Le 12 mai 2025, dans le cadre des rendez-vous de La Marche pour la citoyenneté culturelle, Marc Losson, essayiste et poète était invité par CEMAFORRE à partager des récits de vie et ses réflexions sur l'accompagnement dans le grand âge, la précarité, les systèmes institutionnels, la citoyenneté culturelle. Il est auteur de recueils de poésie : Vieillitude (L'Harmattan), Descente aux enfers (La petite Hélène éditions).
#lamarchepourlacitoyenneteculturelle
#handicap #grandâge #Ehpad #domicile #précarité #accompagnement #social #solidarité
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00:00Merci beaucoup. Je vais essayer de présenter à partir de mon dernier ouvrage, un petit peu mon parcours associatif.
00:18Donc en fait, j'ai publié à peu près il y a maintenant un an, un an et demi, un ouvrage qui s'appelle « Descentes aux enfers », qui est un récit social, qui est donc un récit de la trajectoire de vie d'une personne.
00:38Alors ce récit a l'avantage, c'est qu'il parle à la fois des problèmes de la précarité, la souffrance psychique des personnes en situation de précarité.
00:49Et il parle également de l'accompagnement de ces personnes par les différents organismes, les institutions, les organismes sociaux.
00:57Essentiellement, ce récit social va aborder la fin de vie d'un homme qui est sans-abri, mais qui avant de décéder dans une EHPAD, va vivre quelque temps dans une halte de nuit,
01:13dans une pension de famille, pour ensuite être placé dans une EHPAD, avant de mourir très rapidement.
01:23La question qui est posée au travers de ce livre, c'est la question essentiellement de la façon dont les personnes les plus vulnérables sont accompagnées dans nos dispositifs sociaux.
01:45Alors, moi j'ai eu la chance d'avoir, dans ma vie professionnelle, pendant une trentaine d'années, j'ai eu la chance d'être directeur d'établissement médico-social.
01:57Alors donc j'ai travaillé une dizaine d'années dans une EHPAD, j'ai travaillé dans des maisons d'accueil spécialisées, dans des instituts d'éducation pour enfants, d'éducation motrice.
02:09Et ensuite, après ma retraite, il y a bien maintenant plus d'une bonne dizaine d'années, je me suis engagé bénévolement dans l'accompagnement des personnes de la rue.
02:26Alors, j'ai été bénévole dans une halte de nuit où je faisais la cuisine, pendant plusieurs années, je faisais la cuisine et je distribuais le repas, je partageais le repas du soir.
02:39Avec des personnes sans abri et sans domicile, hébergées de nuit, dans des haltes de nuit de secours.
02:48Et j'ai également ensuite travaillé comme bénévole dans des pensions de famille.
02:54J'ai des accompagnements culturels.
02:59C'est-à-dire que là, c'est là que nous avons créé notre association qui s'appelle La question de l'eau.
03:03Nous avons essayé de rentrer en contact, d'avoir un rapport socio-affectif, social et affectif avec des personnes très vulnérables, qui sont des personnes de la rue et qui se retrouvent dans des établissements tels que les pensions de famille, les maisons relais.
03:20Ils vont vivre très peu de temps, ils vont vivre la fin de leur vie.
03:27Les personnes qui arrivent là, ils ont souvent plus de 40 ou 50 ans, elles sont très malades, elles ont été très mal soignées, elles ont des addictions, elles ont une solitude, une situation d'isolement familial et social majeur.
03:43Et notre travail était de rentrer en relation avec ces personnes au travers de la lecture et de l'écriture.
03:54Et en fait, ces personnes, on s'est rendu compte qu'elles avaient beaucoup de choses, même sans avoir accès à l'orthographe ou à la grammaire, ou à l'avoir oublié depuis très longtemps à cause de la rue.
04:04Elles avaient des choses très, très importantes à raconter, ce qui nous a amenés, avec ces personnes, à faire des petits livres où elles racontaient leurs histoires, leurs histoires de vie, leurs témoignages de vie.
