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  • 29/05/2025
Joranne n’a pas grandi dans un cocon. Dès l’enfance, elle a dû apprendre à se débrouiller seule. Sa mère, instable et souvent absente, n’était pas celle sur qui elle pouvait compter. Entre cris, silences pesants et larmes étouffées, Joranne a longtemps cru que l’amour n’était pas fait pour elle.

Alors quand, à 16 ans, elle découvre qu’elle est enceinte, c’est le monde qui s’écroule une seconde fois.

Elle a pensé à tout arrêter. Elle a même pris rendez-vous. Parce qu’elle avait peur. Parce qu’elle ne se sentait pas prête. Parce qu’on lui avait répété toute sa vie qu’elle ne ferait rien de bon.
Mais au fond d’elle, une petite voix résistait : "Et si c’était l’occasion de tout changer ?"

Contre l’avis de certains, malgré les regards et les jugements, Joranne a choisi de garder cet enfant.
Non pas pour fuir, mais pour reconstruire. Pour offrir à ce bébé ce qu’elle-même n’avait pas eu : un peu de douceur, de stabilité, et beaucoup d’amour.

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00À 14 ans, elle m'a présenté un garçon qui n'était pas très recommandable.
00:04Et elle m'a conseillé d'avoir des relations sociales avec lui.
00:07J'ai essayé à tout prix de gagner son amour.
00:10Donc je faisais tout ce qu'elle me disait, tout ce qu'elle me demandait, je voulais le faire.
00:13C'était une très mauvaise idée de perdre de m'aider avec ce garçon.
00:16Mais je voulais le faire pour faire plaisir à ma mère.
00:18Le dernier souvenir que j'ai de mes parents, c'est le soir de leur incarcération.
00:21Mon père a été incarcéré pour 19 ans pour...
00:26Ma maman a eu une condamnation, on va dire, plus légère.
00:32Parce qu'elle n'a pas posé d'actes violents.
00:35Elle a été témoin de la scène et n'a rien fait.
00:36Elle a été condamnée pour non-atteinte à personne en danger.
00:39Donc mon père, ce n'était pas son premier passage en prison.
00:42C'était un récif diviste.
00:43Il était connu pour ses problèmes psychologiques aussi.
00:45Il avait été décelé psychopathe incurable.
00:47Donc ce qui faisait de lui une personne très...
00:49Et de plus avec des problèmes...
00:52Donc ça n'aide pas dans ce genre de cas.
00:54On a été placé chez un membre de ma famille qui s'est porté volontaire pour s'occuper de nous.
00:58Tout ça, ça partait d'une bonne intention.
01:00Je pense qu'elle a essayé de bien faire.
01:01Mais elle n'avait pas de bonnes conditions de vie à nous offrir.
01:04Elle souffrait du syndrome de Diogène.
01:06Le syndrome de Diogène, c'est le fait d'entasser énormément de choses à l'excès.
01:10Jusqu'à ne plus pouvoir en réceptionner dans sa maison.
01:13C'est des montagnes de vaisselle qui s'accumulent dans l'évier.
01:16C'est des poubelles par dizaines.
01:17C'est de l'insalibrité, de la saleté.
01:19C'est un manque d'hygiène.
01:20Cette personne, elle nous donnait de l'amour, mais c'est un amour assez malsain.
01:25Avant mon placement, j'étais très proche de mes frères et soeurs.
01:28Parce que j'avais un rôle maternel, étant donné que nos parents nous délaissaient un petit peu.
01:31Donc j'étais énormément proche d'eux.
01:32Après le placement, tout a changé.
01:35Parce que petit à petit, la personne qui s'occupait de nous a commencé à nous diviser, à nous triter différemment.
01:41Donc on avait chacun un rôle bien précis.
01:43Moi, je vidais énormément de poubelles, je faisais les corvées dans une maison avec une insalubrité pareille.
01:51Il ne s'agit pas juste de faire la vaisselle, il s'agit de faire une montagne de vaisselle.
01:54Il s'agit de sortir dix poubelles.
01:56Il s'agit d'aller me donner à manger dans la boue à des poules ou à des chiens qui sont affamés au bout d'une chaîne.
