Commémoration du 8 mai 1945 : discours d'Emmanuel Macron

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00:00...pour la signature de la capitulation.

00:03Et quand le général de l'âtre de Tassini,

00:07mandaté par le général de Gaulle,

00:11pénétra dans la salle de la cérémonie,

00:13un détail le frappa.

00:17Aux côtés des drapeaux russes,

00:20américains et britanniques,

00:24ne figuraient pas celui de la France.

00:26Il comprit qu'à l'instar de ce qui s'était passé la veille à Reims,

00:34les Alliés comptaient le reléguer au rang d'observateurs.

00:40Il entra alors dans une colère contenue

00:43que nul ne put ignorer.

00:46Et après trois heures de négociations ardues,

00:50il obtint gain de cause.

00:52La France retrouvait sa place dans le faisceau des drapeaux

00:59et son rang à la table des vainqueurs,

01:05rappelant solennellement que le 8 mai

01:07était l'accomplissement de la promesse du 18 juin.

01:10A cet instant,

01:15les tranches des fêtes étaient lavées

01:18par l'éprouvante victoire.

01:23Alors quand le Feldmaréchal nazi

01:25vit remettre en bonne place

01:27le drapeau bleu-blanc-rouge ce soir-là,

01:32les observateurs l'entendirent murmurer

01:35d'Ornisch-Nord-Franckreich.

01:39Tout de même, pas la France encore.

01:44Et pourtant si, la France encore.

01:49La France de 1940, encore.

01:55Et l'appel du général de Gaulle

01:57qui avait refusé de rendre les armes

01:59et de collaborer.

02:02La France de 1943, encore.

02:06Qui depuis l'ombre des caves

02:07et des maquis de France,

02:09au grand jour de Londres

02:10ou sous le soleil de l'Afrique,

02:13rassemblait toutes les forces

02:14de la résistance en une.

02:16La France de 1944, encore.

02:20Assaillant l'ennemi depuis la Normandie

02:23puis la Provence,

02:24volant de clocher en clocher

02:26jusqu'au tour de Notre-Dame,

02:27jusqu'à Strasbourg, jusqu'à l'Allemagne,

02:30avec toutes les forces alliées

02:31et les forces françaises libres.

02:33La France de 1945, encore.

02:37Qui conquérait le droit de s'asseoir

02:39parmi les vainqueurs.

02:42Alors oui.

02:42La colère du général Delattre,

02:46c'était la France, encore.

02:49Et c'était une colère de géant.

02:52Car elle venait de loin.

02:56Elle disait la fierté d'un peuple

02:58qui refusait de se laisser dicter son histoire,

03:03qui affirmait sa volonté, encore et encore,

03:06d'avoir voie à la paix.

03:08On savait qu'il avait un rôle

03:14à jouer ce pays,

03:16notre vieux pays,

03:18dans le dialogue des puissances,

03:20l'équilibre du monde

03:21et la stabilité de l'avenir.

03:25Et que là où flottait son drapeau,

03:28là aussi flottait

03:29une certaine idée de l'homme.

03:31Alors oui.

03:36Quand claque au vent notre drapeau

03:38en ce 8 mai,

03:39quand retentit notre Marseillaise,

03:41puis le chant des partisans,

03:44ce sont ces années qui remontent.

03:47Le cortège des héros

03:48qui ont tenu la France.

03:51Le cortège de souffrances

03:52de tant d'anonymes.

03:54Le général de Gaulle ralliant

03:58les résistants à Londres,

03:59Jean Moulin,

04:01Roel Tanguy,

04:02les Glières,

04:03Joséphine Baker,

04:05les hommes de l'affiche rouge.

04:06Ce sont ces femmes et ces hommes

04:08de toutes les conditions,

04:10de toutes les opinions,

04:11de tous les âges.

04:13Des pêcheurs de l'île de Seins

04:15aux résistants du maquis corse.

04:17C'est l'audace juvénile

04:20de Jean Dekowski

04:22qui recevra tout à l'heure

04:27les insignes de chevalier

04:29de la Légion d'honneur.

04:32C'est la ferveur adolescente

04:34d'Odile de Vasselot

04:36qui s'en est allée

04:38il y a quelques jours

04:40rejoindre l'éternité

04:43de la mémoire.

04:47C'est le courage

04:49du jeune Christiani

04:51bravant tous les interdits

04:55pour rejoindre la résistance.

04:59Ce sont tant de destins bouleversés

05:01qui sont là

05:04à nos côtés aujourd'hui

05:07et devant lesquels je m'incline.

05:14Résistants de France

05:15comme de Londres,

05:15d'Afrique,

05:18communistes, gaullistes,

05:19socialistes, juifs,

05:21maquisards espagnols,

05:23tirailleurs africains,

05:24marocains, algériens,

05:26tunisiens, sénégalais,

05:27camerounais, syriens,

05:29libanais et tant d'autres,

05:31mais aussi arméniens,

05:32polonais ou belges,

05:34roumains, yougoslaves,

05:36tous unis

05:37à l'ombre de la croix de Lorraine,

05:41rassemblés

05:41sous ce drapeau tricolore

05:43dont le maréchal de Lattre,

05:45le 8 mai 1945 à Berlin,

05:48rappela l'universalité.

