Invitée de BFM2 ce mercredi 21 mai, Sandrine Rousseau, députée écologiste et social de Paris, revient sur la proposition de loi concernant l'aide à mourir, actuellement examinée à l'Assemblée nationale. Elle est aussi interrogée sur la remise d'un rapport concernant les Frères musulmans et la proposition du député François Ruffin d'une primaire élargie à gauche pour l'élection présidentielle de 2027.
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00:00Bonjour à tous et merci de nous retrouver sur BFM2. La proposition de loi relative aux droits, l'aide à mourir est toujours examinée actuellement du côté de l'Assemblée nationale avec un vote qui est prévu désormais dans moins d'une semaine.
00:15Ce sera mardi prochain, le même jour que le vote prévu sur le texte portant sur les soins palliatifs. On va revenir ensemble sur ces deux propositions de loi avec Sandrine Rousseau. Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:29Je rappelle que vous êtes députée du groupe écologiste et social de Paris, également secrétaire de la commission des affaires sociales.
00:38Tout d'abord, vous qui êtes dans l'hémicycle, on a l'impression que ces échanges se passent plutôt bien jusqu'à présent. On redoutait des débats parfois houleux. Quel est votre ressenti là-dessus ?
00:49Oui, ce sont des débats qui, alors des fois sont tendus quand même, mais globalement se passent dans le respect mutuel des avis et des opinions.
01:01Et en fait, c'est très important parce que c'est un sujet qui mérite qu'on sorte d'une logique partisane et de petite politique pour aller vraiment vers le bien commun et vers l'intérêt général.
01:12Et je trouve que l'hémicycle, les députés présents dans l'hémicycle sont à la hauteur de cet enjeu.
01:18Alors, il y a eu ces débats sur l'article 4, notamment, qui se sont achevés hier avec une adoption par 164 voix contre 103 sur cet article.
01:32qui fixent notamment les critères d'accessibilité à cette aide à mourir, des critères qui ont été beaucoup débattus.
01:40Quel est votre point de vue désormais depuis que cet article est adopté ?
01:47Il a été adopté, c'est le jeu de la démocratie. Il n'est pas conforme à ce que moi j'aurais espéré complètement,
01:53mais il consacre quand même le droit à avoir accès à une aide à mourir.
02:00Après, moi j'aurais préféré qu'on puisse par exemple ouvrir la possibilité à des personnes qui sont en fin de vie
02:07de demander à un soignant de faire le geste à leur place.
02:11J'aurais préféré qu'il y ait une exception directive anticipée pour les personnes qui sont par exemple dans un coma irréversible,
02:20enfin des choses comme ça. Donc il n'est pas tout à fait conforme à ce que moi j'espérais.
02:24Mais c'est comme ça, c'est la démocratie en tous les cas, et c'est une avancée par rapport au droit actuel.
02:29Dans ces critères, il y a la mention d'avoir un pronostic vital en phase avancée.
02:37Ça c'était quelque chose que vous défendiez, notamment en parlant des personnes atteintes de la maladie de Charcot.
02:42C'était quelque chose auquel vous tenez ?
02:46Oui, et il y a eu des débats pour savoir ce que ça voulait dire, phase avancée.
02:50La Haute Autorité de Santé a proposé une définition qui a été acceptée par l'Assemblée nationale.
02:55Donc en fait, on a maintenant, dans les critères, avoir une maladie en phase avancée ou terminale.
03:01Et le terme avancée est défini par la Haute Autorité de Santé.
03:05Donc voilà, c'est en ça que l'hémicycle prend de la hauteur sur le sujet.
03:11C'est que quand l'HAS, par exemple, nous propose une définition, nous l'intégrons dans la loi.
03:17Et voilà, c'est un travail très délicat, en fait.
03:22Et chaque mot a son importance, chaque phrase a son importance, chaque amendement est étudié avec beaucoup de minutie.
03:29Il faut savoir qu'on y passe très longtemps.
03:31On est de 9h à minuit tous les jours dans l'hémicycle pour voter tous les amendements.
03:36Et je dois dire qu'il y a aussi une présence dans l'hémicycle très importante des députés pour véritablement participer à ce débat.
03:42Et à contrario, il y a un autre critère qui, lui, fait peut-être plus débat de votre côté.
