Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
L'Assemblée nationale a voté, en première lecture, une proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile, hier soir. Elle prévoit notamment un moratoire de 3 ans sur les fermetures de maternité. En France, sur 1 000 naissances, 4,1 bébés perdent la vie. Les journalistes et auteurs de l'enquête "4,1. Le scandale des accouchements en France", Anthony Cortes et Sébastien Leurquin sont les invités pour tout comprendre de RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 16 mai 2025.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03RTL, il est 18h44. Bonsoir Anthony Cortès.
00:06Bonsoir.
00:06Vous êtes journaliste au quotidien L'Humanité.
00:08Je salue aussi Sébastien Lorquin, journaliste indépendant
00:11puisque vous êtes les auteurs du livre 4,1
00:13Le scandale des accouchements en France
00:15aux éditions Boucher-Chastel.
00:18D'abord, il faut nous préciser ce qu'est ce chiffre.
00:194,1 qui fait le titre de votre enquête.
00:22Alors 4,1 c'est le taux de mortalité en France.
00:24Le taux de mortalité infantile, ça veut dire qu'en fait
00:274,1 bébés meurent sur 1000 naissances
00:304,1 bébés meurent avant l'âge de 1 an.
00:32Ça correspond à 1 enfant sur 250.
00:35Donc nous, ce qu'on a voulu faire avec ce livre
00:37c'est donner corps à ce chiffre.
00:38C'est montrer l'ampleur qu'il y a derrière.
00:40Pour être très clair, ça veut dire qu'aujourd'hui
00:42si on prend les chiffres de 2024
00:43il y a eu 2800 bébés qui ont perdu la vie
00:46avant leur premier anniversaire.
00:47Et tout cela situe la France en termes de mortalité infantile
00:50entre la Pologne et la Bulgarie.
00:53Comment en est-on arrivé là ?
00:55Il y a tout un ensemble de raisons
00:57parce que c'est vrai que ce phénomène-là
00:59il ne peut pas s'expliquer par une seule raison.
01:01C'est multifactoriel.
01:03Alors évidemment, il y a la question de précarité, bien sûr.
01:06Ça touche largement les mères aujourd'hui
01:08malheureusement en France.
01:10Il y a des raisons individuelles,
01:12des grossesses plus tardives,
01:13des pathologies beaucoup plus présentes,
01:15des addictions aussi, notamment de l'obésité.
01:18Mais il y a aussi des questions structurelles.
01:20C'est-à-dire que nous, avec ce livre, par exemple,
01:23on parle de la distance
01:24avec, en 50 ans, la fermeture de 75% de nos maternités.
01:30Et malheureusement, ça a éloigné les femmes des maternités
01:32en créant des déserts.
01:33C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
01:34900 000 femmes en âge de procréé
01:36sont à plus de 30 minutes d'une maternité.
01:38Le taux des femmes à plus de 45 minutes d'une maternité
01:41a augmenté de 40% depuis l'année 2000.
01:44Et là aussi, ça crée un certain nombre de problèmes.
01:47Et au-delà de ça, il y a aussi des difficultés de fonctionnement
01:50avec des services de plus en plus surchargés
01:52qui peuvent créer des dysfonctionnements également.
01:54Alors, vous savez que l'Assemblée nationale a approuvé hier
01:56une proposition de loi pour lutter contre la mortalité infantile.
02:00Ce texte prévoit notamment un moratoire de 3 ans
02:02sur les fermetures des maternités.
02:04Il doit encore passer au Sénat.
02:06C'est une bonne nouvelle ?
02:07Alors, ce moratoire, il est intéressant
02:08parce qu'il va enrayer la spirale dans laquelle on est actuellement.
02:13C'est-à-dire que, comme Anthony l'a dit,
02:14on a 75% des maternités françaises
02:16qui ont fermé au cours des 50 dernières années.
02:18À la base, ça a été une bonne logique.
02:20C'est-à-dire que les maternités fermaient
02:23parce qu'on augmentait les seuils de qualité des soins.
02:26Et donc, il y avait certaines structures
02:28qui ne pouvaient pas répondre et donc qui fermaient.
02:30Ce dont on s'est rendu compte, c'est que depuis 1998,
02:33les derniers décrets périnatalités,
02:34qui vont bientôt avoir 30 ans, soit dit en passant,
02:37eh bien, en fait, cette logique a été poussée trop loin.
02:39C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a 10 départements
02:41dans lesquels il n'y a plus qu'une seule maternité.
