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  • 15/05/2025
Du 13 juillet 1944 au 9 mai 1945, l’Allemagne nazie, pourtant en déroute stratégique, a continué de résister avec acharnement, provoquant l’un des prolongements les plus meurtriers du conflit. Pourquoi la guerre ne s’est-elle pas arrêtée plus tôt ? Qu’est-ce qui a permis à Hitler de tenir jusqu’au bout, malgré l’effondrement militaire et moral du régime ? Quels choix ont été faits, des deux côtés, qui ont façonné la fin de la guerre… et l’ordre du monde d’après ? Pour répondre à ces questions, Passé-Présent reçoit Éric Branca, journaliste, historien, et auteur du livre "300 jours – 13 juillet 1944 – 9 mai 1945, 10 mois pour en finir avec Hitler" publié aux éditions Perrin.

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Transcription
00:00Générique
00:01Générique
00:02Bonjour à tous, aujourd'hui nous allons nous pencher sur les dix derniers mois du troisième Reich.
00:26Dix mois où, alors que tout semblait jouer, la guerre s'est prolongée.
00:30Du 13 juillet 1944 au 9 mai 1945, l'Einmann nazi, pourtant en déroute stratégique,
00:36a continué de résister avec acharnement, provoquant l'un des prolongements les plus meurtriers du conflit.
00:42Pourquoi la guerre ne s'est-elle pas arrêtée plus tôt ?
00:45Qu'est-ce qui a permis à Hitler de tenir jusqu'au bout, malgré l'effondrement militaire et moral du régime ?
00:50Quels choix ont été faits des deux côtés qui ont façonné la fin de la guerre et l'ordre du monde après ?
00:56Pour répondre à ces questions, je reçois Eric Branca, journaliste, historien et auteur d'un ouvrage passionnant,
01:02300 jours, 13 juillet 1944, 9 mai 1945, publié aux éditions Perrin.
01:09Eric Branca, bonjour.
01:11Bonjour.
01:11Merci d'avoir répondu à notre invitation.
01:13Alors, vous êtes journaliste, historien, spécialisé en histoire contemporaine.
01:18Vous avez dirigé la rédaction de Valeurs Actuelles, collaboré à de nombreux documentaires
01:22et surtout publié une vingtaine d'ouvrages, parmi eux « 3000 ans d'idées politiques » parus en 2015 chez Chronique Édition,
01:30« L'Ami américain », « Le roman des damnés », « De Gaulle et les grands », « La république des imposteurs »
01:36ou encore « L'aigle et le léopard » consacrés aux relations troubles entre Londres et Berlin avant 1939.
01:43Tous ces lieux sont parus aux éditions Perrin, ainsi que le dernier en date que je citais,
01:47300 jours, 13 juillet 1944, 9 mai 1945, dix mois pour en finir avec Hitler.
01:54Donc, il revient sur ces dix derniers mois du troisième Reich, une période où, contre toute attente,
01:58la guerre aurait pu, mais ne s'est pas arrêtée, un sursaut parfois absurde qui a prolongé l'agonie du régime nazi
02:05et coûté quelques millions de vies.
02:07Alors, ce sont ces 300 jours de trop que nous allons découvrir avec vous aujourd'hui.
02:11Première question, pourquoi 300 jours ? Pourquoi avoir choisi cet intervalle précis,
02:15le 13 juillet 1944 ? Pourquoi ne pas partir du 6 juin 1944, comme tout le monde ?
02:19Parce que le 13 juillet 1944, existe un document absolument étonnant
02:25qui faisait partie des archives publiées depuis des années, mais que personne n'avait vues,
02:32qui est un ordre du jour d'Hitler, daté donc du 13 juillet 1944,
02:36où il prévoit les mesures à prendre en cas d'invasion du Reich par des forces étrangères.
02:43Or, il faut rappeler que la situation, le 13 juillet 1944, est certes critique,
02:48mais elle n'est pas désespérée.
02:49Les Américains piétinent en Normandie, dans le bocage normand,
02:53les Russes ont fait leur formidable opération,
02:56pas Gratian, qu'ils ont lancée en juin, mais ils s'arrêtent devant Varsovie,
03:00ils sont épuisés, ils ont perdu des centaines de milliers de soldats,
03:04ils sont épuisés, et donc la situation est certes critique,
03:07mais le Reich n'est pas encore menacé.
03:09Mais ça, c'est l'un des deux aspects de la personnalité d'Hitler,
03:14le fanatisme, la folie meurtrière qu'on connaît,
03:17et puis une conscience aiguë des rapports de force.
03:20Et souvent, cette espèce de schizophrénie,
03:22elle est présente dans tous les tournants de la Seconde Guerre mondiale.
03:25Vous avez un Hitler qui veut aller au bout contre toute attente,
03:28contre toute logique, et puis un Hitler qui sait manœuvrer,
03:32non seulement les gens, mais les armées.
03:34– Alors ce qui est intéressant dans ce livre, c'est que ce n'est pas un récit totalement linéaire,
03:39je dirais que c'est plutôt une fraise,
03:40et vous faites des focus sur les militaires, sur les politiques,
03:43sur les populations civiles que vous n'oubliez pas.
03:45Alors, quelle méthode avez-vous suivi pour agencer ce kéidoscope d'événements et de figures ?
03:51– Si vous voulez, je suis allé aux sources primaires,
03:54qui sont des documents, évidemment, qui sont déclassifiés maintenant depuis assez longtemps,
03:59mais ils sont déclassifiés, par exemple, les documents diplomatiques américains,
04:03les documents diplomatiques français, c'est une telle masse de choses
04:06qu'il y a encore beaucoup de choses à découvrir.
04:08Et puis, ce qu'on oublie souvent, et ce qui m'avait servi pour écrire le précédent livre
04:12dont vous avez parlé sur les rapports entre l'Angleterre et le Troisième Reich,
04:16ce sont les mémoires des acteurs.
04:19Beaucoup ont été traduites, beaucoup ne l'ont pas été,
04:22et certaines ont été traduites et sont oubliées.
04:24Et donc, il faut toujours se replonger dans les mémoires,
04:28les correspondances de l'époque, en plus des documents diplomatiques.
04:31– Alors, vous dites que ce livre met en scène le sursaut d'un rage à l'agonie.
04:35Alors, pourquoi ce paradoxe ? Est-ce que c'est négligé dans l'historiographie moderne ?
04:41– Ce qui est négligé, c'est les grandes articulations de cette chute.
04:47On a l'impression, quand on lit, quand on fait un récit linéaire,
04:51qu'à partir du débarquement, tout est joué définitivement.
04:55Or, ce n'est pas le cas.
04:55Il y a des articulations très nettes.
04:57La première, c'est effectivement, après le piétinement en Normandie
05:01des alliés dont je parlais, la percée d'Avranche,
05:04qui devient une véritable promenade militaire,
05:06à la fois jusqu'à Paris et jusqu'à Bruxelles.
05:08Ensuite, arrêt net aux Pays-Bas,
05:13lorsque Montgomery lance son offensive sur Arnhem,
05:17qui est une catastrophe non seulement militaire,
05:20mais également humanitaire, parce qu'elle provoque
05:21la dernière grande famille d'Europe.