03:49Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France, c'est ce qui est écrit dans cet article.
03:57Vous, vous expliquiez dans l'hémicycle que de devoir brandir en quelque sorte une carte d'identité pour accéder à cette aide à mourir, c'est quand même très particulier.
04:06Oui, la France s'honore du fait que, quelle que soit votre nationalité, quelle que soit votre situation économique ou quelle que soit votre situation d'une manière générale,
04:20vous pouvez franchir la porte d'un hôpital, des urgences ou d'un hôpital et être soigné.
04:24En fait, c'est ça la force de la France, c'est ça notre modèle français.
04:27Sauf que là, pour la première fois, on va regarder la carte d'identité pour offrir un droit à un acte médical.
04:34Et pour moi, c'est un peu une rupture par rapport à…
04:37Enfin, c'est pas un peu, c'est une rupture par rapport au modèle social français qui se voulait universaliste, ouvert,
04:44et dont les droits ne dépendaient pas des cotisations qui étaient financées.
04:48C'est-à-dire, ce n'est pas quelque chose comme on peut le voir aux États-Unis, où plus vous cotisez, plus vous avez de droits.
04:53En France, c'est ça notre honneur, c'est ça vraiment notre grandeur, c'est que, quelle que soit votre situation,
05:00que vous soyez pauvre ou riche, vous pouvez franchir la porte d'un hôpital et vous serez soigné de la même manière,
05:05avec la même qualité, les mêmes matériels médicaux de pointe, etc.
05:12Et c'est ça notre force.
05:14Et là, qu'on demande une carte d'identité pour avoir accès à l'aide à mourir, c'est vraiment une rupture que je regrette,
05:20parce que, qu'on soit étranger ou qu'on soit français, on souffre de la même manière.
05:24Les détracteurs qui disent que vous vouliez permettre cette aide à mourir pour n'importe qui,
05:33ce sont des critiques qui ont été vues de la part d'autres députés, d'autres bancs, d'autres bords politiques que vous.
05:41Qu'est-ce que vous leur répondez à ça ?
05:43C'est un raccourci, c'est une attaque personnelle basse ?
05:47Non, mais ça, les députés, notamment d'extrême droite, sur les bancs de l'extrême droite,
05:52ont toujours caricaturé tous les propos.
05:56Moi, ça ne m'intéresse pas, justement.
05:57On est dans un débat qui est serein, intelligent et intelligible.
06:00Et je ne veux pas rentrer là-dedans.
06:02En tous les cas, la position que j'ai portée, elle est claire.
06:07Je rappelle qu'elle est aussi issue d'un combat personnel.
06:10Et donc, c'est quelque chose pour lequel je milite depuis maintenant 2013, c'est-à-dire que ça fait 12 ans.
06:17Et je trouve que la loi, encore une fois, ne me satisfait pas à 100%, mais est une avancée.
06:24Et je ne vais pas rentrer dans les polémiques organisées par le camp adverse, parce que vraiment, je trouve que ce n'est pas à la hauteur.
06:28C'est vrai, Sandrine Rousseau, parfois, dans vos prises de parole dans l'hémicycle, on vous sent quelquefois un peu émue.
06:35Alors, c'est peut-être un ressenti derrière la caméra, mais votre expérience personnelle vis-à-vis de votre mère vous touche ?
06:43Oui, bien sûr. Après, je dis aussi qu'il y a des hommes qui sont émus, parce que je ne voudrais pas qu'il y ait une lecture sexiste de la chose.
06:50Donc oui, je suis émue. Il y a des hommes qui sont émus.
06:53Je pense qu'on est tous confrontés à des histoires personnelles dans ce débat.
06:58Et oui, moi, j'ai accompagné ma mère qui était atteinte d'un cancer.
07:05Il se trouve qu'elle ne voulait pas entrer en soins palliatifs et que donc elle s'est suicidée en ma présence.
07:12Et ça a été quelque chose d'évidemment très structurant dans ma vie et de très important dans ma construction aujourd'hui, politique aujourd'hui.
07:22Et donc, voilà, je pense à elle, évidemment, quand je vote des amendements ou quand j'en rejette.
07:28Mais je voudrais quand même dire qu'il y a plein de gens qui ont eu des moments de grande émotion,
07:35parce qu'en fait, on a tous eu des décès dans nos familles et on les a tous gérés comme on a pu.