04:19Alors, tout ça pour dire que j'ai à la fois une expérience professionnelle et une expérience de volontaire bénévole.
04:26Et ce que je retiens au travers de mes écrits, c'est essentiellement cette question de cette souffrance psychique majeure, souffrance psychique des personnes les plus vulnérables.
04:44Et donc, en fait, le récit « Descente aux enfers », le récit du livre, le récit social, c'est un récit qui raconte un petit peu la vie de toutes ces personnes.
04:57C'est-à-dire que c'est un récit de pertes successives, de personnes qui perdent leur travail, qui perdent leur famille, qui perdent leur logement,
05:05qui perdent leurs enfants, s'ils en ont eu, qui se retrouvent à la rue, qui se retrouvent dans un dédale de dispositifs de protection minimale sociale,
05:21pour ne pas une protection qui évite qu'elles meurent dans la rue de froid ou de faim. C'est à peu près tout.
05:28Et la plupart du temps, après, je dirais, les difficultés pour les services sociaux de résoudre les problèmes de ces personnes, les accompagner de façon humaine,
05:42on voit que la plupart des dispositifs vont se servir des EHPAD, du placement en EHPAD, comme la solution à la résolution du problème de ces personnes,
05:56qui sont à la fois sans-abri, très malades, avec des addictions. Et donc, en fait, les services sociaux, ne sachant plus trop bien quoi faire,
06:05vont essayer de trouver, de commander des places pour ces personnes dans des EHPAD, où elles seront accueillies de façon très difficile.
06:14Et ce qu'on constate essentiellement, c'est qu'effectivement, elles meurent très vite.
06:19Là, j'accompagne une ou deux personnes qui étaient de la rue, qui sont en EHPAD et qui vont avoir des séjours qui vont être de 18 mois à 24 mois.
06:32Et puis, elles vont mourir de problèmes de santé et d'isolement, d'isolement socio-affectif.
06:39Alors, ce n'est pas une critique des EHPAD, c'est une critique du mécanisme de placement,
06:50c'est-à-dire du fait qu'il semblerait qu'aujourd'hui, pour un certain nombre de personnes très vulnérables,
06:57ces personnes, je fais souvent référence à un petit cadre que vous connaissez bien sans doute,
07:03qui est Jean Maison-Dieu, il faut le lire vraiment, Jean Maison-Dieu,
07:09c'est vraiment un psychanal qui s'est occupé toute sa vie,
07:12à la fois des personnes qui avaient des souffrances psychiques, qui étaient de la rue.
07:17Il a ouvert sur la région parisienne, la ville de Paris, des dispensaires pour les personnes de la rue,
07:26des dispensaires psychiatriques pour les personnes de la rue.
07:28Donc, il est un des premiers à avoir reconnu cette souffrance de ces personnes
07:34qui explosaient de pauvreté et de misère et qui avaient une souffrance psychique énorme.
07:40Et c'est lui qui finalement m'a énormément inspiré sur cette idée de ce qu'il appelle l'autruisme,
07:54c'est-à-dire la disparition des personnes, pendant très longtemps,
07:58jusqu'avant la guerre de 1945, c'était la fonction de l'hôpital psychiatrique
08:03de faire disparaître les personnes qui gênaient, qui étaient précaires, malades et souffrantes,
08:09et très pauvres.
08:12Et on peut dire qu'au XXIe siècle, ce sont les EHPAD qui ont pris le relais des hôpitaux psychiatriques
08:19pour organiser ce qui est une sorte de déportation sociale des personnes les plus gênantes dans une société
08:30parce qu'elles n'ont pas de logement, elles sont très pauvres, elles sont très malades,
08:36et elles risquent de mourir dans la rue, ça, ça nous gêne.
08:38Donc comme ça nous gêne beaucoup, on va avoir des systèmes, des mécanismes des travailleurs sociaux
08:48qui sont tout à fait légitimes, qui ont une pensée, un inconscient social
08:53qui va faire en sorte que l'endroit où on meurt le plus dans la solitude, c'est l'EHPAD.
