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  • 28/05/2025
La chanteuse Amel Bent est l'invitée de Léa Salamé. Son album "Minuit une” est sorti vendredi 16 mai et elle sera en tournée en avril 2026. Elle connait un nouveau succès notamment avec la chanson "Décharge mentale" où elle évoque le quotidien, saturé de tâches et d'injonctions, des femmes. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-28-mai-2025-2514969

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Transcription
00:00Cléa, ce matin vous recevez une chanteuse.
00:03Absolument, bonjour Amel Bent.
00:04Bonjour.
00:05Bienvenue, on est très content de vous recevoir ce matin sur Inter.
00:08Si vous étiez, et c'est mes questions rituelles,
00:09si vous étiez un livre, un plat et un pays, vous seriez quoi ?
00:14Le dictionnaire, je crois.
00:16Pourquoi le dictionnaire ?
00:17Parce que j'ai toujours aimé apprendre et le dictionnaire, c'est sans fin.
00:21On n'arrive pas au bout à la fin de la vie.
00:24Le dictionnaire ?
00:25Ouais, j'aime bien.
00:26Un plat ?
00:27Le plat, je dirais le couscous de ma mère.
00:28Il est tellement bon que mes enfants l'appellent mamie couscous.
00:32Donc ça en dit long.
00:33Et vous, vous cuisinez ou pas du tout ?
00:34Je cuisine, mais pas aussi bien qu'elle.
00:36Mais un jour, j'y arriverai.
00:37Et un pays ?
00:38Un pays, un pays.
00:40Moi, j'ai deux pays.
00:42Je vais reprendre la phrase de Redjani qui disait
00:44« Il n'y a pas longtemps que je sais que mon pays, c'est la vie. »
00:47Ah, c'est beau ça.
00:48Voilà.
00:49C'est quoi vos deux pays ?
00:50La France et l'Algérie.
00:52La nuit, on pense mieux.
00:54La tête est moins pleine de bruit, écrivait Victor Hugo.
00:57Elle vous va bien, cette phrase ?
00:59C'est la nuit que vous écrivez.
01:00C'est la nuit que vous avez écrit ce nouvel album,
01:02Minuit 1, sorti il y a quelques semaines,
01:04et très très bien accueilli.
01:05La nuit, on pense mieux.
01:06La tête est moins pleine de bruit.
01:08C'est à peu près l'inverse que je ressens.
01:13Moi, c'est la nuit qu'il y a du bruit dans ma tête.
01:14Ah oui ?
01:15Et c'est là où vous êtes productive ?
01:17Productive, très très créative.
01:21Et le cerveau, en fait, divague.
01:24C'est-à-dire que le quotidien n'est pas là pour l'empêcher d'aller au bout
01:28de ses raisonnements, de ses cheminements.
01:30Donc moi, je me laisse complètement partir la nuit.
01:32Mais je vais là où il m'amène, en fait.
01:35Amel Bent, 20 ans que vous êtes dans notre paysage musical.
01:38Cet album vendu à des millions d'exemplaires,
01:405 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux.
01:4220 ans que vos chansons sont devenues des hymnes à travers les générations.
01:45Et notamment, la plus célèbre de toutes,
01:47que vous a écrite votre copine, Diams.
01:49Vous aviez 20 ans quand vous visiez la lune.
02:13Quand vous sortiez cette chanson,
02:14vous gagnerez la victoire de la révélation féminine cette année-là, en 2006.
02:19Il y a 20 ans, donc.
02:20Aujourd'hui, vous allez fêter vos 40 ans
02:22et vous continuez à enflammer vos concerts avec cette chanson
02:25où tout le monde a le point levé en chantant « C'est ma philosophie ».
02:27C'est fou, quand même.
02:28C'est fou, c'est très, très émouvant.
02:30Et puis, ça me rappelle à quel point on se ressemble, finalement,
02:37avec les gens, même quand ils n'ont pas votre âge,
02:39quand ils n'ont pas grandi comme vous,
02:41quand ils n'ont pas les mêmes rêves.
