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  • 03/05/2025
Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint scientifique national de CNRS Ecologie et Environnement est l'auteur de "Biodiversité" dans la collection Fake or not chez Tana Editions (novembre 2024).

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous recevons l'un de nos grands scientifiques spécialistes de la biodiversité et des insectes.
00:09Et ça tombe bien puisque l'on vient de connaître les résultats d'une étude importante parue cette semaine, une étude participative, Bugs Matter, les insectes comptent.
00:21C'est une étude qui a été menée au Royaume-Uni, la population d'insectes y aurait chuté de 63% entre 2021 et 2023, en 3 ans seulement.
00:3480% des insectes ont disparu en 10 ans, c'est absolument considérable et qui de mieux pour en parler qu'un spécialiste des insectes.
00:44Il leur a consacré une très large partie de sa vie et de ses travaux, il est directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint scientifique national de CRNRS, écologie et environnement,
00:57auteur de biodiversité dans la collection Fake or Not chez Tana Editions, c'était il y a quelques mois.
01:04Bonjour Philippe Brancola.
01:05Bonjour.
01:05Et bienvenue, dans quelques instants vous pourrez dialoguer avec les auditeurs d'Inter au 01 45 24 7000.
01:12Ils peuvent également vous écrire, vous interpeller sur l'application de Radio France.
01:18Bugs Matter, Philippe Brancola, c'est une manière choc et c'est un slogan, mais beaucoup plus qu'un slogan.
01:27Pour vous, ce sont deux mots terrifiants.
01:31Oui, effectivement, on voit tout simplement qu'il y a une des grandes composantes de notre monde vivant qui est en train de disparaître silencieusement.
01:37Si on voyait la végétation mourir sur pied littéralement autour de nous, on serait effarés, on serait inquiets.
01:44Mais là, les insectes, on n'en voit plus et finalement, on ne s'en soucie pas plus que ça, d'autant plus que, évidemment, personne n'a envie d'avoir plus de moustiques ou plus de punaises de lits, par exemple.
01:54Alors, c'est ça, justement, la question, c'est qu'on peut s'intéresser à la biodiversité et vous avez produit des travaux considérables et importants.
02:01La biodiversité, le mot n'existe d'ailleurs que depuis peu, que depuis 1986.
02:06Mais quand on veut protéger la biodiversité dans la petite musique qu'on a tous en tête, ce sont les grands fauves, ce sont les animaux sauvages, mais pas les moustiques, pas les guêpes, pas tous ceux qui font la nuisance de cet immense continent d'animaux.
02:25Oui, et pourtant, effectivement, on en a besoin de beaucoup. Rien qu'en France métropolitaine, 40 000 espèces d'insectes. Et parmi ces 40 000 espèces d'insectes, 4 000 qui sont pollinisateurs, donc sans lesquels la plupart de nos cultures ne fonctionneraient pas.
02:39Et puis, il y a d'autres espèces aussi qui dégradent la matière organique, qui dégradent les feuilles morts dans les forêts, etc. On a aussi tous ceux qui nourrissent les oiseaux et les chauves-souris.
02:47Donc, pas de moustiques en ville, certes, d'autant plus que ce sont des moustiques, la plupart du temps, exotiques, qui font leur cycle de vie sur des substrats comme le béton, le moustique tigre, qui va nous transmettre dès maintenant, qui transmet des maladies virales en France.
03:03Mais il y a aussi tous ceux qui vivent dans le milieu naturel, qui sont indispensables, qui ne nous dérangent pas, et au contraire, qui permettent aux équilibres naturels de perdurer.
03:13Alors, justement, pour que tout le monde ait une image extrêmement claire en tête, l'étude anglaise, elle a été menée en mesurant l'impact des insectes sur les parcs d'immatriculation.
03:24Il y a un autre instrument de mesure qu'on appelle l'effet pare-brise. Il y a des années, quand on roulait en voiture sur l'autoroute en Europe, il fallait s'arrêter toutes les heures pour nettoyer son pare-brise.
03:35Aujourd'hui, ce n'est plus la peine, c'est quelque chose qu'on n'expérimente plus.
03:41Le pare-brise reste propre, et ça, c'est un vrai indicateur scientifique.
03:47Oui, tout à fait. En fait, ça converge parfaitement avec toutes les études qui ont été mesurées, le nombre d'individus qu'il y a dans les populations de toutes ces espèces d'insectes.