05:24Ensuite, la diffusion du plan Morgentau,
05:28dont on reparlera peut-être,
05:30qui prévoyait de faire de l'Allemagne
05:32une zone totalement exempte de toute économie,
05:36de toute industrie, etc.,
05:37qui va rassembler les Allemands autour d'Hitler
05:41parce qu'ils ont peur de la famine.
05:43Puis ensuite, après l'échec de l'offensive des Ardennes,
05:47les frontières qui vont s'ouvrir aux Américains,
05:50parce que de l'autre côté,
05:52les Russes sont entrés un peu sur l'Orientale,
05:54sont entrés dans les provinces orientales de l'Allemagne
05:57et se conduisent, comme l'on sait,
05:59avec des centaines de milliers de viols,
06:02de massacres de populations, etc.
06:03Et la peur des rouges va succéder à la peur de la famine.
06:06Et toutes ces phases, il fallait les mettre en lumière.
06:10– Alors, j'ai ma réponse sur le 13 juillet.
06:12Vous l'avez expliqué, donc, cette fameuse directive secrète.
06:16Mais alors, en même temps,
06:17Hitler refuse à Rommel
06:19le repli stratégique sur les frontières du Reich.
06:22– Absolument, c'est le côté schizophrénique dont je parlais.
06:28Rommel commet l'erreur de proposer à Hitler,
06:31Rommel qui bénéficie de la confiance d'Hitler.
06:34On a beaucoup dit de bêtises sur Rommel.
06:37Il a été un général nazi,
06:40et plus que nazi, hitlérien.
06:42Peut-être plus hitlérien que nazi, d'ailleurs.
06:44Il a vu une admiration sans borne pour Hitler,
06:46et Hitler l'a lui rendé.
06:47Mais il fait une erreur absolument énorme.
06:50Il lui dit, maintenant, il faut se replier sur la Seine
06:53et se maintenir sur les frontières du Reich à l'Ouest.
06:57Et Hitler prend ça pour une trahison.
07:01Et donc, voilà, c'est le côté.
07:03Trois jours après avoir eu conscience
07:06du caractère critique de la situation,
07:08Hitler se reprend et dit,
07:09mais de quel droit est-ce que vous me dites
07:10qu'il faut battre en retraite ?
07:11On ne battra jamais en retraite.
07:13– Alors là, vous venez de nous parler
07:14de l'état psychologique d'Hitler assez rapidement.
07:16D'ailleurs, vous attardez pas mal sur la psychologie,
07:19l'état de santé des chefs politiques,
07:22la psychologie des chefs militaires également.
07:25Vous employez le terme, alors il n'est pas de vous,
07:26mais c'est malade qui nous gouverne.
07:29Alors, est-ce qu'on peut faire un petit tour d'horizon
07:30des principaux protagonistes de ces trois derniers jours ?
07:36– Bien sûr. L'état de santé d'Hitler, on le connaît.
07:38– On ne va pas s'attarder.
07:39– Hitler, il s'est effondré à partir de 1943,
07:41après Stalingrad, il est sous médicaments en permanence,
07:44il est entre les mains d'un médicastre du nom de Morel,
07:49dont on a d'ailleurs soupçonné de l'empoisonner,
07:51ce n'est sûrement pas le cas,
07:52mais Himmler voulait faire une enquête sur lui
07:54parce qu'il était consterné par la dégradation
07:57de l'état physique de Hitler.
07:59Mais ça, Hitler, c'est connu.
08:01Bon, maladie de Parkinson, bon, il prend de la pervitine,
08:05bon, ça c'est connu.
08:06En revanche, on oublie de rappeler que Roosevelt est un grand malade,
08:10très grand malade, qui dépasse souvent les vins de tension,
08:14et que la quatrième campagne présidentielle qu'il mène
08:18en octobre-novembre 1944, l'épuise littéralement.
08:24Et c'est un homme, mais fini, qui a quelques,
08:26je ne dirais pas des heures de lucidité, car il est lucide,
08:30mais de quelques heures de dynamisme par jour.
08:32C'est un grand malade.
08:33Quand il arrive à Yalta, en février 1944,
08:36Churchill est alcoolique, un alcoolisme connu, revendiqué,
08:40il tient très bien le coup,
08:42mais c'est quelqu'un qui a des sautes d'humeur,
08:45des fantasmes contradictoires, notamment stratégiques.
08:50Bipolaire, on dirait, aujourd'hui.
08:51C'est ce qu'on dirait, absolument.
08:52Lui, il parlait de son chien noir, pour définir sa mélancolie.
08:57Et il passe d'un extrême à l'autre.
08:58Il est bipolaire, on peut le dire.
09:00Alcoolique bipolaire.
09:02Staline ne va pas mieux.
09:04Staline boit aussi énormément du vin de Crimée.
09:07Il fume considérablement.
09:10La pipe dès le matin, le cigare après,
09:12la cigarette dans la journée.
09:13Il ne fait pas d'exercice.
09:14Il est attaqué par la stériosclérose.
09:17Et c'est également un grand malade.
09:19Celui qui est à peu près le plus en forme, c'est de Gaulle,
09:21qui a 54 ans à l'époque.
09:23Mais de Gaulle n'est pas le plus important des quatre grands.
09:26Donc voilà, il y a trois grands malades.
09:28Et puis, il y a les chefs militaires.
09:29– Sur ces trois grands malades,
09:32finalement, lequel tient la dragée haute aux autres ?
09:34Parce qu'il y en a un qui est moins malade que les autres
09:36ou ils se manipulent tous ?
09:37– Ah, c'est incontestablement Staline.
09:39Ensuite, Churchill.
09:40Il y a d'ailleurs un duo Staline-Churchille
09:43contre Roosevelt à l'automne de 1944,
09:48justement pendant que Roosevelt est occupé
09:51par sa campagne présidentielle.
09:54Et là, oui, ces deux-là, ils savent manœuvrer.
09:58Incontestablement.
09:58– Alors les chefs militaires, je vous ai interrompu.
10:00– Alors les chefs militaires, c'est différent.
10:03Du côté alliés, on se tire la bourre, littéralement.
10:05On se bouscule pour avancer avec un choc frontal
10:09entre Eisenhower, qui est un personnage méconnu,
10:13qu'on présente souvent comme un boy scout,
10:15mais qui est un formidable organisateur.
10:19C'est un directeur des ressources humaines
10:21parce qu'il est obligé de tenir compte
10:23de susceptibilités très compliquées.
10:25Par exemple, il a deux personnages absolument antagonistes.
10:29Montgomery, qui est son numéro deux en théorie,
10:33mais qui lui tient la dragée haute,
10:34qui est d'une insolence incroyable avec lui,
10:36qui a été fait par, sur fil, duc de l'Allemagne,
10:41en souvenir de la victoire de l'Allemagne,
10:43qui est d'ailleurs une victoire sur laquelle on pourrait revenir.
10:46Mais en fait, Montgomery était très fier d'avoir vaincu Rommel.
10:50Il avait d'ailleurs son portrait dans son bureau.
