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  • 13/05/2025
Vol d'ordinateurs, menace nucléaire, pannes électriques, espionnage à Polytechnique... La Russie agresse quotidiennement la France selon un document confidentiel de la DGSI et de la DGSE. Tristan Mendès-France, essayiste, expert en réseaux sociaux et nouveaux usages numériques est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 13 mai 2025.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:03Il est 18h42, bonsoir Tristan Manas France.
00:07Bonsoir.
00:07Vous êtes maître de conférences associées à l'université Paris-Cité et vous collaborez à l'Observatoire du Conspirationnisme.
00:13Depuis deux jours, une vidéo tourne en boucle sur les réseaux sociaux.
00:17On y voit le président Macron saisir un mouchoir puis croiser les bras.
00:21Cela se passe lors d'une réunion dans un train de nuit aux côtés du chancelier allemand et du Premier ministre britannique
00:26alors qu'ils sont en route vers l'Ukraine.
00:27Les images ont été ralenties, zoomées, partagées pour faire croire que le président cachait en réalité un sachet de cocaïne.
00:34Qui se cache derrière ces rumeurs ? Comment ont-elles émergées ?
00:37On ne sait pas très bien qui c'est qui a allumé le feu si vous voulez
00:40mais la trajectoire de cette rumeur est absolument à la fois ridicule et fascinante.
00:46Alors on a vraiment trois communautés internationales qui se sont emparées du sujet.
00:50On a ce qu'on appelle la complosphère française avec notamment des personnalités politiques aussi
00:55qui ont relayé ça en France comme M. Florian Philippot ou M. Dupont-Aignan
01:00ou l'ancien sénateur d'ailleurs Pozzo di Borgo.
01:02Et puis on a surtout les Etats-Unis qui ont été un énorme relais de cette fausse information
01:08et notamment le pape du complotisme américain qui s'appelle Alex Jones
01:12qui est une puissance de feu absolument phénoménale en ligne.
01:15Et puis bien évidemment on a disons le relais du Kremlin
01:19que ce soit des personnalités ou que ce soit même une représentante, la porte-parole
01:25des affaires étrangères qui elles aussi ont essayé de surfer et d'instrumentaliser ce moment.
01:30Donc beaucoup d'acteurs internationaux pour une affaire qui est vraiment globale maintenant.
01:34Ce qui est dingue et vous le dites, il y a des personnalités pour relayer ce genre de rumeurs ?
01:40Oui, ce qui est assez fou c'est que si on parle de la Russie, elle n'a plus besoin d'ailleurs de pousser ses propres narratifs.
01:47Elle n'a qu'à surfer et disons instrumentaliser ou jouer sur le fait qu'il y a déjà,
01:53que ce soit en France, aux Etats-Unis ou un peu partout dans le monde,
01:56des gens qui s'emparent de cette pseudo-affaire et qui a évidemment un objectif politique utile.
02:03En tout cas pour ce qui est de la Russie, c'est évidemment de discréditer les dirigeants occidentaux
02:08surtout sur une séquence qui est très très touchy pour la Russie qui concerne évidemment la guerre en Ukraine.
02:15Tristan, Mendès France, l'effet est quand même considérable.
02:18On parle d'un cumul de plus de 75 millions de vues et encore ce chiffre est celui qu'on donnait hier.
02:24C'est faramineux non ?
02:25Oui, c'est absolument gigantesque.
02:27L'un des plus grands promoteurs, disons celui qui a un canon médiatique absolument phénoménal aux Etats-Unis,
02:34c'est Alex Jones, le pape du complotisme dont je parlais à l'instant.
02:38Une seule de ses publications a généré près de 30 millions de vues.
02:45Et donc il a réussi évidemment, il est à la tête d'un empire médiatique en ligne aux Etats-Unis,
02:50mais évidemment il irradie au niveau planétaire.
02:53Et donc on a de grandes personnalités qui ont une forte empreinte en ligne.
02:57Par exemple je parlais de Florian Philippot ou de M. Dupont-Aignan
03:01qui ont quand même une forte empreinte en ligne sur les plateformes sociales
03:04et qui eux aussi ont malheureusement participé à cette ébullition complotiste autour de cette affaire du mouchoir.