02:42Il y a quand même des choses qui nous rassemblent.
02:45Cette envie de réussir, cette envie d'exister telle qu'on est,
02:50à chaque fois, moi, ça me bouleverse.
02:51C'est une chanson qui me bouleverse.
02:53Il y a quelques semaines, vous avez enflammé les flammes.
02:55Les flammes, je le dis pour les auditeurs qui ne savent pas,
02:57c'est l'équivalent des victoires de la musique,
02:59mais pour les musiques qui rebènent, pour le rap.
03:00Et c'est le truc qui est écouté par tous les jeunes, qui est attendu.
03:04Et il n'y avait dans la salle que des jeunes de 15-20 ans, maximum 25 ans.
03:09Vous y êtes allés.
03:10Vous avez chanté « Ma philosophie » et aussi d'autres chansons à vous, une espèce de medley.
03:13Et tout le monde m'a dit, qui était aux flammes, que vous avez enflammé la scène.
03:18C'était la soirée à Melbent, alors même que vous n'avez que 40 ans.
03:23Mais pour eux, 40 ans, c'est...
03:25Ah ben, je suis une vieille.
03:2740 ans, je suis déjà vieille.
03:28Mais comme quoi, c'est dur.
03:31Je sais que c'est dur aussi pour les chanteurs et les chanteuses, notamment,
03:34de, entre guillemets, vieillir.
03:36Tous les métiers d'image sont plus cruels pour les femmes, de manière générale.
03:40Et rester à la mode ou à la page, quand on a 40 ans, quand on a une chanteuse,
03:44et qu'on enflamme un public qui n'écoute que du rap et des jeunes de moins de leur âge,
03:49c'est quand même...
03:49Ça a dû vous faire plaisir, ce jour-là.
03:51Ça m'a fait plaisir.
03:52Et puis surtout, la démarche, elle était vraiment particulière.
03:54J'ai invité We Are One, qui est une chorale que j'adore.
03:56J'ai demandé à mon directeur musical, Khalil Mawen, qui est un mec qui approche la cinquantaine,
04:01qui est fan de soul, de funk, de R&B.
04:05Et j'ai vraiment voulu aller à la racine, en fait, de cette musique, justement, qu'on dit urbaine.
04:10Je me suis dit, si je vais dans le gospel, si je vais dans les accords,
04:13c'est une racine commune, finalement.
04:16Et c'est vrai que c'est aussi une musique qui est un peu sous-représentée dans ce paysage.
04:21Et j'ai parié là-dessus.
04:22Je me suis dit, si je ne vais qu'avec ça, qu'avec ces voix et ce message et ces accords et ce chœur...
04:28Les jeunes qui écoutent du rap vont être touchés.
04:31Normalement.
04:31Enfin, vraiment, c'est le pari que j'ai fait ce soir-là.
04:34Et ils l'ont été.
04:34Et franchement, je conseille à tout le monde qui nous écoute de regarder.
04:36Ça dure, je ne sais pas, 3-4 minutes.
04:384 minutes 0-1.
04:394 minutes 0-1, un espèce de medley où vous êtes...
04:42Et vous êtes là, franchement, pour moi, c'est Whitney Houston...
04:45C'est gentil, c'est beaucoup trop, mais...
04:47Non, non, mais il se passe un truc, vraiment.
04:49Il faut regarder.
04:49Alors, ce nouvel album, je ne vais pas dire que c'est celui de la maturité,
04:52parce que ce mot est banni.
04:54Je déteste ce mot.
04:55Moi aussi, mais pour le coup, celui-là, c'est un peu la maturité.
04:58On peut le dire.
04:59C'est en tout cas un album plus cash.
05:00Vous dites vous sentir plus légitime à dire certaines choses
05:03et notamment quand vous listez tout ce que vous devez faire chaque jour.
05:05Les fameuses to-do listes des femmes dans Décharge Mentale
05:09qui a accumulé plus de 15 millions de vues déjà sur les réseaux sociaux.