10:52Mais il a vaincu ce qui n'était plus qu'un croupion d'Africa Corpse à l'époque.
10:57Mais il est quand même le numéro deux.
10:59Et lui a une obsession, c'est d'arriver à Berlin avant les Russes.
11:03Et puis l'autre personnage, très compliqué,
11:05c'est Patton, qui est un génie stratégique, incontestablement.
11:12Personnage très haut en couleur, d'une, je ne dirais pas d'une vulgarité,
11:15mais d'une grossièreté, c'est son of bitch à peu près à tous les mots,
11:18à toutes les phrases.
11:20Et en même temps, un personnage très cultivé,
11:21qui connaît l'histoire ancienne,
11:23qui lit le grec et le latin dans le texte.
11:26Grand sportif, qui a gagné le pentathlon moderne en 1912
11:30aux Jeux Olympiques de Paris.
11:32Bref, c'est un personnage très haut en couleur,
11:34à la fois très vulgaire et très cultivé,
11:36et qui a des éclairs de génie.
11:37Et on le verra notamment au moment de l'offensive des Ardennes,
11:40où il mène une opération unique en son genre.
11:45Alors voilà.
11:46Et puis du côté allemand, ils sont tous terrorisés par Hitler,
11:49surtout après l'attentat du 20 juillet,
11:52qui aboutit à, si l'on ose dire, une nazification,
11:55comme si on pouvait encore plus nazifier l'État hitlérien.
11:57– On rentre vraiment dans l'État SS.
11:59– C'est l'État SS, absolument,
12:01avec un personnage qui ressort, vraiment de tous les autres,
12:07parce qu'il est à la fois très habile, très intelligent,
12:10très courageux face à Hitler.
12:12C'est Heinz Guderian, le père de la guerre éclaire,
12:16avec Manstein, et avec Hitler, ça fait des étincelles.
12:20– Oui, vous racontez, l'auditoire est stupéfait de l'audace de Guderian.
12:24– Absolument.
12:25Et d'ailleurs, à un moment donné,
12:27l'État-major d'Hitler, ses gardes du camp,
12:30le retiennent parce qu'il va gifler Guderian.
12:33Ça, c'est en janvier 1945, parce que Guderian lui dit,
12:36voilà ce qui va se passer, il faut tout mettre sur le front de l'Est.
12:39Maintenant, il faut arrêter à l'Ouest, il faut tout mettre sur le front de l'Est.
12:41Ils vont fondre sur nous avec 2 millions d'hommes.
12:43Et Hitler lui dit, 2 millions d'hommes,
12:44mais vous êtes fous, allez vous faire soigner.
12:47Et l'autre lui répond, je ne suis pas malade.
12:50Ce qui veut dire, s'il y a un malade dans la pièce, ce n'est pas moi.
12:52– Alors justement, on va parler des atouts du Reich
12:56pendant ces 10 derniers mois.
12:59Vous dites qu'ils ont une...
13:01Vous évoquez une supériorité technique.
13:03– Incontestable.
13:04– Et des chiffres de production d'ailleurs assez étonnants
13:08pour une industrie de guerre qui vit littéralement sous les bombes.
13:13Et surtout, on a vraiment appris quelque chose,
13:16c'est qu'on apprend que l'Allemagne aurait réalisé des essais nucléaires.
13:20– Deux ?
13:21– Deux essais nucléaires.
13:22Alors on va parler déjà de la supériorité technique
13:24et des chiffres de production, puis après vous nous parlerez de ces fameuses bombes.
13:27– Alors la supériorité technique, c'est à la fois les chars et les avions.
13:32Et d'un point de vue...
13:34Alors quand je parle de supériorité technique,
13:36ce n'est pas une supériorité numérique.
13:37– Non, non, techniquement, on s'entend.
13:38– Mais les chars TIC sont les meilleurs,
13:40notamment le Tigre 2, le Tigre Royal,
13:42est un char qui est quasiment indestructible, or par l'aviation.
13:46Et puis l'aviation en réaction, qui est la première du monde,
13:49la première opérationnelle, notamment le fameux
13:51Mister Schmitt 262 réaction, qui n'est pas le seul.
13:55Et puis il faut aussi parler des V2.
13:57Le V1, c'est une bombe guidée, qui a un effet psychologique,
14:01mais qui n'a aucune avance, sauf que c'est la première.
14:04Mais la vraie innovation, c'est le V2,
14:07qui monte à...
14:08– Un vrai missile balistique.
14:09– Premier missile balistique de l'histoire,
14:12qui est inarrêtable parce qu'il voyage dans la stratosphère
14:15et il dépasse les 6000 km heure.
14:18Et quand il tombe, et comme il va plus vite que la lumière,
14:21on ne l'entend pas.
14:22Donc c'est une arme technologiquement qui a 30 ans d'avance,
14:2620 ans d'avance, et en plus, c'est une arme psychologique.
14:29Parce qu'on ne sait pas quand il va frapper.
14:30Alors que le V1, on l'entend devenir.
14:32– Et concernant le Messerschmitt 262, il est mal employé finalement.
14:36– Hitler, à la fin, l'a employé comme chasseur bombardier,
14:39ce qui était une bêtise, parce qu'il pouvait,
14:41comme il était très puissant, il pouvait porter une bombe d'une tonne,
14:43mais il était surtout bon pour attaquer les blocs de bombardiers alliés.
14:48Et d'ailleurs, les rares fois où il l'a fait,
14:50les blocs se sont mal portés.
14:51– Et avec les premières roquettes d'ailleurs.
14:53– Absolument.
14:54– Qui étaient philo-guidées, avec des filles de 3 km dedans.
14:57– Et donc ils arrivaient quand même à produire,
14:59c'est-à-dire qu'on a une industrie qui fonctionne comment ?
15:00– Oui, ça c'est Schperr, c'est le génie opérationnel de Schperr,
15:03qui s'en est d'ailleurs vanté au procès de Nuremberg.
15:05Et c'est d'ailleurs grâce à Schperr qu'on connaît tous ces chiffres,
15:08qui ont été confirmés après.
15:09Mais comme Schperr voulait se faire réemployer par les alliés,
15:14il s'est présenté à juste titre comme l'homme
15:16qui a maintenu à flot la production allemande,
15:18et notamment grâce à l'organisation TAUDE,
15:20dont il a pris la tête à partir de 1942,
15:23et parvenu à littéralement enterrer les usines de production.
15:27De sorte que tous les bombardements stratégiques américains
15:30ont surtout tué des civils, ont évidemment démoli des usines,
15:35mais l'essentiel de la production continuait sous terre.
15:37– Donc c'est-à-dire que les civils qui travaillaient vivaient également sous terre.
15:40– Exactement, exactement.
15:41– Et donc voilà, maintenant on va en venir à ces fameuses bombes atomiques.
15:46Qui dirige le programme atomique ?
15:48– Alors il est dirigé à la fois, alors c'est très drôle,
15:52pour des raisons de confidentialité, pour ne pas alerter les alliés,
15:56c'est le ministère des Postes du Reich.
15:58– D'accord.
15:58– Comme ça, personne ne s'en doute.
