- 18/05/2025
C'est à ne plus rien comprendre, nous assistons au mélange indistinct des idées et des valeurs, des opinions et des analyses, des sentiments et du ressentiment, des libertés et des moqueries, du racisme et de l'antiracisme, de l'égalité et des inégalités, de la liberté d'expression et des censures. En somme une retribalisation séparatiste, où l'universalisme est instrumentalisé bien souvent comme le cache-sex des intérêts particuliers en même temps que le clivage entre classes sociales, toujours présent, se déporte en batailles identitaires et même en lutte de races. Cette post-modernité prend bien souvent les traits d'une régression si on la compare au temps des Lumières, voire auparavant quand les savants et religieux du Moyen-Âge : Maïmonide, Thomas d'Aquin et Averroes, s'appropriaent le legs spirituel de l'hellénisme pour engendrer des philosophies et des théologies médiévales éclairées : juive, chrétienne et musulmane. Et tout ce qui allait suivre pour faire la grandeur de la civilisation européenne qui engendra de la démocratie à l'état de droit une histoire universelle. Cette séquence civilisationnelle est aujourd'hui brouilllée par des guerres identitaires, pour en parler Émile Malet reçoit :
- Pierre Manent, philosophe, politologue, professeur d'Université, essayiste,
- Hervé Le Bras, démographe, historien, essayiste,
- Laure Mandeville, journaliste, Le Figaro,
- Jean-François Braunstein, philosophe, professeur d'université, essayiste.
- Pierre Manent, philosophe, politologue, professeur d'Université, essayiste,
- Hervé Le Bras, démographe, historien, essayiste,
- Laure Mandeville, journaliste, Le Figaro,
- Jean-François Braunstein, philosophe, professeur d'université, essayiste.
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NewsTranscription
00:00Générique
00:02...
00:24Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde,
00:26les guerres identitaires.
00:29C'est à ne plus rien comprendre.
00:30Nous assistons au mélange indistinct
00:33des idées et des valeurs,
00:34des opinions et des analyses,
00:36des sentiments et du ressentiment,
00:39des libertés et des moqueries,
00:41du racisme et de l'antiracisme,
00:43de l'égalité et des inégalités,
00:45de la liberté d'expression et des censures.
00:48En somme, une forme de retribalisation séparatiste
00:52où l'universalisme est instrumentalisé
00:55bien souvent comme le cache-sexe d'intérêts particuliers,
01:00en même temps que le clivage entre classes sociales,
01:03toujours présents, mais qui se déportent
01:06en batailles identitaires et même en lutte de races.
01:09Cette postmodernité prend bien souvent les traits
01:13d'une régression, si on la compare au temps des Lumières,
01:17voire auparavant, quand les savants et les religieux du Moyen Âge,
01:21Mahimoni, Thomas d'Aquin, Averroës,
01:24s'appropriaient le lex spirituel de l'hélénisme
01:28pour engendrer des philosophies et des théologies médiévales,
01:32juives, chrétiennes et musulmanes.
01:34Et tout ce qui allait suivre
01:36pour faire la grandeur de la civilisation européenne,
01:40qui engendra de la démocratie à l'Etat de droit,
01:44une histoire universelle.
01:46Cette séquence civilisationnelle
01:49est aujourd'hui brouillée par des guerres identitaires.
01:52Nous allons vous entretenir avec mes invités que je vous présente.
01:56Pierre Manon, vous êtes philosophe,
01:58politologue, professeur d'université et essayiste.
02:02Lord Manville, vous êtes journaliste au Figaro.
02:06Hervé Lebras, vous êtes démographe, historien et essayiste.
02:10Jean-François Bronstein, vous êtes philosophe,
02:13professeur d'université et également essayiste.
02:17Avant de commencer ce débat,
02:19je vais vous rendre à l'Assemblée nationale,
02:22où nous allons écouter Yael Brown-Pivet,
02:26présidente de l'Assemblée nationale.
02:28C'était le 29 avril 2025.
02:33Bonjour à tous. La séance est ouverte.
02:39Nous avons tous été bouleversés
02:43par le meurtre d'Aboubakar Sissé,
02:45lâchement assassiné dans une mosquée du Gard.
02:49A sa famille et à ses proches,
02:51je veux adresser en notre nom
02:53à tous nos condoléances les plus attristées.
02:56À l'ensemble de nos compatriotes musulmans,
02:59je veux exprimer notre solidarité.
03:02Honorer la mémoire d'un homme et respecter la douleur de sa famille,
03:06c'est rejeter toute instrumentalisation politique de ce drame.
03:10Ce dont nous avons besoin aujourd'hui,
03:12c'est de réaffirmer avec force et dignité
03:16l'unité de la nation.
03:19Je veux en particulier dire notre attachement à la laïcité,
03:22qui fonde notre République et qui garantit à chacun
03:26la possibilité de croire ou non,
03:28en toute liberté et en toute sécurité.
03:32Mesdames et messieurs les membres du gouvernement,
03:34mesdames et messieurs les députés,
03:36en la mémoire d'Aboubakar Sissé,
03:39je vous invite à observer une minute de silence.
03:46...
04:07Alors, que vous inspire cette déclaration
04:11qui mêle politique, spiritualité, Pierre Manon ?
04:17Je trouve que la présidente de l'Assemblée nationale
04:20a très bien parlé.
04:21Ce qu'elle a dit était tout à fait naturel, judicieux,
04:25correspondant au sentiment, je pense,
04:28de la grande majorité des Français.
04:31Devant un crime de cette sorte,
04:34elle a eu les paroles sobres et émues
04:38qui s'imposaient.
04:39Donc, je...
04:42D'une certaine façon,
04:45ce qu'elle a dit et la façon dont elle l'a dit
04:48ne va pas, excusez-moi, c'est Rémi Le Malais,
04:52dans le sens de votre introduction,
04:54qui nous a présenté des guerres identitaires déchaînées.
05:01Je ne vois pas de guerres identitaires, aujourd'hui.
05:04Je vois des arguments identitaires, c'est autre chose.
05:07Il y a des, on peut dire, des parties, si l'on veut,
05:09identitaires, mais avec des identités très différentes
05:13et pensées de façon très différente.
05:15Mais l'idée de guerre identitaire ne me paraît pas
05:19un bon point de départ pour notre conversation, excusez-moi.
05:23Ecoutez, vous avez le droit de penser ce que vous voulez.
05:26Hervé Lebrun ?
05:29Non, bien sûr, je partage l'opinion de Pierre Manon,
05:32au début, sur la qualité de l'intervention
05:35de Gaëlle Braun-Pivet.
05:37En même temps, je trouve que c'est illustratif
05:41d'une tendance de plus en plus fréquente
05:44à particulariser à partir d'un fait particulier,
05:49d'un fait divers, en fait,
05:51parce qu'hélas, il y a beaucoup d'assassinats,
05:54quand même, en France, chaque année,
05:56et de le globaliser.
05:58De plus en plus, on voit qu'un fait divers
06:00est à l'origine d'une discussion de loi
06:03ou d'une discussion générale,
06:06alors que le problème de mon passé,
06:08au fond, du singulier au général,
06:12est une difficulté et un problème essentiel.
06:16Dans le mot identité, il y a justement
06:18cette confusion entre le particulier,
06:22mon identité, et puis l'identité des Français,
06:25l'identité de la France, le général.
06:28On joue là-dessus, sur le mot,
06:30comme on joue en politique sur le rapport
06:32entre particulier et général.
06:34Lorman de Ville, qu'en pensez-vous,
06:36sur ces discussions
06:39autour des identités et de l'identité ?
