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  • 25/05/2025
Le secret le mieux gardé de la dictature chilienne... Plongée exclusive au cœur de Colonia Dignidad, une organisation nazie fondée dans les années 60 au Chili et protégée par le régime de Pinochet.

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Personnes
Transcription
00:00:00Paul Schaeffer a été condamné à 20 ans de prison pour abus de mineurs.
00:00:07Le chef de la colonie Adignidad devra verser à ses victimes plusieurs millions d'indemnisations.
00:00:11Schaeffer a été arrêté en mars 2005 à Buenos Aires.
00:00:18Il était recherché au Chili depuis 1997.
00:00:20C'est le seul exemple dans le monde d'un système entièrement conçu pour satisfaire
00:00:38les perversions sexuelles pédophiles du leader d'une organisation.
00:00:44C'était un système quasi industriel pour l'approvisionner en enfants.
00:00:51Les accusations contre Paul Schaeffer ne s'arrêtent pas là.
00:00:54Un procès aura lieu à Paris pour arrestation et séquestration suivie d'actes de torture.
00:01:01Le parcours de Schaeffer était un parcours qui était connu, peut-être pas dans ses
00:01:05détails, mais dans ses grandes lignes, issu du nazisme, pédophile notoire et criminel
00:01:11et relaie de la répression de la dictature de Pinochet.
00:01:41En 1955,
00:02:10M. Schaeffer est venu chez nous, en Autriche, dans la maison de mes parents.
00:02:16C'est là que je l'ai vu pour la première fois.
00:02:20Quand j'ai vu son visage, j'ai été bouleversée.
00:02:28Je me suis dit, c'est le Christ.
00:02:30Pendant la guerre, il travaillait comme infirmier dans l'armée.
00:02:45Il n'a jamais fini l'école primaire.
00:02:46Il ne savait pas écrire.
00:02:48Il était pratiquement un alphabète.
00:02:52On m'a décrit Paul Schaeffer comme quelqu'un qui savait très bien influencer les gens.
00:03:00Avec Hugo Barthes, un prédicateur de l'église baptiste, il a fondé un foyer pour veuves et orphelins en Allemagne.
00:03:15Et pour cette oeuvre, ils ont bien sûr reçu des aides du gouvernement.
00:03:24Les locaux de la colonie étaient à Heide.
00:03:27Oui, on doit monter par là.
00:03:30Ça doit être par là.
00:03:31Oui, c'est par là.
00:03:33Peut-être.
00:03:35Mais toutes les différences, ça fait 50 ans qu'on n'est pas venu.
00:03:38Ça a été reconstruit.
00:03:43Ici, c'est resté pareil.
00:03:45Et l'école aussi, je reconnais parfaitement.
00:03:48C'était ici.
00:03:49Oui, c'était ici.
00:03:51Nous l'avons construit.
00:03:52Moi, en tout cas.
00:03:53En bas, c'était les bureaux.
00:03:55En haut, les dortoirs.
00:03:57Et les grandes fenêtres, là.
00:03:58C'était les salles de classe.
00:04:01Oui, les salles de classe.
00:04:03Il ne reste plus rien de toute la beauté et de tout l'amour qu'on avait mis dedans.
00:04:08On peut regarder à travers les vitres.
00:04:11Oui, on peut essayer.
00:04:14Je suis très ému de revoir ça après 45 ans.
00:04:18J'ai le coeur qui bat.
00:04:21Plus rien ne me raccroche à ce lieu.
00:04:23Moi non plus.
00:04:24Cet endroit ne me dit plus rien.
00:04:26Total, on ne dit rien.
00:04:36Mon premier contact avec le foyer d'aide sociale en Allemagne et avec Paul Schaeffer a eu lieu en 1957.
00:04:46J'avais 12 ans.
00:04:48Ma famille n'était pas riche.
00:04:49On n'avait pas d'argent.
00:04:51Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des gens en Allemagne étaient très pauvres.
00:04:58C'était des enfants qui n'avaient pas de foyer.
00:05:03Des orphelins, notamment.
00:05:06Des enfants qui étaient en partie orphelins et qui sont venus poursuivre leur scolarité.
00:05:15Mais une fois qu'ils entraient dans la colonie, ils n'en ressortaient plus.
00:05:21J'ai bien remarqué qu'ils restaient là-bas.
00:05:25Je pensais que c'était parce que ça leur plaisait.
00:05:29C'est seulement plus tard qu'on a appris qu'ils y étaient forcés.
00:05:34On les y traitait avec brutalité et violence.
00:05:40Mais peut-être m'a-t-on à moi aussi joué la comédie parce qu'on voyait d'un bon oeil que je rentre dans la colonie et que j'en ressorte et que je dise des choses positives sur eux.
00:05:51Elle avait les mêmes caractéristiques que beaucoup de sectes de l'après-guerre en Allemagne.
00:05:54C'était une secte androgène organisée autour d'un leader charismatique.
00:06:02J'ai rencontré M.
00:06:03Schaeffer à Luther, dans la ville de Luther.
00:06:05C'était en 1957.
00:06:07Ça m'a beaucoup impressionné.
00:06:10Mes parents lui ont proposé de dormir chez nous, mais il n'y avait pas assez de lits.
00:06:14M.
00:06:15Schaeffer devait donc dormir dans ma chambre et il est venu dans mon lit.
00:06:20Ça a été mon premier contact avec lui.
00:06:27La rumeur a commencé alors à courir que Paul Schaeffer était homosexuel et pédophile.
00:06:34Pédophile, pédophile.
00:06:40La police allemande a commencé à enquêter.
00:06:44C'est pour cela que Paul Schaeffer a décidé de fuir l'Allemagne.
00:06:50Et il est parti avec 300 personnes.
00:06:53Il a acheté une grande ferme, la Villa Baviera, appelée la Colonia Dignidad, à côté de Parral.
00:07:07En janvier 1962, il y a eu un premier convoi de 70 personnes, des enfants surtout.
00:07:14À l'époque, on avait envie d'aider les gens pauvres du Chili.
00:07:19Parce que dans les années 60, il y avait beaucoup d'enfants qui mouraient au Chili.
00:07:25Le pays a été complètement sous-développé.
00:07:28Et avec notre travail, nous avons sauvé la vie de beaucoup de gens, surtout des enfants.
00:07:33C'est un pays qui a vraiment sauvé la vie.
00:07:48Voici le certificat de fondation de la colonie en septembre 1961.
00:07:54À son arrivée au Chili, la Colonia Dignidad a deux grandes caractéristiques.
00:07:58C'est une secte formée autour d'un leader charismatique.
00:08:01C'est aussi une organisation fortement anticommuniste.
00:08:05Tout le monde dans les années 60 pensait que c'était une œuvre de bienfaisance.
00:08:10C'était écrit dans ses statuts.
00:08:14L'erreur a été qu'en 44 ans, tous les régimes politiques ont facilité la vie de la colonie.
00:08:21Ils ne sont pas Chiliens.
00:08:23Ils viennent d'Allemagne, avec leurs idées.
00:08:26Peut-être sont-ils une sorte de secte, si vous voulez les appeler comme ça.
00:08:31En tout cas, cette secte fait beaucoup de bien aux gens du coin.
00:08:35Il y a eu un hôpital gratuit pendant beaucoup d'années, une école qui continuait de marcher encore.
00:08:40Espérons d'ailleurs qu'elle puisse continuer.
00:08:44Ils se sont développés grâce aux subventions de l'État chilien, pour la santé comme pour l'éducation.
00:08:49Une œuvre de bienfaisance, disait-il.
00:08:52Les gens qui vivaient alentour venaient deux fois par semaine à l'hôpital,
00:08:56pour se faire soigner gratuitement et recevoir leurs médicaments.
00:09:00Et notre travail à nous n'était pas rémunéré.
00:09:05Le travail était très dur.
00:09:08Les garçons devaient ramasser des pierres, et les filles aussi.
00:09:12C'était dur.
00:09:16La plupart d'entre nous souffrent encore de graves problèmes de dos.
00:09:23Ils m'ont fait travailler, je ne vous raconte même pas.
00:09:26Je travaillais avec de lourdes machines pour tracer des sillons pendant douze heures d'affilée,
00:09:31avec un petit pain et un peu de thé.
00:09:34Et ceci, pendant je ne sais combien de temps.
00:09:40Schaeffer a su inculquer l'idée du travail comme un service rendu à Dieu.
00:09:46S'ils aidaient les pauvres, s'ils travaillaient sans arrêt, sans rien demander pour eux-mêmes,
00:09:51leur place était assurée dans l'au-delà.
00:09:53Dans la vie éternelle à laquelle ils étaient destinés.
00:10:10La ferme avait une production abondante.
00:10:16Ils avaient beaucoup de poules, vendaient des œufs, des cochons, des vaches.
