Plusieurs fédérations du secteur du tourisme sont réunies ce mardi par le gouvernement pour évoquer les offres "no kids" ("sans enfants") proposées par certains hôtels, campings et restaurants et dénoncées par l'exécutif qui s'alarme d'une société dans laquelle les enfants ne sont pas "les bienvenus".
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00:00– On pourrait le dire en français d'ailleurs.
00:05– Oui, réservé aux adultes, réservé aux adultes, c'est plus seulement les films réservés aux adultes,
00:10mais maintenant il y a les hôtels, les restaurants, les fêtes de mariage,
00:14cette tendance, nos kids, pas d'enfants, c'est temps, et on en parle avec vous,
00:18Olivia Trouppel, bonjour, vous êtes maître de conférences en psychologie de l'enfant
00:22à l'université de Toulouse 2, merci d'être avec nous.
00:25Olivier Petit, directeur associé d'Innextenso Tourisme, Culture et Hôtellerie,
00:29c'est un cabinet de conseil spécialisé dans le tourisme,
00:32vous allez nous dire ce que ça représente aujourd'hui en France,
00:34mais en fait c'est surtout à l'étranger que cette tendance, nos kids, se répand en ce moment.
00:39Écoutez ce qu'en a dit hier Sarah Elahiri, c'est la haute commissaire à l'enfance,
00:43elle a reçu les fédérations du tourisme, des transports et de l'urbanisme
00:46pour riposter à cette tendance qui consiste à exclure les enfants de l'espace public, écoutez-la.
00:53Un enfant, on ne l'exclut pas, enfin un enfant est un sujet de droit,
00:56un enfant c'est oui des pleurs parfois, mais c'est beaucoup de sourires, beaucoup de rires.
01:01C'est dans le fond aussi une société comme on l'imagine,
01:04exclure les enfants c'est exclure les parents.
01:05Moi ce que je souhaite c'est au contraire, remettre les enfants au cœur de notre société,
01:10penser ces espaces, on peut le faire pour les villes, on peut le faire dans les transports.
01:14Et donc finalement ne pas être dans la tendance à dire
01:16on n'en veut pas, on les éloigne, on les exclut,
01:19mais au contraire on adapte notre offre.
01:23Olivia Troupelle, je suis sûre que vous êtes sur la même ligne que Sarah El Haïry.
01:28Alors je suis, on parle d'un petit proverbe africain qui nous dit
01:31il faut tout un village pour élever un enfant,
01:33donc on ne peut pas l'exclure et le mettre de côté,
01:35l'invitabiliser comme il est fait.
01:37Voilà pareil, le pédiatre Winnicott nous disait qu'un bébé n'existe pas seul,
01:41donc il est important qu'il se confronte à la société
01:43pour comprendre quelles sont les règles, quelles sont les normes de la société.
01:46Et donc à l'heure actuelle cet enfant il est mis de côté,
01:50on a peur pour lui, on a peur qu'il lui arrive quelque chose,
01:53donc on l'enferme en fait dans la crèche, dans l'école,
01:57donc il n'a pas des codes en fait de la société.
01:59C'est un petit peu ça qui est problématique
02:01et je pense que comme tout problème il est multifactoriel,
02:05donc c'est pas qu'un problème.
02:06Comment en est-on arrivé là à cette forme d'exclusion des enfants
02:12dans certaines structures et dans certaines situations ?
02:15Alors il y a beaucoup de choses, comme vous le disiez,
02:18c'est multifactoriel, on ne peut pas dire qu'il n'y a qu'une seule chose qui ait fait ça,
02:22c'est-à-dire qu'on a développé des crèches qui étaient à taille d'enfant,
02:25pour les enfants, hyper adaptées pour les enfants,
02:29donc c'est pour ça que c'est pareil,
02:30quand il y a des trains avec des wagons spéciaux pour les enfants,
02:33c'est quand même plus adapté pour tout le monde,
02:35donc voilà, après on ne peut pas faire de généralité,
02:39mais on en est arrivé là aussi
02:40parce que les normes d'éducation aussi ont changé
02:43et qu'avant les parents ont laissé les enfants se balader sur des kilomètres,
02:48alors maintenant il faut que notre enfant soit juste à côté,
02:50on a peur qu'il lui arrive quelque chose,
02:52on a peur que quelqu'un lui fasse du mal,
02:54donc c'est cette peur en fait qui fait du mal.