02:43Et donc, ce qu'on pose comme question,
02:45c'est l'effet que ça engendre.
02:48Et notamment, pour répondre à votre question sur les moratoires,
02:50ça va permettre un petit peu de voir ce qui se passe,
02:52d'évaluer pendant 3 ans l'ensemble des raisons
02:55qui conduisent à une augmentation de la mortalité infantile,
02:58et peut-être arrêter de fermer des structures
03:00qui feraient mieux de rester ouvertes,
03:03puisqu'on arrêterait d'éloigner les femmes
03:04de manière continue des lieux pour accoucher.
03:06Ce que vous êtes en train de nous dire,
03:07c'est que la fermeture de ces nombreuses maternités,
03:1075%, le chiffre est vraiment marquant.
03:16Ces fermetures sont à l'origine de cette mortalité infantile aujourd'hui ?
03:20Alors, vous le disiez, il y a plusieurs raisons, effectivement,
03:22mais on ne peut pas l'écarter.
03:24On ne peut pas l'écarter.
03:24C'est vrai que nous, par exemple, avec ce livre-là,
03:26avec cette enquête, on a voulu aller sur le terrain
03:28pour interroger les soignants eux-mêmes,
03:30et eux-mêmes nous disent que la distance est une perte de chance.
03:32Ils le voient.
03:33C'est-à-dire qu'évidemment, il y a des accouchements inopinés,
03:36c'est-à-dire sur le bord de la route,
03:37mais il y a aussi des femmes qui arrivent avec des pathologies
03:39qui auraient pu être réglées si elles habitaient beaucoup plus proches.
03:43Notamment, ce témoignage-là d'une sage-femme
03:45qui nous explique une nuit de l'horreur,
03:47c'est-à-dire qu'elle nous dit que, malheureusement,
03:49elle a entre ses mains un bébé qui n'a pas pu survivre,
03:52et elle découvre ensuite que ça vient d'un hématome rétro-placentaire
03:54qui, normalement, est réglé de façon assez simple.
03:58Ça pourrait être bénin
03:59si elle n'avait pas habité à plus de 50 minutes de la maternité.
04:02Peut-on vraiment parler de scandale,
04:03puisque c'est un des titres de votre livre ?
04:05Vous savez que ces décisions de fermeture de petites maternités ou d'hôpitaux
04:08l'ont été pour bâtir de grands CHU,
04:11avec du matériel ultra-moderne,
04:13justement pour améliorer la situation
04:14et pour sauver des enfants.
04:16Alors, ce qu'on montre dans le livre,
04:17c'est qu'en fait, il y a eu une concentration des accouchements
04:19dans ces grandes maternités,
04:21mais que ça s'est fait, finalement,
04:22au détriment des conditions de travail dans ces lieux-là.
04:25On a repris dans notre livre un terme
04:27qui nous est revenu plusieurs fois,
04:28c'est celui d'usine à bébés.
04:29C'est comme ça que les soignants qui travaillent dans ces structures
04:31qualifiaient l'établissement dans lequel ils travaillaient.
04:33Ça montre aussi un certain nombre de choses.
04:35qu'on ne peut pas être confrontés à un vocabulaire
04:36de type flux tendu,
04:38quand en parlant d'un rythme d'accouchement.
04:41Donc, c'est ça qu'on a voulu interroger, finalement.
04:44Parce qu'aujourd'hui, c'est une réalité.
04:46C'est-à-dire qu'on a dans ces structures-là
04:48des cadences infernales.
04:49C'est un autre terme qu'on a entendu.
04:50Et ça a des conséquences sur la prise en charge des mamans.
04:54Si on compare, vous parliez tout à l'heure,
04:55des pays européens, en Suède,
04:57il faut savoir que, par exemple,
04:58une sage-femme s'occupe d'une femme à la fois.
05:01Chez nous, il peut y avoir une sage-femme
05:02qui s'occupe de 4, 5, 6, parfois 7 mamans en même temps.
05:05On imagine bien les conditions
05:06à la fois de travail pour cette sage-femme,
05:08mais aussi les conditions d'accompagnement
05:10pour cette maman.
05:11On arrive à savoir quelles sont les régions
05:12les plus touchées par la mortalité infantile
05:15aujourd'hui en France ?
05:16Oui, oui, bien sûr.
05:17Alors, on note d'abord un fort taux
05:20dans les zones rurales.
05:22Par exemple, on prend l'exemple
05:23dans le livre du Lot.