16:01Et puis il y a Schperr d'une part,
16:02et surtout un SS qui s'appelle Hans Kammler,
16:05qui a d'ailleurs disparu après la guerre,
16:07et qui a été le maître d'œuvre des deux essais.
16:10Alors il y a eu deux essais,
16:12qui en fait sont des essais qui étaient nécessairement tactiques,
16:16puisque les Allemands n'avaient très peu d'uranium,
16:19ils avaient quelques kilos d'uranium.
16:21Donc ils ont mis au point une première bombe tactique,
16:24qui a explosé, on ne disait pas encore tactique à l'époque,
16:27une petite bombe.
16:27– Donc un faible rayon d'action.
16:28– On appelait ça, les Allemands appelaient ça la bombe à désintégration.
16:31– Le premier essai a eu lieu à Rügen, en mer Baltique.
16:37Et le deuxième essai, qui est beaucoup plus dramatique,
16:39parce qu'il a tué des malheureux du camp de concentration d'Ordrouf,
16:43a eu lieu en Thuringe, à Ordrouf, en fin février, début mars,
16:46on n'est pas sûr de la date, 28 février ou 1er mars 1945.
16:50Le premier essai est très bien documenté,
16:53car un envoyé spécial de Mussolini,
16:57qui s'appelait Romersa,
16:58qui était un journaliste qui avait la confiance de Mussolini,
17:01a insisté à cet essai.
17:03Parce que depuis des mois,
17:05Hitler bassinait Mussolini sur le thème,
17:07mais nous allons gagner, nous avons des armes,
17:08cette fameuse bombe à désintégration, etc.
17:10Et Mussolini ne le croyait pas.
17:12Et Hitler lui a dit, envoyez quelqu'un de confiance et il va voir.
17:16Et il a été envoyé à Rügen,
17:19il a assisté à un test.
17:21Bon, il l'a raconté après la guerre, on ne l'a jamais cru.
17:23Or, Brouf, on ne l'a jamais cru non plus.
17:25Sauf que des journalistes allemands,
17:27un journaliste allemand de la chaîne ARD
17:30et un professeur de l'Université de Berlin
17:31qui s'appelle Rainer Klarch
17:32et qui a fait sa thèse d'État
17:34sur les recherches nucléaires allemandes,
17:37se sont mis à creuser le sujet
17:39et ont terminé par faire des relevés radiologiques
17:42sur les deux sites.
17:43Et les compteurs Gégère se sont affolés,
17:45on a évidemment vu que c'était vrai.
17:47Alors pourquoi est-ce que ça a été nié ?
17:48Pour plein de raisons.
17:49Ça a été nié par les Américains
17:50parce qu'ils ont récupéré un grand nombre de ces techniciens
17:53et qu'ils n'avaient pas envie.
17:54Et que, dans le cadre de l'opération Paperplique,
17:57ils avaient également récupéré des gens
17:59qui s'étaient rendus coupables
18:00de recherches médicales absolument épouvantables
18:02sur les virus, etc.
18:05Et ils n'avaient pas envie de s'en vanter.
18:06La deuxième raison, c'est qu'ils voulaient être les premiers
18:08à avoir utilisé l'arme.
18:10Alors ils étaient effectivement les premiers
18:12puisqu'il y avait plus d'uranium
18:13et qu'ils ont fait Hiroshima,
18:15mais la recherche était équivalente.
18:17Et ça explique d'ailleurs
18:18que c'était l'obsession des alliés
18:21qui étaient très bien renseignées
18:22d'arriver à Berlin,
18:23enfin d'arriver en Allemagne en tout cas
18:25le plus vite possible,
18:26quitte à contourner Paris en août 1944
18:29parce qu'ils savaient qu'il y avait des recherches
18:31qui se sont faits.
18:32– Alors on va redescendre sur le théâtre des opérations
18:35et après le débarquement,
18:38donc l'enthousiasme retombe rapidement
18:40après le 6 juin
18:41parce que vous décrivez le Cotentin
18:43comme un piège atroce.
18:45– Ah oui, un piège.
18:46– Et surtout, ce qui est très peu dit,
18:50c'est l'effet délétère sur le moral des troupes.
18:53– Oui, on avait promis au GI
18:57que finalement en Normandie,
19:00ils tomberaient sur un bocage
19:01à peu près équivalent au bocage anglais
19:03où ils s'étaient entraînés.
19:05Alors ce n'est pas la même chose.
19:06Ce n'est pas du tout la même chose.
19:08Le Cotentin, ce n'est pas le Whiteshire ni le Sussex.
19:11Et donc, ils se sont trouvés prêts au piège
19:13dans des chemins creux
19:14avec des blindés qui ne pouvaient pas faire marche arrière
19:16et des Allemands qui étaient installés depuis des années
19:18et qui avaient installé leurs chars et leurs canons de 88
19:21derrière les haies.
19:23– Les haies qui sont très larges.
19:25– Et donc, oui, c'est ça.
19:27Et donc, ça a été,
19:30il y a eu des cas de détresse psychologique.
19:33Les premières cellules psychologiques de l'histoire
19:35avec des psychiatres dédiés à soulager les malheureux
19:41qui tombaient en dépression.
19:43C'est à cette époque que c'est arrivé.
19:46Et il y a eu vraiment…
19:47Alors ça, c'est Anthony Bivore
19:50qui a beaucoup travaillé sur le débarquement
19:54et le premier, ce n'est pas du tout moi,
19:56c'est Anthony Bivore qui a été le premier à étudier ça
19:59et il raconte des choses absolument incroyables
20:02sur la détresse des soldats américains
20:05dont certains, comme ils n'avaient pas de rapport avec leurs gradés,
20:09étaient abandonnés, livraient à eux-mêmes
20:11et pensaient que le débarquement avait raté
20:13et qu'ils étaient abandonnés en terre ennemie
20:15et qu'ils allaient être exterminés.
20:17Donc, ça a été plusieurs dizaines de milliers de soldats
20:20qui sont devenus fous, passagèrement ou définitivement,
20:24et d'autres qui sont suicidés, suicidés.
20:28– Alors, on l'a dit tout à l'heure,
20:31il y a la, comment dire, la passée de la poche de Falaise,
20:34la passée de la branche,
20:36on va vers Paris assez rapidement,
20:37on prend une note de santé comme vous le disiez,
20:39est-ce qu'il y a eu un excès d'optimisme trompeur chez les Alliés ?
20:43– À ce moment-là, oui, et c'est là où Montgomery
20:47et Eisenhower font un pari,
20:51Eisenhower qui pour une fois est optimiste
20:53et qui dit « la guerre serait finie à Noël »
20:57et Montgomery lui dit « sûrement pas »
20:58parce que les Allemands ont encore des forces.
21:01Mais le paradoxe…
21:01– Vous dites qu'il parie 5 dollars d'ailleurs.
21:03– 5 livres, c'est un link.
21:06Absolument.
21:07Et le paradoxe, c'est que si la guerre n'est pas finie à Noël,
21:10c'est en partie à cause de Montgomery
21:11qui se jette dans la fameuse opération d'Arnhem
21:16pour passer le Rhin le 1er.