05:11Minuit, une, je sors de mon lit, je ne vais pas fermer l'œil de la nuit.
05:15Au clair de lune, je cherche la rime et demain me donne le vertige.
05:19Moi, j'aimerais écrire une chanson et me lever tôt pour mes enfants,
05:23rappeler la banque pour la maison, changer les rideaux du salon,
05:27gonfler les pneus de mon vélo.
05:29Il faut que je devienne écolo.
05:31Aller voir ma amie à l'hosto, le temps la rend du moins costaude.
05:35Dire à mon homme qu'il se souvienne, que ça ne suffit plus que l'on s'aime.
05:39J'ai pris 3 kilos cette semaine et merde, il n'y a plus de liquide vaisselle.
05:43Signer les carnets de liaison, acheter des légumes de saison.
05:47Me réconcilier avec maman, même si ce n'est pas elle qui a raison.
05:51Putain, je ne vois plus aucun ami.
05:53Voilà, cette chanson, vous l'avez sortie il y a deux mois.
05:58Explosion de messages sur les réseaux sociaux de femmes qui vous disaient
06:01« Tadoulis, c'est notre vie, quoi, en fait ».
06:04Oui, dans la rue, surtout.
06:05C'est ça qui est très émouvant, c'est qu'il y a la vie sur les réseaux sociaux,
06:08les messages qu'on reçoit.
06:09Mais j'ai vraiment des femmes qui m'arrêtent dans la rue, qui me disent
06:11« Merci, merci pour votre chanson ».
06:14Et ça, ça crée des liens, ça crée des ponts entre les gens.
06:18Moi, je me retrouve devant la grille de l'école et on se regarde,
06:22on se fait des clins d'œil.
06:23J'aime bien cette phrase « On se sait », je la dis beaucoup,
06:25mais ça fait du bien de savoir qu'on se comprend, qu'on se sait.
06:28On ne se plaint pas, ce n'est pas une plainte, cette chanson.
06:30Oui, parce que vous dites, moi, j'ai été élevée comme une guerrière.
06:33Il fallait être guerrière, il ne fallait pas se plaindre.
06:36Je ne travaille pas à l'usine.
06:38Mais quand même, vous vous êtes autorisée à dire
06:39« Ce n'est pas parce que je ne travaille pas à l'usine
06:41que je ne peux pas dire que parfois c'est dur en fait ».
06:44Oui, je pense qu'on est très sollicité et très éprouvé en tant que femme.
06:48Dans notre corps, dans notre chair, dans tout ce qu'on nous demande.
06:51Et puis nous, on a ce besoin aussi de prouver.
06:55De ne pas montrer les faiblesses.
06:58Parce qu'on sait que parce qu'on est une femme aussi, on va nous dire
07:01« Oui, c'est normal, tu as fait des enfants, il fallait rester chez toi, t'en occuper.
07:05Pourquoi t'infliger d'avoir une carrière ? Tu n'es pas obligée. »
07:09Et quand on a envie de tout, quand on a envie de s'épanouir au boulot,
07:12qu'on a envie d'être une bonne maman, qu'on a envie d'avoir une vie sociale,
07:15des amis, être avec sa famille, qu'on a envie de faire tout ça,
07:18oui, ça fatigue à un moment donné.
07:21L'esprit, on ne se couche pas, on ne pose pas la tête sur l'oreiller,
07:24on s'endort, on se dit « Purée, comment je vais faire pour être au top partout ? »
07:27Ça fatigue et du coup, on est stressé et du coup, on gueule.
07:31Et c'est ce que vous le dites dans la chanson, c'est pour ça.
07:34Et ça m'a fait rire parce que c'est vrai que quand on accumule tout ça
07:37et la décharge mentale, à un moment, on va arriver et on va nous regarder
07:40« Pourquoi t'es de mauvaise humeur ? Enfin, pourquoi tu gueules ? »
07:43C'est juste parfois un trop-plein.