06:42Oui, je dirais, peut-être, comme Pierre Manon,
06:45qu'il n'y a pas de guerre identitaire aujourd'hui,
06:48encore que je n'en suis pas sûre,
06:50mais il y a une obsession identitaire,
06:52et qu'il y a une obsession identitaire
06:55parce qu'il y a une crise de l'identité,
06:57et au-delà de la crise de l'identité,
06:59il y a une crise majeure, profonde,
07:02de la France, du sens,
07:05d'une crise occidentale, qui est une crise de sens,
07:09une crise de qui nous sommes,
07:11qu'est-ce qui nous rassemble,
07:13une crise de la nation, des nations occidentales,
07:16et c'est cette crise des nations qui a été,
07:19finalement, d'une certaine manière,
07:21presque jetée à la poubelle
07:23par l'idéologie dominante
07:26qui, vraiment, s'est engouffrée
07:30dans la fin du communisme,
07:32où on est sortis de l'ère idéologique
07:34et donc dans la globalisation,
07:36a fait qu'on émergeait,
07:38sur cet affaissement national,
07:42des identités subnationales, de toutes sortes,
07:46ou de pseudo-identités,
07:48et qui traduisent, en réalité,
07:50l'angoisse d'un individu qui, comme dirait Tocqueville,
07:55ne se sent plus rattaché
07:58aux institutions, à sa terre,
08:00et, comme le dit un autre philosophe que j'aime beaucoup,
08:04Josh Mitchell, qui travaille beaucoup
08:06sur ces questions-là aux Etats-Unis,
08:08en réalité, l'être humain a besoin d'une maison,
08:11et aujourd'hui, je crois qu'un des problèmes
08:14de la crise que nous traversons,
08:16c'est que l'homme occidental ne trouve plus sa maison,
08:19ou semble, en partie, voir qu'elle s'effondre,
08:22et du coup, se part,
08:25se saisit de toutes sortes d'identités
08:28de remplacement,
08:30après, justement, la grande déchristianisation,
08:34après la dénationalisation
08:36qui a été promue par nos élites.
08:39Alors, Jean-François Brunetagne,
08:41vous êtes penché sur ce sujet
08:44des convulsions identitaires
08:47à travers le wauquisme.
08:48Qu'en pensez-vous ?
08:50Je pense qu'effectivement, le terme de guerre
08:52est un peu violent, mais il y a une doctrine
08:54de critique de ces principes de base,
08:57effectivement, de la République française.
08:59L'universalisme, pour beaucoup de wauques,
09:02ils le disent très clairement, c'est une idée de blanc.
09:05Le racisme, il faut toujours considérer à la race,
09:08si l'on veut, discriminer contre les discriminations,
09:11et la laïcité, c'est aussi considéré
09:13comme quelque chose de violemment imposé
09:15aux jeunes des banlieues, etc.
09:17Donc, il y a une vraie critique, de ce point de vue-là,
09:20qui prend, dans les universités,
09:22effectivement, une forme un peu violente.
09:25Les gens qui disent qu'on va enseigner
09:28tranquillement à l'université,
09:30avec une liberté d'échanger des arguments,
09:32c'est quelque chose qui est un peu lointain,
09:34d'une certaine manière.
09:36Pour ce qui est de la raison de tout ça,
09:38je crois aussi, comme le disait Laurent de Ville,
09:41qu'il y a un espèce d'effacement de l'identité
09:44qui était, à son bon niveau,
09:45comme le dit Pierre Vendan, l'identité nationale.
09:48Maintenant, l'Europe essaie de fabriquer
09:50un monde sans identité, avec l'idée, à mon avis,
09:54post-Seconde Guerre mondiale, voire même post-XXe siècle,
09:57qui est que le XXe siècle a mal tourné
09:59parce qu'on avait trop de passion,
10:01et donc on va dépassionner,
10:03on va complètement effacer toute valeur violente.
10:06Le problème, c'est qu'on en arrive,
10:08maintenant, effectivement, à des éclatements identitaires
10:12au niveau subnational, effectivement,
10:14entre les woke divers et variés,
10:17les identitaires de droite et de gauche.
10:19C'est ça qui est très étonnant,
10:21c'est qu'on dit souvent que tout ça,
10:23c'est issu de la French theory, la critique des identités.
10:26Non, on est en plein identitarisme des deux côtés,
10:29parce qu'à mon avis, on a oublié, alors,
10:31je sais pas quel est le bon niveau d'identification,
10:34est-ce que c'est la nation, la religion, etc.,
10:37mais c'est vrai que ça ne marche plus.
10:39Je dirais pas que c'est une guerre,
10:41mais je pense qu'on est dans une période,
10:43et on le voit surtout chez les jeunes,
10:45il y a une espèce de désaffection
10:47et d'étonnement face à cette question d'identité,
10:50ou au contraire, on s'y jette à fond,
10:52ce qui est bizarre, parce que la notion d'identité, non plus,
10:56c'est pas quelque chose qui fonctionne,
10:58enfin, c'est pas une idée qui me semble très positive.
11:01-"Votre obsession identitaire", dit Lormondeville,
11:05vous dites identitarisme.
11:09A votre avis, à quoi vous reliez, en tout cas,
11:13cette montée des identités et cette flambée ?
11:16Est-ce que c'est un effritement de l'universalisme ?
11:19Est-ce que c'est le dépérissement de la démocratie ?
11:22Est-ce que c'est le désenchantement politique ?
11:25Est-ce que c'est la déchristianisation
11:27de la société ?
11:28Qu'en pensez-vous, Lormondeville ?
11:31C'est un peu tous ces éléments que vous pointez,
11:35et je crois, comme je disais, qu'il y a une...
11:39Comment ils se conjuguent ?
11:41Oui, ça se conjugue, je crois qu'il y a eu une séquence
11:44qui est quand même assez claire, dont Pierre Manin a beaucoup parlé
11:47dans ses écrits, qui commence avec...
11:50Dieu est mort, en fait,
11:52et donc, il y a déjà la question du christianisme,
11:57en tout cas, pour ce qui concerne la France
12:00et, de manière plus générale, l'Occident,
12:02qui a été quand même, disons, le fleuve
12:04qui a irrigué de manière différente,
12:06en France, évidemment, et aux Etats-Unis,
12:09mais la culture nationale et la culture politique,
12:12et c'est vrai que la déchristianisation,
12:14qui s'accélère, notamment à partir des années 60,
12:17en fait, entraîne déjà une crise de l'identité,
12:21de qui nous sommes, à quoi nous rattachons-nous,
12:24et c'est vrai que, je le disais tout à l'heure,
12:27la disparition de l'ennemi,
12:29c'est-à-dire de la confrontation idéologique
12:32entre l'avenir radieux du communisme
12:35et ceux qui défendaient, en fait, l'ordre...
12:38-"Le bon ennemi dont parle Nietzsche,
12:41dans le crépuscule des idoles".
12:43Oui, en tout cas,
12:44ça a fait que cette disparition de l'ennemi
12:48provoque, en fait,
12:50une sorte de transfert
12:53de la lutte,
12:55c'est-à-dire que, notamment, la gauche,
12:58n'ayant plus d'avenir radieux à l'Est,
13:02cherche
13:05des nouveaux damnés de la terre
13:07et fait la jonction, en fait, justement,
13:10avec les minorités, avec les nouveaux prolétaires,
13:12avec les immigrés, avec les musulmans,
13:16avec toutes ces identités bafouées.
13:18Mais le problème, c'est que la défense des minorités,
13:22qui est une cause légitime et noble
13:25et qui a fait partie de l'héritage, justement,
13:28de la civilisation occidentale
13:30que vous décriviez tout à l'heure,
13:32avec ces lumières, cet édifice extraordinaire
13:35qui a été stratifié au cours des siècles,
13:39le problème, c'est que ça devient...
13:42Il y a une espèce de dérive
13:45et cette défense des minorités
13:48devient une glorification, en fait, des minorités
13:52et surtout un rejet, un rejet du reste,
13:55c'est-à-dire qu'il y a une haine
13:58de la civilisation occidentale qui a émergé
14:00et qui laisse l'homme occidental les emparer.