21:20Alors l'idée stratégique n'est pas du tout stupide,
21:23c'est d'étouffer le poumon économique de l'Allemagne
21:25qui est la Roux et donc en passant le Rhin très au nord,
21:29on enveloppe la Roux et voilà,
21:32il n'y a plus de production d'armement.
21:33Le problème, c'est que la résistance belge
21:35et surtout néerlandaise prévient Montgomery
21:38en disant « attention, il y a des forces SS extrêmement importantes,
21:41très bien armées, équipées de chars Tigre 2 justement.
21:44Vous ne passerez pas comme ça. »
21:47Et il s'en fiche.
21:48Il dit « on y va. »
21:49On y va parce que son idée sous-jacente,
21:52c'est d'arriver à Berlin avant les Russes
21:54et sauver l'honneur de la Grande-Bretagne
21:56qui est un peu dans une position en sillaire
21:59par rapport aux Américains.
22:00Ils doivent tous Américains
22:01et donc s'ils pouvaient arriver à Berlin avant,
22:03ça serait bien.
22:04Ben, manque de chance, non, ils sont bloqués.
22:07Les Allemands encerclent les Britanniques
22:10qui ont été parachutés justement un pont trop loin.
22:14Ils se rendent, beaucoup sont tués,
22:16beaucoup se rendent.
22:17Mais Arnhem, c'est aussi un bilan humain terrifiant.
22:20– Du côté des civils.
22:21– Voilà, il y a eu 30 000 civils
22:23qui sont morts de faim à ce moment-là.
22:24Parce que pour se venger de l'aide apportée
22:26par les néerlandais aux Britanniques,
22:30les Allemands ont décrété un embargo alimentaire.
22:32Et ça a été la dernière grande famille d'Europe.
22:35– Alors, nous allons passer très vite
22:37sur la bataille des Ardennes.
22:38– Vous l'avez développé largement dans votre livre,
22:40mais nous avons déjà reçu Philippe Guimaud
22:42pour en parler il y a quelques semaines.
22:47Donc, l'homme de la bataille des Ardennes,
22:49c'est Paton, principalement.
22:51– Bon, on a parlé en début d'émission.
22:54Donc, vous dites qu'il a quand même…
22:55– C'est grâce à lui que les Américains se sont repris.
22:58– Ah oui, oui, quand il arrive…
22:59Donc, l'offensive allemande, c'est le 16 décembre.
23:02Elle sème la panique dans les lignes alliées.
23:08Les communications sont stoppées.
23:10Et donc, Eisenhower apprend ça très tard, vers midi.
23:14Il convoque tous ses chefs d'État-majeur.
23:16Il convoque Paton.
23:16Et lui dit qu'il va falloir retirer les troupes
23:18qui foncent vers les Vosges.
23:19Et puis, faire un mouvement de rotation vers le nord.
23:23et puis, arriver tout de suite en Belgique, sur les Ardennes,
23:26parce que la situation est dramatique.
23:28Il se voyait déjà repousser jusqu'à Anvers, jusqu'à la mer.
23:31– C'est ce qui était le but.
23:31– Et Paton le regarde et lui dit, c'est déjà fait.
23:36Et Eisenhower ne le croit pas.
23:37Il dit, mais arrête de dire une connerie, lui dit-il.
23:41Stop your bullshit.
23:43Et il lui dit, non, c'est fait.
23:44Et c'était fait, effectivement,
23:45car dès que l'offensive a été connue,
23:48Paton a compris qu'elle visait Anvers,
23:50sport d'Anvers,
23:51où tout le carburant arrivait.
23:54Enfin, c'était absolument stratégique.
23:56Et sans attendre l'ordre d'Eisenhower,
23:58il a fait faire une rotation de 90 degrés à ses troupes.
24:02Et c'est encore étudié en toutes les écoles militaires du monde.
24:05– Donc, cette bataille des Ardennes,
24:07cette opération des Ardennes,
24:09c'est le dernier coup de griffe de la bête ?
24:10– C'est le dernier coup de dé, on l'a dit.
24:12C'est pour moi qu'il le dit.
24:13C'est le dernier coup de dé d'Hitler.
24:15Je pense qu'il était spectaculaire,
24:17mais il n'aurait pas pu fonctionner.
24:20L'idée d'Hitler, c'était de forcer les anglo-saxons
24:26à demander une paix séparée,
24:27ou en tout cas à cesser le feu.
24:29Il était persuadé qu'en les terrorisant,
24:30une dernière fois,
24:32ils pourraient arriver à ça.
24:35Ce n'était pas suffisant pour les terroriser.
24:36– Est-ce qu'il voulait vraiment empêcher les Russes
24:39d'arriver en premier à Berlin ?
24:41Est-ce qu'il savait ce qui s'était passé ?
24:44– Lui, il pensait que s'il y avait une paix séparée
24:47à l'ouest, le gros des forces allemandes pouvait se retourner,
24:52puis il comptait sur la fameuse bombe atomique,
24:54la bombe à désintégration.
24:55Il n'a jamais employé le mot atomique,
24:58bombe à désintégration.
24:59Donc c'était ça le calcul.
25:01– Voilà, on n'en sait pas plus,
25:04parce que ce sont des témoins qui l'ont rapporté,
25:06mais avec Hitler, vous savez, ce qui est très compliqué,
25:08c'est qu'il n'y a que des témoins,
25:10car il n'a jamais rien écrit.
25:12Vous avez des chefs politiques,
25:14moins importants que lui,
25:15qui écrivent beaucoup,
25:16lui n'a jamais écrit trois lignes.
25:18Donc c'est difficile, à part Mein Kampf et encore.
25:22– Alors justement, on parlait de l'entrée à Berlin.
25:24Comment les décisions prises à Yalta
25:26ont-elles orientées la fin du conflit ?
25:28C'est ce qu'on dit souvent,
25:30que Roosevelt a fait un cadeau à Staline,
25:32le cadeau de Berlin à Staline.
25:33– Alors oui, à ça on peut le dire,
25:36mais ce n'est pas à Yalta que ça s'est passé,
25:37c'est en mars 1945.
25:41Alors là, en mars, il n'est vraiment pas bien du tout,
25:43physiquement, il est revenu en pitoyable état de Yalta.
25:50Et il y a une chose qui se passe à ce moment-là,
25:53dont on parle très peu,
25:54c'est que, sans même en parler sans doute à Hitler,
25:57le général Galland,
25:57qui est le chef de la chasse allemande à réaction,
26:02qui dirige la Jagdverband 44 de Mr. Schmidt 262,
26:07va de son propre chef se rendre aux alliés
26:10et il propose à Eisenhower de mettre tous ses avions,
26:14avec du carburant,
26:15qui en manque côté allemand,
26:17mais qui n'en manqueront pas s'ils passent du côté américain,
26:20du côté des alliés pour se retourner contre les soviétiques.
26:23Alors évidemment, Eisenhower dit non,
26:26mais Staline a des espions, et le sait.
26:29Et donc, il écrit un télégramme à Roosevelt,
26:31on lui dit, mais qu'est-ce que c'est ?
26:33Vous êtes en train de négocier avec les nazis,
26:36il n'en est pas question, etc.