07:41Et donc, c'est aussi pour eux que nous nous battons aujourd'hui dans l'hémicycle.
07:44Sandrine Rousseau, vous avez d'ailleurs eu des paroles assez touchantes, en tout cas,
07:50rapportant que d'avoir ce droit à l'aide à mourir peut créer un espoir pour tenir pour certains malades face à une maladie.
08:01C'est ce que vous avez expliqué dans l'hémicycle.
08:05C'est vrai que c'est un bien important d'avoir ça en tête.
08:07Oui, parce qu'en fait, on a l'impression que les gens vont activer cette aide à mourir comme ça.
08:15Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que c'est aussi une manière de tenir.
08:18Quand vous souffrez très fortement, quand pour vous, les souffrances sont insupportables,
08:24eh bien, vous vous dites, allez, je sais que je peux arrêter quand vraiment, vraiment, j'y arriverai plus.
08:29Et donc, ça vous permet de tenir un jour, deux jours, une semaine, un mois de plus.
08:34Et en fait, il faut comprendre que c'est aussi un espoir de pouvoir arrêter les douleurs pour certaines personnes
08:40et que cet espoir permet de tenir en vie.
08:44Et il y a une expression que j'aime beaucoup qui dit, il faut sans doute,
08:49enfin, il faut sans doute moins ajouter des jours à la vie que de la vie au jour.
08:54C'est-à-dire que les derniers jours soient vraiment vivants et qu'ils soient pleins, qu'ils soient sereins, qu'ils soient heureux.
09:00Parce qu'en fait, nous n'avons qu'une vie.
09:02Et quand elle se termine, moi, je voudrais que les gens partent en sérénité
09:06et non pas angoisser des douleurs qui peuvent encore progresser.
09:10Et je pense que l'aide à mourir, qu'on y ait recours ou qu'on n'y ait pas recours,
09:14permet cette sérénité parce qu'elle se dit que si vraiment ça devient insupportable,
09:18eh bien, il y a ce bouton on-off qu'on peut actionner.
09:21Et en fait, pour moi, c'est vraiment quelque chose de très humaniste au fond,
09:26de très fondamental dans les droits humains.
09:29Et à un moment où la médecine a fait énormément de progrès,
09:33où on prolonge beaucoup la vie, eh bien, on prolonge aussi les souffrances.
09:37Et donc, quand elles deviennent vraiment insoignables,
09:42qu'on ne peut pas les arrêter et qu'on ne peut plus les supporter,
09:46eh bien, cette aide à mourir peut être une aide, oui.
09:48Et c'est un débat de société très important.
09:52Mais tout de même, la conférence des évêques de France,
09:55évidemment, se saisit de la question et a publié lundi un dispositif
09:59pour notamment informer sur ce qu'ils appellent les risques,
10:02entre guillemets, d'une éventuelle adoption de la loi
10:05et appelle à interpeller les parlementaires.
10:07Justement, Sandrine Rousseau, est-ce que vous recevez notamment des messages,
10:12des mails pour, voilà, peut-être parfois un peu diffamant,
10:18un peu compliqué sur cette proposition de loi ?
10:22Oui, beaucoup, énormément.
10:25Là, on reçoit vraiment énormément de mails.
10:28Bon, moi, je rappelle que les grandes religions se sont opposées
10:31à peu près à toute l'avancée des droits sociétaux.
10:33Ils étaient contre le mariage pour tous.
10:34Ils étaient contre l'ouverture de la PMA aux femmes.
10:39Ils étaient contre, je ne sais pas, la reconnaissance de l'homosexuel,
10:45enfin, la dépénalisation de l'homosexualité.
10:49Ils étaient contre l'IVG.
10:51Bon, moi, j'ai envie de vous dire, on ne mène pas les mêmes combats, voilà.
10:54Et quelque part, ce sont des ministres des cultes.
10:57Ils ont le droit d'avoir leur pensée.
10:59Mais pour autant, dans une république laïque,
11:02nous devons ouvrir des droits indépendamment des préceptes religieux.
11:07C'est-à-dire que vous soyez croyant ou que vous ne soyez pas croyant,
11:11vous devez avoir accès aux mêmes droits.
11:14Et en fait, c'est cela que nous sommes en train de discuter dans l'Assemblée.