02:04Étant donné que j'étais placée dans un lieu très insalubre, dans lequel je ne pouvais pas me laver, dans lequel je ne pouvais pas me brosser les dents,
02:10dans lequel je n'avais pas de soins dentaires, donc j'avais les dents toutes noires, je n'avais pas de vêtements propres.
02:15Les enfants eux-mêmes nous fuyaient parce qu'en fait, personnellement, j'étais sale, j'avais des habits qui n'étaient pas propres.
02:19On n'a pas envie de jouer avec une petite fille qui n'est pas propre et qui pue, qui a des poux, parce que c'est une réalité, c'est dur à le dire.
02:24Mais c'est une réalité, j'avais énormément de poux, ils n'étaient pas traités.
02:27On pouvait les voir sur ma tête.
02:29Donc les enfants me fuyaient, les adultes, ils avaient de la peine, mais ils n'agissaient pas.
02:33Il n'y a aucune maîtresse qui a sonné l'alarme.
02:36Il n'y a aucun éducateur qui nous suivait pourtant, qui venait au domicile où on a été placés,
02:41qui a sonné la tirette d'alarme en disant « c'est mes enfants, il faut qu'ils soient placés ailleurs ».
02:45Au collège, j'avais les cheveux tellement gras qu'on venait me demander si je ne les avais pas plongés dans l'huile de friteuse pour les laver.
02:52On brûlait mes affaires, on déchirait mes vêtements en me demandant si je ne les avais pas achetés à la déchetterie.
02:58C'était humiliant, ça fait perdre une partie de sa confiance en soi en fait.
03:02On se sent seul aussi, parce que je n'ai jamais eu d'amis.
03:05Jusqu'à mon adolescence, mes premiers amis, je les ai eus à 16 ans.
03:08Avant ça, il n'y avait rien.
03:10En grandissant, on nous demande quand on passe tous les ans devant le juge des enfants où on veut aller.
03:14Chaque année, j'ai demandé à retourner chez ma maman.
03:17J'ai pu la voir au maximum une fois dans le mois.
03:19Les fois où je la voyais, j'étais juste heureuse de pouvoir lui servir son café, lui apporter la télécommande, lui apporter son petit verre.
03:26J'ai essayé à tout prix de gagner son amour.
03:30Je faisais tout ce qu'elle me disait, tout ce qu'elle me demandait, je voulais le faire.
03:33À 14 ans, elle m'a présenté un garçon.
03:36Moi, j'étais jeune et je me concentrais beaucoup sur mes études parce que je me disais que c'était ma porte de sortie.
03:40Et elle, elle m'a présenté ce garçon qui n'était pas très recommandable.
03:44Et elle m'a conseillé d'avoir des relations avec lui.
03:47Parce que pour elle, c'était normal.
03:48Pourtant, j'avais 14 ans, j'étais jeune.
03:50Je savais que ce n'était pas bien et que c'était une très mauvaise idée de perdre ma vie avec ce garçon.
03:56Mais je voulais le faire pour faire plaisir à ma mère.
03:57Il avait à peu près le même âge que moi et c'était le fils d'une amie à ma mère.
04:03Je suis devenue violente avec tous les adultes qui m'entouraient parce que je leur en voulais énormément.
04:07Parce qu'ils ne faisaient rien.
04:08Et je ne savais pas comment l'exprimer en fait.
04:09J'avais que de la colère.
04:11Et puis quand je disais que je ne voulais pas retourner là où je vivais, on ne me prenait pas au sérieux.
04:14Puis on me répondait qu'il n'y avait surtout pas de place ailleurs.
04:16À l'adolescence, c'est devenu très compliqué parce que c'est là où j'ai subi beaucoup plus le regard des autres et leur méchanceté.
04:23C'est là aussi où on se pose beaucoup de questions sur soi.
04:25C'est là où on se rend compte que l'endroit où on vit, ce n'est pas normal.
04:28C'était la période la plus traumatisante.
04:30À ce moment-là, je ne savais pas du tout où j'en étais.
04:32J'ai fait plusieurs tentatives.
04:33Je ne voulais pas mettre fin à mes jours.