26:38Et en fait, pour lui prouver sa bonne foi,
26:41Roosevelt demande à Eisenhower
26:43de donner clairement ses ordres de marche,
26:45et l'ordre de marche, c'est,
26:46les Américains s'arrêtent sur l'Elbe,
26:48et Berlin, et pour les Soviétiques.
26:50– Est-ce que Churchill est d'accord sur ce plan ?
26:52– Pas du tout, mais il se soumet.
26:55Chaque fois que Churchill n'est pas d'accord,
26:57il crie beaucoup, mais il se soumet,
26:58parce qu'il a besoin de l'aide financière des Américains.
27:02– Mais Churchill, lui, était plus conscient que Roosevelt
27:04du danger que pouvait représenter Staline et le communisme en général sur l'Europe de l'Est.
27:08– Absolument, puisqu'en 1943,
27:10lui n'était pas du tout pour un débarquement en Normandie,
27:13il était pour un débarquement dans les Balkans,
27:15ce qu'il appelait le votre mou de l'Europe,
27:16et il disait, là, on passera,
27:17parce que là, c'est quand même beaucoup moins fort,
27:19les Italiens sont en train de s'effondrer,
27:22les Allemands ont l'essentiel de leur force sur le front de l'Est,
27:27si on rentre là, on libère l'Europe de l'Est,
27:30et en même temps, on empêche les Soviétiques de s'y installer.
27:34Sauf que, les Américains ayant décidé l'inverse,
27:37donc on débarquait en Normandie,
27:40Churchill a un peu tout lâché à ce moment-là,
27:42et il a défendu une priorité très égoïste du point de vue britannique,
27:48mais qui peut se comprendre,
27:50puisque les Soviétiques vont avancer partout,
27:52on ne va pas s'y opposer, on ne va pas se battre contre eux,
27:54en revanche, il faut mettre le paquet et négocier au maximum
27:57pour qu'ils ne touchent pas à la Grèce.
28:00Et à Moscou, en septembre 1944,
28:04Churchill va convaincre Staline
28:06de ne pas toucher à la Grèce,
28:09et même d'arrêter l'aide au maquis communiste grec,
28:12parce que la Grèce, pour les Anglais,
28:14c'est une fenêtre sur la Méditerranée orientale,
28:16et donc c'est fondamental de la garder.
28:18Et ça va se décider, ça, à Moscou, en octobre 1944.
28:22C'est dire que, finalement, Yalta,
28:25ça enterrine un peu ce rapport de force
28:28qui est fixé quelques mois plus tôt.
28:30Mais c'est important pour Roosevelt,
28:31parce qu'il obtient quand même,
28:33ça, il a obtenu pas de haute lutte,
28:36ça s'est fait assez facilement,
28:37la promesse de Staline de rentrer en guerre contre le Japon.
28:40– Alors, justement, on va parler,
28:42tant que les hordes soviétiques déferlent sur l'Allemagne,
28:48on insiste quand même, pendant ces 300 derniers jours,
28:52à une résistance de la population,
28:55de l'armée allemande, assez étonnante,
28:58alors qu'objectivement, tout est perdu.
28:59Alors, est-ce que c'est une résistance
29:02que, finalement, la pression du pouvoir
29:04et la propagande ne peuvent pas…
29:05– Non, je crois que, réellement…
29:07– Qu'est-ce qui fait que la population se…
29:09– Évidemment, c'est un pays qui vit en dictature depuis 12 ans,
29:12mais je pense que là, il y a véritablement le sens que…
29:16la conscience que la ruée soviétique va tout emporter.
29:21Il y a ces viols à répétition qui se produisent
29:26à partir de l'entrée en Présion orientale.
29:28Alors, évidemment, c'est amplifié par la propagande du régime,
29:31mais la propagande du régime n'a pas tellement besoin
29:33de trop exagérer, parce que, voilà.
29:36Donc, ça, c'est…
29:38– Alors, vous décidez…
29:39– Un rédissement inattendu, mais très puissant.
29:41– Mais inattendu ?
29:43– Inattendu, personne ne s'y attendait à ce moment-là.
29:46Personne ne s'y attendait.
29:47Et, si vous voulez, il y a eu deux phases.
29:49Il y a eu d'abord, on a résisté aux Américains
29:51après qu'on ait connu le plan Morgan Tao,
29:54donc au mois de septembre 1944.
29:56Et puis, c'est la peur de la famine.
29:59Et ensuite, on a finalement préféré la famine aux Soviétiques.
30:04Et les Américains, quand ils entrent à partir de janvier 1944 en Allemagne,
30:10sont accueillis parfois avec des drapeaux blancs,
30:12mais aussi des drapeaux américains.
30:14Ça, Hitler ne l'a sans doute jamais su.
30:16Goebbels se savait, mais ne lui disait pas tout.
30:18Pour ne pas le mettre encore plus en colère,
30:21et surtout pour éviter qu'Hitler provoque une politique de la terre brûlée.
30:28Et ça, beaucoup de gens comme Sperre, notamment,
30:30ont résisté à ça parce que l'idée d'Hitler était de tout détruire.
30:33– Après, moi, le déluge.
30:34– Exactement.
30:35– D'ailleurs, vous avez des pages saisissantes
30:36sur la résistance en Prusse orientale.
30:40– Parce que c'est la première partie de l'Allemagne
30:41qui est au contact avec les Soviétiques.
30:43– Absolument.
30:43– Il y a aussi cette sensation d'isolement,
30:45ce petit fétil allemand.
30:49Comment ça s'est passé ?
30:50La population s'est enfuie ?
30:52– Alors, il y a eu deux choses.
30:53Il y a eu, d'abord, une levée en masse,
30:55la fameuse Volkssturm,
30:57où il y avait des enfants et des vieillards
30:59de plus de 65 ans,
31:01mais qui a fonctionné.
31:04Et puis, la population est partie,
31:07alors dans des conditions effrayantes,
31:09notamment sur les lacs,
31:10les lacs de Masuri, etc.,
31:12que les Soviétiques ont bombardés,
31:13des dizaines de militants étaient noyés sous la glace,
31:16en novembre-décembre 1944.
31:19Et puis, la Kriegsmarine s'est mobilisée,
31:24parfois contre les ordres d'Hitler, d'ailleurs.
31:26Hitler ne le savait pas,
31:27moins pour combattre la marine soviétique
31:30que pour protéger tous les bateaux civils
31:33qui transportaient des réfugiés d'Est en Ouest.
31:37Et ça, ça a été une opération presque humanitaire
31:42qui a été menée par la Kriegsmarine
31:45sous les ordres de Dönitz,
31:47qui sera d'ailleurs le dernier successeur d'Hitler.
31:50– Alors justement, on va en venir à la dernière semaine.
31:53Donc, Hitler se suicide le 30 avril.
31:57L'Allemagne capitule les 8 et 9, on en reparlera.
32:01Alors, qui dirige l'Allemagne pendant cette semaine ?
32:04– Après la mort du Père, c'est pendant une journée,
32:06si on est prétendant.
32:07– C'est Goebbels.
32:08Puis, Goebbels se suicide le 1er mai.
32:10– Avec sa femme, c'est d'enfant.