00:10:21C'était une ferme vraiment très productive.
00:10:27Ils travaillent avec des coûts extraordinairement bas.
00:10:30Ils étaient exonérés de tout type de taxes, ils ne payaient aucun impôt.
00:10:34Par conséquent, ils pouvaient concurrencer, de manière très efficace, n'importe quelle autre entreprise.
00:10:42Maintenant, on connaît mieux la façon dont ils travaillaient.
00:10:46C'était lamentable.
00:10:50Bien sûr qu'il y avait des résultats, mais à quel prix ?
00:10:54Quand quelqu'un s'exprimait, ce que moi je fais souvent, il était immédiatement muselé.
00:11:03Il était ensuite surveillé étroitement par les autres.
00:11:07Et chacun était content quand il pouvait aller dénoncer quelqu'un.
00:11:11Parce qu'après, il avait une bonne note.
00:11:14On avait un tableau comme à l'école.
00:11:17Et quand il y avait des gens qui faisaient des bêtises pendant la journée,
00:11:21leur nom était inscrit au tableau et on leur faisait un procès public.
00:11:25Peu importe qui c'était, enfants, parents, grands-parents, tout le monde était condamné sans différence.
00:11:34Les micros, installés partout, permettaient à Schaeffer d'écouter toutes les conversations des colons.
00:11:40Il avait ainsi un contrôle direct sur eux, sur ce qu'ils faisaient et pensaient.
00:11:47Un jour, ils m'ont accusé d'avoir volé des clés.
00:11:53Et j'ai dit mais c'est pas possible, je n'ai rien volé du tout.
00:11:58Alors ils ont commencé à me frapper.
00:12:01Mais pas ici, ni ici, sur la tête et partout.
00:12:06Et tous.
00:12:08Le pire, je m'en souviens encore aujourd'hui, c'était Schaeffer.
00:12:14Il était comme un animal, il était tellement enragé qu'il ne voyait pas que je saignais.
00:12:20C'était un véritable système esclavagiste.
00:12:23Ils étaient soumis à des journées de travail très dures, sans aucune rémunération, sans aucun contrat.
00:12:29Totalement coupés de la société et sans la moindre possibilité d'épanouissement individuel.
00:12:36Les colons étaient de véritables esclaves.
00:12:42Dans la colonia Dignidad, il n'y avait pas de télévision, pas de journaux, il n'y avait pas de radio.
00:12:52Et ceci pendant des années.
00:12:54Il n'y avait même pas de calendrier.
00:12:57Pas de dimanche, pas de jour de repos.
00:13:03Pour eux tout ça n'existait pas, ils faisaient partie du nouveau royaume de Dieu.
00:13:12Et ça a duré pendant trente ou quarante ans.
00:13:15Schaeffer avait ramené d'Allemagne des conceptions religieuses selon lesquelles il imposait à la colonie que les couples ne se marient pas sans son accord avant quarante ou quarante-deux ans.
00:13:26Dès la naissance, les enfants devaient être placés avec leur tante dans des maisons différentes de celles de leurs parents.
00:13:34Et personne, ni les jeunes, ni les parents ne devaient entrer dans la colonie.
00:13:39Maman.
00:13:42Oui ?
00:13:44Un peu plus en haut.
00:13:50Est-ce que ça a sorti ?
00:13:52Sorti et fermé, non tu ne le regardes pas.
00:13:57Tu ne regardes pas ?
00:13:58Non.
00:14:00Tu ne regardes pas ?
00:14:01Non.
00:14:03Tu ne regardes pas ?
00:14:05Non.
00:14:06Tu ne regardes pas ?
00:14:07Non.
00:14:10Comment vous êtes connus ?
00:14:13En cachette, dans la cuisine.
00:14:15C'est vrai ?
00:14:16Oui.
00:14:18Pendant douze ans, on se rencontrait en cachette.
00:14:22C'est toute la nuit.
00:14:26Elle mettait son réveil sous l'oreiller et à peine il sonnait, elle l'éteignait et sortait en bleu de travail.
00:14:33On se retrouvait dans un souterrain ou dans une autre chambre.
00:14:37Elle se réveillait habituellement à 6h30 et avant l'heure du lever, elle était déjà de retour comme si de rien n'était.
00:14:43C'est comme ça qu'on s'est rencontrés.
00:14:49Si l'on suivait la logique de Schaeffer, on arriverait à une société stérile.
00:14:53Parce que quand on interdit les couples, quand on sépare les femmes des hommes, il n'y a pas de nouvelle naissance.
00:15:03On a suivi pendant deux années un traitement afin d'avoir notre enfant.
00:15:09La raison pour laquelle on nous a donné ce traitement, c'était que beaucoup de jeunes filles ici recevaient des drogues à leur insu pour qu'elles ne se rebellent pas.
00:15:18Et aujourd'hui encore, on en ignore la composition.
00:15:23Ce qui est sûr, c'est que ça a perturbé le système reproductif des filles.
00:15:28Ils ont augmenté ma dose.
00:15:32Donc je suis devenue indifférente.
00:15:35Mais j'ai compris que c'était lié aux médicaments qu'ils me donnaient.
00:15:41Je me suis rendu compte à l'époque qu'ils avaient tout effacé de ma mémoire.
00:15:46Moi aussi, ils ont effacé ma mémoire.
00:15:49Je prenais jusqu'à 20 cachets par jour.
00:15:51Effectivement, les colons étaient maintenus dans un état quasi-comateux et de façon permanente.
00:15:58Notamment ceux qui posaient le plus de problèmes.
00:16:03C'était parfait pour que Schaeffer puisse faire ce qu'il voulait sans que personne de l'extérieur ne se doute de rien.
00:16:09Un paradis péléraste dans la colonie.
00:16:12On était venus au Chili pour voir un pays où il y avait du lait et du miel.
00:16:19Et tout ce qu'on a trouvé, c'était du lait et du miel.
00:16:24Et on a commencé à se douter.
00:16:27On a commencé à se douter.
00:16:30On a commencé à se douter.
00:16:33On a commencé à se douter.
00:16:36On a commencé à se douter.
00:16:39Et tout ce qu'on a trouvé, c'est du sang et du sperme.
00:16:47Schaeffer a toujours abusé des mineurs.
00:16:51Et quand on y pense, on peut en déduire que la majorité des jeunes garçons de la colonie Indignidad ont souffert d'abus sexuels de la part de Schaeffer.
00:17:01Quand il n'y a plus eu d'enfants allemands, ils ont ouvert les portes aux enfants chiliens.
00:17:05Sélectionnés, teint blanc, yeux clairs.
00:17:09Schaeffer choisissait ceux dont il pouvait abuser le plus facilement.
00:17:15C'étaient toujours les mêmes.
00:17:18Des enfants de mères célibataires, séparés.
00:17:21De gens pauvres, sans ressources.
00:17:24Qui n'allaient jamais faire appel à un avocat pour dénoncer la colonie.
00:17:28D'autant qu'elle avait un pouvoir économique conséquent.
00:17:31J'ai décidé de placer Eduardo là-bas parce que Paul Schaeffer me l'a demandé.
00:17:38Je lui avais écrit une lettre en sollicitant son aide pour finir ma maison parce qu'il avait une exploitation forestière dans la colonie.
00:17:47Il m'a fait savoir qu'il aimerait me voir en fin de semaine pour discuter avec moi.
00:17:52La première chose qu'il m'a dite, c'est « Pourquoi tu n'as pas d'argent ? »
00:17:56Pour discuter avec moi.
00:17:58La première chose qu'il m'a dite, c'est « Pourquoi tu n'amènes pas le petit Eduardo ici pour le placer dans l'internat ? »
00:18:05C'est ainsi qu'ils appelaient le lieu où les enfants étudiaient.
00:18:10Il m'a dit « Ici, il apprendra un métier. Toi, tu n'auras rien à payer. Et l'enfant ne manquera de rien. Tu pourras venir le voir quand tu voudras. »
00:18:21J'avais beau avoir mon frère là-bas, mes cousins, mes oncles.
00:18:24Je ne pouvais pas parler avec eux. Il n'était pas question d'aller voir son frère.
00:18:29Non, c'était « Tu n'as pas le droit de lui parler, tu dois garder tes distances et c'est tout. »
00:18:35Moi, j'ai fait partie du groupe proche de Paul Schaeffer.
00:18:38Alors, on l'aidait, on était au courant de tout, on savait ce qu'il faisait. Et surtout avec les enfants.
00:18:44J'y allais les fins de semaine, mais je ne voyais jamais mon fils.
00:18:48De loin, je le voyais dans les camions, mais c'est tout.
00:18:51Au bout d'un certain temps, on s'est réunis avec deux autres mères et on a porté plainte.
00:18:57Eduardo m'a raconté alors ce que lui faisait Paul Schaeffer.