03:55Donc, c'est vraiment une bonne indication, et une indication, en plus, que tout le monde peut comprendre, parce qu'on en a tous fait l'expérience,
04:00tout d'au moins quand on est suffisamment âgé pour avoir connu les états antérieurs à l'état présent.
04:05Donc, tout ce qu'on dit, là, c'est assez spectaculaire. Effectivement, ces plaques d'immatriculation, ces pare-brises où il y a beaucoup moins d'insectes,
04:10c'est 63% d'insectes en moins en trois ans. Philippe Grancola, il faut peut-être juste expliquer pourquoi il y en a moins.
04:17Oui, tout à fait. En fait, il y a plusieurs grandes causes, à commencer par les pesticides.
04:22Évidemment, on produit aujourd'hui énormément et on utilise énormément d'insecticides qui sont beaucoup plus toxiques que nos prédécesseurs.
04:30Mais il y en a beaucoup qui ont été interdits, pourtant.
04:31Alors, il y en a beaucoup qui ont été interdits, mais il en reste encore beaucoup qui sont utilisés.
04:35Et puis, surtout, ces molécules, une fois mises dans le milieu naturel, ne disparaissent pas.
04:40Par exemple, des fameux néonicotinoïdes, les pesticides tueurs d'abeilles, qui sont mille fois plus toxiques que le DDT de nos grands-parents,
04:46existent toujours dans des parcelles cultivées où ils ont été épandus.
04:50Alors, justement, il y a une loi en ce moment, puisque vous parlez des néonicotinoïdes, vous en parlez plus tard, mais je vais vous en parler maintenant,
04:57la loi Duplomb qui doit être examinée au Sénat à partir de mardi et qui réautorise certains de ces néonicotinoïdes,
05:03et notamment certains qui sont dangereux pour la santé.
05:06On les appelle les tueurs d'abeilles, les néonicotinoïdes.
05:09Le sénateur qui l'a proposé lui dit que ça sert à lever les contraintes du métier d'agriculteur.
05:14Quel regard vous portez sur ce texte ?
05:16C'est un texte qui est épouvantable au court terme, bien entendu.
05:21On peut d'un côté se dire, quand on cultive des noisettes ou des betteraves à sucre,
05:25qu'on va pouvoir mettre des substances très toxiques, a priori,
05:29et supprimer tout problème pendant le cycle de culture, pendant un moment,
05:33mais par la même occasion, on va causer des dommages terribles à toutes les autres espèces
05:39qui sont nécessaires pour les autres types de culture, pour les pollinisateurs.
05:43Betteraves à sucre ou noisetiers ne sont pas pollinisés par les insectes,
05:46donc tout va bien pour ceux-là.
05:48Mais par contre, dans les parcelles adjacentes, où l'acétamipride, par exemple,
05:52ce fameux néonicotinoïde qui devrait peut-être être réintroduit,
05:56cette molécule, elle voyage avec l'eau dans les parcelles adjacentes.
06:00Et pire encore, c'est une substance aujourd'hui dont on sait
06:03qu'elle provoque des problèmes de construction du système nerveux chez les enfants,
06:07donc chez les humains.
06:08Donc il y a aussi derrière, non seulement un problème de santé de l'environnement,
06:11mais un problème de santé humaine et évidemment au premier chef de santé des agriculteurs
06:16qui utilisent ces molécules.
06:17Donc ils sont eux-mêmes inclus dans cette problématique et il faudrait ne pas l'oublier, bien évident.
06:23Ils font partie, les insectes, de la sixième extinction en cours de ce très grand phénomène
06:28de disparition d'espèces animales, mais vraiment toutes confondues ?
06:34Oui, tout à fait, ils font partie de cette sixième extinction.
06:37Il faut le rappeler, c'est grosso modo un million d'espèces qui vont disparaître en 30 ans.
06:43Et évidemment, en amont de ces extinctions, il y a des chutes d'effectifs
06:46comme celle qu'on voit aujourd'hui chez les insectes.
06:48Pourquoi les espèces disparaissent ?
06:50C'est simplement parce qu'il n'y a plus assez d'individus pour maintenir des populations.
06:53La mortalité excède de très loin la natalité dans les populations naturelles.
06:57Et là, pour les insectes, on a bien sûr les pesticides et puis aussi la disparition des habitats.