07:44Mais moi, j'en ris avec mes enfants.
07:45Parfois, je me m'accrie.
07:46Et je dis « Désolée, je me m'accrie. Et d'ailleurs, il ne faut pas que je crie
07:49parce que je vais gâcher ma carrière. Il faut que je me calme. »
07:52Donc, on est quand même complices, heureusement, avec nos familles.
07:55Il faut rester jeune, il faut rester fraîche, pas de grossir,
07:58être une bonne mère tout en étant au top au boulot.
08:01Il faut rester jeune, il faut rester fraîche.
08:03Ça vous angoisse d'avoir 40 ans ?
08:05Pas du tout.
08:06Alors, je me pose de plus en plus de questions sur ce que c'est que d'avoir son âge.
08:12Moi, je ne me sens pas 40 ans.
08:14Et en même temps, je me dis 40 ans quand moi, j'avais 20 ans.
08:16Les gens de 40 ans, pour moi, c'était des vieillards.
08:18Et maintenant que je vais avoir 40 ans dans un mois,
08:20je me dis « Mais c'est hyper jeune, 40 ans ! »
08:22Alors, je ne sais pas si c'est pour me rassurer, moi.
08:25Oui, c'est un peu pour rassurer.
08:28Elle ressemble.
08:30Dans la manière dont vous l'avez listé, cette to-do list,
08:32cette chanson-là, il y a du diams quand même, non ?
08:35Moi, j'ai appris à écrire avec elle.
08:37Qu'est-ce qu'elle vous a appris ? Comment elle vous a appris ?
08:39Avoir confiance en moi.
08:40C'est la première qui m'a dit « T'as besoin de personne,
08:42prends un stylo, un cahier et vas-y, fonce. »
08:45T'as tout en toi.
08:47Tu sais ce que t'as à dire et tu sais pourquoi t'as envie de le dire
08:50et à qui t'as envie de le dire.
08:51Donc, t'as tout ce qu'il faut pour écrire.
08:53Vous continuez à la voir, à lui parler, à prendre de ses nouvelles ?
08:57Oui, elle est toujours très grande sœur avec moi,
08:59donc elle prend de mes nouvelles.
09:00C'est vrai ?
09:01Souvent.
09:01Et elle suit ce que vous faites ?
09:03Ça, je ne sais pas.
09:03On ne parle pas forcément de ma carrière,
09:06mais par contre, elle me questionne sur mes enfants,
09:09sur la vie en général.
09:12Elle veut savoir si je suis heureuse, comme une grande sœur.
09:14Bon, il y a l'amour aussi dans cet album.
09:18L'amour toujours chez vous, avec cette très belle chanson
09:20qui est ma préférée de l'album.
09:22« Pourquoi tu restes ? »
09:24Dis-moi pourquoi tu restes ?
09:28Si t'étais vraiment honnête.
09:31Tu me dirais « Je suis heureux, vaut mieux s'arrêter nous deux. »
09:36Mon amour, t'es plus amoureux.
09:39Pourquoi tu restes ?
09:42Tu vois bien, ça me blesse.
09:45Faire semblant d'aller mieux, mais c'est la fin du jeu.
09:49Mon amour, t'es plus amoureux.
09:53Pourquoi tu restes ?
09:54C'est vrai ça, pourquoi il reste ?
09:56La question, évidemment, est publique et ouverte.
10:00La réponse est intime et personnelle.
10:04Mais moi, je suis quelqu'un qui questionne.
10:06De toute façon, depuis toujours, je me questionne.
10:08Je questionne mon monde, je questionne le monde.
10:10J'ai un prof de maths qui m'a dit une fois
10:13« Je m'en fous de votre bonne réponse.
10:15Ce que je veux, c'est que vous posiez les bonnes questions.
10:17Je veux votre raisonnement. »
10:18Et ça, ça m'est resté.
10:19Donc, comment ne pas questionner
10:20ce qui, pour moi, est le chantier le plus important de ma vie,
10:23c'est-à-dire ma vie de famille ?