14:03Et pour moi, mon champ d'action,
14:06c'est plutôt l'Europe et les Etats-Unis,
14:09notamment les Etats-Unis, je dirais que la crise
14:12qu'on voit aujourd'hui aux Etats-Unis
14:14et le phénomène Trump, c'est l'enfant,
14:17disons, de ce choix, en fait,
14:22de rejet de la nation, qui nous revient dans la figure
14:25et la gauche américaine a complètement dénationalisé,
14:29elle a complètement abandonné la nation
14:32et c'est ça qui a mené
14:34à cette sorte de kyrielle d'identité,
14:38parfois jusqu'à l'absurde, des LGBTQ+,
14:42qui devient presque déclaratoire, en fait.
14:46Je vous vois. Est-ce que vous acquiescez ou pas ?
14:49Oui, il y a beaucoup de choses qui sont injustes,
14:52mais je crois qu'il y a déjà une sorte de piège
14:54en utilisant le mot identité.
14:57Pourquoi ce mot est apparu ?
14:59Je pense, d'une certaine manière, qu'il est apparu
15:02parce qu'il est apparu comme entre deux notions
15:06qui sont en train d'être en crise.
15:09C'est, d'un côté, l'Etat, de l'autre, la nation.
15:12L'Etat, c'était un pouvoir, surtout pour la France,
15:15un pouvoir fort, la nation, c'était la patrie.
15:18Ces deux piliers se sont effrités
15:22ou se sont, pas affaissés complètement,
15:24mais sont en moins bon état qu'ils l'étaient auparavant.
15:28On l'a mis, identité, au milieu.
15:30Mais identité, ça me rappelle une remarque
15:32qu'avait faite Alfred Hirschman sur le mot intérêt.
15:36Il avait dit qu'il y a des sortes de mots
15:39qui envahissent l'espace et qui n'ont aucun sens précis.
15:43Il avait montré que ce mot intérêt,
15:45qui a eu un très grand succès pendant quelques décennies,
15:49était de ce type. Je trouve que le mot identité,
15:52c'est à peu près la même chose.
15:55C'est-à-dire qu'en parlant d'identité,
16:00on entre dans ce jeu vague
16:02où on a du mal à nommer les choses.
16:06On est prisonnier du mot.
16:08Je pense aussi qu'il est arrivé,
16:10et ça ramène à mon point de départ sur Etat et nation,
16:14c'est parce qu'on ne savait pas comment parler de l'Europe.
16:18L'Europe n'est pas une nation, c'est pas un Etat.
16:21Donc, on a parlé assez vite d'identité européenne.
16:24C'était une manière de caractériser
16:27ce qu'était l'Europe.
16:29Je pense que ça a déteint, ensuite,
16:31sur les identités dites nationales.
16:33Qu'en pensez-vous, Pierre, Manon ?
16:35Je pense que le mot identité est un très mauvais mot.
16:39C'est-à-dire qu'il ne permet absolument pas
16:41d'analyser la situation.
16:43Parce que tout le monde peut revendiquer une identité.
16:46Vous pouvez revendiquer l'identité de la France
16:49selon des points de vue tout à fait opposés.
16:52Vous pouvez revendiquer l'identité de la France
16:55pour protester contre l'immigration.
16:58Vous pouvez revendiquer l'identité de la France
17:00en disant que la France est un pays défini par l'immigration.
17:04Bon. Donc, en fait,
17:06le terme identité apparaît quand la chose disparaît,
17:10d'une certaine façon.
17:11On le voit bien pour la France.
17:13De Gaulle, qui, je pense,
17:16savait quelque chose de la France,
17:18il ne lui est jamais venu à l'idée
17:20de parler de l'identité française.
17:22Il parlait de l'indépendance de la France,
17:25de la grandeur de la France.
17:26Alors, justement, pourquoi on en parle autant ?
17:29Parce que...
17:33Par des voies qui restent assez mystérieuses,
17:37ce qui était le cadre naturel de notre existence,
17:40c'est-à-dire la nation,
17:43s'est dérobé à nos pieds.
17:45On ne sait pas très bien comment ça s'est passé.
17:48On peut dire que c'est la conséquence
17:50des grandes guerres du XXe siècle qui ont délégitimé les nations.
17:53Il y a certainement du vrai, bien entendu.
17:56Mais, malgré tout, quand nous sommes sortis de la guerre,
17:59nous sommes sortis de la guerre par une renaissance des nations.
18:03On a engagé assez rapidement
18:06une certaine construction européenne,
18:08mais d'abord et avant tout, des reconstructions nationales.
18:12Miracle italien, miracle allemand.
18:14On ne dit pas miracle français,
18:15mais on dit l'Etrengue glorieuse, l'Etrengue glorieuse.
18:19Et de Gaulle, il est revenu en majesté,
18:22si j'ose dire, pour administrer la France nouvelle.
18:25Bon.
18:26Et après, quelque chose se passe
18:29qui fait que, brusquement, il y a un affaissement
18:32de cette référence commune
18:34qui était partagée par tous les partis,
18:37le communiste et le morassien avaient ça en commun,
18:40qu'ils se disputaient sur la chose...
18:43Ca n'a pas empêché, sous la IVe République,
18:46que les gouvernements ne duraient pas longtemps.
18:48Si on se disputait, on savait à propos de quoi on se discutait,
18:52c'est-à-dire la forme que devait prendre la vie française,
18:55où était le bien de la nation, où était le bon régime.
18:58Donc, on avait ça en commun.
19:01Or, aujourd'hui, le grand perturbateur,
19:03c'est qu'on ne sait pas
19:04quelle est notre communauté naturelle d'appartenance.
19:08On peut dire que la France, ça reste quand même
19:11l'élément, un des éléments qui orientent nos vies.
19:16Mais on peut dire l'Europe, on peut dire le monde.
19:19Les régions, si la nation s'affaiblit,
19:22les régions revendiquent notre adhésion.
19:26Et donc, je pense qu'un des facteurs majeurs
19:28de notre perplexité, c'est que cette communauté par excellence
19:32qui était la nation,
19:34c'était la grande forme synthétique de nos vies,
19:36s'était filochée.
19:38Est-ce que vous acceptez
19:41que ce que vous êtes en train de désigner,
19:43que cet affaissement des nations
19:45est aujourd'hui comblé par des éruptions identitaires ?
19:49Vous êtes d'accord avec ça ?
19:51Oui, mais y compris identité française.
19:54Je crois que vous avez même écrit un jour,
19:57dans une tribune,
19:59que déployer des drapeaux étrangers,
20:02notamment à l'Assemblée nationale,
20:04c'était banaliser l'identité nationale.
20:07J'ai peut-être dit cela.
20:09Oui, si vous l'avez écrit.
20:11Mais bon...
20:12Donc, ces éruptions identitaires,
20:15est-ce qu'elles mettent en cause l'identité nationale ?
20:18Ce que je...
20:19Non, mais...
20:20Ce que je veux dire, simplement,
20:22c'est que la question n'est pas la question de l'identité.
20:26Si on se dispute sur l'identité française,
20:29alors ça, on va se disputer,
20:31mais ça n'avancera pas d'un pas.
20:33La question est qu'est-ce que nous voulons faire ?
20:35Voilà. C'est une question pratique.
20:38En tant que citoyen, la question est devant nous,
20:40c'est qu'est-ce que nous faisons avec la France,
20:43avec l'Europe, et à quelles questions répondons-nous ?
20:46Mais, encore une fois,
20:48l'identité, c'est un mot abstrait
20:50auquel on peut faire dire n'importe quoi.
20:53En revanche, si on vous dit,
20:55qu'est-ce qu'on fait avec ce que nous appelons aujourd'hui la France ?
20:59Est-ce que nous considérons que cela a un avenir ?
21:02Est-ce que c'est l'avenir de la France
21:04qui doit orienter notre pensée, notre action,
21:07ou bien est-ce que, désormais, c'est du passé ?
21:10Est-ce que c'est la forme européenne
21:12qui doit nous motiver ?