00:19:06J'ai consulté de nombreux médecins, des professionnels.
00:19:10Et, selon eux, il serait franchement surprenant qu'un homme de 75 ans puisse avoir une érection.
00:19:20C'est qu'on avait honte. On ne voulait le raconter à personne parce qu'on se disait « La colonie est bienfaisante, elle aide les gens, il y a une école. »
00:19:30Et en même temps, on pensait « Cet homme est mauvais, il me fait des choses que je ne veux pas. »
00:19:37Alors je me tais.
00:19:42Il y a encore de gros doutes concernant d'éventuelles expérimentations auxquelles auraient été soumis les enfants chiliens qui ont intégré la colonie.
00:19:51Il est très difficile de connaître les limites de la colonia d'Inidad.
00:19:56Lorsque les victimes décrivent les horreurs subies, ce que l'on croit sorti d'une imagination exacerbée est bien en dessous de tout ce qu'on peut imaginer.
00:20:04La réalité est bien pire.
00:20:06La réalité a été plus horreuruse.
00:20:08Pour s'enfuir de colonia d'Inidad, il aurait même fallu pouvoir contrôler la Lune.
00:20:14Car la lumière est très forte.
00:20:17Et c'est la raison pour laquelle les chinois ont choisi de s'enfuir de la colonie d'Inidad.
00:20:23Et c'est la raison pour laquelle les chinois ont choisi de s'enfuir de la colonie d'Inidad.
00:20:28Pour s'enfuir de colonia d'Inidad, il aurait même fallu pouvoir contrôler la Lune.
00:20:34Car la luminosité de la Lune est telle au Chili qu'on peut lire un journal en pleine nuit.
00:20:40Et nos habits étaient de couleur rouge la journée, comme ceux des esclaves, et de couleur blanche la nuit.
00:20:49J'avais des chaussures qui avaient des marques pour qu'on reconnaisse mes traces.
00:20:52Il y avait un système de surveillance nuit et jour.
00:20:56Et puis il fallait faire attention au niveau de l'eau du Perkilauken qu'il ne soit pas trop élevé,
00:21:01parce qu'ils avaient 40 chiens dressés pour rechercher les fugitifs.
00:21:08D'un côté, il y avait un mur de barbelé, dans la plus grande tradition d'Auschwitz.
00:21:14Et de l'autre, côté ouest, le fleuve Perkilauken.
00:21:17Une barrière naturelle.
00:21:22Mais ce fleuve n'était pas tout.
00:21:25Sur les rives, voilà ce qu'il y avait et que montrent des photos très intéressantes.
00:21:30Je voulais m'enfuir, et quand j'arrivais près du fleuve,
00:21:33il y avait ces pierres innocentes, qui sont en réalité des capteurs infrarouges.
00:21:36Les sentiers aussi étaient piégés.
00:21:39Car sous les feuilles, sous la terre, était cachée une plaque blanche munie de capteurs de pression.
00:21:47Et sous le poids d'un pied, en marchant ou en courant,
00:21:52on déclenchait un système d'alarme.
00:21:55C'est-à-dire qu'il y avait un système d'alarme,
00:21:58et qu'il y avait un système d'alarme qui allait déclencher un système d'alarme.
00:22:03On déclenchait un système d'alarme.
00:22:08Et là, on se faisait prendre, arrêter, punir, torturer.
00:22:13C'était une prison électronique.
00:22:20Les punitions étaient terribles dans la colonie.
00:22:23Ils te faisaient avaler des pilules, contre la concentration,
00:22:26te faisaient des piqûres, avec des doses de cheval.
00:22:32Ils te forçaient à travailler dans des conditions périlleuses,
00:22:35de manière à se tuer à un accident.
00:22:37Ils pouvaient alors se décharger de toute responsabilité.
00:22:40Personne n'était responsable.
00:22:42C'était un accident, on l'aimait bien, salut.
00:22:45Ce système, il a été importé par les colons, par Schaeffer.
00:22:53C'est celui d'Hitler.
00:23:03Ces défilés, qu'ils faisaient selon le style néo-nazi, ou carrément nazi,
00:23:11ça ne me paraissait pas normal.
00:23:15Dans ce cas, on ne peut ignorer les faits.
00:23:18Il y a eu de nombreux nazis qui sont partis pour l'Argentine,
00:23:22mais aussi pour le Chili.
00:23:25On remarque immédiatement que les nazis ont pu construire un véritable état,
00:23:29dans l'état au Chili.
00:23:31Et parmi eux, il y avait Paul Schaeffer.
00:23:39Schaeffer a fondé sa colonie,
00:23:42et les nazis, ceux qui étaient en exil, ont tout de suite pris contact avec lui.
00:23:48Et il a prêté son terrain de 14 000 hectares pour les cacher,
00:23:52et il a créé des liens de communication entre eux.
00:23:54Cela apparaît dans le rapport du Sénat américain,
00:23:57dans lequel on dénonce la participation de Colonia Dignidad
00:24:00à une organisation nazie en Amérique latine.
00:24:03C'est l'opération Odessa.
00:24:09Je connais bien le dossier Odessa.
00:24:13Je sais comment, systématiquement,
00:24:16cette organisation a aidé les nazis à l'étranger,
00:24:19à se construire une nouvelle vie.
00:24:21La Colonia Dignidad évoque un lieu extrêmement lugubre,
00:24:24un lieu ténèbre,
00:24:26où les anciens dirigeants nazis
00:24:29auraient mis au service de l'agent de Pinochet
00:24:32les compétences qu'ils avaient acquises sous Hitler.
00:24:36J'ai une responsabilité, bien sûr, pour le coup d'état,
00:24:39car j'y ai participé, et je le reconnais.
00:24:43En fait, nous, les nazis,
00:24:45nous pensions qu'au Chili,
00:24:48allait avoir lieu un grand vide politique,
00:24:51qui serait rempli par les forces armées,
00:24:54et nous avons travaillé pour destituer Allende.
00:24:58Sous l'administration Nixon-Kissinger,
00:25:01les États-Unis sont intervenus massivement,
00:25:04publiquement, et de manière clandestine,
00:25:07dans le but de déstabiliser et d'affaiblir,
00:25:10voire de renverser, le gouvernement de Salvador Allende.
00:25:13Pour cela, nous avons eu recours à toute personne
00:25:16susceptible de nous soutenir,
00:25:19et prête à collaborer avec nous dans ce sens.
00:25:22Et c'est là qu'apparaît le rôle de la Colonia Dignidad.
00:25:25Elle était extrêmement efficace,
00:25:28avec tellement de ressources,
00:25:31avec son anti-marxisme extrême, je dirais même paranoïaque,
00:25:34c'est comme cela que j'ai été en contact
00:25:37avec Schaeffer et son organisation.
00:25:40L'armée lui a fourni du matériel,
00:25:43a installé des radars dans la colonie,
00:25:46lui a donné des hélicoptères.
00:25:49Schaeffer a réussi à atteindre
00:25:52les plus hautes sphères du pouvoir militaire.
00:26:09...
00:26:36Les Etats-Unis ont tout de suite reconnu
00:26:39la dictature de Pinochet,
00:26:42et l'ont aidé à consolider son pouvoir
00:26:45entre 1973 et 1976.
00:26:48Lors du coup d'Etat,
00:26:51la Colonia Dignidad a collaboré
00:26:54avec la police secrète de Pinochet,
00:26:57la DINA.
00:27:00C'est là qu'a eu lieu une alliance
00:27:03entre Paul Schaeffer et toute son équipe de commandement,
00:27:06et la direction de la DINA,
00:27:09qui a mis des exactions en violation
00:27:12des droits de l'homme.
00:27:15Contreras avait annoncé à la presse
00:27:18qu'il ne passerait pas un jour en prison.
00:27:21Et aujourd'hui, il est en prison,
00:27:24parce qu'il est impliqué dans plusieurs crimes
00:27:27qui ont été commis au sein de la Colonia Dignidad.
00:27:30Je sais ce qui s'est passé
00:27:33au sein de la Colonia Dignidad,
00:27:36je sais que les gens ont disparu,
00:27:39mais la seule et unique fois
00:27:42où j'y suis allé,
00:27:45ce fut le 20 août 1974,
00:27:48quand le général Pinochet
00:27:51m'a ordonné de l'accompagner.
00:27:54Et c'est la première et dernière fois
00:27:57que je suis allé à la colonie.
00:28:00J'ai eu l'occasion, en 1975,
00:28:03d'aller à la Colonia Dignidad.
00:28:06Et ce jour-là, quelqu'un m'a dit
00:28:09qu'il y avait un officier de Concepcion
00:28:12qui ramenait un détenu.
00:28:15Et effectivement, un peu plus tard,
00:28:18est arrivé un lieutenant avec un détenu.