04:34Je voulais appeler au secours.
04:36Et quand je faisais ça, on me plaçait dans un autre endroit.
04:39Et là, j'avais du répit.
04:40Ou je disais dans un endroit propre.
04:41On ne me rabâchait pas que j'avais gâché la vie des gens.
04:45Où je n'étais pas responsable des actes de mes parents.
04:47Où j'étais juste moi-même, une enfant, une adolescente.
04:50Où je n'avais pas d'autre rôle à jouer.
04:51Où je ne devais pas protéger mes frères et sœurs.
04:54Où j'étais juste moi-même.
04:55Où j'étais juste une enfant.
04:56Et ça me faisait du bien.
04:57Malheureusement, ça ne durait jamais.
04:59Parce qu'il n'y a pas énormément de place en foyer ou en famille d'accueil.
05:02Donc, je retournais sans arrêt là d'où je venais.
05:04Donc, je suis rentrée au lycée.
05:06Mes études, ça se passait bien au lycée.
05:07C'était un peu plus détendu pour moi.
05:09Parce que j'étais à l'internat.
05:11Donc, quand j'étais à l'internat, je pouvais me laver.
05:13Je pouvais camoufler mon mode de vie.
05:15Au lycée, je passais un peu plus pour une personne normale.
05:17Et tout a un peu basculé.
05:19C'est parti d'une simple constipation.
05:21J'étais constipée.
05:22Je suis partie consulter chez le médecin.
05:24Et le médecin m'évoque la possibilité que je sois enceinte.
05:27À ce moment-là, je rigole.
05:29Parce que même si j'ai des rapports, ils sont protégés.
05:31Puis que je ne veux absolument pas d'enfants.
05:32En fait, je vis dans des conditions qui ne sont déjà pas faciles.
05:36Enfin, j'essaye de m'en sortir et c'est compliqué.
05:39Non, pour moi, ce n'est pas possible.
05:41Ce n'est même pas envisageable.
05:42En fait, je me contente de rigoler.
05:43Et je lui dis, d'accord, on va faire un test.
05:45Donc, je fais une prise de sang.
05:47Et la prise de sang révèle que je suis bien enceinte.
05:49Et donc, je me rends faire une échographie au planning familial.
05:52Pour dater cette possible grossesse.
05:55Qui, pour moi, à ce moment-là, est encore impossible.
05:57Je n'ai pas d'autres mots pour décrire ce que je ressentais à ce moment-là.
06:00Et je ne le prenais pas du tout au sérieux.
06:02Quand la sèche-femme qui m'a fait l'échographie m'a dit que j'étais enceinte.
06:07Et non seulement que j'étais enceinte, mais j'étais enceinte de huit mois.
06:10Ma vie, elle a basculé.
06:11Mais je n'y croyais toujours pas.
06:12Je n'avais aucun symptôme.
06:13Je n'avais pas de ventre.
06:14J'avais des règles.
06:15Je n'avais pas de nausées.
06:16Je n'avais rien.
06:17Donc, par la suite, on m'a expliqué qu'il n'y avait aucun avortement possible.
06:22Que j'avais dépassé tous les délais légaux.
06:24Moi, je m'en fichais de ce qu'on disait.
06:26Je voulais absolument avorter.
06:27C'était hors de question que j'accouche.
06:29Du coup, on m'expliquait que ça se passait très bien d'être maman à 16 ans.
06:32Il y en avait plein qui arrivaient.
06:33Je ne me sentais pas écoutée à ce moment-là.
06:35Parce que toutes les personnes, tous les travailleurs sociaux qui m'ont conseillé à ce moment-là,
06:38ils m'orientaient uniquement dans le fait d'être maman à 16 ans.
06:40Je n'avais pas l'impression qu'ils me laissent le choix sur ce que je voulais décider,
06:43sur ce que je voulais de ma vie.
06:44Je ne me sentais pas écoutée.
06:47Je n'avais personne à qui en parler.
06:48J'étais un peu toute seule face à cette épreuve.
06:52Et ce n'était pas facile.
06:52Après, je suis tombée sur une assistante sociale qui m'a bien conseillée.
06:55Et qui m'a expliqué que j'avais quand même des recours.