21:15Donc, encore une fois,
21:17posons la question en termes pratiques.
21:19On vous a entendu. Jean-François Braunstein,
21:22est-ce que, de ce qu'on vient de dire,
21:24autour de ces batailles identitaires,
21:27est-ce que, par exemple, il y a des conséquences
21:30comme la liberté d'expression entravée,
21:33comme... Et à quoi vous attribuez cette...
21:37Je n'irai pas aussi loin que cette question
21:40de la liberté d'expression, mais vous parliez d'un tableau
21:43qui est assez catastrophique.
21:45La personne qui a le mieux décrit cela, c'est Welbeck.
21:48Michel Welbeck, dans tous ses livres, parle de cela.
21:51Il explique, c'est un lecteur d'Auguste Comte,
21:53j'aime bien Auguste Comte, donc je le lis de près,
21:56qu'il n'y a pas de société sans religion.
21:58Selon lui, si on n'a pas de religion,
22:00on devient des particules élémentaires.
22:02C'est le sens même de ce titre.
22:04Nous sommes tous des particules élémentaires.
22:07Il y a une espèce d'explosion d'individualité.
22:10C'est ça qui est très paradoxal, parce qu'on parle d'identité,
22:14mais tous ces jeunes qui se disent
22:16L, G, B, T, Q, I, A, etc.,
22:19ils n'en sont pas tout à fait sûrs
22:21et ils ont besoin qu'on leur valide tout ça.
22:23Il y a une espèce de dictature du moi.
22:25C'est vraiment ça, ce que je disais.
22:28Je vous interromps.
22:29Vous dites qu'on ne parle pas de religion,
22:31mais je vois, par exemple, l'élection du pape Léon XIV,
22:36l'islam, on parle sans arrêt de ça, aujourd'hui.
22:40A l'Assemblée, on parle de laïcité,
22:43ce qui est logique, c'est pas le lieu de parler de religion.
22:46C'est un temple républicain, donc on parle beaucoup.
22:49La question est très présente.
22:51Il y a des auteurs américains qui disent
22:53qu'il faudrait parler d'un retour des strong gods,
22:57les dieux forts.
22:58Est-ce qu'il n'y a pas une volonté de retourner à des dieux
23:01sans une transcendance ? La religion de l'humanité
23:04ne marchait pas, c'était une religion immanente
23:07et scientifique, mais est-ce qu'il ne faut pas
23:09encore une transcendance ?
23:11Ce qui me frappe, dans les universités, notamment,
23:14c'est qu'on a affaire à des atomes, des gens qui...
23:17Alors, LGBTQI, ça va à l'infini,
23:20parce que, de toute façon, nos identités,
23:22c'est pas des cases, c'est une construction.
23:25On est toujours plusieurs choses à la fois,
23:27mais pour eux, il faut aller dans des cases.
23:30Si on triche avec les cases, par exemple,
23:32il y a un livre qui est génial, qui est l'attache de Roth,
23:35et pour les wokes, c'est un pamphlet anti-woke,
23:39alors que c'est l'idée que, justement,
23:41on se construit soi-même.
23:43On parlait de l'attache de Philippe Roth.
23:45On voit un professeur d'université qui était noir,
23:49mais très pâle, et qui s'est fait passer
23:51pour un blanc, juif, etc.,
23:53parce qu'il n'avait pas envie d'être assigné à résidence.
23:56Ensuite, il y a toute l'histoire.
23:58Hervé Lebrun, poursuivons là-dessus.
24:01Est-ce que vous n'avez pas le sentiment
24:03que la période d'aujourd'hui est à tout politiser,
24:07que ce soit l'intimité, la sexualité,
24:10les luttes sociales, etc.,
24:12et que la conséquence, si vous voulez,
24:15c'est qu'on a cette politisation extrême des choses ?
24:19D'une certaine manière,
24:20je trouve pas si mauvais de politiser...
24:23On revient sur la question de l'action,
24:25qu'a soulignée Pierre Manon.
24:27C'est quand même discuté de notre destin,
24:29donc je suis pas hostile.
24:31Par contre, je vais, au fond, revenir sur ce que j'ai dit
24:35à propos des cas particuliers.
24:37C'est cette question des LGBTQIA+.
24:42D'un point de vue démographe,
24:44c'est quand même un phénomène,
24:46peut-être pas à l'université,
24:48mais si vous prenez dans la population,
24:50c'est un phénomène très minoritaire.
24:52Les gens qui sont LGBTQIA, mettons,
24:54c'est entre...
24:56Il y a des petites enquêtes là-dessus,
24:58mais disons que c'est entre 5 et 7 % de la population,
25:02et ça occupe tout l'espace.
25:04Bien sûr, on peut en discuter,
25:06mais c'est pas de politique qu'on discute,
25:08on discute de mœurs.
25:09Il y a une espèce de fascination
25:12pour cette question des mœurs,
25:14qui, moi, m'apparaît, justement, masquée d'autres questions,
25:18et vous l'avez souligné, Emile, la question sociale,
25:21notamment, les questions de l'égalité, la question...
25:25Vous ne diriez pas, Hervé Lebrun,
25:27que la question sociale, aujourd'hui,
25:29est submergée par la question sociétale ?
25:32Oui.
25:33Marcel Gaucher va plus loin en disant
25:35que la politique est submergée par la politique.
25:38Oui, là, je serais tout à fait d'accord.
25:41On le voit à tous les niveaux.
25:43On voit, par exemple, comment les grandes entreprises
25:46ont sauté sur l'idée de diversité.
25:49Et un auteur américain intéressant a fait un petit livre
25:54qui s'appelle
25:55La diversité contre l'égalité.
25:58L'idée était tout à fait intéressante.
26:00C'est l'idée que ça ne coûte pas très cher aux entreprises
26:04d'engager des gens de toutes... des LGBTQ, si on veut,
26:07ou bien des gens de telle et telle couleur.
26:10En revanche, d'augmenter les salaires,
26:12ça coûte beaucoup plus cher.
26:14Donc, il y a eu cette tendance assez générale
26:17à faire en sorte que la question sociale
26:19soit de plus en plus poussée.
26:21En plus de ça, il y a aussi un affaiblissement
26:23des représentants de la question sociale.
26:27Les syndicats comptent maintenant pour presque rien.
26:30S'il n'y avait pas des rôles officiels
26:33avec des commissions paritaires, il n'existerait plus.
26:36Alors, Mandeville, dans ce contexte,
26:39est-ce qu'on sait aujourd'hui ce qu'est la gauche
26:42et ce qu'est la droite ?
26:44Parce que, classiquement, on pensait
26:46que la gauche voulait changer le monde,
26:48que la droite voulait le rendre plus vivable,
26:51mais est-ce qu'aujourd'hui, cette classification
26:53est encore viable ?
26:55Ben non, elle n'est plus viable,
26:57parce que, si vous regardez ce qui s'est passé,
27:00la classe ouvrière et les classes populaires,
27:02de manière générale, ont été abandonnées par la gauche.
27:06Et aujourd'hui, elles ont migré
27:11en recherche, en fait, de nouvelles protections
27:14vers l'extrême droite,
27:16par exemple, en France, avec le Rassemblement national,
27:19avec des partis populistes aux Pays-Bas,
27:22un pays que j'ai beaucoup étudié,
27:24aux Etats-Unis, évidemment,
27:26où ils ont quitté le Parti démocrate
27:28de manière absolument spectaculaire,
27:31et on a vu, avec Trump, le Parti républicain
27:33devenir le parti des classes populaires
27:36et des ouvriers.
27:37Et donc, vous avez eu un total renversement...
27:40Il y a une partie qui est restée démocrate.
27:42Oui, mais qui est peu importante, en fait.
27:44Moins nombreuse.
27:46Ce qui est intéressant, aujourd'hui,
27:48c'est qu'il y a une révolte
27:49d'une partie des minorités aux Etats-Unis.
27:53C'est une des leçons,
27:56notamment de la deuxième élection de Trump.