32:11– Et c'est effectivement,
32:12c'est Dönitz qui s'installe à Flensbourg,
32:15dans le nord d'Allemagne.
32:16– Goebbels est mis sur la touche.
32:17– Qui donc ?
32:18– Goebbels est mis sur la touche bien avant.
32:19– Goebbels est mis sur la touche
32:20par un complot de Bormann.
32:23Car Goebbels, dès le mois de…
32:25dès la fin avril,
32:27enfin, dès l'anniversaire d'Hitler, le 20 avril…
32:30– Il envoie un télégramme, on dit ça.
32:31– Non, Hitler lui dit,
32:32mais vous pourrez négocier, etc.
32:35Simplement, Bormann est fou furieux
32:37parce qu'il ordne la place.
32:39Et quand Goebbels,
32:42qui est à Berchersgaden,
32:43apprend que le 28 avril,
32:45Bernat est totalement encerclé
32:47et qu'il n'y a plus aucune chance
32:48de s'en échapper,
32:49dit à Hitler, bon ben,
32:50on se prend la place
32:51puisque en plus c'est l'ordre de succession,
32:53c'est la loi du Reich de 1941.
32:55Et ce télégramme qu'on a
32:57est parfaitement loyal.
33:00Mais Bormann l'intercepte,
33:01Hitler ne le lit même pas
33:03et lui dit, voilà,
33:03il prend votre place,
33:04c'est un coup d'État.
33:05C'est un coup d'État.
33:07Et, alors, c'est pas du tout un coup d'État.
33:09Mais il aurait certainement
33:10pu négocier beaucoup mieux.
33:12Et donc, on fait mettre Goering
33:15au secret, etc.
33:16On le condamne à mort,
33:17mais il ne sera pas condamné à mort
33:18puisqu'il va se rendre aux Américains.
33:20Et puis, c'est Donitz
33:22qui est nommé chef de...
33:23– Mais Himmler aussi
33:24qui était sur les rangs.
33:24– Alors, Himmler était sur les rangs,
33:26mais sans le dire.
33:27Parce que Himmler,
33:28ça montre d'ailleurs la fragilité du personnage
33:30qui est un des grands criminels de l'histoire.
33:33Mais il était persuadé
33:34qu'il était l'homme idoine
33:36pour être le successeur d'Hitler
33:38après une paix séparée
33:39avec les alliés.
33:41Et il négociait
33:42avec notamment le Congrès juif mondial
33:45la libération
33:47de certains déportés
33:49des camps.
33:52Et il pensait se racheter
33:53une virginité.
33:55Alors, le Congrès juif mondial
33:56a accepté
33:56par l'intermédiaire de Bernadotte,
33:59qui est un diplomate suédois,
34:02parce que ça a libéré quand même
34:04des malheureux
34:05qui ont échoppé à la mort.
34:06Mais il espérait ainsi
34:09s'opposer à l'interlocuteur.
34:12Mais en fait,
34:13c'était le personnage
34:14le plus détesté du Reich
34:15après Hitler,
34:16et même certainement avant,
34:17parce qu'Hitler n'était pas détesté
34:18de son peuple,
34:19il était détesté de ses ennemis.
34:21Alors que Hitler était devenu
34:23un personnage,
34:24en plus il s'était déshonoré
34:25comme défenseur
34:26du front de l'Audeire,
34:29où il était 3 ou 4 heures
34:31par jour sur le terrain,
34:32le reste du temps
34:33il se faisait porter malade,
34:34portait pas,
34:35il faisait la sieste.
34:36Il était détesté à la fin.
34:39Il était détesté par les alliés,
34:40il était devenu détesté
34:41par les Allemands.
34:42Et il pensait qu'il pourrait...
34:44Et donc il arrive à Flensbourg
34:45et il dit à...
34:46Flensbourg, là où est le gouvernement ?
34:48Le gouvernement de Nitz,
34:50et il dit à de Nitz,
34:51mais où sont les bureaux ?
34:53Et de Nitz lui dit,
34:54vous avez le choix
34:54entre le suicide
34:55ou raser votre moustache.
34:56Je ne veux plus vous voir ici.
34:58Donc il rase sa moustache,
34:59mais il se fait capturer.
35:01Donc c'est de Nitz
35:01qui dirige Allemagne
35:02durant cette dernière semaine.
35:05Qu'est-ce qui va se passer
35:05durant cette semaine ?
35:06On commence à négocier
35:07avec les Américains ?
35:08Alors absolument.
35:08On gagne du temps ?
35:09On gagne du temps.
35:10Évidemment, avec les Américains,
35:11militairement,
35:12avec les généraux américains,
35:14avec l'idée de gagner du temps
35:17pour qu'un maximum de population
35:18puisse passer d'Est en Ouest.
35:21Et effectivement, ça marche,
35:23ça fonctionne.
35:23Les Américains sont d'accord.
35:25Et ça commence même avant
35:26la chute d'Hitler,
35:28puisque le général Venk,
35:30la mort d'Hitler, pardon,
35:31puisque le général Venk
35:32était censé dégager Berlin,
35:34qui n'en avait évidemment pas les moyens,
35:35mais qui aurait pu faire
35:36durer le massacre encore un peu plus,
35:38n'a pas obéi aux ordres d'Hitler
35:40de dégager Berlin.
35:41Il a préféré consacrer
35:43les dernières forces intactes
35:45qu'il avait
35:45pour ménager un couloir d'Est en Ouest
35:48et laisser passer des dizaines
35:49de milliers de réfugiés,
35:51des soldats qui rendaient leurs armes
35:53aux Américains,
35:54puis des civils,
35:55femmes, enfants, vieillards, etc.
35:57Et tout ça,
35:59ça se passe jusqu'au 6 mai.
36:00Et le 6 mai,
36:02Yodl,
36:03qui a été envoyé
36:03pour négocier
36:05avec les Américains,
36:06est confronté
36:07à une colère terrible
36:08d'Eisenhower
36:08qui s'est fait, lui,
36:09remonter les brecels
36:10par les Soviétiques
36:11qui sont au courant.
36:13Et Truman,
36:15qui a succédé à Roosevelt,
36:16lui dit maintenant,
36:16arrêtez ça,
36:17parce qu'on va avoir
36:18de très graves problèmes
36:19avec les Soviétiques.
36:21Et Eisenhower se fâche
36:22et dit à Yodl,
36:24si vous continuez
36:25à gagner du temps,
36:26moi, je stoppe tout,
36:27c'est-à-dire que je laisse
36:29les civils être massacrés
36:30par les Soviétiques.
36:31Donc, vous signez
36:32tout de suite.
36:32Et c'est là
36:33que ça déclenche
36:34l'acceptation de Nitz
36:36qui mandate Yodl
36:37pour signer
36:38la capitulation allemande
36:39à Reims.
36:40Et à partir du moment
36:41où la capitulation allemande
36:42est signée à Reims,
36:44il n'y a plus de problème,
36:45les réfugiés
36:46peuvent passer
36:47côté américain.
36:48Alors, capitulation,
36:50on précise bien
36:50que la capitulation,
36:51c'est l'armée
36:51qui capitule.