10:25J'ai besoin d'avoir des réponses.
10:26J'ai besoin de savoir.
10:27J'ai besoin d'être rassurée.
10:29Après, au moment où j'écris cette chanson,
10:30c'est dans cette période où j'écris l'album en entier,
10:32je suis très fébrile.
10:33Je suis très fragile.
10:34Vous êtes très fébrile et vous êtes très fragile
10:38dans cette période d'écriture de l'album
10:39parce qu'au cœur de cet album, il y a un deuil.
10:42En l'écrivant, vous avez perdu une femme très importante pour vous
10:44qui est Mima.
10:45Oui, ma grand-mère Aïcha,
10:47qui est, parce que même si elle n'est plus là,
10:50elle l'est toujours, la tolière de ma famille.
10:52Comme c'était une femme veuve,
10:54donc on n'a pas eu de grand-père,
10:55donc elle a été le grand-père, la grand-mère.
10:57Moi, je n'ai pas eu de mon père,
10:59donc elle a été mon père.
11:00Parfois, elle a été ma mère
11:01quand ça n'allait pas avec la mienne.
11:02Quelle vie elle a eu, votre grand-mère ?
11:04Oula, elle a eu une vie...
11:06Elle a perdu mon grand-père, son mari,
11:09à 30 ans, enceinte de son huitième enfant.
11:12Elle ne savait pas ni lire ni écrire,
11:14elle n'avait jamais travaillé.
11:15Elle n'avait pas d'argent.
11:16Voilà, donc elle avait juste sa famille
11:18et ses sept enfants et le huitième dans son ventre.
11:21Et on lui a proposé de se remarier
11:23parce que comment imaginer
11:25qu'elle puisse s'en sortir seule maintenant
11:26en tant que femme veuve ?
11:28Elle a dit, mais pas du tout,
11:29j'ai aimé un homme,
11:31c'est celui que je viens d'enterrer.
11:32Maintenant, je vais me démerder.
11:34Et là, elle s'est démerdée.
11:35Elle a travaillé.
11:36Elle est arrivée en France dans les années 70
11:39et puis elle a trouvé un boulot
11:41dans une association au départ.
11:43Elle s'est occupée d'enfants de la DAS
11:45qu'elle accueillait chez elle
11:46en plus de ses huit enfants.
11:48En plus de ses huit enfants
11:49qu'elle a élevés, qui sont partis.
11:51Ils lui ont ramené 18 petits-enfants
11:53dont je fais partie.
11:55Moi, j'ai grandi avec ces enfants de la DAS
11:56chez ma grand-mère.
11:57Voilà, on partageait nos plats,
12:01on partageait la salle de jeu.
12:04Et puis après, elle a accueilli
12:05nos enfants à nous.
12:07Donc mes petits-enfants.
12:08Mes enfants, pardon.
12:09Enfin, c'est une femme
12:10qui a élevé toute une famille entière, en fait.
12:13Et évidemment, vous lui consacrez
12:15une chanson, Mima.
12:16Ce deuil m'a obligée à faire le point
12:42sur qui j'étais devenue,
12:44à faire un contrôle technique de moi-même.
12:46C'est pas mal comme expression.
12:48C'est vrai que parfois,
12:48les deuils nous forcent
12:50à faire le contrôle technique sur nous-mêmes.
12:52La mort est un rappel,
12:53qu'on le veuille ou non.
12:55Elle nous fait regarder la vie différemment.
12:59Et puis surtout,
13:00le deuil, ce n'est pas que le chagrin.
13:02Surtout quand on perd quelqu'un
13:03qui a une place très importante,
13:05très particulière dans l'arbre généalogique.
13:10Et moi, perdre ma grand-mère,
13:11c'était vraiment, oui, à nouveau,
13:14être obligée de se re-questionner,
13:16de remettre son pion sur la table.
13:20Oui, parce qu'elle transmettait aussi
13:21la mémoire familiale d'où vous veniez.