27:59C'est qu'un contingent important
28:03des Latinos et même de la minorité noire,
28:06en particulier chez les hommes, se porte vers Trump
28:10parce qu'ils en ont assez, justement,
28:12de cette obsession identitaire dont nous parlions
28:15et qu'ils veulent affirmer
28:18qu'ils se situent dans le cadre, en fait,
28:21du modèle politique traditionnel américain,
28:25qui est un modèle d'égalité devant la loi,
28:28de méritocratie, et qui dit, en gros...
28:31J'ai interviewé, c'était absolument passionnant,
28:34certains de ces intellectuels noirs
28:37qui se rebellent contre le Parti démocrate
28:39et qui disent qu'il y a eu une progression extraordinaire
28:44au sein de la minorité noire qui n'est pas prise en compte
28:48par l'idéologie du Parti démocrate actuel,
28:50qui est obsédée par l'idée de l'esclavage.
28:53La majorité des Afro-Américains ont voté démocrate, quand même.
28:57Mais ce qui est intéressant, c'est la tendance.
29:00Ca a progressé, mais quand même...
29:02C'est-à-dire qu'il y a un rejet de cet aspect identitaire,
29:06justement, qui est très, très clair.
29:09Il y avait juste une petite chose que je voulais rajouter.
29:12Vous parliez, à tout à fait juste titre,
29:15du fait que le LGBTQ,
29:17toute cette quête d'identité personnelle,
29:23c'est une minorité,
29:25mais c'est vrai qu'il y a eu une captation de l'agenda national.
29:28Moi, j'ai été absolument fascinée, aux Pays-Bas, par exemple,
29:32de voir que ce parti a imposé,
29:35le parti qui, justement, soutient ces minorités,
29:38a imposé à l'agenda,
29:40alors que c'était pas du tout l'intérêt de tout le monde,
29:43a imposé le fait, par exemple, d'une loi
29:46qui permet à des enfants de l'âge de 15 ans, je crois,
29:50d'aller déclarer en mairie, aux Pays-Bas,
29:53qu'ils sont hommes ou femmes,
29:55c'est-à-dire de choisir leur identité sexuelle eux-mêmes,
29:58alors qu'ils sont encore des enfants.
30:01C'est extrêmement...
30:02Je voudrais interroger Pierre Manand,
30:05non pas par rapport à ce clivage droite-gauche,
30:09mais par rapport à un clivage moral,
30:11le bien et le mal.
30:13Je vais vous citer Solzhenitsyn, un auteur que vous connaissez,
30:17il dit que la ligne de partage entre le bien et le mal
30:20traverse le coeur de chaque homme.
30:22On a le sentiment, aujourd'hui, qu'il n'en est pas ainsi,
30:25qu'il y a un séparatisme entre le bien et le mal.
30:28Pourquoi ?
30:29C'est-à-dire qu'il y a ceux qui incarneraient le bien
30:32et ceux qui incarneraient le mal.
30:34C'est le jeu de la division politique...
30:37Oui, mais...
30:38...universelle.
30:39C'est universel.
30:40Oui, mais avec quelles conséquences ?
30:42Oui, mais...
30:44Oui, mais ça a toujours été...
30:46Même si ça a toujours été, ça a des conséquences contemporaines.
30:50C'est pour ça qu'une certaine rationalité politique
30:53réclame un gros effort,
30:55parce que, spontanément, on maudit son adversaire politique.
30:59On confond l'hostilité politique
31:02et la séparation morale.
31:05Il faut admettre que, même dans le camp opposé,
31:07il y a des hommes de bien et, dans son propre camp,
31:10des hommes qui sont moins bien.
31:12Donc, ça, pour moi, c'est pas une nouveauté.
31:15Si je peux me permettre de réagir
31:20à ce qui vient d'être dit par Hervé Lebrun et par Normand de Ville
31:24à propos des minorités et de la majorité,
31:26c'est quand même un phénomène qui reste, pour moi, mystérieux.
31:30Bon, on a parlé des Lumières.
31:33Les Lumières n'ont pas ignoré le droit des minorités.
31:37Si les Lumières ont élaboré quelque chose,
31:39c'est le droit majoritaire, c'est la démocratie,
31:42c'est le droit du grand nombre.
31:44Et c'est la définition même de la démocratie.
31:47Or, aujourd'hui, enfin, depuis une vingtaine d'années,
31:50la démocratie est passée de, comment dire,
31:54de la garantie du pouvoir de la majorité
31:58à la préservation des droits des minorités.
32:03Et ce qui est très frappant, aussi,
32:06c'est que ces minorités deviennent de plus en plus minoritaires.
32:10A l'intérieur de chaque minorité,
32:11surgissent incessamment de nouvelles minorités
32:14encore plus minoritaires...
32:16-...qui se font à guerre. -...qui critiquent...
32:18-...on parle de guerre, là. -...oui.
32:21Mais... Et on voit bien pourquoi.
32:23Parce qu'ultimement, celui qui est vraiment légitime
32:27dans toute cette histoire,
32:29c'est l'individu séparé
32:32qui choisit lui-même ça, ce qu'il est.
32:36Et qui réclame que l'Etat, c'est ce que disait...
32:39M. Braunstein,
32:40qui réclame que l'Etat valide son choix.
32:43Donc, on est passé d'une démocratie
32:46qui signifiait que le grand nombre, la majorité, le peuple,
32:50étaient la source de toute légitimité,
32:52à une démocratie où, maintenant, c'est l'individu séparé
32:55qui définit sa propre identité
32:58et réclame que l'Etat la valide.
33:00Comment ce processus...
33:01On vous a entendu.
33:02Je voudrais, Jean-François Braunstein,
33:05que vous essayiez de...
33:07Je vais dire... de réconcilier,
33:09si on peut dire, est-ce que, finalement,
33:12les droits, les identités,
33:14les revendications des minorités,
33:18est-ce qu'elles ne peuvent pas être en phase
33:20avec la revendication majoritaire ?
33:23Est-ce que c'est pas le rôle...
33:24Est-ce que c'est pas le rôle du politique
33:27que d'assurer cette médiation
33:29pour faire l'unité nationale ?
33:31Comme le disait Lormandville, c'est très impressionnant
33:34à quel point ces questions sociétales
33:36sont imposées à l'ensemble de la société
33:39par des petits groupes.
33:40On le voit aux Etats-Unis, où le Parti démocrate,
33:43au lieu de faire marche arrière, en rajoute,
33:45va encore plus loin dans... Il faut changer de sexe à 12 ans,
33:49ou très tôt, donc c'est très étonnant.
33:51Moi, je dirais pas que c'est si anecdotique que ça,
33:54parce que, quand même, ce sont les élites
33:57qui sont formées par les universités.
33:59C'est ce que dit l'auteur américain Andrew Sullivan.
34:02Il dit que nous vivons tous sur les campus.
34:04Ca va changer les choses.
34:05Il y a un exemple qui est malheureusement très visible
34:09et qui est de plus en plus visible pour les Américains.
34:12C'est, par exemple, l'histoire de la formation
34:16des gens qui s'occupent d'affaires étrangères,
34:19géopolitiques, etc.
34:20Ils sont tous façonnés dans un cadre intersectionnel,
34:23c'est-à-dire l'idée qu'effectivement,
34:25les victimes, donc le Hamas,
34:28ce sont comme les LGBTQ, etc.
34:30Et pour eux, alors, pour reprendre la question du mal,
34:34pour eux, le bien et le mal, ça n'existe plus.
34:37C'est ce que racontait Trotsky, dans leur morale et la nôtre.
34:40Il y a une morale, la bonne morale, la nôtre,
34:43la mauvaise morale, les autres,
34:45et donc, ce qui est hallucinant,
34:47c'est qu'effectivement, beaucoup d'étudiants
34:49aux Etats-Unis, mais aussi en France,
34:51ne voient pas que les massacres du 7 octobre,
34:54c'est une expression du mal, le mal existe,
34:56pour faire agir ainsi.