00:28:21Je n'ai pas su qui était ce détenu,
00:28:24ça ne m'intéressait pas d'ailleurs,
00:28:27puisque j'étais en vacances.
00:28:30Dans les cas de Contreras et Spinoza,
00:28:33il existe de multiples preuves dans le procès
00:28:36qui rendent compte d'une relation soutenue,
00:28:39entre la DINA, que dirigeait Contreras,
00:28:42et dans laquelle Spinoza avait un rôle directif,
00:28:45avec le groupe organisé que dirigeait Schaeffer
00:28:48au sein de la Colonia Dignidad.
00:28:51Il leur prêtait ses locaux
00:28:54de la Villa Baviera
00:28:57pour détenir les personnes séquestrées par la DINA.
00:29:01Ce livre a été publié
00:29:04par Amnesty International en 1977.
00:29:06C'est le premier texte dénonçant publiquement
00:29:09les tortures politiques qui ont eu lieu au sein de la colonie.
00:29:12Celle-ci s'est d'ailleurs élevée contre Amnesty
00:29:15et un procès a été ouvert qui a duré plus de 20 ans.
00:29:18Voici le premier témoignage du Dr Peebles en 1977.
00:29:22On est arrivé dans une nouvelle salle
00:29:25où se trouvait une sorte de sommier.
00:29:28Et là, ils m'ont attaché à nouveau.
00:29:32Ils ont commencé à me mettre des électrodes
00:29:35tout le long du corps,
00:29:38un peu partout,
00:29:41et j'ai commencé à me mettre des électrodes
00:29:44dans le corps,
00:29:47et j'ai commencé à me mettre des électrodes
00:29:49un peu partout.
00:29:55Et puis aussitôt après,
00:29:58ils ont commencé à m'envoyer des décharges électriques,
00:30:04extrêmement fortes.
00:30:20Une patrouille de la DINA est allée me chercher.
00:30:23Elle était commandée par Pedro Espinoza,
00:30:26et c'est eux qui m'ont emmené à la Colonia Dignidad,
00:30:29en même temps qu'Eric Zott et Marcia Merino.
00:30:50Ça me fait bizarre,
00:30:53mais je suis tranquille parce que je suis avec vous.
00:31:05C'était ça, la sensation que j'avais dans le véhicule.
00:31:08Ce gravier,
00:31:11c'est la sensation que j'avais.
00:31:14Tout cela, je l'ai fait des yeux bandés,
00:31:17des mains attachées,
00:31:20allongés sur le sol d'un fourgon.
00:31:28Le premier à nous accueillir,
00:31:31c'était Pedro Espinoza.
00:31:36Il nous a dit,
00:31:39ici, c'est plus agréable,
00:31:41ici, la situation est bien plus sérieuse,
00:31:44et bien plus grave.
00:31:48Puis il nous a lu toute une série de mesures de sécurité,
00:31:51et nous a mis aussitôt sous pression,
00:31:54en nous disant,
00:31:57tout ce que tu n'as pas dit ailleurs,
00:32:00tu vas finir par le dire ici.
00:32:03À un moment,
00:32:06quand mon casque a glissé sous l'effet des convulsions,
00:32:11j'ai vu,
00:32:14j'ai vu Pedro Espinoza.
00:32:17Peebles a fait une déclaration dans un journal en disant
00:32:20qu'il m'avait reconnu grâce à mes chaussettes.
00:32:23Je ne me suis jamais trouvé devant lui.
00:32:26Je n'ai jamais été là-bas,
00:32:29et encore moins dans la Colonia Dignidad.
00:32:33Puis,
00:32:36j'ai eu l'occasion de voir Paul Scheffer.
00:32:38Quand je l'ai vu,
00:32:41il avait un visage plein de haine,
00:32:44très en colère, hors de lui,
00:32:47comme s'il perdait complètement le contrôle.
00:32:59Ensuite, ils m'ont collé à un arbre,
00:33:02et ils ont tiré.
00:33:04Moi, je ne savais pas que c'étaient des balles à blanc.
00:33:19Ils se sont mis à rire, et ils m'ont dit
00:33:22« Tu t'en es tiré, cette fois-ci ? »
00:33:25Je me suis dit que c'était un coup de feu.
00:33:28Je me suis dit que c'était un coup de feu.
00:33:30« Tu t'en es tiré, cette fois-ci ? »
00:33:34Puis, ils m'ont tabassé et m'ont flanqué
00:33:37dans le coffre de la voiture.
00:33:40On est parti, on a dû rouler, je ne sais pas,
00:33:43peut-être trois quarts d'heure.
00:33:46La voiture est passée sur un chemin de terre,
00:33:49puis à un moment, on a traversé un pont en bois.
00:33:52La voiture s'est arrêtée,
00:33:55et quelqu'un a demandé « Vous avez trouvé le gars ? »
00:33:57Oui, et il est balèze.
00:34:06Voilà le pont.
00:34:09C'était celui qui était à côté.
00:34:12Là, il y avait un pont en bois,
00:34:15et c'est par là qu'on passait.
00:34:23Le docteur Peebles et d'autres ont raconté
00:34:25qu'il passait par des ponts.
00:34:30Il décrivait les ponts.
00:34:34Et le pont du Perkilauken, justement, était comme ça.
00:34:41Ce pont, dans le temps, avait une sonorité métallique,
00:34:44parce qu'il y avait une plaque d'acier
00:34:47qui bougeait au passage des véhicules.
00:34:50Et quand on est allé faire la reconstitution des faits,
00:34:52ils ont retiré cette plaque d'acier.
00:34:55Avec la complicité des autorités de la dictature militaire,
00:34:58ils ont donc enlevé cette plaque d'acier
00:35:01pour éviter que ça grince.
00:35:05En essayant de falsifier la réalité,
00:35:08ils dévoilaient donc leur propre culpabilité,
00:35:11parce qu'ils cachaient la vérité.
00:35:14Oui.
00:35:16Il y avait deux portails fermés qui s'ouvraient.
00:35:19Tout d'abord, il y en avait un
00:35:22où ils donnaient un mot de passe,
00:35:25et ensuite, il y avait un trajet de 5 minutes
00:35:28et le deuxième portail.
00:35:32A l'époque, ils les ont ouverts tous les deux.
00:35:35C'est-à-dire qu'il y avait deux portails fermés
00:35:38et deux portails fermés.
00:35:40A l'époque, ils les ont ouverts tous les deux,
00:35:43car ils étaient complètement fermés et avec des gardes.
00:35:52Ça, c'est l'entrée.
00:36:01Un instant, je vais voir.
00:36:11Je crois qu'elle va nous faire des problèmes.
00:36:14Son mari est en prison.
00:36:24Don Victor est en réunion.
00:36:27Il vous demande d'attendre ici, s'il vous plaît.
00:36:41Je vais vous dire où je pense que j'étais.
00:36:48Un peu plus loin.
00:36:54Ça pourrait être ici.
00:37:02Ça pourrait être ici.
00:37:05Ça, c'est l'épicerie.
00:37:08Non, je n'étais pas là.
00:37:11Je suis allé trop loin.
00:37:14Non, moi, j'étais dans cette maison-là.
00:37:17Cette maison en face,
00:37:20à côté de la pompe à sang,
00:37:23c'est ça qu'on m'a dit.
00:37:26C'est peut-être là-bas.
00:37:29Ça pourrait être celle-là aussi.
00:37:31En réalité, ça pourrait être n'importe laquelle.
00:37:56Ça fait tellement longtemps.
00:37:5830 ans ont passé.
00:38:04Et puis, on nous a amené les yeux bandés,
00:38:07avec des tampons de coton mouillés dans les oreilles.
00:38:20J'aimerais pouvoir reconnaître l'endroit
00:38:23où j'ai été torturé par un homme.
00:38:25J'aimerais pouvoir reconnaître l'endroit
00:38:28où j'ai été torturé par Paul Scheffer.
00:38:37Ils ont passé trois jours là-dedans,
00:38:40sans manger ni boire.
00:38:56D'après les informations indiquant
00:38:59où pouvaient à peu près avoir été détenus ces personnes,
00:39:02on est arrivé à un entrepôt
00:39:05où il y avait du grain, si mes souvenirs sont bons,
00:39:08du blé ou du seigle.
00:39:11L'entrepôt était plutôt grand.
00:39:14Il faisait à peu près 10 m de haut.
00:39:17Et cette description coïncidait
00:39:20avec ce que plusieurs témoins avaient dit.
00:39:22C'est peut-être là qu'ils avaient été séquestrés.
00:39:28Voici un plan de la colonie.
00:39:36Ici, c'est le moulin à grain.
00:39:39Et là, c'était un sous-sol avec des pommes de terre.
00:39:44Et c'est à cet endroit que les témoins ont été torturés ?