08:57L'endroit où on meurt, où on disparaît, on disparaît de ses enfants, de ses petits-enfants,
09:02de ses voisins, de ses amis, c'est à l'EHPAD.
09:05Donc voilà à peu près, alors je fais un petit peu référence également peut-être sur le fait qu'on meurt vite
09:12en institution comme une EHPAD quand on arrive à l'âge de 50-60 ans avec des graves maladies,
09:19une accoutumance à l'alcool ou aux drogues, à des personnes qui sont mal soignées qui vont mourir très vite.
09:29Et là je fais un peu référence aussi au livre qu'a écrit Dédier Éribon,
09:35sur l'entrée de sa mère dans une maison d'EHPAD à la ville de Reims.
09:45Il raconte comment sa mère est rentrée en EHPAD,
09:49comment elle est morte au bout de huit jours.
09:53Il a eu le temps de la déposer, de l'installer dans sa chambre,
09:56de rentrer chez lui à Paris, de dire je reviens la semaine prochaine,
09:59et quand la semaine d'après, les revenus étaient déjà mortes.
10:04Donc il y a une sorte de gravité dans cette façon dont les gens disparaissent de façon anonyme,
10:11dans des institutions sociales qui sont légitimées par les politiques sociales,
10:15mais qui sont quand même des instruments de disparition un petit peu des personnes.
10:23Voilà à peu près ce que dit le récit.
10:29Alors le récit c'est l'histoire d'un homme qui s'appelle Lucien,
10:33donc il n'a pas vraiment existé.
10:36Il est un petit peu, les aventures qui lui arrivent malheureusement dans la rue,
10:41ce sont des aventures qui sont arrivées à des tas de gens que j'ai connues sur Bordeaux,
10:46dans le quartier de la gare de Bordeaux, dans les parcs autour de la gare de Bordeaux,
10:53où là se passait pratiquement la vie quotidienne, les rencontres avec ces personnes.
11:00Si on faisait un ami ou quelqu'un de la rue, on pouvait les rencontrer de façon assez calme,
11:05un moment, un instant, entre 18h et 19h, dans un parc de la ville de Bordeaux, près de la gare.
11:11Le récit va démontrer que les institutions, il y a une sorte d'incomplétude,
11:23mais quelque chose qui ne va pas entre les institutions et les personnes vulnérables,
11:30et qu'en fait, c'est une sorte d'antinomie entre le collectif et l'individuel,
11:39une sorte d'antinobie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de solution.
11:46En fait, si on fait un peu l'histoire des institutions sociales et médico-sociales,
11:52on a deux grandes époques, on a les orphelinats,
11:57où on plasait les enfants pauvres.
12:01Le but des orphelinats était de faire disparaître, d'éradiquer la pauvreté,
12:05et de placer les enfants pauvres dans les orphelinats de Saint-Vincent-de-Paul, du Bon Pasteur, et ainsi de suite.
12:13On avait déjà donc un processus de disparition, d'enlèvement.
12:19Là, c'était des petits-enfants, des enfants dont la pauvreté était insupportable à la population environnante.
12:25Alors, on a eu ensuite les hôpitaux psychiatriques,
12:29les hôpitaux dans la pensée de Louis XIV, par exemple, avec la salle pétrière.
12:38La salle pétrière, c'était la maison de retraite des femmes de Paris,
12:41au XVIIIe et au XIXe siècle.
12:45C'était un lieu où on enlevait les femmes pauvres,
12:47les femmes les prostituées,
12:49les femmes abandonnées étaient placées à la salle pétrière,
12:55leurs enfants en orphelinat.
12:57Il y avait donc, jusqu'à cette période,
13:01jusqu'à la guerre de 1914-1918,
13:05cette fonction de l'hôpital psychiatrique
13:07était une fonction
13:08d'enlèvement,
13:12de faire disparaître
13:14dans des institutions
13:15des personnes qui étaient devenues,
13:19qui étaient, à notre vue, trop gênantes.