07:01Aujourd'hui, en France, on a encore 20 000 kilomètres de haies qui disparaissent chaque année.
07:06Les zones humides continuent à être dégradées, etc.
07:08Là aussi, on a des problèmes avec l'agriculture industrielle.
07:11Pour faire passer des corps de moissonneuses batteuses, évidemment,
07:15le moins de haies, le moins de zones humides possibles, c'est mieux.
07:17Et malheureusement, ça nuit énormément à la biodiversité.
07:20Mais il faut être fataliste ou est-ce que ça peut être en partie réversible ?
07:24Il serait bon que ça soit réversible, pas seulement pour la biodiversité, mais aussi pour nous.
07:29Parce que, comme je le disais jusqu'à présent, on a trois quarts de nos cultures qui dépendent aussi des insectes.
07:34Mais pas seulement des insectes, aussi des vers de terre dans les sols, qui sont eux-mêmes affectés par les pesticides.
07:39Ça dépend aussi des bactéries, des champignons qu'on troue dans les sols, qui sont aussi affectés par les pesticides.
07:44Il faut se rappeler aussi qu'on mange de la biodiversité.
07:48On a des vêtements qui sont tissés de biodiversité, coton, laine, soie.
07:52On a absolument besoin de tout ceci autour de nous.
07:54Alors, on peut raisonner court terme et se dire, on va se simplifier la vie, on va se simplifier la vie quand on cultive des betteraves à sucre pour faire de l'alcool pour les carburants, les agrocarburants.
08:05Mais à moyen terme et à long terme, c'est une catastrophe.
08:08Mais oui, mais les agriculteurs, ils vous vont dire, on ne peut pas s'en passer comme ça, et surtout pas aussi vite des pesticides.
08:13Donc, qu'est-ce qu'on fait ?
08:13Sur les 14 000 entreprises agricoles qu'il y a en France, il y en a en fait très peu qui vont vous dire ça.
08:17Et voilà, malheureusement, ce sont ceux qui ont les plus grosses exploitations et les modes de culture les plus industriels qui parlent le plus fort et qui parlent aux dépens finalement de leurs collègues.
08:28Moi, si je suis apiculteur ou si je fais de l'agriculture vivrière, circuit court que je vends sur les marchés de région, je ne suis pas du tout un adepte des néonicotinoïdes parce que ça va au contraire empêcher ma production.
08:39Il faut se rappeler qu'un champ de colza, donc colza, c'est de l'agriculture souvent conventionnelle, là aussi pour les diésters, pour le diesel, le colza, 30% de production.
08:50Il perd 30% de sa productivité faute de pollinisation, alors que c'est effectivement ces grands champs jaunes qu'on peut parcourir à travers la campagne et dont on peut se dire qu'ils participent à l'agro-agriculture.
09:06Le constat de l'effondrement des populations d'insectes, est-ce qu'il est compatible ou totalement contradictoire avec le contrôle des ravages qui peuvent avoir lieu sur l'environnement et sur les cultures également ?
09:21Effectivement, on peut tout à fait avoir une politique de contrôle des agressions sur les cultures. Les agriculteurs le savent bien ce qu'ils font.
09:27Les deux sont possibles simultanément ?
09:29Les deux sont parfaitement possibles. On a des zones ateliers du CNRS et de l'INRAE dans lesquelles on a montré que même sur des cultures conventionnelles,
09:35on peut baisser les intrants, c'est-à-dire les engrais et les pesticides, de 30% et on maintient la rentabilité de l'exploitation.
09:44Il y a des herbicides, par exemple, qu'on n'a absolument pas besoin d'utiliser au préalable d'une culture de blé de printemps, par exemple.
09:50Donc il y a vraiment là un enjeu et malheureusement un enjeu qui est contredit par cette proposition de loi,
09:55mais dans laquelle il n'y a pas seulement la réintroduction d'une substance toxique et dangereuse pour les insectes et pour toute la vie, y compris humaine,
10:01mais il y a également le fait que maintenant, on voudrait que l'ANSES, l'Agence Nationale de Sécurité, ne soit plus à la main pour les autorisations de mise sur le marché.
10:13Donc on aurait des conseils dans lesquels les représentants des filières industrielles pourraient dire
10:18« Nous, on préfère, même si c'est dangereux pour la santé humaine, même si c'est dangereux pour la biodiversité,
10:22nous on pense que le danger n'est pas très important, mais on va réautoriser ces substances. »
10:26Évidemment, c'est une catastrophe.