13:24Et une des questions que vous vous êtes posée,
13:25c'est si elle n'est plus là,
13:27qui c'est qui va transmettre d'où on vient ?
13:28On peut vite oublier d'où on vient.
13:30Exactement.
13:31Moi, j'ai mes enfants,
13:32ils appelaient ma grand-mère mamie aussi.
13:34C'est-à-dire que moi,
13:35depuis qu'ils sont nés,
13:37je ne les amène pas chez ma mère.
13:38Je les amène chez ma grand-mère.
13:40Donc, c'était la mamie de tous.
13:41Donc, c'est elle qui racontait les histoires,
13:44qui parlait en arabe,
13:46qui nous faisait les gâteaux.
13:48Donc, évidemment, la mémoire,
13:49ce n'est pas que ça.
13:50Mais ça fait partie d'un...
13:52Voilà, on se dit,
13:53bon, un bout de qui ils sont,
13:55c'est elle qui en est garante, en fait.
13:57Maintenant qu'elle n'est pas là,
13:58on doit...
13:59Cette famille de femmes, de guerrières,
14:01votre grand-mère, votre mère,
14:02qui se battaient pour survivre
14:03dans un milieu très modeste,
14:04c'est là où vous êtes construite,
14:05la gamine de la Courneuve,
14:07qui était très bonne à l'école,
14:08vous étiez très bonne à l'école,
14:09et qui gardait ses chagrins
14:11et son manque de père pour elle,
14:12parce que votre père est parti
14:13quand vous aviez trois ans.
14:15Vous dites,
14:15les blessures d'enfance
14:16ne se guérissent jamais.
14:18Vous racontez aussi
14:19qu'enfant,
14:20à la fenêtre de votre chambre,
14:21vous regardiez le ciel
14:22et vous priez Dieu
14:24en lui disant,
14:25aide-moi,
14:26j'ai vraiment envie d'aider ma mère.
14:27Toute ma vie,
14:28je veux lui apporter du bonheur,
14:29je veux lui changer sa vie.
14:30Oui.
14:31Ça a été mon moteur
14:32pendant des décennies.
14:35C'est-à-dire que
14:36je supportais pas
14:42la douleur de ma mère.
14:44Je supportais pas
14:45la douleur des autres,
14:46surtout, en fait.
14:47Et c'est peut-être ça
14:48qui a tracé un peu mon chemin
14:51par la musique,
14:52parce que j'ai vite compris
14:53que chanter à quelqu'un,
14:55c'était lui offrir
14:56un espace de joie,
14:59un espace d'une fuite.
15:02Et même pour moi,
15:03c'était mon espace de liberté,
15:05mon espace de rêve.
15:07Et je crois que ça s'est construit
15:09comme ça dans mon esprit.
15:11Et puis c'est arrivé, surtout.
15:13C'est-à-dire que chanter
15:14a vraiment changé ma vie.
15:16J'ai pu changer la vie de ma maman,
15:17j'ai pu...
15:18Lui donner du bonheur.
15:19Lui donner du bonheur,
15:20l'aider,
15:21la soulager,
15:22à tous les niveaux,
15:23la soulager.
15:24Le manque de père,
15:27ça ne se referme pas.
15:28Ah non,
15:29visiblement non.
15:30Et puis...
15:32Et puis...
15:34Ça, c'est une phrase
15:35qui m'entête.
15:38C'est vraiment qu'on...
15:40On n'est pas longtemps enfant.
15:42On peut...
15:43Moi, j'ai eu des chagrins d'adulte,
15:45mais j'ai pu revenir dessus.
15:47J'ai pu...
15:48Avancer.
15:49Avancer.
15:49J'ai pu conjurer des sorts.
15:50J'ai pu...
15:51J'ai pu me prouver à moi-même
15:52plein de choses.
15:53Mais à l'enfant qui est en moi,
15:55il y a...
15:57Je ne peux pas revenir
15:57sur ce que l'enfant a traversé.
15:59C'est trop tard.