13:23Dans le livre, je parle beaucoup de,
13:26je montre quelques gravures
13:28d'un homme qui était un grand artiste suisse
13:34qui s'appelle Louis Sutter,
13:36qui a vécu dans une maison de retraite
13:39dans un canton du Jura suisse,
13:43après avoir eu une vie
13:45de violoniste,
13:47de génie musicale
13:50aux États-Unis.
13:52Il était atteint
13:53de troubles psychiques
13:54assez importants
13:56et il est placé
13:57par sa famille
13:58pendant 30 ans
13:59dans une maison de retraite
14:04d'une petite ville
14:05qui s'appelle Balegue
14:06près de Lausanne,
14:08en Suisse.
14:10Il va avoir une production artistique
14:12phénoménale
14:13et il se trouve que
14:14dans sa biographie,
14:17on raconte que
14:18les trois quarts,
14:20les neuf dixièmes
14:21de sa production artistique
14:23a été détruite
14:24et a alimenté
14:25les fourneaux
14:26qui chauffaient
14:27la maison de retraite
14:28de Balegue.
14:30Heureusement,
14:31il avait un cousin éloigné
14:32qui était très connu
14:34à l'époque
14:35et qui était le Corbusier.
14:36Il le voyait très peu
14:37mais le Corbusier
14:38s'est intéressé
14:39aux travaux artistiques
14:41de Louis Sutter
14:42et il a pu,
14:45avant sa mort,
14:46être exposé
14:47même aux États-Unis
14:49et il fait partie
14:51aujourd'hui
14:51de l'œuvre
14:51du socle
14:53du fonds
14:54d'œuvres d'art
14:56du musée
14:57d'art
14:57d'art
15:00nouveau
15:01enfin d'art
15:02hospitalier
15:03hospitalier
15:04de la ville de Lausanne
15:06qui est un des plus
15:07importants musées
15:08européens
15:09de l'art
15:10des malades
15:11psychiatriques.
15:14Tout ça pour dire
15:15qu'il raconte
15:15Louis Sutter
15:17qu'en fait
15:18il vivait
15:21à l'EHPAD
15:22à la maison de retraite
15:23il se sauvait
15:24tous les matins
15:25il ne rentrait pas
15:25il rentrait à n'importe quelle heure
15:27il était sanctionné
15:28il était puni
15:29la punition
15:31c'était
15:32l'interdiction
15:32de sortir
15:33pendant 6-7 jours
15:34l'interdiction
15:36c'était
15:36d'être privé
15:38du verre de vin
15:39qu'on avait à table
15:40le matin et le soir
15:41il avait des petites
15:42punitions
15:43comme s'il était un enfant
15:44parce que
15:45il avait besoin
15:46de s'échapper
15:47de la maison de retraite
15:49de marcher
15:50dans les forêts
15:50il raconte
15:51il a des écrits magnifiques
15:52sur le
15:53sommet
15:54des montagnes
15:56du Jura Suisse
15:56en fait
16:00ce qu'il raconte
16:00de sa vie
16:01dans une maison de retraite
16:02en 1930
16:04dans un petit village
16:06suisse
16:06près de Lausanne
16:08ce sont
16:09des atteintes
16:11à la liberté
16:12d'aller venir
16:12à la liberté individuelle
16:14qui vont être
16:15différentes
16:16aujourd'hui
16:16mais qui ne sont pas
16:17sans être
16:18identiques
16:19cette
16:21cette
16:21incomplétude
16:23cette antinomie
16:24entre le collectif
16:26et l'individuel
16:27c'est
16:27l'atteinte
16:28à la liberté
16:29individuelle
16:29l'atteinte
16:31à la liberté
16:32individuelle
16:33et aujourd'hui
16:34je pense
16:35qu'on est
16:35dans une société
16:37qui est
16:38éménément
16:39qui a
16:40développé
16:41la sécurité
16:43dans un sens
16:45phénoménal
16:46et les contreparties
16:48de cette sécurité
16:49c'est la privation
16:50de liberté