05:24Plus de 6 pour 1 000, c'est démentiel.
05:28Là aussi, on voit que le Lot a perdu
05:303 de ses 4 maternités.
05:32Le taux des femmes habitant
05:34en plus de 45 minutes est passé
05:35de 6 à 24 % en 15 ans.
05:38Il y a aussi des territoires
05:39comme la Seine-Saint-Denis.
05:41Alors là, c'est une autre problématique.
05:42C'est beaucoup plus la précarité
05:43et, en plus, l'effondrement de la prévention
05:46des centres de protection maternelle et infantile
05:48qui sont censés, justement, apporter un soutien
05:51au public les plus fragiles.
05:53Et enfin, il y a tous les territoires
05:55d'outre-mer avec, là, des taux qui explosent,
05:58qui dépassent parfois les 7, 8 pour 1 000.
06:01Et là, on voit un ensemble d'éléments.
06:05C'est, d'une certaine façon,
06:05un cocktail explosif.
06:06Autant les difficultés d'établissement
06:08que la précarité.
06:09On a quand même des maternités privées.
06:11Quel est leur rôle dans tout ça ?
06:12Alors, on voit que les maternités privées,
06:14en fait, aujourd'hui, on interroge justement
06:15dans notre enquête le rôle des groupes privés
06:17parce que ce qu'on a constaté,
06:18c'est que les petites maternités qui ferment
06:20aujourd'hui sont massivement privées.
06:22Et on pose la question dans le livre, pourquoi ?
06:24Parce qu'en fait, on s'est rendu compte
06:25que du fait de la tarification à l'activité,
06:27qui fait qu'aujourd'hui, chaque acte médical
06:29est rémunéré par un tarif déterminé
06:32par la Sécurité sociale,
06:33eh bien, en fait, on s'aperçoit
06:34que les groupes privés ne vont pas vers
06:36l'obsétrique, ne vont pas vers la périnatalité
06:38parce que ces actes sont extrêmement mal rémunérés.
06:40Pour donner un exemple qu'on cite dans le livre,
06:42c'est celui de la prothèse de hanche.
06:44Aujourd'hui, une prothèse de hanche
06:46s'est rémunérée 6 000 euros
06:47alors que le patient arrive en ambulatoire,
06:49il rentre le matin, il se fait opérer,
06:51il est chez lui le soir.
06:52C'est un soin programmé, il y a très peu de risques.
06:54L'obsétrique, un accouchement, par définition,
06:56on a deux personnes à prendre en charge,
06:57on ne sait pas pour combien de temps,
06:58ni combien de temps va durer l'accouchement,
07:00ni combien de temps la maman et son bébé
07:01vont rester à l'hôpital,
07:02eh bien, ça, c'est rémunéré 2 000 euros.
07:04Oui, donc, c'est tout bénef pour la prothèse de hanche, quoi.
07:08Comment arrive-t-on à...
07:09Pareil, là, c'est un chiffre,
07:10ça nous a vraiment surpris,
07:12avec Yves, 2 800 bébés morts en France en 2024.
07:17C'est tout simplement démentiel.
07:20C'est vrai qu'on n'a jamais connu un taux pareil
07:22dans notre histoire contemporaine.
07:24Nous, avec ce livre-là, au-delà du chiffre,
07:26on a voulu aussi aller se tourner vers les profits,
07:27c'est-à-dire parler aux parents directement
07:30parce qu'au-delà de ce chiffre-là,
07:32on a aussi constaté qu'il y avait une inégalité
07:34devant le deuil.
07:36Le deuil périnatal, d'abord,
07:37n'est pas assez reconnu en France.
07:39Il n'y a pas vraiment de structure,
07:41ou très peu.
07:42Les associations essaient de fonctionner
07:43tant bien que mal.
07:44Et le problème, c'est que selon où on vit,
07:46on n'est pas aidé de la même façon.
07:49Donc, il y a ce chiffre-là,
07:51ce cataclysme,
07:52et en face, face au drame,
07:53une inégalité absolue.
07:54Merci infiniment, Sébastien Lourquin
07:56et Anthony Cortès.
07:56Votre livre, 4,1,
07:59le scandale des accouchements en France,
08:00est donc publié chez Bûcher Chastel.
08:02Merci beaucoup.
08:03Dans un instant,
08:04l'idée week-end de Direction Boulogne-sur-Mer
08:05pour la 18e édition de la Guinée.
08:07C'est dans un instant,
08:08on va parler poissons et légumes.

Recommandations