10:27Alors justement, puisque vous avez employé un mot très important au début de cet entretien,
10:32vous avez parlé du mot « silence ».
10:34C'est un effondrement silencieux des populations d'insectes et il est fou qu'on n'en parle pas plus.
10:40Vous aviez publié une tribune dont le titre était formidable.
10:43« Et la biodiversité, bordel ! »
10:46Biodiversité, définition Philippe Grancola.
10:49Pourquoi est-ce que c'est un impensé, pour reprendre l'un de vos mots ?
10:53Pourquoi est-ce que c'est l'angle mort de nos sociétés alors que, bon, ce mot, il est présent,
10:59il décrit notre vie de tous les jours, mais on l'emploie de plus en plus ?
11:02Oui, tout à fait.
11:03En fait, on a des mots génériques.
11:04On va parler des oiseaux, des champignons, des insectes,
11:07mais on ne parle pas de la totalité de ce que c'est que la diversité du vivant, la biodiversité.
11:12Tout simplement parce que c'est quelque chose qui n'a pas, jusqu'à présent, été partagé au cours de notre enfance.
11:17Quand on est un enfant, on apprend le mot « climat » de ses parents, de ses proches.
11:21Mais quand on est un enfant, jusqu'à présent, qu'est-ce qu'on apprenait de vivant ?
11:24On apprenait des mots génériques, mais on ne comprenait pas forcément les relations entre les plantes, par exemple, et les insectes.
11:29On avait des mots comme « nature », on revient à la nature, on n'est pas dans la nature.
11:34On a des mots génériques comme « le vivant », « le vivant laboratoire ».
11:37Là, en fait, on a vraiment besoin aujourd'hui de prendre conscience de ça, d'incorporer ça dans nos cultures.
11:42On va filer au standard, puisqu'il y a de nombreuses questions d'auditeurs sur cette question de la biodiversité.
11:47Il y a un autre indicateur, c'est pour mesurer l'état de la biodiversité, un quart des oiseaux qui ont disparu en Europe en près de 40 ans.
11:55Et pour mesurer la puissance de la biodiversité, il faut regarder le sourire du pangolin.
12:01Pourquoi ? C'était le titre de l'un de vos livres.
12:04Oui, pourquoi ? Parce que le pangolin, vous savez, il a été incriminé d'ailleurs à tort, au moment de l'émergence de la Covid-19.
12:09Parce que c'était un des animaux avec les chauves-souris qui contenait des virus, des coronavirus, comme celui qui cause la Covid-19.
12:17Mais pourquoi ça apparaît si tard, ce mot de biodiversité ?
12:19On disait 1986 tout à l'heure, c'est-à-dire qu'avant, on n'en avait même pas conscience ?
12:22Alors en fait, il y avait des travaux scientifiques qui décrivaient la diversité génétique dans les populations,
12:27la diversité des espèces, la diversité des écosystèmes, tout ce qui fait la biodiversité.
12:31Et finalement, les scientifiques se sont rendus compte qu'il y avait un gros problème de médiation.
12:35On n'arrivait pas à parler de ça à la société, en particulier aux dirigeants, aux décideurs.
12:40Et maintenant, on y arrive ?
12:40Et maintenant, alors, on y arrive dans une certaine mesure, puisque suite à cette création de mots en 1986,
12:46tout de suite, en 1992, sommet de la Terre, on crée la Convention sur la diversité biologique,
12:50qui est quand même aujourd'hui ratifiée par 196 pays.
12:53Néanmoins, aujourd'hui, le problème, c'est que nos dirigeants ont encore du mal à incorporer ça dans leur politique.
12:57Et donc, pour terminer, sur le sourire du pangolin ?
12:59Alors, pourquoi parler du pangolin ?
13:01C'est pour dire que finalement, ces animaux dont on ne se soucie pas, finalement, ils sont très importants.
13:06Et quelque part, les voir sourire, ça nous rappelle aussi que notre humanité, elle est partagée avec le reste du vivant.
13:12Donc, il faut voir sourire le pangolin, mais aussi le renard, le blaireau, qui sont également décimés,
13:18et qui jouent pourtant un rôle extrêmement important dans les écosystèmes.
13:23Bonjour Bruno !
13:24Bonjour !
13:24Et bienvenue sur France Inter !