03:10Précisons évidemment que la présidence de la République dénonce une tentative de désinformation.
03:16En faisant cela, est-ce qu'elle alimente la rumeur ou au contraire l'Elysée a raison de démentir ?
03:21C'est toujours une question légitime qu'on doit se poser.
03:24Est-ce que de contrer une fausse information, ça n'est pas l'alimenter ?
03:27Ça peut l'être effectivement dans certains cas.
03:29Mais là vu, on peut remettre éventuellement une pièce dans la machine.
03:33Mais là il se trouve que la machine était déjà emballée, si j'ose dire.
03:36Là pour les chiffres que je vous donnais par exemple sur la publication de ce complotiste américain Alex Jones,
03:41on est sur 30 millions de vues.
03:43La publication de l'Elysée sur la plateforme X de Elon Musk,
03:48elle atteint en gros 2 millions de vues.
03:50Donc sur une question d'échelle, on voit bien que le feu était déjà tellement allumé
03:55qu'il n'est plus illégitime d'essayer de tenter de le contrer,
04:00même si c'est à double tranchant à chaque fois.
04:02Parce que la façon dont l'Elysée l'a faite, avec un ton un peu humoristique,
04:06un petit clin d'œil aussi, tout en dénonçant évidemment cette campagne de désinformation,
04:12bat un peu effectivement, disons, donner une impression que l'Elysée a une communication
04:20un petit peu, disons, contemporaine, un peu qu'elle a enlevé la cravate si vous voulez.
04:25Donc bon bref, c'est à double tranchant.
04:27En parler, c'est effectivement en faire le buzz.
04:29Mais dans ce cas précisément, le buzz était déjà tellement allumé que ce n'était pas illégitime.
04:34Alors la présidence a jugé nécessaire de préciser,
04:37ceci est un mouchoir pour se moucher.
04:39Donc il y avait à la fois une sorte de clin d'œil,
04:40et en même temps, vous venez de l'expliquer, elle alimente tout cela.
04:44Pourquoi le président Macron est-il régulièrement la cible de campagnes de désinformation ?
04:49Est-ce qu'on peut répondre à cette question ?
04:50Oui, alors il faut dire qu'il y a beaucoup de gens qui peuvent légitimement ou pas
04:56être mécontents de la présidence Macron,
04:58et donc qui vont se mêler parfois avec d'autres acteurs
05:01qui eux ont un agenda idéologique qui est différent.
05:05Par exemple, évidemment, tout ce qui gravite autour du Kremlin
05:09va, évidemment, pousser toute attaque contre Macron,
05:14va essayer de l'amplifier,
05:15parce qu'il y a un enjeu géopolitique majeur,
05:18c'est que la France, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne,
05:22sont leurs adversaires sur la question de la guerre en Ukraine.
05:26Donc en fait, il y a différentes, j'allais dire, à chacun son Macron.
05:31Donc si c'est un opposant politique,
05:33c'est parfaitement légitime de le critiquer,
05:35mais parfois on vient se mélanger, en tout cas en ligne,
05:38dans les audiences et dans la récupération de certaines rumeurs,
05:41se mélanger avec d'autres communautés qui ont des agendas vraiment différents.
05:44Est-ce que cela fait partie des tentatives de déstabilisation des politiques occidentales ?
05:50Oui, il y a peu de doute là-dessus que la Russie est à l'affût
05:53de tout ce qui pourrait être néfaste pour l'image de ses adversaires.
05:59Donc que ce soit, évidemment, en France, le président Macron,
06:02mais ça peut être pareil pour l'Allemagne ou la Grande-Bretagne.
06:06Donc ils vont vraiment essayer d'amplifier systématiquement
06:10chaque petite irruption virale en ligne
06:15qui peut être délétère pour les démocraties occidentales.
06:18Donc c'est une guerre hybride qui est menée.
06:21Quand la Russie n'est pas elle-même à l'origine même
06:23de campagnes de désinformation,
06:26ce qui est le plus pratique et le plus efficace pour elle,
06:28c'est plutôt de surfer sur l'existant,
06:31d'autant lorsqu'il est poussé par des acteurs locaux.