34:58Pour eux, c'est tout à fait simple,
35:00puisque c'est l'intersectionnalité,
35:02les Israéliens sont des colonisateurs blancs, etc.,
35:06et les LGBTQ peuvent se mettre avec eux
35:09contre Israël, en accord avec le Hamas,
35:13c'est-à-dire qu'ils vivent dans un monde parallèle.
35:16On voit beaucoup de LGBT...
35:18Surtout, les départements de Gender Studies
35:20sont très favorables au Hamas,
35:22c'est une contradiction dans les termes.
35:24On voit aussi, de l'autre côté, Al Jazeera,
35:27Agi Plus, la chaîne destinée aux jeunes européens,
35:30en anglais, en français, etc.,
35:32qui fait l'éloge des LGBTQI,
35:34alors qu'on sait ce qui leur arrive dans les pays musulmans,
35:37et qui, effectivement, essaie ainsi de détruire,
35:40si vous voulez, la jeunesse occidentale.
35:42Je suis assez frappé, quand on regarde du point de vue extérieur,
35:46le monde extérieur nous regarde avec,
35:48à la fois, compassion, si je puis dire,
35:51et aussi, essaie de tirer parti de ce qui se passe chez nous.
35:55On l'a vu avec Poutine dans la guerre en Ukraine, évidemment.
35:59Le penseur principal de Xi Jinping,
36:01qui inspire Xi Jinping, explique qu'on va vers...
36:07Il y a une tentation nihiliste aux Etats-Unis,
36:10et il cite comme preuve l'identitarisme forcené,
36:12et donc, ils encouragent ça.
36:14Bien sûr, ils ferment la Chine à tout ça,
36:17mais sur TikTok, ils font passer des vidéos
36:19expliquant que la famille s'est dépassée,
36:21à destination de la jeunesse occidentale.
36:24C'est un vrai problème, je crois, au moins géopolitique.
36:27On va poursuivre ce débat, mais on va d'abord se rendre,
36:30si vous voulez bien, à l'Assemblée nationale,
36:32et on va écouter Laurent Wauquiez,
36:34député de la Haute-Loire, droite républicaine.
36:38C'était récemment, le 26 mars 2025.
36:43Monsieur le Premier ministre, il y a quelques semaines,
36:46vous avez échangé avec les députés de la droite républicaine.
36:50Vous avez indiqué qu'il n'y aurait pas de grandes lois
36:53sur l'immigration, mais que vous étiez prêt à travailler
36:56sur une succession de textes permettant de reprendre la main
36:59par rapport à une immigration incontrôlée.
37:01Nous étions prêts à travailler avec vous, texte par texte.
37:04Les sujets ne manquent pas.
37:06La réinstauration du délit de séjour irrégulier,
37:09un meilleur contrôle du regroupement familial,
37:12un meilleur contrôle de l'accès aux aides sociales
37:15pour les étrangers.
37:16Sauf qu'entre-temps, nous avons reçu le programme législatif
37:19de votre gouvernement pour tout le semestre qui vient.
37:22Et il n'y a rien.
37:25Il n'y a aucun texte inscrit par votre gouvernement
37:28portant sur la régulation de l'immigration.
37:32Alors, ça n'est pas la hauteur du sujet, monsieur le Premier ministre.
37:35Dans un pays qui a délivré l'année dernière
37:38le record historique de ses titres de séjour,
37:41est-il besoin de rappeler ici que le seul texte
37:44qui a été adopté dans cet hémicycle depuis juin
37:47sur l'immigration a été porté par les députés
37:50de la droite républicaine pour avoir une meilleure restriction
37:53du droit du sol à Mayotte ?
37:56Vous avez eu des propos forts.
37:58Vous avez parlé de submersion migratoire,
38:00vous avez mis en garde contre le danger de voir remis en cause
38:04l'identité de notre pays par une immigration massive.
38:06Mais les Français n'attendent pas des paroles,
38:09ils n'attendent pas des discours,
38:11ils attendent des actes et des résultats.
38:15Alors, Hervé Levras,
38:16qu'est-ce que vous pensez de ce que vient de dire Laurent Wauquiez
38:20et de la place de l'immigration, aujourd'hui,
38:24dans le débat politique français, mais également européen ?
38:28Dans le débat français, c'est délirant.
38:32C'est délirant parce qu'il y a un mépris de la réalité
38:36qui dépasse tout ce que connaît un démographe.
38:39Je...
38:40À un certain nombre d'interventions,
38:42là encore, dans la revue L'Hémicycle,
38:44je discute avec Patrick Stefanidi pour rétablir certains chiffres.
38:48Quand on nous parle...
38:50Vous entendez, submersion migratoire.
38:52Béroud n'a pas dit submersion migratoire,
38:55il a dit un sentiment, c'est très différent.
38:58Il a caractérisé le pays, mais il n'a pas dit...
39:01-"C'est comme pour la météo".
39:03Oui, exactement.
39:04Il a parlé du ressenti.
39:07Quant au nombre de...
39:08Quant à ce que raconte M. Wauquiez,
39:12il n'est pas le seul.
39:13Les chiffres sont très faciles à trouver.
39:16L'autre jour, sur France Inter,
39:18j'ai indiqué qu'il suffit d'aller sur Google,
39:20d'appeler l'INSEE, de taper Immigration,
39:23et on a tout de suite un fichier qui apparaît...
39:25Vous dites que les chiffres ne sont pas ça,
39:30mais le ressenti population.
39:32Je voudrais quand même donner les chiffres.
39:34On les a, les chiffres, par l'INSEE,
39:36chaque année, il y a un recensement,
39:38des enquêtes de recensement,
39:40c'est sûr, à peu près entre 8 et 9 millions de personnes.
39:43Les chiffres, c'est qu'entre 2006 et maintenant,
39:48l'augmentation annuelle du nombre d'immigrés
39:51a été de 125 000 personnes par an.
39:53On peut trouver que c'est trop,
39:55mais quand j'entends du 500 000, du 700 000,
39:57Luc Ferry est quand même...
39:59Vous prenez en considération ceux qui viennent et ceux qui partent ?
40:03C'est beaucoup plus simple.
40:04On regarde chaque année...
40:06Chaque année, on regarde combien un recensement,
40:09c'est combien y a-t-il de personnes de telle et de telle catégorie.
40:13Et comme on a le chiffre des immigrés chaque année,
40:16on peut voir de combien ça augmente d'une année à la suivante.
40:19D'ailleurs, c'est assez facile,
40:21tout le monde a les chiffres en 2006 et actuellement,
40:24et ces chiffres entre 2006 et actuellement
40:27montrent une augmentation qui n'est pas un problème.
40:29Vous pensez que la question de l'immigration,
40:32aujourd'hui, est gonflée, si on peut dire,
40:36dans le débat politique,
40:37ou qu'elle engendre des difficultés ?
40:41Elle est instrumentalisée, surtout.
40:43Moi, je pense qu'elle est fondamentale
40:45et que j'ai beaucoup de mal à...
40:49Si vous voulez, je trouve compliqué, en fait,
40:51que d'un côté, sur le plan des chiffres,
40:54vous nous dites que tout va bien...
40:56C'est pas moi qui dis, c'est l'INSEE.
40:58Je dis pas que tout va bien, c'est 125 000 par an.
41:01Je ne suis pas spécialiste de démographie ni d'immigration,
41:04mais ce que nous voyons, c'est que la France
41:07change de manière spectaculaire.
41:10Pas seulement dans ses grandes villes,
41:15mais dans ses petites villes,
41:17où on voit des changements extrêmement importants
41:20sur le plan de la démographie.
41:22Avec tous les problèmes que cela implique,
41:24parce que la question de l'immigration
41:26n'est pas seulement la question de qui entre et qui sort,
41:30mais de la manière dont nous intégrons ou n'intégrons pas
41:33ceux qui sont chez nous.