16:00C'est fini.
16:01C'est fini.
16:01On fait avec.
16:01On fait avec.
16:03Vous chantez d'ailleurs aussi
16:04une berceuse dans l'album
16:05pour vos trois enfants.
16:06Vous dites en gros
16:07quand je te vois,
16:08je me vois.
16:09Et pourquoi il faut
16:09qu'on se ressemble
16:10et vous regrettez
16:11de leur avoir passé aussi
16:12des choses à eux,
16:14de vous,
16:15que vous n'auriez pas aimé
16:16leur passer ?
16:16On écoute.
16:17Pourquoi faut-il
16:18qu'on se ressemble
16:19jusqu'aux angoisses
16:22qui me dévorent ?
16:25Comme si je t'avais mise au monde
16:28mais que je t'avais pas mise aux normes.
16:33Tu me mettrais longtemps
16:34à comprendre
16:36cette anxiété qui te hante.
16:41T'es pas bizarre, ma fille ?
16:44T'es comme ta mère,
16:46t'es différente.
16:49Vous dites dans la chanson
16:51« A l'aîné,
16:52je lui ai donné mon anxiété,
16:53à la seconde,
16:54mes rondeurs,
16:55et à votre fils,
16:56vous lui avouez
16:56que vous aviez peur
16:57d'avoir un fils. »
16:59Ah oui.
17:00Oui, vous avez tout dit.
17:02Pour le dernier,
17:03oui, bien évidemment.
17:04Il y a ce rapport
17:05à l'homme
17:06et à l'abandon
17:07parce que j'ai pas eu mon père
17:08mais par contre,
17:09j'ai eu un beau père
17:10et pareil,
17:11je me suis sentie abandonnée
17:13petite par lui.
17:14Je me suis pas sentie aimée
17:15comme il aimait
17:16mes frères et sœurs
17:17qui étaient ses enfants naturels.
17:19Et tout à coup,
17:20je me dis
17:21finalement,
17:22il n'y a que les femmes
17:22qui ne m'ont pas abandonnée.
17:24Donc j'ai dit
17:25« Dieu, donnez-moi des filles. »
17:26Et vous avez eu un fils
17:27parmi les trois.
17:29Et ça va.
17:30Mais je l'aime tellement.
17:31Et il m'aime tellement.
17:32Non, mais ça fait du bien
17:33quand la vie aussi
17:34vous fait mentir
17:37vos peurs
17:39et vos préjugés.
17:40Les impromptus,
17:40pour finir,
17:41Amel Ben,
17:41vous répondez rapidement.
17:42Bon, il y a la Amel Ben chanteuse
17:44et puis actrice.
17:45Pour la première fois,
17:45vous aviez toujours refusé
17:46de jouer au cinéma.
17:47Et là,
17:47vous jouez dans
17:47« Ma frère »
17:48de Lise Akoka
17:49et Romane Guerret
17:50qui a été projetée à Cannes,
17:52qui a eu ovationné à Cannes.
17:54Pourquoi vous avez accepté
17:54en un mot ?
17:55Parce que le scénario
17:57était incroyable.
17:58Incroyable, le scénario.
17:59Et puis parce que ça raconte aussi
18:00une enfance qui ressemble
18:01à la mienne
18:02et qu'on ne raconte pas beaucoup
18:03avec autant de justesse
18:04et d'intelligence.
18:06Moi, je suis fan
18:06du monde des enfants.
18:08Et je trouve que
18:09surtout ces enfants
18:09de quartier populaire,
18:10on ne les raconte pas
18:11comme on devrait.
18:13Ce film est bouleversant
18:15d'humour,
18:16d'émotion.
18:16Perrine,
18:17qui bosse avec nous,
18:18qui était à Cannes,
18:18a adoré le film.
18:19On en reparlera
18:20quand il sortira.
18:21C'est vrai que vous n'avez pas
18:22de nounou pour vos enfants ?
18:23C'est vous qui accompagnez
18:24à l'école,
18:24qui allez les chercher ?