05:53Ce sont tous ces combattants

05:55aux côtés de nos alliés américains,

05:58britanniques, canadiens

06:01et de tous les peuples soviétiques

06:04dont la valeur et le courage

06:06firent basculer

06:08autour de l'année charnière 1942

06:11le rapport des puissances

06:13et la prédominance stratégique de l'Axe.

06:17Et je m'incline

06:20aujourd'hui

06:23devant la mémoire

06:25de tous ces résistants

06:26de l'intérieur,

06:27de tous ces combattants

06:28de la France libre

06:29à Londres,

06:31en Afrique comme ailleurs

06:32et de tous nos alliés

06:34qui ont contribué

06:35à libérer la France

06:36et permettre ce jour de victoire.

06:39grâce à eux,

06:45grâce à chacun

06:46de leurs sacrifices,

06:49s'achever

06:49il y a huit décennies

06:52l'ère de l'oppression nazie,

06:56s'achever plus de six ans

06:57de conflits

06:57et cinq ans d'occupation,

07:00s'achever les 300 jours

07:01les plus longs,

07:04se refermer,

07:05l'immense tenaille

07:06qui avait broyé l'axe

07:07entre les armées alliées

07:08à l'Ouest

07:08et celles des peuples

07:09soviétiques à l'Est.

07:12Et alors qu'en Asie,

07:13les combats continuaient

07:14contre le Japon,

07:15en Europe,

07:16la joie éclatait.

07:20Aux fenêtres pavoisées

07:21de tricolores,

07:22les silhouettes se massaient,

07:23brandissaient des drapeaux,

07:25images gravées

07:26de liesses populaires.

07:28Dans le carillon

07:29des cloches à toutes volées,

07:30des hommes hissaient

07:31des enfants sur leurs épaules,

07:33dans les arbres,

07:34sur le passage des convois,

07:36des femmes embrassaient

07:37les soldats,

07:38les uniformes alliés

07:40mêlaient les taches bleues,

07:42vertes, brunes,

07:44des passantes défilées,

07:45vêtues de drapeaux

07:46qu'elles avaient taillés

07:47de leur mieux

07:47dans des draps roses

07:48et des rideaux bleus.

07:50À Paris,

07:52la foule se massait

07:54là où nous sommes.

07:56Et comme aujourd'hui,

07:59il se fit autour de l'arc

08:01un mouvement de recueillement,

08:04un moment de silence.

08:07Aux soldats inconnus,

08:11la France venait exprimer

08:12sa reconnaissance.

08:17Moment d'insouciance

08:18et pourtant,

08:21la France,

08:22dans sa joie,

08:23se souvenait de ses larmes.

08:24Car toute douleur

08:27ne s'achevait pas

08:30au son des cloches.

08:33Faut-il qu'elle s'en souvienne ?

08:34Oui, dans la joie

08:35perçait encore la peine.

08:37Et l'histoire

08:40ne pourvoit pas

08:42de sentiments sans mélange.

08:45Car dans ce moment,

08:46chacun savait

08:47que tout était

08:49à reconstruire.

08:51Et d'abord,

08:51la nation.

08:53Des centaines

08:53de milliers de morts,

08:55militaires,

08:55civils,

08:56déportés,

08:57plus d'un million

08:58de prisonniers de guerre,

09:01400 000 immeubles détruits,

09:03les Français sans logement,

09:04sans écoles,

09:05sans transport,

09:06sans nourriture.

09:08Sur nos côtes,

09:09l'océan charrié des mines.

09:11Dans nos villes,

09:12s'accumulaient les gravats,

09:14les rayonnages vides,

09:16les cheminées sans feu,

09:18les semelles de bois

09:19et les bonds de rationnement.

09:23Et ces quais de gares,

09:26ces quais des gares de France

09:28qui voyaient revenir

09:29les rescapés

09:30des camps de concentration,

09:33des silhouettes à garde,

09:34fantomatiques,

09:37titubantes,

09:39venues d'Auschwitz,

09:40de Burenwald

09:40ou de Mauthausen,

09:42de tous les lieux

09:43où l'antisémitisme,

09:45la haine,

09:47avait industrialisé l'enfer.

09:50Et tant d'autres,

09:52tant d'autres,

09:54qu'elles ne voyaient pas revenir.

09:57Tant de mères

09:58qui attendaient

09:59sur le quai de gares

10:00les yeux usés

10:00que surgisse le visage

10:02de la photo

10:03qu'elles tenaient serrée

10:04contre elles.

10:06Et parfois,

10:07elles attendraient éternellement.

10:11Et parfois,

10:13il n'y avait plus personne

10:16même pour attendre.

10:19Car oui,

10:21certaines familles

10:21payèrent notre liberté

10:23d'un point de sens

10:24sans mesure.

10:26Comme les quatre frères

10:27Moujottes,

10:28tous morts pour leur pays,

10:29tombaient un à un,

10:31face contre terre,

10:32sous les balles allemandes

10:33dans leur maquis des Vosges.

10:35Comme les quatre frères

10:37à Mio d'un ville,

10:39tombaient bien loin

10:39de là où ils étaient nés.

10:41Voilà pour ce discours

10:42du président Macron.

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