À l'issue de trois mois de procès, l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec a écopé de la peine maximale pour avoir agressé sexuellement ou violé 298 personnes, essentiellement des patients mineurs, entre 1989 et 2014. Il ne fera pas appel. Écoutez la réaction de Maître Louise Aubret-Lebas, avocate au barreau de Vannes, représentante de 14 des parties civiles. Regardez L'invité de Yves Calvi du 28 mai 2025.
00:00Yves Calvi, Aude Vernuccio, RTL Soir jusqu'à 20h.
00:04RTL, il est 18h17. Bonsoir Maître Louise Aubré-Lobar.
00:07Vous êtes avocate au barreau de Vannes où vous venez de représenter 14 des partis civils dans le procès de Joël Le Squarnex.
00:13Ce dernier a donc été condamné cet après-midi à la peine maximale de 20 ans de prison, dont deux tiers de période de sûreté.
00:20L'ex-chirurgien pédocriminel était accusé de viol et d'agression sexuelle sur près de 300 victimes.
00:25Pour la plupart mineurs, au moment des faits, il a décidé de ne pas faire appel.
00:29Maître Audré-Lobar, 20 ans de réclusion, assorti de deux tiers de sûreté.
00:33Comment les victimes que vous défendez ont accueilli ce verdict ?
00:37Oui, bonsoir. Alors, effectivement, je représentais 17 partis civils directs, victimes directes et beaucoup de familles également, donc une trentaine de personnes.
00:48Je dirais que les réactions des partis civils sont mitigées par rapport à ce verdict
00:53parce qu'on avait l'espoir d'avoir une décision un petit peu plus sévère
00:58et notamment une rétention de sûreté qui avait été requise par M. l'avocat général vendredi dernier.
01:05Et c'est vrai que les partis civils, durant le week-end, attendaient quand même que ce verdict prononce cette rétention de sûreté.
01:12Donc, il y a plutôt, je dirais, de la déception, de la stupeur, de la tristesse, pour l'instant, du côté des partis civils.
01:20Alors, il s'agit d'un placement, la rétention donc de sûreté, vous venez de le rappeler, n'a pas été prononcée.
01:25Il s'agit d'un placement en centre socio-médico-judiciaire, une fois la peine purgée.
01:32Ça n'est pas assez, si on doit dire les choses très simplement ?
01:36Le problème, c'est qu'effectivement, la loi, elle est faite ainsi.
01:39C'est-à-dire que, pour Joël Lesquarnac, pour ce dossier avec 299 victimes, on ne pouvait pas aller au-delà des 20 ans prévus par le code pénal.
01:48Donc, l'avocat général a essayé d'aller au-delà par ce système de rétention de sûreté,
01:54qui aurait permis, effectivement, d'aller au-delà de ces 20 ans par ce système de soins et de centres de soins
02:00où, finalement, Joël Lesquarnac, tous les ans, aurait dû passer devant une commission
02:05et on aurait pu évaluer son degré de dangerosité.
02:09Aujourd'hui, ça ne sera pas le cas.
02:11Il y aura, effectivement, un suivi socio-judiciaire de 15 ans à l'issue de la peine.
02:15Donc, ça, ça permet quand même, normalement, de le surveiller.
02:19Mais ça ne sera pas un système fermé.
02:22Théoriquement, Joël Lesquarnac pourrait sortir en 2030.
02:25Il a été incarcéré depuis 2017.
02:28Est-ce que cette date est devenue un sujet d'angoisse pour ceux que vous défendez ?
02:33Complètement.
02:33Alors, on ne sait pas si ça va être 2030, 2031, 2032.
02:37Le calcul de la peine est relativement complexe.
02:42Mais, effectivement, c'est une date qui sort.
02:45C'est une date dont les parties civiles parlent.
02:50Et les parties civiles sont inquiètes parce qu'on ne sait même pas si, par exemple,
02:53on va être informé du jour où il va sortir.
02:56On ne sait pas où il va s'installer.
02:58On ne sait pas si on va être prévenu de où il va s'installer.
03:01Il a eu simplement une obligation de fixer sa résidence.
03:05Mais est-ce que les parties civiles vont être informées de où sera sa résidence ?
03:09On ne sait pas si, par exemple, ses voisins seront informés de ce que Joël Lesquarnac devient leur voisin.
03:15Mes clients sont inquiets, en fait, pour l'avenir.
03:17On se dit que, finalement, cet homme de 74 ans, dans quelques années,
03:22pourra sortir et pourra se réinsérer dans la société et vivre à côté de gens et d'enfants, notamment.
03:29À la cour, je ne sollicite aucune mensuétude.
03:31Simplement, accordez-moi le droit de devenir meilleur et accueillir cette part d'humanité qui m'a fait défaut.
03:36Ces propos sont ceux de Joël Lesquarnac avant la délibération.
03:39Il a donc convaincu, d'une certaine façon, les juges ?
03:43Alors, en tout cas, ce qui est certain, c'est qu'effectivement, dans l'explication de la décision,
03:49la présidente a tenu à dire que son comportement depuis les huit dernières années
03:56et son comportement pendant ces trois mois de procès ne permettent pas d'aller, effectivement,
04:04jusqu'à cette rétention de sûreté parce qu'il a tenu à se présenter quotidiennement,
04:08il a présenté ses excuses, il a reconnu les faits.
04:12Et donc, c'est vrai que l'attitude de Joël Lesquarnac pendant ces trois mois de procès
04:17a certainement joué en sa faveur et sur la décision qui a finalement été prononcée.
04:24Oui, j'ose vous demander comment les victimes que vous défendez ont accueilli ces excuses ?