13:26Merci à vous, merci pour vos émissions.
13:28Ma question, elle est simple, voilà, dans notre association, nous recréons des réserves de biodiversité,
13:33à savoir que sur 13 hectares, par exemple, on a planté 10 000 arbres, on a maintenant 15 ans.
13:38Je précise, Bruno, que vous êtes président d'une association environnementale.
13:42Voilà, les Fous du Bois, qui se trouve au sud de Toulouse.
13:44Les Fous du Bois !
13:45C'est joli !
13:46Le titre est formidable !
13:47Et donc, ça fait 17 ans qu'on existe, et c'est vrai qu'on intervient dans les écoles,
13:52on fait des plantations avec les écoles, et on s'est rendu compte que partout, on avait planté des arbres.
13:56Moi, j'ai une réserve autour de ma propriété, qui fait 3 hectares.
14:00En 15-20 ans, on a vu revenir, c'était des champs, il n'y avait rien, il n'y avait aucun arbre.
14:04Et maintenant, on a une semi-forêt qui s'est reconstituée, mais on voit revenir énormément d'insectes.
14:10Et je me posais la question, est-ce qu'il ne serait pas, je dirais, raisonnable de se...
14:15Quel type d'insectes, Bruno ?
14:17Alors, des pollinisateurs, énormément, parce qu'on installe des hôtels insectes pour pouvoir les surveiller.
14:22On a fait le plus grand de France, qui est au parc animalier, dans les Pyrénées.
14:25Et c'est vrai que, du coup, on arrive à les observer, et se rendre compte que, par exemple,
14:29des papillons qu'on ne voyait plus, on les revoit, des guêpes pollinisatrices, des abeilles pollinisatrices.
14:36Et ces animaux-là, moi, je ne les ai pas connus quand j'étais ici, il y a 30 ans.
14:40Ah oui, c'est génial !
14:41Et maintenant, voilà, c'est ça, c'est que notre entomo nous dit, mais c'est incroyable, plus vous plantez d'arbres,
14:45et plus, en fait, donc moi, je me dis...
14:47Entomo pour les non-initiés, Philippe Grancola ?
14:50Personne qui étudie les insectes.
14:51C'est vous, par exemple.
14:53Par exemple.
14:53Vous êtes un entomo.
14:54Alors, comment est-ce qu'on peut inciter ce type d'initiative, justement, comme celle de Bruno ?
15:00Effectivement, ça rentre dans le cadre de ce qu'on appelle des aires protégées ou des aires restaurées.
15:04Et effectivement, c'est indispensable.
15:06C'est-à-dire que, dans un paysage, vous aurez toujours des zones qui sont cultivées.
15:09Alors, avec le moins de pesticides possibles, évidemment, c'est un enjeu fort, de toute façon.
15:13Mais il faut qu'à côté de ça, il y ait des aires dans lesquelles...
15:16Des surfaces de territoire dans lesquelles on va laisser la nature tranquille.
15:19C'est le principe, par exemple, des aires marines protégées également.
15:22À côté des aires marines protégées, la pêche artisanale se porte beaucoup mieux
15:25parce qu'elle bénéficie du rebond des populations à l'intérieur de l'air protégé.
15:29Et c'est pareil, effectivement, avec les insectes.
15:31Mais il y a des questions qui sont pourtant très concrètes et très simples.
15:34Il y a, par exemple, sur l'application Radio France, John, qui vous dit
15:39Pour le citoyen lambda, il est difficile de croire à la chute de la population d'insectes.
15:43Et une partie de l'équipe de la matinale en est témoin.
15:46En ville, à Paris, par exemple, nous sommes envahis par les moustiques
15:49à tel point que beaucoup d'habitants s'équipent de moustiquaires,
15:53ce qui était impensable il y a quelques années.
15:55Oui, alors effectivement, en France, 40 000 espèces d'insectes.
15:58Celles qui disparaissent, ce sont les espèces locales, autochtones,
16:01qui vivent dans des milieux naturels, qui sont de plus en plus perturbés.
16:04Et malheureusement, il y a quelques espèces qui tirent leur épingle du jeu.
16:07Parce que ce sont, par exemple, comme le moustique-tigre, des espèces exotiques
16:10qui tirent partie d'un environnement.
16:11Celui qu'on voit à Paris en ce moment, c'est le moustique-tigre ?
16:13Alors, pas seulement. Il y a d'autres espèces.