00:39:47Oui, dans les deux endroits.
00:39:50Le moulin avait une rampe
00:39:53que Zott et Peebles disent avoir montée
00:39:56quand ils étaient en voiture.
00:40:04Et cette rampe a été enlevée par la suite.
00:40:07Mais en 1988,
00:40:10on voyait que la rampe avait existé.
00:40:13C'était la rampe de la colonie.
00:40:15C'est toujours le même problème.
00:40:18Ils ont modifié les lieux.
00:40:23Les colons allemands de la Colonia d'Inidad
00:40:26ont eu très peur, justement,
00:40:29quand je me suis approché de cet endroit.
00:40:32Ils voulaient m'emmener ailleurs
00:40:35en me disant que ce n'était qu'un grenier
00:40:38et qu'on n'allait rien y trouver.
00:40:40Ici, nous,
00:40:43on ne savait pas du tout ce qui se passait
00:40:46à cause de la culture du secret qui existait.
00:40:49Je dormais
00:40:52et parfois on entendait des cris.
00:40:55Je me disais que quelqu'un
00:40:58était torturé quelque part.
00:41:02Les dépositions des Allemands
00:41:05étaient dictées par les dirigeants
00:41:07et spécialement par Paul Scheffer.
00:41:10Il leur disait ce qu'il fallait déclarer
00:41:13et ce qu'il fallait occulter,
00:41:16les faits réels que des gens avaient été détenus.
00:41:19J'ai toujours pensé
00:41:22qu'on était des cobayes.
00:41:25Ils expérimentaient de nouvelles méthodes sur nous.
00:41:28À ce moment-là, en 1975,
00:41:31on avait déjà entendu parler de torture.
00:41:34Et c'est la première fois
00:41:37que j'ai entendu parler de torture.
00:41:40Ce n'était pas la même.
00:41:43Celle-ci était brutale.
00:41:46Ce n'était pourtant pas pour tuer.
00:41:49Personne n'aime parler de torture.
00:41:52Bon, voilà.
00:41:55Ils m'ont fait les choses classiques,
00:41:58des coups, des pressions,
00:42:01puis l'électricité.
00:42:04C'était très violent.
00:42:07Là, il y avait une petite machine
00:42:10qui fonctionnait tout le temps,
00:42:13une sorte d'extracteur d'air.
00:42:16Et moi, je l'entendais tout le temps,
00:42:19cette petite machine, 24 heures sur 24.
00:42:22Et elle s'éteignait par à-coups.
00:42:24Et puis, ils m'ont emmené sur un lit de camp.
00:42:27J'étais couché,
00:42:30les yeux bandés,
00:42:33pieds et mains liés.
00:42:36J'étais près d'un émetteur radio
00:42:39où l'on entendait des gens parler,
00:42:42donner des positions,
00:42:45le véhicule qui rentrait.
00:42:48J'entendais des gens parler.
00:42:51J'entendais des gens parler.
00:42:54Je sortais.
00:43:00I, et de temps à autre, on entendait des phrases en allemand.
00:43:24Là, par exemple, il dit qu'il a appelé sa kleine Werkstatt.
00:43:31C'est Schäffer qui parle.
00:43:34Donc, il a peut-être appelé un régiment.
00:43:41En tout cas, la conversation se fait avec un général.
00:43:49Il dit qu'il a envoyé la Werkstatt...
00:43:53et que tout est maintenant en ordre.
00:43:57Que tout est au cimetière.
00:44:00Tout à coup, Schäffer apparaît.
00:44:03Il fait un geste comme ça des deux mains...
00:44:06et prononce le mot «fertige».
00:44:09Ce qui veut dire «fini».
00:44:12Il s'assoit avec son chien.
00:44:15Il commence à le caresser, nous regarde dans les yeux pendant qu'on discute.
00:44:18Il parlait parfois en allemand, parfois en espagnol.
00:44:23Mais ce qui est sûr, c'est que des noms comme Contreras ou Pinochet...
00:44:27on les comprenait très bien.
00:44:49À un moment, ils m'ont enfermé dans une cage.
00:44:53C'était une cage en bois.
00:44:56Comme un lit de procuste qu'ils pouvaient rétrécir.
00:45:02Donc, ils me serraient de plus en plus.
00:45:07Et je me suis rendu compte...
00:45:10qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:45:13Je me suis dit qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:45:17Et je me suis retrouvé dans une position...
00:45:21où je ne pouvais plus tenir debout.
00:45:24J'étais agenouillé.
00:45:27C'était comme une sorte de cercueil.
00:45:32J'avais la tête repliée.
00:45:36Et quand j'étais dans cette cage...
00:45:39ils venaient...
00:45:42et me frappaient avec des bâtons.
00:45:44Ils prenaient sur la cage avec des bâtons.
00:45:47Je sentais les bâtons partout.
00:45:51Et ils faisaient rouler la cage à travers toute l'enceinte.
00:45:54J'étais complètement abruti par les décharges électriques.
00:45:59Et ils ont dit...
00:46:02« Voilà, ça s'arrête. C'est fini. »
00:46:06Je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:46:10Et je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:46:14Je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:46:18Je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose d'intéressant.
00:46:21« Voilà, ça s'arrête. C'est fini. »
00:46:28Là, je pensais qu'ils allaient me tuer.
00:46:35Et quand cette pensée m'est venue, je me suis dit...
00:46:39« Bon, jusqu'ici j'ai tenu le coup. »
00:46:45« J'ai bien mené ma vie. »
00:46:48« Et je l'ai réussi. »
00:46:51« Alors je vais bien la finir. »
00:47:00Non, ça a toujours été un mystère.
00:47:03Ça restera toujours un mystère.
00:47:21Nous cherchons ici des altérations du terrain,
00:47:25afin de trouver ce que le tribunal recherche.
00:47:29Le tribunal, la cause, le terrain,
00:47:33tout ce que le tribunal recherche,
00:47:36c'est ce qu'on a trouvé.
00:47:39C'est ce qu'on a trouvé.
00:47:42C'est ce qu'on a trouvé.
00:47:45C'est ce qu'on a trouvé.
00:47:47On est en train de trouver ce que le tribunal recherche,
00:47:51c'est-à-dire des restes de cordes disparues.
00:48:00L'histoire récente de ce pays a cette composante sinistre,
00:48:04et ça en devient banal au quotidien.
00:48:07Voilà, on vit ça depuis plusieurs années.
00:48:17Nous avons des informations, et elles sont sûres,
00:48:20parce qu'elles ont été données par des gens
00:48:23qui étaient sur place au moment des faits.
00:48:26On peut établir avec certitude
00:48:29les lieux d'inhumation clandestins
00:48:32des personnes qui sont mortes à la colonie.
00:48:35Ces inhumations ont été suivies d'exhumations,
00:48:38également clandestines.
00:48:42En employant de grands moyens,
00:48:44et avec une grande efficacité,
00:48:47tout a été enlevé.
00:48:50Donc, selon les informations dont on dispose,
00:48:53les corps ont été incinérés
00:48:56et jetés ensuite dans le fleuve le plus proche,
00:48:59le Perkilauken.
00:49:08Dans la colonie, il y a des gens qui racontent.
00:49:11Moi, monsieur, je sais ça,
00:49:14parce que je les ai vus quand ils ont creusé le trou.
00:49:17Moi, je sais ça, parce que j'ai vu
00:49:20quand ils les ont fusillés, quand ils les ont jetés.
00:49:23Et nous, on leur a jeté des branches,
00:49:26on les a incinérées, puis on les a recouverts.
00:49:29Et ensuite, monsieur, moi, j'ai vu
00:49:32quand les autres ont sorti les restes.
00:49:38Un de mes meilleurs amis de jeunesse,
00:49:41un citoyen franco-chilien, Alfonso Chanfro,
00:49:44arrêté en juin 1974,
00:49:47a fini par disparaître là-bas.
00:49:51Cette information, je l'ai eue
00:49:54dans des circonstances assez spéciales.
00:49:57Dans des circonstances où moi-même,
00:50:00j'étais détenu et porté disparu
00:50:03dans la prison de Cuatro Alamos.
00:50:08C'était en juin 1975.
00:50:10Un des détenus m'a dit que Chanfro
00:50:13avait été amené à la Colonia Dignidad
00:50:16et que le mieux à faire,
00:50:19c'était de le considérer comme mort.
00:50:24Chanfro ne donnait pas d'informations.
00:50:27Donc, sa détention, apparemment, a été particulièrement longue
00:50:30et particulièrement douloureuse, parce que
00:50:33ces tortionnaires n'arrivaient pas à leur fin avec lui.
00:50:36Ils m'ont gardée prisonnière pour faire pression sur Alfonso.
00:50:38Ils me torturaient et, comme ça,
00:50:41ils faisaient pression sur Alfonso.