18:25Oui.
18:25C'est vrai que vous êtes
18:26en train d'écrire un livre ?
18:28J'ai commencé il y a 12 ans, oui.
18:30C'est le temps de le finir
18:31à un moment.
18:32Est-ce que c'est vrai
18:32que vous rêviez
18:33d'être profileuse ?
18:34Oui, je rêve toujours
18:35d'être profileuse.
18:36C'est-à-dire celle qui aide
18:37à retrouver les assassins
18:38et régler l'école de case.
18:40Vous êtes HPI ?
18:46On ne te donne pas
18:47ton QI.
18:48C'est pas vrai.
18:49J'ai vu que j'avais
18:50cent et quelques de QI,
18:51mais c'est pas vrai.
18:52Mais on m'a dit
18:53que j'étais HPI.
18:54Vous êtes aussi
18:54votre propre productrice.
18:55Vous avez créé votre boîte.
18:57C'est bien de tout gérer,
18:58de gérer les salaires ?
18:59Non, les salaires,
19:00je n'ai pas envie.
19:01Mais par contre,
19:02je marchande.
19:04Je marchande pour mon équipe.
19:06C'est-à-dire que
19:07d'avoir cette place-là,
19:08ça permet de créer
19:09ma propre petite justice,
19:11ma petite justice sociale à moi.
19:12Vous avez augmenté,
19:13vous expliquez,
19:13j'ai augmenté les choristes
19:14parce qu'elles n'étaient pas
19:15assez bien payées.
19:16Exactement.
19:17Et puis je choisis
19:18sur quoi j'ai envie de miser,
19:20là où j'ai envie
19:20de mettre des moyens,
19:21etc.
19:22Je ne suis pas comme ça
19:23en train de subir
19:24les choix des gens.
19:25Ce sont mes choix.
19:26Beyoncé ou Rihanna ?
19:28Ah, c'est dur.
19:29Ça, c'est dégueulasse.
19:32Non, je ne réponds pas.
19:33Angèle ou Zao de Sagazan ?
19:35Ah, ça aussi,
19:35c'est dégueulasse.
19:36Oui, bien sûr.
19:37Mais c'est le but.
19:38Vous savez, c'est ainsi.
19:38Mais surtout,
19:39c'est un accord.
19:39Angèle et Zao de Sagazan.
19:41Zao, elle est en bas.
19:41Angèle, elle est très en haut.
19:43Ça fonctionne
19:44parce qu'elles existent les deux.
19:45Ah oui, les accords de musique,
19:45oui.
19:46Albert Dupontel
19:47ou Raphaël Quenard ?
19:49Raphaël ne m'en voudra pas.
19:50Peut-être vous,
19:51vous allez m'en vouloir
19:51vu l'émission
19:53d'il y a quelques jours.
19:54Non, Albert Dupontel,
19:55moi, c'est un acteur
19:55qui me bouleverse.
19:57Est-ce que vous votez
19:58à Mel Bente ?
19:59Oui.
20:00La dernière fois
20:00que vous avez pleuré ?
20:02Peut-être hier.
20:05Liberté, égalité, fraternité,
20:07vous choisissez quoi ?
20:08Je choisis la sororité.
20:10Et Dieu dans tout ça.
20:14Je lui dis merci
20:15chaque matin.
20:16L'album s'appelle
20:17Minuit Une,
20:18très réussie.
20:19Vous serez en concert
20:20partout en France,
20:21en tournée
20:21et en avril prochain
20:22à Bercy.
20:23Madame Fébercy ?
20:25Madame ne se refuse rien.
20:26Vous avez fait Bercy
20:27avec Johnny Hallyday,
20:28vous avez chanté avec lui.
20:29Et là,
20:29Madame Fébercy en avril 2026.
20:30J'espère que vous viendrez.
20:31Je viendrai.
20:32Merci et très belle journée à vous.
20:33Merci.
20:33Merci.
20:34Merci.
20:35Merci.

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