36:52C'est l'armée, absolument.
36:53Ce n'est pas le gouvernement,
36:54ce n'est pas un armistice,
36:55il n'y a pas de paix.
36:56Absolument.
36:56Comme vous me le disiez
36:58en préparant l'émission,
36:59on n'a jamais signé
37:00la paix avec...
37:01On n'a jamais signé la paix
37:02puisque à partir de 1945,
37:04il n'y a plus
37:04de gouvernement allemand.
37:05Le gouvernement de Flensbourg
37:07est dissous.
37:09Ses membres sont arrêtés
37:10le 20 mai.
37:11Le 20 mai.
37:12Et à partir de 1945,
37:13il n'y a plus
37:13de gouvernement allemand.
37:14Il faut attendre 1949,
37:16le vote de la loi fondamentale,
37:18etc.,
37:18pour qu'il y ait
37:19un gouvernement à Bonn,
37:20République fédérale d'Allemagne,
37:21à Bonn.
37:22Seulement à l'Est,
37:23il y en a un autre.
37:23Et à Pentecourt,
37:26un banlieu de Berlin,
37:27qui est le gouvernement
37:28d'Allemagne de l'Est,
37:29et donc,
37:30qui signait
37:31puisqu'il y a
37:31deux gouvernements allemands.
37:32Il y a un État allemand
37:33mais deux gouvernements.
37:34Donc,
37:35on s'abstient
37:36et puis au moment
37:36de la réunification,
37:37en 1990,
37:38on se dit
37:38tout ça est du passé.
37:40Alors,
37:40je vais revenir au 8 mai
37:41parce que votre livre,
37:42lui,
37:42se termine le 9 mai.
37:44Déjà,
37:44le 8 mai à Reims,
37:46donc c'est Yodol qui signe.
37:477 mai à Reims,
37:488 mai à Berlin.
37:50Oui,
37:50c'est toujours
37:51en fin de soirée.
37:52Voilà.
37:53Donc,
37:54qui signe
37:54le 8 mai
37:55qui signe à Reims ?
37:57C'est le général de l'Atre.
38:00Non,
38:00non,
38:00à Reims,
38:01c'est le 7 mai à Reims.
38:02Le 7 mai,
38:03c'est le général Seves.
38:05Non,
38:05mais ça,
38:05c'est l'observateur français.
38:07Mais du côté allemand
38:08et du côté américain,
38:09qui...
38:10Ah,
38:10du côté américain,
38:11c'est Heffner Wehrer
38:11et du côté allemand,
38:12c'est Keitel
38:12qui est le chef de l'O...
38:13D'accord.
38:14Et donc,
38:14il y a un Français
38:15qui est...
38:16Général Seves.
38:17Seves qui est
38:18l'adjoint de juin.
38:19Exactement.
38:20Mais les soviétiques,
38:21eux,
38:22veulent recommencer
38:22à Berlin.
38:23Ah oui,
38:24parce qu'ils sont à Berlin,
38:24ils occupent
38:25la capitale du Reich,
38:26donc tout le monde
38:26se transporte à Berlin
38:28et on refait
38:30une deuxième séance
38:31de signature
38:31avec Keitel
38:32qui signe
38:33pour la deuxième fois
38:34devant les soviétiques.
38:36Simplement,
38:36quand on signe,
38:37il est minuit
38:38moins 20 à peu près,
38:40le 8 mai
38:41et il est déjà...
38:42On est déjà le 9
38:43à l'heure soviétique
38:44et c'est pour ça
38:45que les soviétiques...
38:46Cette fois-ci,
38:47on a Delat de Tassi
38:48qui est l'observateur français.
38:50L'observateur.
38:50Ils ne sont qu'observateurs,
38:51ce qui provoque des railleries
38:52de la part de tout le monde.
38:53Absolument,
38:53ils ne sont qu'observateurs.
38:54D'ailleurs,
38:54des Allemands,
38:55des Britanniques...
38:56Surtout des Britanniques
38:57qui disent
38:58mais pourquoi pas les Chinois.
39:01C'est l'observateur britannique
39:02qui dit ça,
39:02enfin le signe interbritannique
39:03qui dit ça.
39:04Mais ils signent quand même.
39:06Ils signent quand même.
39:07Donc on est
39:07le plus petit des grands
39:09mais on fait partie
39:09des quatre grands.
39:11Et donc là,
39:11c'est De Gaulle
39:12qui permet...
39:14qui met la pression ?
39:16De Gaulle met la pression
39:17en fait beaucoup plus tôt.
39:18De Gaulle n'est pas invité
39:20à Yalta,
39:20comme on sait,
39:21il n'est pas invité
39:21à Potsdam
39:22et donc,
39:23pour lui,
39:24le seul moyen de peser
39:25c'est de prendre des gages
39:26en territoire allemand.
39:27Et là,
39:28on revient un instant,
39:29si vous le permettez,
39:30sur la force-sève des Ardennes
39:31parce que c'est là
39:32que tout s'est joué.
39:33Lorsque les Américains
39:34ont ordonné à De Gaulle
39:35d'abandonner Strasbourg
39:36pour se porter
39:37que toutes les forces françaises
39:38se portent
39:39sur le front des Ardennes,
39:40De Gaulle a dit non.
39:42Pour plein de raisons.
39:43La principale étant
39:44que si on avait abandonné Strasbourg,
39:45qu'on avait libéré nous-mêmes,
39:46les représailles allemandes
39:48auraient été absolument terribles.
39:49Donc ils ne voulaient pas.
39:50Mais surtout,
39:51parce que c'était
39:51le point de départ
39:53d'une tête de poids
39:54au territoire allemand
39:55et c'est cette tête de poids
39:56qui nous a permis
39:57de conquérir
39:57jusqu'en avril
39:58le territoire allemand
40:00qui est devenu
40:00ipso facto,
40:02nous l'avons pris nous-mêmes,
40:03la zone d'occupation
40:04qu'on ne voulait pas
40:06nous laisser.
40:08– Eh bien,
40:08Eric Branca,
40:10merci infiniment.
40:11Donc je recommande
40:12vraiment la lecture
40:12de votre livre.
40:13300 jours,
40:1410 mois pour en finir
40:15avec Hitler
40:15aux éditions Perrin.
40:18Ça se lit comme un roman
40:19passionnant
40:19parce que comme je vous le disais,
40:20ce n'est pas forcément liné.
40:22On apprend beaucoup de choses.
40:26Merci de votre invitation.
40:28– Merci de votre invitation.
40:28– C'était Passé présent,
40:29l'émission historique de TVL
40:32réalisée en partenariat
40:33avec la revue d'histoire européenne,
40:36des revues d'histoire européenne
40:37dont le dossier du numéro actuel
40:40est d'ailleurs consacré
40:42à la chute du Reich.
40:44Merci,
40:44à bientôt.
40:45Mais avant de nous quitter,
40:45n'oubliez pas de cliquer
40:46sur le pouce levé
40:46sous la vidéo
40:47et de vous abonner
40:48à notre chaîne YouTube.
40:49À bientôt.
40:50– Sous-titrage Société Radio-Canada
40:53– Sous-titrage Société Radio-Canada

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