Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 29/05/2025

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Une romancière qui pour Paris Match a suivi les audiences des viols de Mazan, l'affaire Pellicot.
00:06Elle en tire aujourd'hui un livre qui mêle le récit de ce procès ornant à des souvenirs plus personnels aussi
00:13pour tenter de comprendre comment ces hommes ont pu en arriver là.
00:17Bonjour Claire Béresse.
00:18Bonjour.
00:18Et merci beaucoup d'être là ce matin.
00:21D'abord, comment vous vous êtes retrouvée sur ce procès ?
00:24Est-ce que c'est Paris Match qui est venu vers vous ? Comment ça s'est passé ?
00:27Oui, c'est un petit peu un accident, c'est un pas de côté, un imprévu si je puis dire,
00:30parce qu'il y a des gens dont c'est le métier, des faits digaciers, des chroniqueurs judiciaires, des journalistes.
00:34Moi je suis romancière et j'ai reçu un coup de téléphone dans le courant du mois de septembre.
00:39Le procès avait déjà commencé.
00:41Je le suivais comme beaucoup d'entre nous, avec un peu de distance évidemment.
00:45Et Paris Match m'a proposé, peut-être pour avoir un regard d'auteur,
00:49une autre type de plume, de me rendre à Avignon pour suivre le procès et écrire des papiers pour eux, pour Paris Match.
00:56Et vous racontez d'ailleurs dans votre livre que la première fois que vous avez entendu parler de cette affaire,
01:01de cet homme donc qui aurait fait violer sa femme sous sédation par des dizaines d'hommes,
01:07vous n'y croyez pas, vous dites que c'est impossible un truc pareil.
01:10Oui, alors pourquoi j'en fais mention dans le texte ?
01:12C'est que précisément, j'ai un goût pour les faits divers depuis presque l'enfance.
01:18Si je puis dire, je les ai collectionnés, je les ai lus, je les suis.
01:21Donc j'en connais beaucoup.
01:23Et à l'aune de ça, c'est ça qui est intéressant, c'est que tout d'un coup,
01:27en lisant les premiers éléments sur cette affaire,
01:31j'ai eu presque la sensation d'une mystification.
01:33Or quand on plonge beaucoup dans les faits divers, on n'est jamais surpris.
01:37Malheureusement, on sait que le mal est toujours possible, que le pire est toujours à venir.
01:42Et ce fait divers, effectivement, m'a arrêté stupéfié, comme je pense beaucoup d'entre nous.
01:48Comme le monde entier, oui.
01:49Alors ce sentiment, même Gisèle Pellicot l'a ressenti en premier.
01:53Elle ne s'est pas reconnue elle-même sur les photos que la police lui a présentées le 2 novembre 2020.
01:59Et pourtant, elle a eu des suspicions.
02:01Alors moi, c'est ce que j'ai trouvé passionnant dans votre livre,
02:03c'est qu'en fait, on a suivi tous cette affaire.
02:05Mais souvent, en entendant seulement l'écume, les petits récits qu'on a pu avoir,
02:10là, on rentre vraiment dans les détails.
02:12On apprend énormément de choses.
02:14Par exemple, moi, je ne savais pas qu'un jour, elle avait dit à son mari,
02:17mais tu me drogues ou quoi ?
02:19Et lui, il a fait mine de s'offusquer.
02:21Oui, alors, pour remettre un tout petit peu quand même en situation,
02:23parce qu'en parlant de cette affaire avec beaucoup de gens de mon entourage tout le long de ce travail,
02:28il y a cette phrase qui revient, mais comment est-ce possible qu'elle ne se doutait pas ?
02:32Et je voudrais recadrer tout de suite parce qu'il faut se passer.
02:35à la place des autres.
02:36Mettons-nous à sa place une seule seconde.
02:38Si vous êtes convoqué au commissariat pour une affaire que vous pensez être toute autre
02:42et qu'on vous dit que votre amour, votre compagnon, votre mari de 50 ans,
02:48d'un demi-siècle, vous a fait subir des outrages, des abus, des viols à votre insu pendant 10 ans,
02:55aucun d'entre nous, nous pourrions y croire.
02:59La chose est tellement impensable.
03:00Alors après, évidemment, quand on connaît des faits, on relie le passé à l'aune de ces faits.
03:06Et effectivement, elle a pu s'interroger, mais est-ce qu'il y avait des signes,
03:09est-ce qu'il y avait des choses que je n'ai pas vues ?
03:11On sait que cette femme, on le sait aujourd'hui, qu'elle était très troublée par des trous noirs,
03:17qu'elle ressentait des absences, des sommeils anormalement longs,
03:20où elle se réveillait très tard, où elle ne se souvenait plus quand est-ce qu'elle s'était couchée.
03:24Et elle pensait, mais comme nous l'aurions tous fait, qu'elle avait sans doute un problème neurologique,
03:29qu'elle avait peut-être la maladie d'Alzheimer,
03:31elle faisait des tests en ce sens, les médecins ne trouvaient rien.