41:34Je pense qu'on est là dans le problème essentiel,
41:37parce que si nous n'avons plus...
41:40Nous ne savons plus quoi transmettre,
41:42si nous n'avons plus de culture,
41:46de substrat, en fait,
41:49dont nous sommes fiers, dont nous sommes à peu près sûrs,
41:53même si, évidemment, la France,
41:55c'est l'esprit critique, c'est les allers-retours,
41:58c'est les polémiques, etc.,
42:01mais c'est aussi une immense richesse culturelle,
42:04intellectuelle, politique, très ancienne,
42:07de tous ces héritages dont vous parliez,
42:09cher Emile Mallet, au début de votre propos.
42:12Et je pense qu'en fait, le problème, aujourd'hui,
42:15c'est que les choses donnent le sentiment de se défaire
42:19parce que nous avons perdu la capacité de transmission.
42:24Et si l'immigration continue, pour revenir au lien avec le sujet,
42:28nous ne pourrons pas assurer cette capacité.
42:30Déjà, l'école est en panne, nous n'y arrivons plus.
42:33On se retrouve, par exemple, en Seine-Saint-Denis,
42:36avec des classes où vous avez 90 % des jeunes enfants...
42:39Il y a des concentrations,
42:41mais il faut prendre l'ensemble de la France.
42:44Donc, là, il y a vraiment des problèmes majeurs.
42:46Et c'est vrai aussi que le problème,
42:48c'est aussi une philosophie, en fait, de ce que nous devons faire.
42:52Je suis d'accord avec Pierre Manand,
42:54quand il dit qu'est-ce qu'on veut faire.
42:56Je crois que la phrase de Kennedy,
42:58qu'est-ce que nous voulons faire pour notre pays,
43:01au lieu de ce que notre pays doit faire pour nous,
43:04doit revenir.
43:05Pourquoi on recrée un ciment ?
43:07Pour qu'on recrée une dynamique, en fait, positive dans notre pays,
43:12il faut, effectivement, renverser...
43:14On va, d'ailleurs, interroger Pierre Manand là-dessus.
43:17Comment créer un ciment
43:19avec la question de l'immigration, Pierre Manand ?
43:22Je suis...
43:23Je suis en désaccord avec mon collègue Hervé Lebrun,
43:28parce que...
43:32L'argument du nombre...
43:33D'abord, l'argument de la perception.
43:38Si les gens ont un sentiment qu'il y a beaucoup d'immigrés
43:43et que l'immigration est un phénomène majeur,
43:46ils ont peut-être des raisons.
43:48C'est pas seulement qu'ils ne savent pas compter
43:50ou qu'ils ne se sont pas branchés sur le site de l'INSEE.
43:54Je veux dire,
43:55ce n'est pas être paranoïaque
43:59que d'observer la profonde transformation
44:01de la population française depuis 30, 40 ans.
44:05Et...
44:06Un cas particulier...
44:07Enfin, la Seine-Saint-Denis, c'est un gros département.
44:11Bon, je peux vous donner 10 lieux de France,
44:15quatre coins de la France,
44:17où une nouvelle population se soit installée parmi nous
44:21et soit aux yeux.
44:23Allez à Roubaix, par exemple.
44:25Bon.
44:26Là, c'est un phénomène massif, majeur.
44:31L'essentiel de la ville a été profondément modifié.
44:34Alors, le problème, à mon avis,
44:37n'est pas cette situation en tant que telle.
44:40C'est le sentiment que le gouvernement,
44:44les gouvernements, n'ont aucune maîtrise de cette situation
44:47et que rien ne va arrêter cette transformation.
44:53Et c'est ça, à mon avis, le phénomène
44:56qui motive les réactions de la population française
45:01et son inquiétude devant l'immigration.
45:03Ce n'est pas telle quantité à tel moment,
45:06c'est le sentiment que cette transformation n'a pas de fin
45:09et qu'aucun gouvernement n'a été capable
45:12de la gouverner raisonnablement.
45:14Merci, Pierre. Je vous laisse répondre à juste Hervé.
45:17Comme on a d'autres questions et qu'on arrive à la fin de l'émission,
45:21essayez d'être rapide, Hervé Laurat.
45:23Non, ce que j'ai critiqué,
45:25c'est le fait que les politiques
45:29et un grand nombre, d'ailleurs, de personnes
45:31qui sont considérées comme des intellectuels,
45:34donnent des chiffres sans rapport à la réalité.
45:37Ca répond un peu à votre question.
45:39Ces chiffres-là entretiennent une peur des Français
45:41par rapport à l'immigration.
45:44Mon seul point était très simple,
45:46c'était de dire, donnons les chiffres réels
45:48avant d'entrer dans le détail.
45:50Le second point, est-ce qu'il y a une grande transformation ?
45:54Je termine là-dessus. Actuellement,
45:56je vais vous donner encore un chiffre,
45:58il y a 8,2 % d'étrangers en France.
46:00Au recensement de 1931,
46:02il y avait 6,8 % d'étrangers en France.
46:05La transformation, elle est quand même assez minime.
46:09Donc, il faut regarder de près ces choses-là.
46:12Bien sûr, il y a le métro...
46:13Il y a le métro.
46:14Merci. On va clôturer ce chapitre de l'immigration.
46:18Je voudrais, si vous voulez bien,
46:21vous direz un mot, si vous voulez,
46:23Jean-François Bronstein,
46:24mais je voulais justement vous interroger
46:27sur une question importante,
46:29plus en lien avec notre émission.
46:32La victoire de Trump aux Etats-Unis
46:35occasionne un changement de paradigme,
46:39un grand changement idéologique.
46:42A votre avis, est-ce que son programme
46:46anti-wauquiste peut-il réussir ?
46:49Et à votre avis, est-ce que l'Europe va suivre
46:53sur cette question-là en abandonnant
46:55ce qu'on appelle le wauquisme ?
46:57Sur l'immigration, il y a quand même
46:59des possibilités de voir ce qui change.
47:02Il n'y a qu'à voir les sondages sur la jeunesse
47:04et son attitude face aux problèmes à l'école.
47:07Ca a complètement basculé et on pense
47:09qu'il y a une partie de la jeunesse d'origine musulmane...
47:12On en a parlé.
47:13Venons maintenant au wauquisme.
47:15Autre question sur l'immigration.
47:17C'est un peu dommage de dire que l'immigration,
47:20c'est un bien en soi.
47:21L'immigration, c'est pour transmettre des valeurs.
47:24Pour ce qui est de Trump, le problème,
47:26puisque c'est Trump qui fait ça, on va me dire
47:29que si je défends ça, je suis Trumpist
47:31et donc je suis totalement disqualifié.
47:33Il me semble que, sur certains points,
47:36c'est bizarre qu'il faille attendre un décret de Trump
47:38pour dire que dans l'espèce humaine,
47:41il y a deux sexes, le masculin et le féminin,
47:43mais c'est vrai, d'une certaine manière.
47:45Je pense que ça fait changer les choses,
47:48pas vraiment dans les universités qui résistent au maximum,
47:51à rapport des plaintes contre Trump, etc.
47:53Est-ce que ça va changer les choses ailleurs dans le monde ?
47:57Il me semble que c'est ça.
47:58Le problème est le même dans la plupart des pays
48:01de l'Europe occidentale, c'est qu'on oblige des populations
48:04qui ont des problèmes sociaux,
48:06qui ont des questions sur leur identité politique,
48:09qui ont des problèmes réels,
48:10à discuter sans fin du genre, etc.,
48:12et si c'était encore entre soi,
48:14mais à faire passer ça dans les écoles, par exemple.
48:17Et ça, c'était évident.
48:18J'avais annoncé dans mon bouquin que Trump allait gagner.
48:22Ca me semblait évident quand on voyait notamment
48:24les parents noirs, latinos, etc.,
48:26qui ne veulent pas qu'on enseigne la théorie du genre
48:29à leurs enfants et qui ne veulent pas qu'on dise à leurs enfants
48:33qu'ils sont des victimes éternelles,
48:34qu'ils sont sortis. L'Amérique, c'était ça.