00:50:44Et puis, ils l'ont sorti de là,
00:50:47le 13 août 1974, avec d'autres.
00:50:50Sept, je crois,
00:50:53qui étaient tous du MIR.
00:50:56Et ils ont tous disparu.
00:51:03Alfonso Chanfro, selon ce document,
00:51:05était en relation avec le MIR.
00:51:09Alfonso Chanfro apparaît comme détenu.
00:51:30Alfonso Chanfro, prisonnier.
00:51:33Chanfro Oyerce Alfonso.
00:51:37Le 28 juillet 1974.
00:51:41Cet homme a été capturé par l'armée en
00:51:47juillet 1974.
00:51:50Chanfro Oyerce Alfonso.
00:51:54Lors d'une opération antiterroriste dans la ferme.
00:51:57Il est détenu, ou plutôt,
00:51:59il est mort au combat.
00:52:02Mort au combat.
00:52:05Il a été enterré à Cuesta de Valiga.
00:52:08Déterré en janvier 1979 par la DINA,
00:52:11la police secrète, et jeté à la mer.
00:52:15Voilà quel a été son destin final.
00:52:21Chanfro était terroriste.
00:52:24Tous ceux-là étaient des terroristes.
00:52:29Nous avons été sélectifs.
00:52:33Car si nous avions commencé à prendre les gens,
00:52:36à les tuer,
00:52:39on aurait pu faire comme dans d'autres pays.
00:52:42Il aurait pu y avoir 20 000 morts.
00:52:45Et pourquoi faire ?
00:52:48Ce n'était pas nécessaire.
00:52:51Mais général, vous êtes militaire,
00:52:54et vous devez respecter les lois de la guerre.
00:52:56Mais je n'ai pas dit qu'ici, il y avait une guerre.
00:52:59Il n'y a pas eu de guerre ?
00:53:02Il n'y a pas eu de guerre.
00:53:05Je vous parlais d'autres pays tout à l'heure.
00:53:08Mais ici, il n'y en a pas eu.
00:53:11Et ceux qui combattent, comment vous les appelez ?
00:53:14C'était des terroristes. C'est totalement différent.
00:53:27La justice française et les crimes de la dictature chilienne.
00:53:31Un procès des extorsionnaires aura lieu à Paris.
00:53:34Une nouvelle étape vers un procès français du général Pinochet.
00:53:37Alphonse Chanfro, militant du MIR,
00:53:40le mouvement de la gauche révolutionnaire,
00:53:43est enlevé à Santiago par la DINA, la police secrète de Pinochet.
00:53:46Il est torturé pendant 14 jours, puis conduit à la colonia d'Inidad.
00:53:49Il disparaît dans cet immense domaine privé
00:53:52fondé par un ancien nazi, Paul Schaeffer.
00:53:54Il y a des témoins qui, de façon très précise,
00:53:57confirment la présence d'Alphonse Chanfro
00:54:00et ensuite de son épouse,
00:54:03qui a été avec lui torturée sauvagement rue de Londres,
00:54:06ce fameux centre de torture.
00:54:09Il y a ensuite l'autorité judiciaire
00:54:12qui témoigne de la présence d'Alphonse également
00:54:15au centre de la DINA située à la colonia d'Inidad.
00:54:18J'ai considéré qu'à un certain moment,
00:54:21on avait suffisamment d'éléments pour que cette affaire soit jugée.
00:54:24Mais là, je trouve que le dossier est suffisamment complet
00:54:27pour passer devant une cour d'assises.
00:54:30La France est un des seuls pays où,
00:54:33dans son code de procédure pénale depuis très longtemps,
00:54:37il a été admis qu'on pouvait juger les gens à leur absence.
00:54:40C'est une tradition française
00:54:43et qui n'est pas partagée par la majorité des pays européens.
00:54:46Ça pourrait être un honneur pour la justice française
00:54:49d'être sans doute la seule juridiction qui ne condamnera jamais Pinochet.
00:54:51Pinochet a été sous le coup de plusieurs accusations au Chili,
00:54:55a été au bord de la salle d'audience à plusieurs reprises,
00:54:59et puis par une pirouette juridique et politique,
00:55:02à chaque fois, il a pu s'en échapper.
00:55:05Schaeffer a été extradé d'Argentine au Chili.
00:55:09La justice chilienne peut aussi mettre en accusation Schaeffer et le juger.
00:55:14Je suis impatient d'arriver au bout de cette enquête
00:55:17et d'avoir une certitude absolue.
00:55:19sur ce qu'ont vécu les personnes portées disparues.
00:55:22C'est pour ça que j'ai mandaté la police d'investigation chilienne
00:55:26à la colonia d'Inidad, ou Huillabayera.
00:55:49On a créé une brigade spéciale.
00:56:04Et ça a été un travail qui, malgré toutes ces années,
00:56:10et malgré toutes les fouilles, n'a jamais pu aboutir.
00:56:14Il y avait trop de gens qui protégeaient la colonie.
00:56:16Exact.
00:56:18C'était un état dans l'état.
00:56:21Il y avait un filet de protection autour de Schaeffer et des gens de la colonie.
00:56:30En trois mois, on a découvert que ce réseau était composé de politiques,
00:56:38de juges, de policiers, de chefs d'entreprise.
00:56:43C'était un réseau extrêmement important.
00:56:46Il y avait des archives, des boîtes, avec des fiches de renseignements
00:56:55sur 39 000 à 40 000 personnes.
00:56:59La plus grande partie faisait référence à des gens
00:57:04auxquels s'intéressait particulièrement la colonie.
00:57:09Ils avaient des personnes très influentes.
00:57:13Ils s'arrangeaient toujours avec eux au niveau judiciaire,
00:57:17au niveau des forces armées ou bien du Parlement.
00:57:20Il y avait sûrement beaucoup de brassages d'argent, de pression de toutes sortes.
00:57:25Ils invitaient des gens à dîner, ou à une fête dans la colonie.
00:57:29Ils les entraînaient dans des activités à moitié pornographiques,
00:57:33les filmaient, puis les faisaient chanter.
00:57:36Le chantage était l'arme de prédilection de Paul Schaeffer pendant les 40 dernières années.
00:57:40Il lui a permis de résister à toutes les pressions de la société chilienne.
00:57:55Là-bas, à côté de cet arbre, il y a un autre bunker.
00:58:01On va aller voir.
00:58:11Ça, ce sont les câbles qu'on a déterrés et qui nous ont permis d'arriver jusqu'ici.
00:58:28Il y avait dans le terrain de la colonie des kilomètres et des kilomètres de câbles.
00:58:33Et ce qui a attiré mon attention, c'est que tous ces câbles étaient cachés, ils étaient enterrés.
00:58:40Beaucoup de câbles, une quantité énorme, sur tout le terrain de la colonie.
00:58:45La colonie Indignidad avait des relations avec le gouvernement de Pinochet,
00:58:51avec la communauté de Pinochet, avec les agents de la colonie Indignidad.
00:58:56La colonie A Dignidad avait des relations avec le gouvernement de Pinochet et avec les
00:59:15organisations anticommunistes internationales.
00:59:18Ils avaient un système de telex directement relié à l'opération Condor et qui s'appelait
00:59:26Condortel.
00:59:27Et la CIA leur fournissait ces appareils de codage.
00:59:34La CIA a soutenu, et c'est très clair dans les documents déclassifiés aujourd'hui,
00:59:45la coopération et l'échange de renseignements entre le Chili, le Brésil, l'Argentine,
00:59:52l'Uruguay et le Paraguay.
00:59:56Le système de communication utilisé, d'après ce que je sais, était appelé Condortel.
01:00:02C'est un réseau de communication rapide entre Capital, centre de détention et les
01:00:11autres banques de données.
01:00:12Je vais vous donner un exemple d'opération courante dont j'ai de nombreuses confirmations.
01:00:21On arrête, par exemple, une personne au Paraguay, et cette personne est chilienne.
01:00:33Les Paraguayens ne savent pas comment l'interroger, ils savent qu'il est révolutionnaire mais
01:00:39pas plus.
01:00:41Et grâce aux informations transmises par le Chili, par le réseau, ils savent exactement
01:00:46comment l'interroger.
01:00:47Là-haut, il y a une tour.
01:01:01Cette tour est un centre de télécommunication.
01:01:05On a tout coupé en 95.
01:01:09On l'a démantelé.
01:01:10Et depuis cette tour, ils contrôlaient tout ce qui était fréquent CHF et VHF.
01:01:22Selon une source d'informations militaires américaine, qui m'a confirmé l'existence
01:01:28de ce système, son utilisation était possible grâce à un système codé que partageaient
01:01:34tous les appareils militaires d'Amérique Latine.
01:01:38Et tous ces appareils participaient à l'opération Condor.