02:57Quand on a peur, on ne va pas vers les autres,
03:00on ne va pas s'autonomiser, on ne va pas explorer,
03:02donc c'est ça qui complétifie un petit peu les choses.
03:06Voilà, et on a des parents aussi qui sont seuls,
03:07alors qu'avant les parents étaient entourés en fait des grands-parents,
03:11des tantes, voilà, là on a des parents qui sont un petit peu seuls,
03:15qui peuvent être à bout aussi,
03:16parce que ce n'est pas simple d'élever un enfant tout seul,
03:18donc il y a de ça aussi.
03:20Voilà, et c'est important de faire sortir un enfant dans un restaurant,
03:23lui donnant les règles,
03:24en lui montrant comment ça fonctionne,
03:26la vie en société, sinon il ne peut pas savoir,
03:28mais on a aussi des adultes qui sont certains adultes,
03:31qui sont perdus, qui n'ont pas eu de cadre,
03:33et donc pour eux c'est compliqué en fait de savoir ce qui est ou ce qui n'est pas bien.
03:37Avant on n'allait pas par exemple dans un club exclusivement pour les adultes,
03:40on n'amenait pas les enfants,
03:42voilà, ça paraissait du bon sens,
03:45alors que maintenant ce n'est plus tout à fait le cas non plus.
03:47Olivier Petit, ce qu'on comprend aujourd'hui,
03:50c'est que cette tendance no kids,
03:51c'est aussi la tendance de se passer des enfants terribles autour de la piscine en fait.
03:57C'est une bulle de respiration,
04:00c'est-à-dire que je partage tout à fait ce que vient de dire madame,
04:04dans la vie et dans la société,
04:06aujourd'hui l'hôtel effectivement adulte sonny,
04:10il correspond à une expérience,
04:11on fait une bulle en couple sans ses propres enfants,
04:15et donc on n'a pas forcément envie d'avoir ceux des autres à proximité,
04:21on n'a pas d'enfant soi-même,
04:22on est un seigneur, etc.
04:24Et donc on va se réserver un petit espace de liberté, de calme,
04:28on va vivre une expérience de remise en forme,
04:31on va vivre une expérience de restauration spécifique,
04:34haut de gamme, sur lesquelles on va en profiter
04:37et si en plus on amenait nos enfants,
04:40je ne suis pas certain que les enfants eux-mêmes en profiteraient.
04:43– Mais vous êtes sûr que c'est vraiment ça le sujet ?
04:45Est-ce que le sujet ce n'est pas le fait qu'on ne supporte pas ou plus
04:49les enfants des autres ?
04:51– Alors aujourd'hui on peut se dire que les hôtels adulte-only
04:54résonnaient dans ce sens-là,
04:56mais les hôtels adulte-only aujourd'hui ça doit représenter
04:59un petit pourcent des hôtels français.
05:03Et encore, c'est assez difficile effectivement à quantifier.
05:08Si vous comptabilisiez les hôtels qui sont dédiés aux familles,
05:12aux enfants, chez Bellembra, chez Center Parcs,
05:15chez Pierre et Vacances et autres,
05:17il y aurait un volume beaucoup plus important
05:19pour partager une vraie expérience en famille.
05:22– Vous parlez de bulles de respiration, j'appelle ça une exigence.
05:25Moi je trouve que c'est devenu une exigence de la part des gens.
05:28Je paye mon train très cher, je ne veux pas d'enfants dans le wagon.
05:31Je paye mon hôtel très cher, j'exige qu'il n'y ait pas d'enfants
05:34autour de la piscine.
05:35C'est devenu une exigence, c'est un refus de l'enfant.
05:37Mais j'aimerais juste qu'on s'imagine
05:38si on faisait ça avec une autre catégorie de personnes de la société.
05:42Et si on disait, je veux en wagon 100 personnes âgées.