16:15En journée, en fait, surtout.
16:16Voilà, en journée.
16:17Et puis, ce sont des espèces qui n'ont pas trop de prédateurs.
16:19Parce qu'évidemment, à l'intérieur des grandes villes, il n'y a pas trop d'insectivores.
16:23Les chauves-souris qui peuvent manger jusqu'à mille moustiques par nuit,
16:27elles ne sont pas suffisamment abondantes.
16:29Donc, on est dans un endroit qui est complètement déséquilibré,
16:32avec quelques espèces qui posent problème.
16:34Et puis, pas de régulation naturelle.
16:35Et qu'est-ce qu'on fait des insectes qu'on trouve dans nos maisons, vous demande Camille ?
16:38Les araignées, les fourmis, les cloportes ?
16:41Dans la mesure du possible.
16:42On ne leur fait rien quand elles ne sont pas nuisibles.
16:45On peut les mettre dehors gentiment.
16:46Mais ce n'est pas un enjeu.
16:48Évidemment, là encore, le but, ce n'est pas de laisser arriver des espèces commensales
16:53ou parasites qui posent problème.
16:55Mais si possible, évidemment, ne pas utiliser d'insecticides,
16:59surtout dans un milieu domestique.
17:00Là, il y a vraiment une question de santé humaine.
17:02Il faut le savoir, les néonicotinoïdes sont encore autorisés
17:05dans les antipuces pour les chats ou pour les chiens.
17:07Quand on met une petite goutte de produit sur la nuque de son chat,
17:10en théorie, on ne devrait pas toucher le chat pendant trois jours
17:13tellement le produit est toxique.
17:14Et les gens ne le savent pas.
17:15Et aujourd'hui, les médecins s'inquiètent de l'importance
17:18de la présence des néonicotinoïdes dans le corps des enfants.
17:22On manque d'informations.
17:23On manque d'informations de ce point de vue-là.
17:25Vous parliez tout à l'heure de la difficulté à se faire entendre
17:28par les décideurs, de ce mot très récent de biodiversité.
17:32Est-ce que vous avez l'impression que récemment,
17:33notamment avec l'élection de Donald Trump,
17:36il y a une sorte de scepticisme de la biodiversité
17:39qui enfuse comme il y a eu un climato-scepticisme
17:42qui semble aussi se répandre sur la planète ?
17:44Oui, effectivement, je pense que c'est tellement facile
17:47à court terme de gesticuler, de se faire plaisir
17:50en disant des énormités.
17:52Et puis, c'est un rideau de fumée aussi
17:54que certaines personnes, comme M. Trump certainement,
17:57utilisent pour, pendant ce temps-là,
17:59booster certains secteurs économiques
18:01dont ils tirent profit.
18:02Le malheur, en fait, c'est qu'il ne faut pas croire,
18:05je pense, que c'est uniquement un problème exotique,
18:07si je puis dire,
18:07avec quelque chose qui se passerait sur un autre continent
18:10qui serait très triste pour les Nord-Américains
18:12et dont on devrait se dire,
18:14surtout que ça n'arrive pas chez nous.
18:15Ça arrive chez nous, par exemple.
18:16C'est le témoignage de Gérard sur l'appli.
18:19J'ai récupéré un terrain qui était utilisé
18:21par un agriculteur intensif.
18:23J'ai décidé de laisser la nature reprendre son cours.
18:26J'ai observé un retour de la biodiversité
18:28vers de terre, insectes, oiseaux.
18:29Il faut avoir de l'espoir.
18:31Est-ce que c'est un mot qui résonne encore en vous
18:33ou qui êtes un lanceur d'alerte ?
18:35C'est un mot qui résonne toujours
18:36dans la mesure où on entend ce type de témoignage.
18:38Parce qu'on voit qu'il y a une prise de conscience
18:40de plus en plus importante,
18:41d'autant plus que la biodiversité,
18:42c'est agréable.
18:44Qui n'aime pas se balader dans la nature ?
18:46Qui n'aime pas s'asseoir sous un arbre en été ?
18:48Qui n'aime pas voir voler des papillons
18:50ou entendre le chant des oiseaux ?
18:51Le problème, c'est surtout, effectivement,
18:53aujourd'hui, les discours politiques
18:55qui sont totalement défasés avec la réalité.