06:34Donc c'est beaucoup plus intéressant pour le Kremlin
06:37d'avoir un Florian Philippot ou M. Dupont-Aignan
06:39qui relayent cette rumeur
06:41qu'eux-mêmes d'essayer de payer des agents
06:44ou des campagnes de boat, comme on dit en ligne,
06:46pour essayer d'accélérer cette séquence.
06:49Mais Tristan Manasse-France,
06:50quand on désigne la Russie, on peut le prouver ?
06:53Vous comprenez ma question ?
06:55Il faut être très précautionneux.
06:57C'est pour ça que pour l'instant j'ai des réserves.
06:59Je ne dis pas évidemment que la Russie est derrière cette campagne.
07:01Mais il n'y a pas de doute sur le fait
07:03que la Russie s'est emparée
07:05de ce bad buzz naissant
07:08qui a été poussé par la complosphère internationale.
07:12Et là, il n'y a pas de doute,
07:13simplement parce qu'il se trouve que
07:15la porte-parole des affaires étrangères russes
07:18elle-même a relayé ça.
07:19Et tout récemment encore,
07:21Russia Today, donc la chaîne internationale russe,
07:24elle-même le relaie.
07:25Donc elle participe, en tout cas.
07:27Qu'elle en soit à l'origine,
07:28il faut être précautionneux.
07:29Mais qu'elle en profite, il n'y a pas de doute.
07:31Et d'ailleurs, nos confrères de l'Express évoquent aujourd'hui
07:33une note de 16 pages rédigée par les services secrets français
07:36intitulée « Menaces et actions russes contre la France »
07:39qui répertorie 13 ingérences russes en France.
07:43C'est très concret, ça va du vol d'ordinateur
07:45de certains ingénieurs français
07:46à une opération d'espionnage à l'école polytechnique.
07:49Ça, j'imagine que ça ne vous surprend pas ?
07:52Non, ils font feu de tout bois.
07:54Il faut se mettre à leur place, évidemment.
07:56Donc ils vont faire des actions de barbouserie numérique,
07:58si vous voulez, de façon plus traditionnelle.
08:01Mais ce qui, moi, me semble le plus efficace pour eux,
08:04c'est vraiment de s'appuyer sur l'existence.
08:06C'est-à-dire de plutôt profiter de relais locaux.
08:09C'est beaucoup plus impactant d'avoir une personnalité,
08:12un influenceur français en ligne,
08:14qu'il soit d'ailleurs un homme politique,
08:15comme étant à l'origine, disons,
08:19d'un bad buzz, si vous voulez, pour Macron.
08:22C'est beaucoup plus intéressant de l'accélérer,
08:25de lui donner une plus grande visibilité
08:27que de créer soi-même une fausse information
08:30qu'on va essayer de diffuser en ligne.
08:32Un oui, un non, ôtez-moi un doute.
08:34Si je partage cette vidéo avec l'un de mes amis
08:36pour montrer à quel point c'est ridicule,
08:38j'alimente le mensonge, malgré moi.
08:42Alors, si on présente cette vidéo-là
08:44et qu'on la partage en l'encapsulant,
08:47évidemment, d'une critique
08:49où on prend de la distance par rapport à son contenu,
08:52ça peut avoir une vocation pédagogique.
08:55Le problème, c'est comment c'est reçu de l'autre côté.
08:58Si on présente ça de façon ambiguë,
09:00et beaucoup de personnes se sont amusées à le faire,
09:03on a des personnalités ou des influenceurs français en ligne
09:05qui s'amusent à relayer ça sans dire que c'est faux,
09:07sans dire que c'est vrai,
09:08en disant qu'il y a une question qui se pose,
09:10c'est plutôt drôle.
09:11Là, ça peut être plus ou moins délétère
09:13suivant l'audience,
09:15le volume d'audience qu'on a,
09:17parce que sur la frange,
09:17il y a des gens qui vont prendre ça au premier degré.
09:19On a bien compris qu'il faut la notice,
09:21en quelque sorte,
09:22pour tout comprendre.
09:23Merci infiniment Tristan Madas-France,
09:25maître de conférences associées à l'université Paris-Cité
09:27et à l'Observatoire du conspirationnisme.
09:30Dans un instant, Marc-Antoine Lebray,
09:32pour son Breaking News.
09:33A tout de suite.
09:33Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
09:37RTL Soir.

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