comment il n'est pas prêt d'être remplacé, c'est ce que dit aussi le rapport.
16:53– Absolument, le rapport explique qu'il n'est pas prêt d'être remplacé,
16:56que le pouvoir est solide, qu'il n'y a pas de perspective d'alternative.
17:00– Oui, alors voilà, ça c'est intéressant parce que l'Ukraine va participer lundi à des pourparlers
17:04avec la Russie à Istanbul.
17:05L'objectif, c'est d'arriver à un cessez-le-feu.
17:07Kiev voudrait un mémorandum avec les conditions russes.
17:11On a l'impression, malgré tout, que ce conflit est bloqué depuis plusieurs années maintenant.
17:16Mais on a l'impression aussi, en lisant le rapport, que la CIA,
17:20même si elle accorde un avantage, elle semble dire la Russie à l'avantage,
17:24elle dit que la fatigue des deux va finir par aboutir à une fin de conflit.
17:29On a l'impression qu'elle est prochaine.
17:30– C'est la règle dans les conflits.
17:33À un moment ou à un autre, les parties en conflit considèrent qu'il est de leur propre intérêt de négocier
17:38et à un moment ou à un autre, ça se rencontre.
17:40– Et c'est maintenant ?
17:41– Je ne sais pas, mais regardez, on aurait fait cette émission il y a un an,
17:44on n'aurait pas parlé de négociations.
17:46Aujourd'hui, il y a la guerre, effectivement, sur le terrain,
17:50et la guerre impitoyable, si vous voulez, avec une progression lente dans le Donbass,
17:54très lente et apparemment en laissant beaucoup d'hommes blessés ou morts, très lente.
18:00Mais il y a la nuit aussi, les bombardements systématiques des villes ukrainiennes.
18:04Donc la guerre est toujours là.
18:05En parallèle, peut-être s'esquisse dans toutes ces gesticulations qu'on a du mal à suivre,
18:10à Istanbul, ceci, cela, viendra, viendra pas, à quel niveau, et tout, et tout.
18:15Mémorandum, mais je ne vous montre pas mon mémorandum avant de vous rencontrer.
18:18Est-ce que c'est de la gesticulation ?
18:20Mais il y a au moins ça.
18:21Et très souvent, dans l'histoire, quand on prend les grands conflits,
18:25que moi j'ai suivi par exemple, la paix entre l'Égypte et Israël,
18:30ça passe par des phases comme ça, de gesticulation.
18:33Alors, c'est peut-être du cinéma, je ne sais pas.
18:36Peut-être que dans six mois, il y aura encore la guerre, c'est possible.
18:39Mais en tout cas, il y a ça maintenant.
18:42Il y a une fenêtre, possibilité de négociation, elle est là.
18:46Et si on veut être optimiste, on peut se dire qu'elle n'était pas là il y a six mois.
18:50À qui sert ce rapport à l'infraction ?
18:52C'est une question qu'on se pose en vous lisant et en parcourant ce monde demain vu par la CIA.
19:00Est-ce que ce rapport est destiné au président des États-Unis ?
19:04On imagine que non, même s'il a des notes de la CIA tous les matins qui sont sur son bureau.
19:10Le tableau dressé de la toile de menace pesant sur les États-Unis
19:13compose une représentation du monde qui n'est pas forcément celle de Trump, vous le disiez.
19:17Mais du coup, à qui va profiter ce rapport ?
19:22Ce rapport est lu par tous les membres du Congrès.
19:27Ce rapport, d'abord ce rapport, on le voit quand on ouvre le livre,
19:30c'est extraordinairement didactique, c'est très vulgarisateur des conflits.
19:35Il y a même toute une partie à la fin du livre sur c'est quoi le Groenland,
19:38c'est quoi Taïwan, c'est quoi la question nucléaire iranienne.
19:41Il y a toute une partie didactique.
19:43Ce rapport est destiné aux élus et a suscité un débat au Congrès
19:48sur l'activité des services de renseignement.
19:50Et ils vont tous être entendus dans des audiences publiques au Congrès,
19:55par le Sénat et la Chambre des représentants,
19:57pour justifier de leur budget et justifier de leur activité.
20:01Alors c'est passionnant justement parce que la plupart de nos auditeurs sur l'appli
20:05s'intéressent davantage au passé de la CIA à la compagnie
20:09qu'a si bien raconté l'immense écrivain Robert Littel,
20:12avec le rôle qu'elle a joué dans le renversement de Salvador Allende au Chili,
20:18sur tous les coups d'État qu'elle a pu favoriser.
20:21Mais en l'occurrence, c'est vrai que ça reste aujourd'hui le symbole de quoi la CIA ?
20:27Pour beaucoup à l'étranger, pour tout le continent latino-américain,
20:33ça reste le symbole de l'impérialisme américain.
20:35Pour les gens qui étudient la guerre froide,
20:37ça reste le bras armé des coups fourrés, des assassinats qui ont eu lieu pendant la guerre froide.
20:41Pour les gens qui étudient les États-Unis aussi,
20:44c'est l'histoire d'une reprise en main, d'un contrôle politique par le Congrès
20:49et d'une certaine manière par le judiciaire sur les activités de ce service de renseignement
20:55qui est probablement le service de renseignement le plus important du monde.
20:59Certainement, sans aucun doute.
21:01Merci infiniment Alain Frachon d'avoir été l'invité de France Inter ce matin.
21:05Vous avez donc signé la préface, monsieur l'agent OSS, OSS Frachon.
21:12Le monde à venir vu par la CIA, analyse, faits et chiffres.
21:17C'est publié aux éditions des Équateurs.
21:19Très belle journée.
21:20Merci.
21:21Merci.
21:22Merci.
21:23Merci.

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