01:01:45Ce que fait le président Bush en ce moment, c'est ce que vous appelez l'opération Condor ?
01:01:52Quand tous les services secrets collaborent pour combattre sans répit le terrorisme
01:01:56dans le monde entier, c'est ça Condor ?
01:01:59Je vous demande, aller en Afghanistan et tuer des gens, aller en Irak et tuer des gens,
01:02:07tuer tout le monde, chercher des informations, les services secrets, c'est Condor ça ?
01:02:14Ce que nous, nous faisions, c'était réunir des renseignements au niveau régional.
01:02:19C'est assez effrayant cette idée que personne ne pouvait être en sécurité nulle part,
01:02:27dans aucun pays du monde.
01:02:28Parce que cette organisation internationale vous suivait, elle vous poursuivait et pouvait
01:02:35même vous tuer où que vous vous trouviez.
01:02:37Ici, on a retrouvé toutes sortes d'armes, des missiles solaires, des grenades, des
01:03:03mitraillettes et même des bazookas.
01:03:34Cette année, la police a fait des découvertes.
01:03:38Dans une des caches de ce type, on a trouvé de la dynamite.
01:03:44Et au cours de l'année, on a trouvé d'autres choses, comme un arsenal à l'intérieur
01:03:54de la colonie.
01:03:55Ce n'est pas seulement moi, c'est toute la société chilienne qui a été effrayée
01:04:19par les armes qu'on a trouvées.
01:04:21Il y avait des armes de guerre, des armes de poing, des armes de fantaisie, comme on
01:04:31n'en voit qu'au cinéma.
01:04:32Des appareils photos, des cannes qui tirent des balles, des stylos.
01:04:41Et en plus de ces armes très spéciales, on a trouvé aussi des armes qui ne sont pas
01:04:50faites pour la défense individuelle, comme des armes anti-chars.
01:04:55Et il n'y a pas de doute que durant la dictature, la colonia Dignidad servait d'intermédiaire
01:05:02au militaire pour apporter des armes illégales au Chili ou pour en sortir illégalement vers
01:05:08d'autres destinations.
01:05:09La colonia Dignidad avait un grand cercle d'amis, et en particulier un grand ami en
01:05:15Allemagne, Gerhard Mertens, trafiquant d'armes connues, qui a été à plusieurs reprises
01:05:19à la colonie et a fait de la contrebande d'armes grâce à la colonie.
01:05:22MEREX était une organisation qui faisait du trafic d'armes.
01:05:30Elle a été fondée par Mertens et c'était une entreprise de trafic importante et prospère
01:05:35qui marchait bien.
01:05:37Elle a été fondée, comme je le rappelle, au début des années 60.
01:05:43Mertens avait un immense carnet d'adresses au sein du gouvernement allemand.
01:05:47Comment on explique tout ça ?
01:05:50Je ne suis pas au courant de ce genre de détails actuellement, donc je ne regrette pas.
01:05:58Mertens faisait partie des services secrets allemands.
01:06:01Tout le monde le sait.
01:06:03Je le sais, moi, parce que j'étais ami avec le général qui dirigeait les services
01:06:08secrets allemands.
01:06:09Il est même venu au Chili, et Mertens était un de ses subordonnés.
01:06:13Mertens était un héros de guerre nazi, un homme d'extrême droite, impliqué dans
01:06:25un certain nombre d'affaires douteuses en tant que trafiquant d'armes.
01:06:31On a aussi construit des armes, des mitrailleuses par exemple, des mitrailleuses israéliennes.
01:06:39On avait le mode d'emploi, on a fabriqué entre 100 et 150 pièces.
01:06:47Les canons ont été importés d'Allemagne, mais le reste, c'est nous qui le faisions,
01:06:52au Chili.
01:06:53On fabriquait des armes dans la colonie ?
01:06:57Oui, aussi.
01:06:59Vous en êtes sûr ? Vous l'avez vu ?
01:07:02Oui, j'y étais.
01:07:03Je faisais partie de ceux qui produisaient des explosifs.
01:07:06Quand la DINA a voulu produire du gaz sarin, elle a exigé que le laboratoire soit déplacé
01:07:16dans la colonia Dignidad.
01:07:18Et c'est ainsi qu'ils ont continué à produire ce gaz, en très grande quantité.
01:07:23C'est un enquêteur officiel qui me l'a expliqué.
01:07:27Pourquoi, dans la colonia Dignidad, fabriquait-on des armes chimiques alors que c'est interdit
01:07:34dans le monde entier ?
01:07:35Dans toutes les conventions, dans tous les traités internationaux.
01:07:39Et c'est parce qu'ils expérimentaient.
01:07:42Comme dans les camps de concentration, on faisait des expériences sur les Juifs, là,
01:07:47ils faisaient pareil dans la colonia Dignidad.
01:07:51Ils ont participé à l'assassinat d'opposants au régime, même hors du Chili, grâce au
01:08:00gaz sarin, qui provoque les mêmes symptômes qu'une crise cardiaque.
01:08:14Schaeffer gagnait beaucoup d'argent grâce au trafic d'armes, mais aussi et avant tout,
01:08:19grâce à sa coopération étroite avec les services secrets de la dictature chilienne.
01:08:24Et dans ces affaires-là, il y a beaucoup d'argent à se faire.
01:08:29C'est ainsi qu'une des plus grandes sources de revenus de Schaeffer était cet argent sale
01:08:34provenant des trafics illégaux.
01:08:36La colonia Dignidad a amassé là-dedans plus de 100 millions de dollars et je crois que
01:08:42je suis bien loin du compte.
01:08:43A cette période, la colonie s'est vue accorder, grâce à un décret signé par Pinochet, les
01:08:50concessions de mines de molybdenum, d'or, de titane, d'uranium, au sud du Chili.
01:09:02Avec le coup d'État, la colonie a reçu beaucoup d'argent en échange de la construction d'autoroutes.
01:09:09Et l'hôpital était une véritable mine d'or, car leur service, prétendument gratuit,
01:09:17était facturé ensuite au ministère de la Santé.
01:09:20Avec le changement de gouvernement, l'arrivée du gouvernement démocratique, ils ont dû
01:09:25changer de stratégie, car ils n'étaient plus sous la protection ni de Pinochet, ni
01:09:29de la jeune militaire.
01:09:31Grâce à la stratégie élaborée par les avocats même de la colonie, en concertation
01:09:40avec ses dirigeants, qui consiste à transférer ses biens aux nouvelles entreprises qu'ils
01:09:47ont créées, ils arrivent à défier l'action de l'État et continuent de fonctionner avec
01:09:53le même pouvoir économique.
01:09:55Ce qu'ont fait ces années de démocratie, c'était de permettre l'accès à cet endroit
01:10:01pour que les Tachiliens puissent y pénétrer, enquêter et savoir ce qui se passait.
01:10:25Quand on a su que Paul Schaeffer avait été arrêté, il y a eu comme un soulagement,
01:10:47un sentiment nouveau de sécurité.
01:10:51Il n'allait pas revenir de si tôt pour nous manipuler à nouveau.
01:10:56Maintenant, c'est plus tranquille.
01:10:59Il y a plus de liberté, on peut sortir quand on veut.
01:11:11Nous sommes un groupe de jeunes et nous avons décidé de prendre la direction de la colonie
01:11:16pour que la communauté ait un avenir.
01:11:21Et c'est une bonne chose pour les enfants, pour les grands-parents qui vivent ici.
01:11:27On ne peut pas séparer ici les colons des entreprises, les entreprises de la Via Baviera,
01:11:33la Via Baviera de Paul Schaeffer, tout est mélangé.
01:11:37Il va falloir du temps pour parvenir à distinguer qui est qui.
01:11:45Tous ceux qui ont déjà 15 ou 20 ans, tous, ont des informations.
01:11:50Ils ont entendu, ils ont vu, ils ont participé aux atrocités qui se sont produites là-bas.
01:11:56Personne n'est tout blanc.
01:12:00Ce qui nous préoccupe, c'est la réinsertion des colons au sein de la société chilienne.
01:12:07Et aussi, d'éclaircir les crimes qui ont eu lieu par le passé.
01:12:13Le problème, c'est que si la justice fonctionne bien, ils vont peut-être finir par être emprisonnés
01:12:19parce qu'ils n'ont pas collaboré avec la justice.
01:12:22Il reste encore beaucoup de choses à découvrir, notamment comment ils vont se répartir les parts du gâteau.
01:12:49Ici, on vous propose un ragoût de cerf accompagné d'un pouding aux pommes,
01:12:54de choux rouges ou de choucroute.
01:12:59Ce casino a été créé en 1984.
01:13:05Vous avez tous les ingrédients nécessaires pour faire un ragoût de cerf,
01:13:09mais vous n'avez pas le choix.
