Alors que les cahiers de doléances des Gilets jaunes sont désormais consultables par le grand public, le politologue à l'Observatoire de la vie politique en Alsace, Philippe Breton, se souvient, avec un brin de nostalgie, d'un mouvement marqué par une "émotion" partagée dans les campagnes.
00:00Jusqu'à 9h, ici matin, un petit 8h moins le quart. Bon, éveil, c'est ici Alsace, on est le mercredi 7 mai.
00:06Les cahiers des doléances, des gilets jaunes, Sébastien, jusqu'ici seulement disponibles pour les chercheurs, sont désormais accessibles au grand public.
00:13Il y a des milliers de cahiers écrits au total, avec des dizaines de milliers de contributions et des idées pour mieux vivre de son travail.
00:22C'est l'ambition et pour mieux vivre tout court, c'était l'idée proposée par Emmanuel Macron il y a 6 ans maintenant pour sortir de ce conflit social hors normes.
00:29Que reste-t-il de la crise des gilets jaunes ? Question que l'on vous pose ce matin sur votre radio, vous réagissez avec le 03 88 25 15 15, pardonnez-moi.
00:39Dans l'ordre, bonjour Philippe Breton, politologue à l'Ovipal, l'observatoire de la vie politique en Alsace, professeur émédrite à l'université de Strasbourg.
00:48Qu'est-ce qu'il en reste selon vous de cette période un peu folle des gilets jaunes ?
00:54Une période un peu folle ? Il faut tout de suite rappeler qu'il y a eu deux moments, un moment massif, un moment festif,
01:00où ont été portées un certain nombre de revendications, où ont été portées une identité, l'identité de personnes qui appartenaient à la campagne, au périurbain,
01:08et qui avaient envie d'être reconnues, qui se sentaient un petit peu minorées, voire discriminées.
01:12Donc il y a eu un premier temps, c'est ce temps-là à mon sens qu'il faut retenir, et puis un deuxième temps où évidemment ça a viré dans la violence,
01:19où beaucoup de gilets jaunes ont quitté à ce moment-là le mouvement, où un certain nombre de voyous, il faut le dire, ont rejoint ça.
01:24Donc on oublie peut-être ce deuxième moment, pour ne retenir que ce moment de réappropriation d'une parole,
01:33de gens qui estimaient ne plus être entendus, ne plus être représentés dans les médias, ne plus être représentés politiquement.
01:39On a changé de regard sur ces gens des compagnes, notamment depuis Paris selon vous ?
01:44Non, je ne crois pas, et c'est d'ailleurs probablement une colère qui couvre, et qu'on retrouvera sous différentes formes,
01:52car ce mouvement a suscité beaucoup de sympathie dans un premier temps, mais il n'a pas été entendu.
01:58Et c'est vrai qu'il n'a pas été servi par la suite de l'histoire, puisque la crise du Covid a un petit peu effacé, je dirais, cette parole qui est venue sur la scène publique.
02:05Il n'y a pas d'héritage avec ces carnets de doléances qui sont désormais disponibles pour monsieur et madame Tout-le-Monde ?
02:12Ça va changer quoi, ça, finalement, qu'on puisse aller juste aux archives départementales pour les lire, ces doléances des Gilets jaunes des manifestants, six ans après ?
02:23Écoutez, je crois que c'est une bonne chose qu'ils soient publiés, on les lira avec intérêt.
02:27On trouvera d'ailleurs, les linguistes ont trouvé des choses tout à fait intéressantes.
02:29Évidemment, l'occurrence de termes comme « nous sommes les petits, il y a les grands », évidemment au second degré, je crois que c'est un peu ce qui domine la tonalité de ces 200 000 textes.
02:39Il y a eu 200 000 textes qui ont été écrits, qui sont aujourd'hui, si on les relit, un petit peu datés.
02:462019, c'est loin malgré tout dans notre histoire.
02:48Déjà ?
02:48Déjà, déjà, c'est un peu daté. Beaucoup de choses sont passées par là, beaucoup de changements sont passés par là, mais le fond des textes est toujours là.
02:55Le fond des textes est toujours là, c'est-à-dire une identité qui s'affirme et des gens qui disent « nous existons aussi, il n'y a pas que les villes en France et nous voulons être entendus ».