04:29Eh bien, je dirais que ça dépend des victimes parce que certaines victimes ne voulaient pas d'excuses
04:37et il leur a imposé des excuses.
04:40C'est-à-dire même lorsqu'une victime à la barre disait « je ne veux pas entendre vos excuses »,
04:44il regardait la victime droit dans les yeux et lui disait « je vous demande pardon ».
04:48Et puis d'autres, finalement, ont malgré tout eu un échange de regard avec l'accusé,
04:56il y a eu une demande de pardon et ont senti de la sincérité.
04:59Donc, je dirais que mes clients, en tout cas, n'ont pas vécu chacun la même chose à ce moment de l'audience.
05:06Alors, de fait, et vous venez de l'exprimer, beaucoup ont dénoncé des excuses faites avec des mots répétitifs mécaniques,
05:13en tout cas, rien d'authentique.
05:15D'autres l'ont perçu d'une façon tout à fait différente.
05:19Pensez-vous qu'il a été honnête et surtout qu'il a tout dit ?
05:23Je sais que cette question est délicate.
05:25Alors, en tout cas, moi, personnellement, non, je ne pense pas parce que, comme vous l'avez dit,
05:33il y a eu un côté très, très mécanique dans ses prises de parole.
05:37De temps en temps, il y avait des moments d'émotion, mais sinon, il était très, très bon élève.
05:44Il se levait, il répondait, il reconnaissait les faits de manière très systématique et très mécanique.
05:49Tiens, j'ai perdu le fil de votre question, mais oui, alors…
05:55Je vous demandais si vous pensez qu'il avait été sincère, notamment dans ses excuses.
05:58Oui, alors, dans ses excuses, je ne sais pas, je ne sais pas.
06:03Mais par exemple, dans le fait qu'il n'y ait plus d'envie envers des enfants,
06:09il n'y ait plus de pulsions pédophiles, ça, on est assez unanime pour dire que ça nous étonnerait vraiment fort.
06:16Et puis, sur la sincérité, clairement, il a dû cacher des choses.
06:18On voit son relationnel avec son épouse, qu'il continue à soutenir alors que, manifestement, elle savait.
06:28Non, manifestement, il n'a pas tout dit.
06:29Il reste un mystère, même pour les experts psychiatres qui ont déposé devant la barre, il reste un mystère.
06:35Pendant ces trois mois d'audience, les parties civiles que vous défendez ont-elles eu le sentiment
06:39d'avoir pu, au minimum, exprimer leur souffrance et tout simplement de décrire ce qu'elles avaient vécu ?
06:45Ça, c'est certain.
06:47Sur les trois mois de procès, les deux tiers du procès ont été consacrés aux auditions des parties civiles.
06:54Donc ça, la Cour a vraiment pris le temps de les entendre, de leur laisser tout le temps de parole qu'elles souhaitaient.
07:01Il y avait d'abord la déposition spontanée où les personnes arrivaient soit avec une lettre très très longue,
07:07soit avec juste un mot.
07:08Je me rappelle d'une de mes clientes qui est arrivée en disant « Moi, j'ai rien à vous dire, sauf qu'il a détruit mon enfance. »
07:14Voilà, ça, c'était sa déclaration spontanée.
07:16Et puis ensuite, la Cour posait des questions, des questions avec un ton très adapté, compassionnel.
07:24Et puis voilà, chaque partie civile a pu vraiment s'exprimer, déposer, déposer son histoire.
07:30Et souvent, quand même, elles sont sorties soulagées de ce moment qui était un moment quand même difficile de la déposition devant la Cour.
07:38En tout cas, les experts psychiatres, eux, ainsi que les psychologues disent que tous, pardonnez-moi, disent tous que le risque de récidive est extrêmement important.
07:46Nous sommes bien d'accord, le concernant.
07:48Alors, effectivement, les experts psychiatres ne l'ont pas vu en 2025.
07:53Les experts psychiatres l'ont vu il y a déjà quelques années.
07:58Donc, c'est un peu la problématique.
08:00C'est-à-dire qu'ils sont venus déposer sur des expertises qu'ils ont fait il y a quelques années.
08:07Et effectivement, ils disaient qu'au moment où ils l'ont rencontré,
08:10ils n'étaient absolument pas soignés de sa perversion et que son introspection était très relative.
08:17Donc, on a essayé, nous, de dire aux experts qui sont venus déposer,
08:22bon, ben voilà, quelle a été son attitude devant la Cour.
08:24Est-ce que vous pensez que cette attitude-là permet de plutôt être confiant sur le fait qu'il a changé ou pas ?
08:32Notamment sur la question de l'altérité.
08:34Joël Le Scournec a imposé son pardon aux victimes qui venaient devant lui.
08:40Et on lui a dit, mais voilà, est-ce que du coup, il se rend compte que les autres ne veulent pas de son pardon ?
08:47Il lui demande de ne pas leur imposer son pardon.
08:52Et sur cette question-là, les experts ont dit, ben, effectivement,
08:56il ne semble pas avoir beaucoup bougé depuis le moment où on l'a vu.
08:59Merci beaucoup, Maître-Louise Aubray, le barve 4 au barreau de Vannes,
09:02pour présenter, je le rappelle, 17 parties civiles au procès de Joël Le Scournec.
09:07Et je rappelle que des cris de douleur ont donc été entendus après le verdict.
09:11Dans un instant, le journal de 18h30, puis dans RTL Inside,
09:14notre reporter Valentin Boisset part à la rencontre des supporters du PSG,
09:18trois jours avant la finale de la Ligue des Champions.
09:20Et ce soir, une rencontre avec un fidèle parmi les fidèles.
09:23Samedi, ce sera tout simplement son 1162e match en tribune.