18:57Qui remettent en cause, par exemple,
18:59la police de la biodiversité,
19:01l'office français de la biodiversité à droite,
19:04y compris le Premier ministre,
19:05qui a dit que les gendarmes de la biodiversité
19:08ne devraient pas se promener
19:09avec leurs armes de service.
19:10Qu'est-ce que vous avez envie de leur dire aux politiques
19:12quand vous voyez ce mouvement-là ?
19:13Ce sont quasiment des propos, moi, je dirais, sédicieux.
19:16Parce que, finalement, ils appellent
19:17à dissoudre un corps qui travaille
19:20sous l'autorité du procureur de la République.
19:22Il faut se rappeler que les gardes-pêche,
19:24les gardes-chasse,
19:25ils travaillent pour notre bien commun,
19:26ils travaillent pour nous.
19:28Donc, c'est complètement absurde
19:29de dire, ben voilà,
19:31c'est une partie de la police,
19:32mais cette police-là,
19:34parce qu'elle s'intéresse à la biodiversité,
19:35ne devrait pas avoir les mêmes prérogatives
19:37tout à fait légitimes
19:38que d'autres corps de police ont en France actuellement.
19:41Ça n'a aucun sens.
19:42Mais ce n'est pas seulement auprès de l'OFB,
19:44c'est aussi auprès d'un certain nombre
19:45d'agences réglementaires,
19:47comme l'ANSES ou l'ADEME,
19:48qui ont été attaquées régulièrement
19:49sur des prétextes qui sont complètement futiles.
19:51Alors, jusqu'où ira-t-on ?
19:53Est-ce que ce sont juste des gesticulations
19:55à usage médiatique
19:57pour plaire à certains électeurs ?
20:00Ou est-ce qu'on va vraiment voir,
20:02comme Mme de Montchalin est en train de la préparer,
20:03une réforme d'un certain nombre d'agences françaises ?
20:06La ministre déléguée au compte public.
20:07Voilà, aux dépens, finalement,
20:09des citoyens français
20:10et puis de notre qualité de vie,
20:12parce que la biodiversité,
20:14c'est notre qualité de vie
20:15à moyen terme et à long terme.
20:18Et c'est un indicateur
20:19de l'habitabilité du monde
20:22qui est le nôtre.
20:23Il y a énormément de questions
20:25et de témoignages d'auditeurs,
20:27certains qui manifestent leur inquiétude
20:29au standard ou sur l'appli
20:31ou d'autres qui, au contraire,
20:33retrouvent une forme d'espoir.
20:35En entendant ces quelques exemples
20:37qu'on a pu rencontrer
20:38au cours de notre conversation,
20:40vous faites partie
20:41d'une grande communauté de chercheurs.
20:43Vous êtes parmi les chercheurs français
20:45les plus en vue.
20:46Vous publiez énormément.
20:48Est-ce qu'il y a une communauté
20:49de la recherche sur la biodiversité
20:52comme celle qui existe
20:53sur le climat, par exemple,
20:54où il y a des consensus
20:56pour qu'on puisse porter des combats
20:58à l'échelle commune ?
21:00Oui, bien sûr.
21:00D'abord, cette communauté
21:01est commune à l'ensemble du monde.
21:04Aujourd'hui, il y a une plateforme
21:06comme le GIEC
21:06qui s'appelle l'IPBES
21:08et qui rassemble
21:09des scientifiques
21:10de tous les pays
21:11qui produisent ensemble
21:13des rapports
21:13à notre usage,
21:15à l'usage de tous
21:16et des gouvernements
21:16qui s'appellent l'IPBES.
21:18Et puis, il y a également,
21:19bien sûr, des communautés
21:20à l'intérieur de chaque pays
21:21ou en Europe, par exemple.
21:22En France,
21:22la communauté écologie-environnement,
21:24c'est plus de 7000 personnes,
21:26toutes employées confondues.
21:28Donc, c'est une grande communauté
21:29dans laquelle il y a
21:29beaucoup de connaissances
21:30qui sont produites
21:31pour le bien commun.
21:32Bugs Matter !
21:34Ce sera le mot d'ordre
21:35de cette matinée
21:36et il faut regarder sourire
21:38le pangolin.
21:39Merci infiniment,
21:41Philippe Grancola,
21:42d'avoir été l'invité d'Inter ce matin.
21:44Je vous souhaite
21:44une très belle journée.
21:46Merci, merci à vous aussi.

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