03:06Il y a quelques idées peut-être à prendre en compte encore aujourd'hui.
03:09Tenez, écoutez, par exemple, on a pu en ouvrir un de la carnet de léance, mais il faut chuchoter.
03:14On est dans la salle de lecture des archives départementales du bar.
03:17Cet habitant demande la suppression de la CSG, une transition écologique, une réduction de l'Assemblée nationale.
03:26Il fait plusieurs pages avec plusieurs thèmes, l'impôt, la citoyenneté, l'immigration, l'État et les collectivités publiques avec à chaque fois de nombreuses propositions.
03:36Plusieurs pages des propositions, on peut quand même s'en nourrir de ces carnet de doléances des Gilets jaunes ?
03:42Je dirais qu'il faut les envoyer à nos députés, puisque nos députés sont censés, en démocratie, porter la parole du peuple, la parole de leurs électeurs.
03:49Et donc, il faudrait les envoyer, peut-être avec une synthèse.
03:53Ce n'est pas tout à fait sûr, il faudrait leur demander.
03:54Le politologue Philippe Breton, invité ici à Alsace, on parle de la crise des Gilets jaunes, six ans après, de ces caillis de doléances que l'on peut tous désormais consulter.
04:03Que reste-t-il, selon vous, de la crise des Gilets jaunes ? Peut-être étiez-vous à l'époque sur les ronds-points.
04:090-3-88-25-15-15, vous réagissez.
04:11Le prix du carburant, à la hausse, c'était le tout départ de la crise des Gilets jaunes, puis le niveau de vie, la justice fiscale, sociale,
04:21puis on a commencé à demander la démission d'Emmanuel Macron dans les cortèges.
04:26Il y avait un petit peu de tout. Est-ce que ce mouvement-là, selon vous, est mort, ou est-ce que c'était une grande pause ?
04:32Les raisons sociologiques, c'est-à-dire l'exclusion subjectivement ressentie, mais avec des facteurs objectifs de toute une partie de la population française,
04:42ça s'est resté. Non seulement c'est resté, mais ça tend à s'accroître.
04:45Donc les raisons du mouvement, non seulement sont toujours là, mais se sont accrues.
04:49Alors ça ne reprendra sans doute pas les mêmes formes. L'histoire ne resserre pas les mêmes plats.
04:53Il n'y aura probablement plus de mouvement des Gilets jaunes en tant que tel, comme on l'a connu.
04:57Mais les revendications sont toujours là. Le problème d'identité, assez fondamental, que ces personnes ont exprimé, il est toujours là.
05:04Et je ne doute pas un seul instant qu'il s'exprimera de nouveau sous une forme qu'on ne peut évidemment pas prévoir.
05:09Mobilisation sur la longueur, sur la durée, encore une fois, plus de 30 semaines.
05:14Il y avait eu 34-35 actes, peut-être plus, en fonction de comment on compte.
05:18Ça, ça pourrait revenir comme ça, une mobilisation aussi forte pour des raisons très populaires ?
05:24Oui. Moi, ce que je retiens fondamentalement de cette période, c'est quelque chose de l'ordre de l'émotion.
05:29C'est-à-dire la joie, le plaisir qu'un certain nombre de personnes ont éprouvé à se retrouver dans des campagnes
05:37où il n'y a plus énormément de solidarité, où les gens sont assez séparés finalement.
05:41Les gens se sont retrouvés. C'est un sentiment de joie qui ressort.
05:44Et cette joie, elle ressortira peut-être aussi sous d'autres formes.
05:48Et quel est le sentiment de Jean-Louis Tenet, qui nous appelle de Saint-Amarin ?
05:52Bonjour Jean-Louis.
05:53Bonjour.
05:54Bonjour.
05:55Soyez le bienvenu Jean-Louis.
05:56Alors, six ans après, les Gilets jaunes, dites-nous, qu'est-ce qu'il en reste selon vous ?
05:58C'est quoi votre ressenti ?
06:00À mon avis, il n'en reste rien.
06:03Alors, à l'époque, je n'étais pas du tout dans le mouvement,
06:06parce que je croyais encore à l'expression un peu plus démocratique par les votes