06:57C'est-à-dire l'adoption.
06:58Et je me suis dit que c'était la meilleure solution pour moi.
07:01Parce que j'allais accoucher dans quelques semaines.
07:03Alors même si je ne voulais pas accoucher, ce n'était pas possible pour moi d'avorter.
07:06J'avais essayé.
07:07Dès que j'ai appris que j'étais enceinte de 8 mois, j'ai couru dans les escaliers.
07:11Je suis partie rechercher sur Google tout ce qui était possible d'avant.
07:14Comment avorter toute seule ?
07:16Mais c'était 8 mois, ce n'était pas possible.
07:17Sans me mettre en danger, ce n'était pas possible.
07:19J'ai essayé de boire des plantes qu'on me conseillait sur Google.
07:22J'ai essayé de courir, faire des montées d'escaliers.
07:25En me disant que comme ça, j'allais faire une fausse coucher, que je n'allais pas accoucher.
07:28Je ne voulais pas.
07:29J'étais prête à tout.
07:30Au fur et à mesure des jours, je réalisais quand même que c'était une vie en moi.
07:33Et une vie que je n'avais pas envie de gâcher.
07:34Et c'est pour ça que je me suis penchée sur l'adoption.
07:36C'est parce que je ne voulais pas qu'il soit placé.
07:39Je voulais qu'il vive avec une hygiène normale, dans une belle maison, avec des gens qui l'aiment.
07:43Je ne me sentais même pas capable de donner de l'amour.
07:46Et encore moins un confort matériel.
07:47J'avais 16 ans et je n'avais rien.
07:48J'ai donc décidé d'accoucher sous X et de mettre mon enfant à l'adoption.
07:53Ce choix-là, je pense que personne ne l'a compris.
07:55Et personne ne l'a accepté.
07:57Quand j'allais à la maternité, je demandais à ne pas voir l'échographie.
08:01A ne pas écouter le monitoring.
08:02Parce que oui, je voulais faire adopter mon enfant, mais je n'étais pas insensible.
08:05C'était un choix que je faisais.
08:06Un choix qu'encore aujourd'hui, je ne regrette pas.
08:09Parce que c'est un choix qui m'appartient.
08:10Un choix que j'ai fait de manière réfléchie.
08:12Mais c'est un choix qu'on a beaucoup jugé.
08:14Lors des échographies, on me forçait à regarder.
08:15On me laissait l'écran allumé alors que je demandais à ce qu'il ne soit pas allumé.
08:19On laissait le son des monitorings alors que je demandais à ce qu'il soit éteint.
08:25Donc ça ne me faisait pas rien, mais ce n'est pas quelque chose que je voulais ressentir.
08:28Du coup, le papa de l'enfant que j'attendais était le petit ami que ma maman avait présenté.
08:34Il n'a pas du tout été impliqué dans le processus d'adoption.
08:37J'ai fui en fait.
08:38Je suis partie me cacher.
08:39Parce qu'faire adopter son enfant de façon plénière, ce n'est pas si facile que ça.
08:43Il faut qu'aucun, absolument aucun lien de filiation soit établi.
08:46Donc une adoption plénière, c'est quand l'enfant a la possibilité d'être adopté par un couple
08:51sans qu'il y ait de lien de filiation avec ses parents biologiques.
08:54Donc en fait, de vivre une vie normale.
08:57Pour moi, c'était ça.
08:58Que l'enfant, il n'est pas placé dans une famille d'accueil ou dans un foyer.
09:01Il est vraiment placé dans une famille qui sont ses parents en fait.
09:05Donc en fait, faire adopter cet enfant de façon plénière, pour moi, c'était une chance pour lui.
09:09Donc je me suis cachée pour pouvoir accomplir ce projet.
09:12J'étais scolarisée et j'étais à l'approche de passer mon BEP.
09:16Donc j'ai prévenu mon directeur d'école et je lui ai expliqué la situation.
09:19Il y a uniquement lui et mon professeur principal qui a été informé de la situation.
09:23Et je me suis cachée à l'aide d'un centre maternel qui a mis à ma disposition un appartement
09:29afin que je sois cachée en fait de mon entourage,
09:32afin que je vive la fin de ma grossesse sereinement et que j'accouche aussi sereinement.