48:37Et pour le fond de l'Amérique, ceux qui ont élu Trump,
48:40l'Amérique, c'est toujours le lieu des possibilités infinies,
48:43et ils ne veulent pas entrer dans cette spirale victimaire
48:47qui est tout à fait catastrophique.
48:49Catastrophique pour les jeunes,
48:51catastrophique pour les classes ouvrières,
48:53les travailleurs, etc.,
48:55et donc, c'est une vraie question.
48:57Je pense qu'effectivement, il y a un retour à la réalité.
49:00Je sais bien que si on parle de réalité aujourd'hui,
49:03c'est-à-dire qu'on est à un infraréactionnaire,
49:05le réel existe, les problèmes sociaux existent,
49:08l'immigration existe, etc.,
49:10et tout ça, on devrait pouvoir en discuter.
49:12Pour l'instant, ce qui est très frappant,
49:15c'est de voir les réactions des démocrates américains
49:18qui en remettent encore, qui vont plus loin,
49:20donc ils vont encore perdre pendant longtemps.
49:23On va conclure là-dessus. Vous pensez qu'il va y avoir
49:26ce retour à la réalité dont parle Jean-François Bronstein,
49:29l'Ormand de Ville ?
49:30En tout cas, s'il y a un élément des folles fous
49:35sans jour que Trump vient de nous jeter
49:39à la figure, que l'élément de cette bataille
49:42contre le hawkisme est ce qui fait consensus
49:46dans les gens qui l'ont soutenu.
49:48Aujourd'hui, vous avez deux camps, en gros,
49:51aux Etats-Unis, vous avez le camp du MAGA,
49:54en fait, dans son électorat populiste, populaire,
49:58qui le soutient à fond, évidemment,
50:00sur cette bataille contre le hawkisme,
50:02qui le rejette, comme vous l'avez très bien dit,
50:05mais vous avez aussi ce même rejet
50:07qu'on a vu dans cette aile libertarienne
50:10industrielle, en fait, technologique,
50:13qui s'est ralliée à Trump et qui, elle aussi,
50:15a réalisé, après avoir endossé le hawkisme
50:19et en avoir fait, comme vous l'avez dit,
50:21un élément de facilité, puisque c'était plus facile,
50:24effectivement, d'afficher qu'on devait mettre
50:28tous ses pronoms sur Twitter,
50:31mais de ne pas gérer les problèmes sociaux,
50:35en fait, des employés de la tech.
50:37Et donc, ils se sont aperçus
50:39que c'était une impasse, que ces questions identitaires
50:43étaient en train d'empêcher un recrutement
50:45des meilleurs, de l'excellence,
50:47et la tech, c'était l'excellence,
50:49et donc, ils se sont ralliés à Trump aussi.
50:51Sur le culturel, ils s'entendent,
50:53alors que sur d'autres sujets,
50:55comme sur, par exemple, les visas, l'immigration, etc.,
50:58ils ne s'entendent pas.
50:59Je pense que c'est un sujet sur lequel il va continuer sa bataille.
51:03Il va y avoir des résistances énormes
51:05dans le Parti démocrate, mais vous avez des démocrates
51:08qui commencent à hurler et à donner de la voix,
51:11comme Elissa Slotkin, cette sénatrice du Michigan,
51:14qui, justement, appelle à un grand changement...
51:16-"Merci", Lord Bonneville, Hervé Le Bras.
51:19Il y a quand même une chose frappante,
51:21c'est qu'en fait, il est en train de détruire les nations.
51:24Il est en train de les détruire, d'une certaine manière,
51:27en trouvant normal d'annexer le Groenland,
51:30normal que la Russie prenne la Crimée.
51:33Donc, quelque part, il revient à une conception, au fond,
51:36qui est celle d'avant les nations modernes,
51:39du XVIIIe siècle, où on prend telle province,
51:41on annexe telle autre. Il mine l'idée de nation.
51:44Ca a continué après le XVIIIe siècle.
51:46Un peu, oui.
51:47Une bonne sortie du XXe.
51:49Oui, mais quand même, les nations sont constituées
51:52vraiment fortement, avec leurs frontières,
51:54avec leur citoyenneté, et il est en train de partir contre.
51:57Vous avez un mot à dire, là, Pierre, maintenant,
52:00sur ce sujet-là, sur la fin du vauquisme ?
52:05Non, je...
52:09Je... Effectivement, je...
52:11Son installation a été si rapide, si totale que, là aussi,
52:16vous allez dire que je vois des mystères partout,
52:19mais pour moi, c'est un grand mystère,
52:21la rapidité d'installation.
52:23Alors, peut-être, en effet, va-t-il aussi rapidement disparaître,
52:27mais je ne pense pas que ce sera aussi rapide, mais...
52:31Bon, bah, écoutez.
52:33-"Wait and see", comme on dit,
52:35attendons pour voir.
52:37Alors, juste...
52:40Vous donnez une brève bibliographie.
52:42Alors, Hervé Le Bras, vous avez publié un livre chez Grasset,
52:45il n'y a pas de race blanche.
52:47On a très peu de temps, ce n'est pas très provocateur, ça.
52:50Finalement, on parle de race partout.
52:52Mais on n'a pas beaucoup de temps.
52:54Très rapide, mais c'est une histoire de l'idée moderne de race,
52:58parce que l'idée moderne de race, je le montre,
53:00commence en 1735 avec l'innée, très clairement,
53:03qui n'est pas l'idée ancienne de race,
53:05et c'est elle qui va être entretenue par les scientifiques.
53:08Je pourrais aller plus loin,
53:10mais il y a une généalogie complète jusqu'à maintenant.
53:13Il faut lire le livre.
53:15Alors, Pierre Manon, vous, Pascal, et la proposition chrétienne
53:19chez Grasset, est-ce que ce n'est pas anachronique
53:22de parler de Pascal aujourd'hui ?
53:25Je vous provoque, mais bon...
53:27Vous savez, la proposition chrétienne date d'un siècle,
53:31donc, non, Pascal est vraiment un moderne proche de nous,
53:35un grand mathématicien,
53:37donc il a tous les...
53:38Il a tous les... Comment dire ?
53:40Tous les diplômes, en quelque sorte,
53:42pour que nous l'écoutions.
53:44On va l'écouter.
53:45L'Ormand de Ville, vous avez publié
53:47les révoltés d'Occident.
53:49C'est quoi, les révoltés d'Occident ?
53:51C'est cette révolte populiste qui...
53:54Aux éditions de l'Observatoire.
53:56...contre la globalisation et, justement,
53:58de ces peuples qui se sentent abandonnés
54:00par des élites largement dénationalisées
54:03dans leur fonctionnement politique.
54:05Jean-François Bronstein,
54:06alors, vous, c'est un oxymore, la religion vogue.
54:10Le voguisme n'est pas religieux.
54:13Ah, si, justement. Il me semble qu'il récuse
54:15tous les préceptes d'argumentation, etc.,
54:18et il y a un vrai enthousiasme chez ses disciples.
54:21Ce que j'essaie de montrer dans le livre,
54:23c'est que, contrairement à ce qu'on dit,
54:25c'est pas une idée progressiste de gauche.
54:28Ce sont des gens hostiles à ce qu'on peut appeler
54:30les principes des Lumières, l'universalisme,
54:33l'autonomie individuelle,
54:35la prééminence de la raison sur le sentiment, etc.
54:38Donc, c'est une religion au pire sens du terme.
54:41-"Au pire sens du terme".
54:43Merci, madame, merci, messieurs,
54:46d'avoir apporté quelques éclairages
54:48sur ces questions identitaires.
54:50Merci à l'équipe de LCP
54:53d'avoir permis la réalisation de cette émission,
54:57et je vous dis à bientôt.
54:59Merci.
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