16:51et ça se vit
16:53encore
16:54vraiment
16:55bon ça s'est vécu
16:56de façon très violente
16:57pendant la période
16:59du Covid
16:59mais ça se vit
17:01même ensuite
17:02depuis
17:03fin 2022
17:05dans les
17:06relations
17:07des personnes
17:08qui sont dans
17:09les EHPAD
17:10qui sont dans
17:10les foyers
17:11d'handicapés
17:12qui sont dans
17:13les maisons d'accueil
17:13spécialisées
17:14la privation
17:15de liberté
17:16est une chose
17:17qui est
17:18d'une part
17:19qui est construite
17:22dans des règlements
17:23dans lesquels
17:24les personnes
17:25ne retrouvent
17:27pas
17:28leur
17:29leur individualité
17:33dans une institution
17:34collective
17:35donc il y a toujours
17:36cette idée
17:37alors
17:38en plus
17:39il y a l'idée
17:40du placement
17:40parce qu'en fait
17:42on estime
17:45aujourd'hui
17:45qu'il y a
17:45pratiquement
17:4680 à 90%
17:48des personnes
17:49handicapées
17:50ou des personnes
17:50âgées
17:51qui rentrent
17:51dans des institutions
17:52médico-sociales
17:54qui n'ont pas
17:55manifesté
17:55leur consentement
17:56on a manifesté
17:57leur consentement
17:59à leur place
18:00soit leur proche
18:02soit leur mandataire
18:04soit une assente sociale
18:06de l'hôpital
18:07ou d'un service
18:08c'est rarement
18:10rarement
18:10leur intention
18:12ou alors
18:13si c'est leur intention
18:15dans beaucoup d'entretiens
18:16que moi j'ai
18:17avec surtout
18:17des vieilles personnes
18:18qui sont en EHPAD
18:19quand on essaye
18:21de travailler
18:21sur le processus
18:23de la décision
18:25elles arrivent
18:26souvent
18:26ces personnes
18:27reconnaître timidement
18:29que bon
18:29elles ont fait
18:29un effort
18:30pour aller en EHPAD
18:31mais
18:32que c'était
18:33pour rendre service
18:34à leurs enfants
18:34que c'était
18:36pour ne pas
18:36perturber
18:37la vie familiale
18:38de leurs enfants
18:39et leurs petits-enfants
18:40comme si elles se sacrifiaient
18:43parce qu'il n'y avait pas
18:45d'autres solutions
18:46ou les autres solutions
18:47et c'est là
18:48que ça devient
18:48la réflexion
18:49de l'intéressante
18:50que s'il y avait
18:51d'autres solutions
18:52ça serait des solutions
18:53qui mettraient en cause
18:54de façon
18:56très importante
18:59tout notre mode de vie
19:00on pourrait dire
19:02qu'aujourd'hui
19:03notre culture
19:05de vie
19:06en 2025
19:08elle n'est pas compatible
19:13avec des personnes
19:14très vulnérables
19:16par l'handicap
19:17la vieillesse
19:18ou la précarité
19:19qui vivraient
19:20leur domicile
19:20parce qu'elles entraveraient
19:23notre propre
19:26nos propres postures
19:29de vivre
19:30de consommer
19:30de communiquer
19:32de partager
19:32et comme on n'a pas trop envie
19:34de modifier ça
19:36donc en fait
19:38on est assez content
19:41qu'on a des politiques sociales
19:44autoritaires
19:45et réglementaires
19:46qui finalement
19:47au bout du compte
19:49arrangent peut-être
19:51nos propres intentions de vie
19:53alors
19:55ça c'est aussi une question
19:57importante
19:59c'est de se dire
20:00qu'on sait par exemple
20:05que
20:06moi je travaille beaucoup
20:07sur la question
20:08des droits
20:10des personnes vulnérables
20:11sur la question
20:12du mandat
20:12du mandat de tutelle
20:14du mandat de protection