11:17Deux questions d'actualité pour terminer, Sandrine Rousseau, si vous me le permettez.
11:21Il y a tout d'abord ce rapport concernant les frères musulmans,
11:24cette prise de parole de Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France insoumise,
11:28qui explique notamment sur le réseau social X
11:30« Est-ce que l'islamophobie franchit un seuil ? »
11:33Quel est le message que vous voulez adresser ?
11:37Peut-être notamment en direction du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau,
11:40qui s'est saisi de cette question des frères musulmans ?
11:42Moi, je suis vraiment effrayée, mais effrayée de ce qui est en train de se passer sur les musulmans.
11:49Je le dis avec beaucoup de solennité, parce que là, ce qui est dit,
11:54c'est qu'en fait, il y aurait des espèces d'ennemis de l'intérieur
11:57qui infiltreraient jusqu'au Parlement avec des ambitions de détruire.
12:04Ça rappelle tellement l'antisémitisme des passés.
12:08Je veux dire, c'est inadmissible de dire ça.
12:10Nous avons vécu, nous savons ce que c'est la haine de l'autre,
12:13nous savons ce que c'est le rejet de l'autre.
12:15Là, maintenant, il faut passer à autre chose.
12:18Arrêter avec le racisme, l'antisémitisme, le sexisme,
12:21qu'on ait tous les mêmes droits.
12:22Il n'y a pas d'ennemis de l'intérieur.
12:24Il peut y avoir des gens mal intentionnés.
12:26Ça, c'est tout à fait vrai.
12:27Et dans ces cas-là, il faut les combattre.
12:29Mais ça n'est pas une catégorie de personnes
12:33et ça n'est pas en stigmatisant une catégorie de personnes qu'on les combat.
12:36C'est en déployant des moyens de police, de justice
12:40et surtout en réaffirmant haut et fort
12:43que nous sommes une république universaliste
12:46et une république qui accueille chacun,
12:51quelle que soit sa foi ou sa non-foi ou sa non-croyance.
12:55Et que, évidemment, nous sommes très attentifs
12:58à toutes les ingérences étrangères, d'où qu'elles viennent,
13:00mais que chacun a le droit de pratiquer sa foi
13:03et que c'est un droit fondamental dans la liberté.
13:07Et sur un autre sujet, Sandrine Rousseau...
13:08Je vous le dis, moi, en tant qu'athée et en tant que non-religieuse.
13:13Sur un autre sujet, Sandrine Rousseau, une dernière question.
13:16Cette interview à nos confrères de libération de François Ruffin
13:19qui prône une primaire à l'ange, je cite, de Poutou à Hollande.
13:22Vous y êtes favorable ?
13:25Oui, moi, je pense que c'est le seul moyen de s'en sortir à gauche,
13:27d'avoir une primaire.
13:29Par contre, il ne faut pas que ce soit une primaire
13:30qui soit trop noyautée, mais ça...
13:32Enfin, pas trop verrouillée, pardon, plus que noyautée, verrouillée.
13:36C'est-à-dire qu'il faut que ce soit ouvert le plus possible.
13:39Et comme ça, en plus, on lancera un débat à gauche sur le fond.
13:42Et c'est très important et très intéressant.
13:44Donc, oui, pour une primaire.
13:46Oui, pour ce que propose François Ruffin,
13:49avec des conditions qui, sans doute,
13:51doivent être un peu plus lâches, un peu plus faciles d'accès
13:56que ce qu'il montre, parce que plus on aura de candidats,
13:58finalement, on mieux sait.
13:58Merci beaucoup, Sandrine Rousseau,
14:01d'avoir été en direct avec nous sur BFM2.
14:03Vous êtes députée écologiste et sociale de Paris
14:06et secrétaire de la Commission des Affaires Sociales
14:08pour aborder cette proposition de loi
14:12sur l'aide à mourir actuellement en examen
14:14à l'Assemblée nationale.
14:16Et ce vote qui est prévu, si tout va bien,
14:18le mardi 27 mai, mardi prochain,
14:20le même jour que le vote prévu sur la proposition de loi
14:24concernant les soins palliatifs.
14:25Merci de nous avoir suivis sur BFM2.
14:27Restez bien avec nous.
14:28Un nouveau direct à suivre dans quelques instants.