03:34Elle avait des troubles gynécologiques aussi dont vous parlez ?
03:37Effectivement, elle avait des problèmes gynécologiques,
03:40mais c'est une femme presque septuagénaire à ce moment-là,
03:44qui va voir ses médecins, qui va voir son gynécologue,
03:46elle a une vie saine, c'est quelqu'un qui boit un coup à l'occasion,
03:49mais qui ne prend pas de médicaments, qui ne se drogue pas, qui fait du sport.
03:52C'est une femme qui a une vie saine, et les médecins non plus ne trouvent pas.
03:56Parce que quand on ne sait pas ce qu'on cherche, on ne trouve pas aussi.
03:58Je me mets à la place des médecins.
04:00Effectivement, à l'aune de ça, elle a essayé de reconstituer l'histoire,
04:03et il y a eu quelques moments, elle avait lancé cette phrase,
04:06on en a parlé dans la cour criminelle,
04:08elle avait lancé cette phrase, mais tu me drogues ou quoi ?
04:10Mais comme vous pouvez faire des boutades avec votre conjoint,
04:14en disant, mais alors qu'est-ce que t'as fait dans mon dos ?
04:15Et ce sont des blagues.
04:16Donc, bien sûr, quand après on relit tout avec les éléments,
04:20on va s'arrêter sur ces moments-là.
04:22Mais il faut remettre en situation,
04:23cette femme n'a pas de moyen de se douter de cette double vie de son mari,
04:29et qui lui a infligé à son insu,
04:32beaucoup, beaucoup de nuits pendant dix ans.
04:34Et cette affaire Pellico, évidemment, on le disait,
04:36elle a fasciné le monde entier,
04:37notamment aussi parce que Gisèle Pellico s'est montrée au grand jour,
04:41elle a voulu ouvrir ce procès au public.
04:44Pourquoi est-ce qu'elle a fait ça, selon vous ?
04:46Est-ce qu'elle avait déjà en tête l'idée qu'il fallait que la honte change de camp ?
04:51Vous pensez que ça allait si loin ?
04:52Alors, j'ouvre des perspectives,
04:53mais évidemment, je me garderais bien de parler pour elle.
04:57Simplement, on peut observer qu'entre le moment
04:59où on lui a révélé cette tragédie, novembre 2020,
05:03et le moment où le procès s'ouvre,
05:05il y a trois ans et demi qui s'écoule,
05:06donc elle a dû faire un chemin assez long,
05:09de sidération, de douleur,
05:11qui la regarde, mais qui a dû être très long et très douloureux.
05:14Et on sait aussi que quand on lui révèle cette affaire,
05:17quand le sous-brigadier Perret lui révèle cette affaire en 2020,
05:20elle refuse de voir les vidéos,
05:22ce qu'on comprend bien également.
05:24On sait qu'il y avait plus de 20 000 vidéos et photos
05:27dans les supports informatiques de Dominique Pellico.
05:30À l'approche du procès,
05:33elle demande à ses deux conseils,
05:34ses deux avocats, Maître Babono et Maître Camus,
05:37de voir les vidéos.
05:38Et elle va toutes les regarder.
05:41Ça c'est dingue.
05:42Voilà.
05:43Probablement, elle voulait se préparer à ce procès,
05:46elle voulait faire au mieux.
05:48Mais c'est très difficile quand on a vécu une telle tragédie.
05:51Et probablement,
05:52en ne détournant pas le regard des crimes qui lui avaient été infligés,
05:56elle s'est probablement dit,
05:57il faut que le monde entier aussi ne détourne pas le regard.
06:01Mais non pas pour elle-même,
06:03parce que je pense que cette femme n'a aucune posture.
06:05Elle ne s'est pas dit, je vais devenir une icône féministe.
06:07Non, elle a essayé de s'extirper de son malheur.
06:09Et qu'est-ce qu'elle a fait ?
06:10Elle s'est tournée vers les autres.
06:11Parce qu'elle s'est dit, je suis détruite.
06:14Je suis un champ de ruines, elle l'a dit en audience.
06:16Je suis un champ de ruines.
06:17Je ne sais pas si je pourrais me reconstruire.
06:19Mais si je peux donner la force à quelqu'un de se dire
06:23Madame Pellicot l'a fait, alors je pourrais le faire.
06:26Et bien, tant mieux.
06:27Et c'est vraiment dans cette perspective de l'altérité
06:30qu'elle a décidé de faire un bras de fer,
06:33véritable bras de fer,
06:34pour faire lever le huis clos.
06:36La chair des autres,
06:37c'est le livre de Claire Berest,
06:39disponible aux éditions Albain Michel.
06:41On va continuer à en parler ce matin.
06:43Et puis on va parler série dans un instant avec Héloïse Gosselin.

Recommandations