09:36Donc j'ai accouché le 25 février 2014.
09:39Ça s'est passé très vite.
09:40Les contractions, ça a été la première fois que j'ai ressenti l'enfant.
09:43De ressentir ça, ça m'a bouleversée.
09:45J'ai ressenti un peu d'amour, mais j'avais peur.
09:47Quand je l'ai ressenti, j'ai eu encore plus envie de le faire adopter.
09:50Parce que je me suis dit que vraiment, je ne pouvais rien pour lui.
09:53Je n'étais pas capable.
09:54Donc j'ai accouché, ça s'est passé très rapidement.
09:56Je me sentais seule.
09:57J'avais 16 ans.
09:58Je ne me souviens même pas avoir eu mal.
09:59Je me souviens juste avoir peur.
10:01J'ai refusé de voir l'enfant parce qu'il me faisait peur.
10:04J'avais peur de l'aimer, peur de le regarder et de me montrer égoïste.
10:08De l'empêcher de vivre une belle vie, de le vouloir pour moi et de ne pas être capable de l'assumer.
10:14J'avais peur de devenir comme mes parents.
10:16J'avais peur de gâcher la vie de cet enfant comme moi on m'a gâché la vie.
10:20Donc je ne l'ai pas regardée.
10:22Je l'ai entendue tousser et on l'a emmenée.
10:24Dès le lendemain, c'était mon examen.
10:26J'ai fui la maternité et je suis partie passer mon examen.
10:29Je l'ai réussi, j'étais fière de moi.
10:31J'ai repris ma vie.
10:31J'ai commencé à écrire pour lui expliquer.
10:34De lui expliquer mon histoire, de lui expliquer pourquoi je le laissais.
10:37Pourquoi je l'abandonnais et pourquoi il ne grandirait pas avec sa maman.
10:40Donc j'ai commencé à le faire et j'ai continué mes études.
10:42Il y a un mois et demi qui se sont passés.
10:44Avant que l'assistante sociale qui s'occupait de l'adoption me rappelle.
10:46Ils me disent que l'enfant que j'avais mis à l'adoption, il n'était plus adoptable.
10:50Elle m'a expliqué qu'il y avait un lien de filiation qui avait été établi.
10:53Sur le coup, je ne comprenais pas.
10:54Puis après, j'ai compris.
10:55Il s'est avéré que ma professeure qui avait été mise au courant de la situation,
10:58elle était partie informer le papa de mon enfant.
11:01Et qu'il l'avait reconnue pour empêcher l'adoption.
11:03Il ne s'en est jamais occupé mais il l'a reconnue.
11:05Elle m'a expliqué que désormais il serait confié à l'aide sociale à l'enfance
11:08si je ne voulais pas m'en occuper.
11:09Donc qu'il aurait la même vie que moi.
11:10La vie que je voulais lui éviter, il l'aurait.
11:12Ce jour-là, j'étais en colère.
11:14Parce que j'avais repris ma vie moi entre temps.
11:16J'avais essayé d'oublier, d'oublier la culpabilité que je ressentais.
11:20J'avais essayé de me rassurer en me disant qu'il aurait la meilleure des vies
11:23et que c'était la meilleure chose que je pouvais lui offrir.
11:26Donc j'ai changé d'avis et je suis partie le reconnaître.
11:29J'ai demandé à être placée dans un foyer de jeune mère.
11:31Et ça a été accepté.
11:32Quand je l'ai vu, du coup, il avait un mois et demi.
11:34Je n'arrivais pas à réaliser que j'étais maman.
11:36Et encore moins que c'était mon enfant.
11:38C'était une toute petite chose qui ne pleurait jamais.
11:40C'était un bébé toujours calme, toujours souriant.
11:42Je ne voulais pas qu'il vive une vie en foyer, en famille d'accueil.
11:46C'est pour ça que j'ai décidé de l'assumer et de devenir sa mère.
11:48Mais ça n'a pas été facile.
11:49C'était difficile pour moi de m'occuper d'un bébé, d'aller en cours, de devoir travailler du coup.