05:46Et puis vous pouvez faire ça avec d'autres catégories de la société.
05:49Imaginez le tollé que ça ferait.
05:53On n'envisage pas l'enfant comme un sujet politique,
05:55comme un sujet à part entière de la société.
05:57On le refuse et on l'invisibilise.
05:59Est-ce qu'il n'y a pas une dimension aussi culturelle différente
06:01en fonction des pays ?
06:02Parce que c'est vrai que, pour se parler franchement,
06:04quand on arrive en France dans certains restaurants avec des enfants,
06:06on nous regarde de travers.
06:07Quand vous allez dans certains pays du sud de l'Europe,
06:10on vous accueille, on vous sort des jeux,
06:14on sent que l'enfant est au centre quasiment.
06:16Là, on dit que c'est kids-friendly.
06:18Oui, mais on sent que l'enfant est quasiment,
06:21non pas au centre de la société, mais presque.
06:23Et c'est marrant parce que l'exemple que vous prenez,
06:26si vous regardez le nombre d'hôtels adultes only en France ou en Espagne,
06:31vous en trouverez beaucoup plus en Espagne.
06:33Oui, c'est encore petit en France, c'est limité.
06:34Il n'y a pas d'opposition entre le fait d'amener ses enfants
06:38et de vivre des expériences en famille
06:40et le fait de se ménager des espaces à soi.
06:42Olivier Troupelle, ce que vient de dire Lorraine
06:44qui est avec nous sur le plateau de première édition
06:46au sujet du fait que si c'était une autre catégorie de population,
06:51les personnes âgées par exemple,
06:53ça ne passerait pas évidemment.
06:56C'est légal, c'est pratique ?
06:59Alors, si on regarde les textes,
07:01on ne peut pas exclure des personnes en fonction de leur âge non plus.
07:04Donc c'est sûr que ce n'est pas juste,
07:08c'est assez impossible de faire ça.
07:10Mais c'est vrai que moi je pense que les enfants ont besoin aussi
07:14de se, comme je disais tout à l'heure,
07:15de se confronter à la réalité aussi
07:17et du fait que quand ils ont un comportement,
07:18il y a une réaction derrière.
07:20Et ça, ils sont mis de côté par rapport à ces choses-là
07:24et c'est ça qui est problématique aussi.
07:26Et je ne pense pas que ce soit tous les enfants
07:27qui soient exclus, qui énervent les gens,
07:32c'est les enfants qui n'ont pas de cadre,
07:33qui n'ont pas de limite.
07:34C'est ça qui pose problème.
07:35C'est la faute des parents ?
07:37– Alors non, j'attendais cette question-là.
07:40– Non, mais parce que si les enfants n'ont pas de limite,
07:44c'est parce que quelque part, nous ne savons pas,
07:46pas pour tous, leur imposer ou les éduquer.
07:49– Alors, il n'y a pas qu'un seul adulte qui est autour de l'enfant.
07:52L'enfant, il est élevé aussi ou éduqué par plusieurs personnes.
07:57Donc voilà, il va à la crèche, il va voir d'autres enfants,
07:59il a un contexte de vie, il faut voir ça en fonction de…
08:02On est dans une vision écosystémique,
08:03c'est-à-dire qu'il n'y a pas que le parent,
08:05il y a le parent, mais il y a aussi les amis autour,
08:07il y a aussi plein de choses, la société,
08:10le fait de mettre une école avec une classe,
08:13avec des petites sections, par exemple,
08:15des enfants de 2-3 ans qui sont à une trentaine dans la classe,
08:17comment une maîtresse peut toute seule
08:19s'occuper de tous ces enfants-là.
08:21Vous voyez, il y a plein d'éléments
08:22qui vont faire modifier les choses.
08:26– Merci d'avoir été en direct avec vous.
08:30C'est passionnant, par la Sarah El Haïry,
08:31la haute commissaire à l'enfance,
08:32a annoncé la rédaction d'une charte,
08:34après sa réunion avec les professionnels du tourisme,
08:37pour essayer que ne s'installent pas en France,
08:39justement, les réservations sans enfants ou adultes only.
08:43– Merci d'avoir regardé cette vidéo !