20:15il y a toute une réflexion
20:19qui est menée
20:20depuis
20:20une vingtaine d'années
20:22pour essayer
20:23de sortir
20:24le mandat
20:25de protection
20:26du domaine judiciaire
20:29il faut savoir
20:30qu'aujourd'hui
20:31une personne
20:31qui est très vulnérable
20:33elle est condamnée
20:35par la justice
20:37à une mesure
20:38de protection
20:38c'est un juge
20:40il la condamne
20:41à une mesure
20:42elle passe en audience
20:44devant un juge
20:45qui va décider
20:47ou non
20:47de la mesure
20:48souvent elle l'a demandé
20:49la plupart du temps
20:50comme pour le placement
20:51en EHPAD
20:52elle n'a pas demandé
20:52la mesure
20:54mais elle s'est installée
20:56des fois dans des complications
20:57administratives
20:58de vie
20:58et autres
20:59qui font que ses proches
21:00ou les services sociaux
21:01vont demander la mesure
21:03toute la question
21:04qui se pose
21:05c'est-à-dire
21:06si on veut sortir
21:07si on veut
21:09déjudiciariser
21:11le mandat de protection
21:12ce qui est le cas
21:14par exemple
21:15dans un pays
21:16comme l'Allemagne
21:16ça a été fait
21:17dans les années 2000
21:19si on veut
21:20déjudiciariser
21:22il faudra qu'on ait
21:23des modes
21:24d'accompagnement
21:25des personnes vulnérables
21:27très différents
21:28il faudra développer
21:31les systèmes
21:32tels que l'accompagnement
21:36par les personnes
21:37de confiance
21:38il faudra structurer
21:40les accompagnements
21:41de voisinage
21:42redonner du sens
21:44à des accompagnements
21:46qui seraient sociaux
21:47ou qui seraient culturels
21:48qui ne seraient pas
21:49de la justice
21:50et effectivement
21:53c'est une véritable révolution
21:55parce que
21:56si une personne
21:57est en difficulté
22:00pour payer son loyer
22:02pour survivre
22:04avec un peu d'argent
22:05faire ses courses
22:06elle ne peut plus se déplacer
22:07elle va demander
22:08à son domicile
22:09énormément d'aide
22:10elle va solliciter
22:11un environnement
22:13social et culturel
22:16qui va être
22:17très fraternel
22:19qui va avoir
22:20une sorte de fraternité
22:22une porosité
22:23de fraternité
22:24qui n'existe pas
22:27forcément
22:27et si elle n'existe pas
22:29effectivement
22:30on va mettre en place
22:32développer un système
22:33de mandat judiciaire
22:34avec un
22:35on va payer
22:35la société
22:36va financer
22:37des salariés
22:38qui vont
22:38s'occuper
22:39des affaires
22:40de ces personnes
22:41pour avoir
22:45pendant
22:46le temps
22:47où j'étais
22:48professionnel
22:48comme
22:49quand j'étais
22:50bénévole
22:51les rapports
22:52entre les mandataires
22:53judiciaires
22:53et les personnes
22:54vulnérables
22:55sont aussi détestables
22:57que les rapports
22:58des personnes vulnérables
22:59avec
23:00les dirigeants
23:01des institutions
23:03et des établissements
23:04médicaux sociaux
23:05on retrouve la même
23:06complexité
23:07c'est-à-dire
23:08un rapport
23:08autoritaire
23:09réglementaire
23:11qui n'est pas fondé
23:12sur la confiance
23:13mais qui est fondé
23:15sur
23:16la règle
23:17la règle sociale
23:19la règle
23:19donc en fait
23:21si vous voulez
23:21on a là
23:22tout un
23:23un jeu
23:25de
23:26dans le récit social
23:29Lucien
23:31l'homme
23:31qui va
23:32qui devient
23:33sans-abri
23:34il a