01:13:13Ce casino a été créé en 1984.
01:13:18Vous avez toute la charcuterie dans la vitrine.
01:13:27Et c'est rentable tout ça ?
01:13:29Oui, bien sûr. C'est rentable puisque tout le monde aime nos produits.
01:13:33Ils ont une réputation de plus de 20 ans.
01:13:43La colonie s'est transformée.
01:13:48C'était une secte en 1961.
01:13:51C'est devenu une organisation capitaliste très rentable qui s'appelle Abratec,
01:13:55qui est propriétaire de tous les biens de meubles,
01:13:59en particulier le mobilier, les machines.
01:14:05Et puis, il y a une autre entreprise qui s'appelle Cerro Florido
01:14:09qui est propriétaire de toutes les terres autour de Parral,
01:14:13qui est propriétaire de toute l'exploitation de gravier
01:14:16et de plusieurs immeubles à Santiago.
01:14:19On a estimé les bénéfices de la colonie à plus de 4 millions de dollars par an.
01:14:24Paul Schaeffer gérait l'argent
01:14:26et un jour, il a dit que si on voulait partir, on pouvait s'acheter une île.
01:14:32Schaeffer disait aux colons qu'il avait un autre compte bancaire en Argentine
01:14:36grâce auquel il pouvait tout recommencer à nouveau s'il le fallait.
01:14:40Et c'est ce qui explique comment Schaeffer a pu se moquer de la colonie
01:14:44et de l'exploitation de gravier.
01:14:47C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'exploitation.
01:14:50Et c'est ce qui explique comment Schaeffer
01:14:52a pu se moquer de la justice et de la police chilienne
01:14:55en allant s'installer en Argentine pendant plus de 5 ans.
01:15:01En 2004, nous avons été informés que Paul Schaeffer
01:15:04et un groupe de la Colonia Dignidad
01:15:06étaient susceptibles de se cacher dans la localité de Chivilcoy,
01:15:10à côté de Buenos Aires.
01:15:14C'est pour 26 cas d'abus de mineurs
01:15:18que la justice chilienne a décidé de me saisir ici
01:15:24pour qu'il soit jugé là-bas.
01:15:27Et c'est à ce moment-là qu'Interpol Argentine
01:15:29a fait les premières démarches qui ont abouti
01:15:31à l'arrestation de Paul Schaeffer en 2005.
01:15:39Plus tard, on nous a demandé de l'expulser du pays.
01:15:41Les autorités judiciaires argentines
01:15:43ont remis Paul Schaeffer aux autorités chiliennes.
01:15:48Moi, j'ai vu qu'il avait l'air d'aller bien
01:15:51physiquement et mentalement aussi.
01:15:53C'était pas le pauvre grand-père qu'on a voulu dire.
01:15:56Au point de vue physique et mental, il allait bien.
01:16:02Et on a aussi arrêté 3 autres membres de la colonie
01:16:05Peter Schmitt, Rebecca Schaeffer-Schneider
01:16:09et Mathias Gerlach pour avoir caché Paul Schaeffer.
01:16:14Mais comme à ce moment-là,
01:16:17la demande d'extradition ne concernait que Paul Schaeffer
01:16:20et pas les autres, on les a identifiés,
01:16:23on les a contrôlés, on a vérifié leur domicile
01:16:27et on les a remis en liberté.
01:16:35Voici la première publication qu'on a faite l'année dernière
01:16:38quand on a appris l'arrestation de Paul Schaeffer.
01:16:41On a découvert qu'il était à Chivilcoy
01:16:44avec ses gardes du corps, qu'ils étaient là,
01:16:47dans cette localité.
01:16:50Jusqu'à ce moment-là, on ne savait rien.
01:16:53Les gens étaient très discrets, prenaient beaucoup de précautions.
01:16:56La ferme était toujours très bien gardée.
01:16:59Personne n'était au courant de leur présence à Chivilcoy,
01:17:02sauf un groupe très réduit de personnes
01:17:05qui avaient accès à la ferme.
01:17:08Peter Schmitt, qui était avec Paul Schaeffer en Argentine
01:17:12et qui est toujours là-bas
01:17:14parce qu'il est interdit de sortie de territoire,
01:17:17a eu accès à l'argent sale de Schaeffer.
01:17:20Avec cet argent, ils ont acheté des maisons,
01:17:23notamment celles qu'ils avaient en Argentine.
01:17:28Une des maisons en Argentine a coûté au moins un million de dollars.
01:17:32Cela prouve les moyens qu'ils avaient.
01:17:35C'était des sommes énormes,
01:17:37environ 2 milliards de pesos,
01:17:394 millions de dollars.
01:17:42La ferme de Chivilcoy
01:18:04Bonjour, je voudrais parler à Peter Schmitt.
01:18:07C'est Fernando Poblio du journal La Rassonne
01:18:11Je suis à Chivilcoy.
01:18:13Non, non, ils ont changé de numéro.
01:18:15La Solita ?
01:18:17Exactement.
01:18:19Vous ne l'avez pas ?
01:18:21Non, ils ont changé de numéro.
01:18:23Ça, c'est un numéro privé.
01:18:25Vous n'avez pas leur nouveau numéro ?
01:18:27Non, chaque fois qu'on leur a demandé,
01:18:29ils n'ont pas voulu le donner.
01:18:33On n'a pas pu connaître leur avis sur leur situation.
01:18:36On ne connaît pas leur opinion.
01:18:38On ne peut que spéculer.
01:18:40Bonjour, comment allez-vous ?
01:18:42Je ne t'avais pas reconnu.
01:18:44Depuis quand vous les connaissez ?
01:18:4610 ans.
01:18:48Le jour où ils sont arrivés,
01:18:50je leur ai vendu une machine à couper du bois,
01:18:52un tracteur,
01:18:54parce que je m'occupais de fournir des outils
01:18:56à cette ferme depuis longtemps.
01:18:58Ils travaillent dans la ferme,
01:19:00tout le monde les connaît.
01:19:02C'est des gens très bien.
01:19:04Ces gens-là produisaient de la confiture,
01:19:06des fromages.
01:19:09Ils avaient un petit commerce.
01:19:15Ils avaient bâti une colonie où ils travaillaient.
01:19:17Et ceux qui achetaient leurs produits
01:19:19les appréciaient beaucoup.
01:19:21Mais quand Interpol est arrivé
01:19:23que la bombe médiatique a explosé,
01:19:25alors on a enquêté
01:19:27et on a changé d'avis sur eux.
01:19:31Ils voulaient reproduire la colonie ?
01:19:33Non, il n'y avait pas de barbelés.
01:19:35Ce n'était pas un camp de concentration non plus.
01:19:37C'était une ferme.
01:19:39Mais enfin...
01:19:43De quoi on les accuse aujourd'hui ?
01:19:45Ils ne sont pas mis en question.
01:19:47Ils ont caché quelqu'un, c'est tout.
01:19:49On invente n'importe quoi pour les mettre en cause.
01:19:55Mais Schaeffer a été ici, ils l'ont amené ici.
01:19:57Quelle est la vérité ?
01:19:59Oui, ils étaient ici, ils l'ont emmené ici,
01:20:01mais moi je ne l'ai jamais vu.
01:20:03Galante l'a bien connu.
01:20:06Nous on ne le connait ni Schaeffer ni personne.
01:20:08Mais il ne peut pas dire le contraire.
01:20:10Il m'a dit qu'il allait souvent à la ferme,
01:20:12qu'il faisait des affaires avec eux.
01:20:16Ceux qui habitent ici ne veulent pas voir de journalistes,
01:20:18c'est tout.
01:20:22Ne perdez pas votre temps.
01:20:24Aujourd'hui, s'ils sont en Argentine,
01:20:26c'est qu'ils doivent être aussi
01:20:28dans d'autres endroits du continent sud-américain.
01:20:32Et je le redis,
01:20:35si on veut en finir avec la Colonia Dignidad,
01:20:37il faut s'attaquer au pouvoir économique.
01:20:39Sinon on ne pourra pas la détruire.
01:20:41Au contraire, elle va se multiplier,
01:20:43se reproduire avec de nouveaux visages
01:20:45et ils vont commettre les mêmes atrocités
01:20:47parce qu'ils vont avoir encore plus d'argent,
01:20:49encore plus de ressources.
01:20:53C'est un camp de concentration en Amérique latine
01:20:55qui a existé jusqu'en 2004
01:20:57et qui existe encore pour certains.
01:20:59C'est une terrible honte pour le Chili,
01:21:01l'Amérique latine et le monde entier
01:21:03parce qu'il existe encore la Colonia Dignidad,
01:21:05ce système pervers
01:21:07qui s'est maintenu aussi longtemps
01:21:09et qui peut réapparaître n'importe où,
01:21:11à n'importe quel moment.

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