11:55Parce qu'en fait, maintenant, je n'étais plus une jeune fille qui voulait vivre une vie normale.
11:59J'étais une maman.
12:00Donc il fallait manger, il fallait l'habiller, cet enfant.
12:04Tout est arrivé très vite.
12:05Je n'ai pas compris ce qui se passait pour moi.
12:07Au début, je n'arrivais pas à le prendre dans mes bras.
12:08Je n'arrivais pas à lui faire des câlins.
12:10J'avais peur de le casser.
12:11J'avais peur de lui faire mal.
12:13Et puis j'avais peur de ne pas savoir l'aimer.
12:16Parce qu'en fait, je le regardais et je ressentais tellement de choses et des choses que je n'avais jamais ressenties.
12:20J'avais de la tristesse.
12:22J'avais aussi beaucoup d'amour, mais je n'arrivais pas à comprendre que c'était de l'amour.
12:26Ma vie, elle est devenue encore plus compliquée parce qu'il y avait le regard des gens.
12:29Quand je sortais dans la rue, on me demandait si j'étais baby-sitter, si j'étais sa sœur.
12:34Puis on me voyait comme une...
12:36Ah ouais, comme une...
12:37C'était le mot, j'avais 16 ans et j'avais un enfant.
12:40Donc forcément, pour les gens, j'avais connu 10 mecs.
12:43J'avais forcément couché à droite, à gauche.
12:45Et puis quand on a le passif que j'ai, parce que le foyer maternel, c'est un placement.
12:49Donc c'est un dossier qui est suivi.
12:51Donc les éducateurs, ils avaient toute mon histoire.
12:53Et forcément, ils avaient des inquiétudes.
12:54Par rapport au déni de grossesse, par rapport à l'adoption, par rapport à mon enfance, par rapport à mes parents...
12:59Bah, ils me surveillaient en fait.
13:00Toute mon enfance, elle me suivait encore.
13:02On me reprochait aussi de faire mes études.
13:03Pour moi, c'était clair.
13:05Je devais avoir un boulot et un boulot respecté.
13:08Je devais m'en sortir et je ne devais pas être comme mes parents.
13:10Il n'y avait plus que mon fils qui comptait.
13:12Et ce que je pouvais lui apporter.
13:13Et j'ai commencé à accumuler les boulots.
13:16J'ai commencé aussi à m'endetter parce qu'être avec un enfant toute seule, avec un salaire et pas forcément d'études, c'est pas forcément facile.
13:23Il fallait énormément que je fasse garder mon fils parce que je n'avais pas de travail, on va dire, avec des horaires simples.
13:28Je travaillais à l'abattoir, j'ai travaillé au McDonald's.
13:31J'ai enchaîné.
13:32Et je n'avais pas forcément de but ou de projet.
13:35Je ne savais plus du tout aller.
13:36J'étais perdue parce que je n'arrivais pas à trouver de soutien.
13:39J'ai trouvé un seul soutien, c'est un homme que j'ai rencontré quand j'étais placée au foyer maternel.
13:44Je fuga énormément du foyer maternel parce que je ne m'y sentais pas bien.
13:46Je passais mes week-ends à Nantes, chez un homme qui est devenu mon père adoptif.
13:52Il m'a élevée, il m'a appris à me laver correctement, il m'a appris à faire cuire du riz.
13:56Il m'a appris la valeur de l'argent, il m'a tout appris.
13:58Je me sentais aimée, je me sentais respectée.
14:00Il croyait en moi, donc tout ce que j'ai fait, il a toujours cru en moi.
14:03Et ça m'a beaucoup aidée.
14:04Le lien avec mon fils, il s'est construit sur la durée.
14:06J'ai toujours eu cette volonté à partir du moment où j'ai décidé de devenir sa mère
14:10et de ne pas le laisser en foyer ou en famille d'accueil.
14:12J'ai toujours eu cette volonté de bien faire.
14:14On n'est pas préparé à devenir mère, ce n'est pas comme ça.
14:17Ça ne vient pas, ça s'installe, ça s'apprend en fait.
14:20Je ne sais pas comment expliquer, mais quand on voit son enfant,
14:23après on apprend à savoir ce qu'il a besoin, ce qu'il veut, ce qu'il aime.