23:35un parcours
23:36il est
23:37sa femme
23:38s'en va
23:39il est alcoolique
23:40sa femme s'en va
23:41ses enfants
23:42ont peur de lui
23:43il se retrouve seul
23:46mais il est toujours
23:48amoureux de sa femme
23:48et il va donc
23:49boire un peu plus
23:52parce qu'il est toujours
23:53amoureux d'elle
23:54elle a beau être partie
23:56et
23:56il va boire
23:57sur son lieu de travail
23:58il va commettre
23:59sur son lieu de travail
24:00des gestes
24:01des paroles
24:03inconsistiques
24:04qui va faire
24:04qu'il est licencié
24:05quand il est licencié
24:08il va vivre
24:09pendant 7-8 mois
24:109 mois
24:11et tout ça
24:12je l'ai connu
24:13vraiment
24:14c'est des situations
24:15tout à fait réelles
24:15le temps du chômage
24:17le temps
24:18d'avoir un peu
24:19d'argent
24:19il va rester
24:21chez lui
24:22dans un isolement
24:24social
24:25toujours
24:29désireux
24:30de retrouver sa femme
24:31ne travaillant plus
24:32ne faisant rien
24:33buvant un peu plus
24:35parce qu'il est à la maison
24:36on dit être
24:3710 heures par jour
24:39on dit 24 heures sur 24
24:40et à un moment donné
24:43quand il n'a plus le chômage
24:45quand il n'a plus que le RSA
24:47quand il perd ses ressources
24:49il arrête de payer son loyer
24:51il ne peut plus payer son loyer
24:54il va payer son loyer
24:55mais la banque
24:57va rejeter les chèques
24:58il va commencer
25:00par avoir
25:01une interdiction bancaire
25:02le chèque
25:03puis il aura
25:04une interdiction
25:05une limitation
25:07de carte bleue
25:07sa carte bleue
25:08dont il avait l'habitude
25:10de se servir
25:11quand il avait
25:12un petit besoin alimentaire
25:13ou autre
25:14plus que bon
25:14elle est absorbée
25:16et c'est là
25:17qu'il tombe
25:18dans
25:19le
25:20sans-abrisme
25:22parce qu'en fait
25:23à un moment donné
25:24lui il n'est pas
25:25expulsé
25:26mais
25:27il fait
25:28il s'endort
25:29en laissant une cigarette brûlée
25:31qui va mettre le feu
25:32à son appartement
25:33donc il est expulsé
25:35du fait
25:36d'un incendie
25:37et c'est là
25:38qu'il se retrouve
25:39à la rue
25:39mais
25:41tout ce processus
25:42c'est un processus
25:43de perte
25:44de l'estime
25:46de lui
25:46il n'est plus estimé
25:51par sa femme
25:53il n'est plus estimé
25:53par ses enfants
25:54il n'est plus estimé
25:55par son
25:57son employeur
25:59ou son chef d'atelier
26:00il n'est estimé
26:02par plus personne
26:03et là aussi
26:05on a
26:05je vous invite
26:07mais vous le connaissez
26:07sans doute
26:08aussi bien que moi
26:09à vous attacher
26:10au travail
26:10que
26:11a fait Serge Pogam
26:12le sociologue
26:14Serge Pogam
26:15avec un livre
26:16qui est très beau
26:17qui s'appelle
26:18L'attachement social
26:19et qu'est-ce qu'il dit
26:22Serge Pogam
26:22il dit
26:23c'est que tout être humain
26:24a besoin
26:25de compter sur l'autre
26:27et qu'on compte sur lui
26:29et je crois que
26:31la plus grande
26:35des vulnérabilités
26:35c'est déjà
26:37d'avoir à compter
26:37sur autrui
26:38mais le pire
26:39c'est encore
26:40de ne plus compter
26:40pour autrui
26:41c'est-à-dire
26:43qu'autrui
26:44ne s'intéresse plus
26:44à moi
26:45et c'est ce qui arrive
26:46à cet homme
26:48dans le récit social
26:51descendant aux enfers
26:52et c'est-à-dire