14:27Et puis chaque parent est différent.
14:28Moi, ma relation avec mon fils, elle est différente d'autres personnes
14:31et elle s'est construite différemment.
14:32Elle s'est construite dans le temps parce qu'au début,
14:34je n'étais pas une mère.
14:36Je n'ai jamais été une mère parfaite.
14:37Ça me fait pleurer.
14:40Oh, mais non, bébé, il va pleurer.
14:44Bien.
14:46Il va pleurer, bébé.
14:49Oui.
14:51Pleure pas.
14:52J'ai senti que j'avais réussi à devenir une bonne mère
14:56et que j'avais réussi quand je suis devenue pompier.
14:58Parce que je lui ai offert une stabilité.
15:00J'avais accumulé tous les boulots pendant des années.
15:02J'avais galéré.
15:03Et enfin, j'avais un boulot qui était respecté.
15:05J'avais un boulot qui était stable et dans lequel mon fils, il m'admirait.
15:08Et lui, il avait une vie stable.
15:09Parce que pendant des années, ça n'a pas été facile.
15:11J'ai vécu dans un foyer quand même jusqu'à mes 18 ans.
15:13Donc, ça fait quand même deux ans.
15:15C'est des années à accumuler les boulots.
15:17J'ai passé deux ans dans un centre d'insertion pour essayer de devenir pompier.
15:20Je me suis accrochée à ce choix de carrière.
15:23Mon boulot a changé ma vie.
15:25Du jour au lendemain, je me suis retrouvée propulsée dans un autre milieu social.
15:28J'ai dû apprendre d'autres codes.
15:30Parce que j'ai rencontré des gens qui n'ont pas du tout la même vie que moi.
15:33Pas du tout la même vision de la vie que moi.
15:35Pas du tout les mêmes habitudes.
15:37Et c'est toutes des personnes extraordinaires.
15:38Et c'est des personnes qui m'ont acceptée telle que j'étais.
15:40Avec mes codes qui étaient différents,
15:42Je pense qu'être pompier, ça m'a apporté bien plus que ce que je pensais au départ.
15:45Je suis heureuse aujourd'hui.
15:46Je suis fière de moi.
15:47Je suis heureuse quand je vois mon fils et qu'il est fier de moi.
15:49Ça me rend fière.
15:50Au final, je l'ai élevé.
15:51J'ai réussi à l'élever.
15:52Mais lui aussi, il m'a élevé.
15:53Il m'a aidé à grandir.
15:54Parce qu'à chaque fois que je faisais quelque chose,
15:56que je faisais un choix,
15:57je me disais quelles conséquences ça peut avoir pour lui.
16:00Dans mes choix de carrière, dans mes choix de vie,
16:02à chaque fois que j'ai pris une décision, j'ai pensé à mon fils.
16:04Et je me suis demandé si lui, ça lui conviendrait.
16:06Je pense qu'il y a beaucoup de jeunes filles qui sont mamans à 16 ans.
16:10Peut-être pas avec des histoires similaires à la mienne,
16:13mais qui se posent la question de comment elles vont faire.
16:15Il y a beaucoup de jeunes mamans, peut-être,
16:17qui culpabilisent de faire adopter leur enfant.
16:19Et je ne veux pas, en fait, je ne veux pas qu'on puisse ressentir ça.
16:22Je veux apporter l'aide que j'aurais aimé qu'on me donne.
16:25Et je me dis que mon témoignage, ça peut servir.
16:27Parce que j'aurais aimé avoir ce témoignage.
16:29Quand j'avais 16 ans, j'aurais aimé voir une personne qui a réussi,
16:32qui a eu la vie que j'ai eue et qui a réussi.
16:33Une enfant placée qui a réussi,
16:35une maman à 16 ans qui a réussi.
16:37J'aurais aimé voir ça.
16:38Et je me dis que parler, ça peut peut-être aider d'autres personnes
16:41et faire évoluer les choses.
16:42Parce que si je ne parle pas des injustices
16:44et des belles choses que j'ai vécues,
16:45personne ne le saura et rien ne changera.

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