- 21/04/2025
Quand on pense destruction de livres et autodafés, on a souvent en tête les autodafés de 1933 en Allemagne. Pourtant, ils ne se sont pas arrêtés cette année-là et continuent même d'exister. Le sujet n'a jamais été aussi actuel. Pour mieux le comprendre, je vous propose une plongée historique, ainsi qu'un reportage dans les différents services de la Bibliothèque Nationale de France : dépôt légal, conservation et numérisation.
Cette vidéo n'est pas sponsorisée par la BnF (même si j'aurais kiffé), il s'agit uniquement d'un reportage où ils ont eu la gentillesse de nous partager les coulisses de leurs nombreux services.
Avec l'aide du CNC Talent : https://www.cnc.fr/professionnels/aides-et-financements/creation-numerique/fonds-daide-aux-createurs-video-sur-internet-cnc-talent_190814
Et de la Bourse Brouillon d'un rêve Impact de la Scam : https://www.scam.fr/lessentiel/bourses-brouillon-dun-reve/brouillon-dun-reve-impact-videastes-du-net/#:~:text=Attribu%C3%A9e%20directement%20aux%20cr%C3%A9atrices%20et,%2C%20vlogs%2C%20t%C3%A9moignages%2C%20etc.
📍 Faut-il porter des gants blancs pour manipuler des ouvrages précieux ? https://www.bnf.fr/fr/faut-il-porter-des-gants-blancs-pour-manipuler-des-ouvrages-precieux
Cette vidéo n'est pas sponsorisée par la BnF (même si j'aurais kiffé), il s'agit uniquement d'un reportage où ils ont eu la gentillesse de nous partager les coulisses de leurs nombreux services.
Avec l'aide du CNC Talent : https://www.cnc.fr/professionnels/aides-et-financements/creation-numerique/fonds-daide-aux-createurs-video-sur-internet-cnc-talent_190814
Et de la Bourse Brouillon d'un rêve Impact de la Scam : https://www.scam.fr/lessentiel/bourses-brouillon-dun-reve/brouillon-dun-reve-impact-videastes-du-net/#:~:text=Attribu%C3%A9e%20directement%20aux%20cr%C3%A9atrices%20et,%2C%20vlogs%2C%20t%C3%A9moignages%2C%20etc.
📍 Faut-il porter des gants blancs pour manipuler des ouvrages précieux ? https://www.bnf.fr/fr/faut-il-porter-des-gants-blancs-pour-manipuler-des-ouvrages-precieux
Catégorie
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Art et designTranscription
00:00Dans cette vidéo, on va parler de destruction de livres.
00:02Pourquoi dans l'histoire, des ouvrages ont été pris pour cible ?
00:05Comment ces pratiques sont aujourd'hui encore d'actualité ?
00:07Et enfin, qu'est-ce qu'on peut faire pour conserver et préserver au mieux ce patrimoine littéraire ?
00:12Bonjour et bienvenue, ici votre bon vieux Jeannot.
00:15Pour parler de ce sujet, laissez-moi vous parler d'une histoire que vous avez peut-être vue passer.
00:19Ces images, elles datent de février 2024.
00:21On est à Saint-Laurent-du-Var, dans les Alpes-Maritimes,
00:24et plus de 8000 titres sont jetés suite à la liquidation judiciaire de la grande librairie.
00:28Pas celle d'Augustin Trapenard, lui on l'embrasse.
00:30Celle-ci, c'est une librairie qui a fait faillite il y a un an.
00:32Le propriétaire en a ras-le-bol, il veut récupérer les lieux, alors pas de sentiments.
00:36Les ouvrages sont jetés directement par la fenêtre pour finir à la benne.
00:39Alors pourquoi les jeter plutôt que les donner à des associations ou des bibliothèques par exemple ?
00:43Et bien d'après le propriétaire, c'est une décision prise à contre-coeur.
00:46Le temps commence à se faire long et il espère bien relouer l'espace rapidement
00:49et se faire de la thune, le capitalisme quoi.
00:52Dans ce reportage de France 3, les passants s'indignent,
00:55dénoncent un gâchis et tentent de sauver ce qu'ils peuvent.
00:57Depuis mercredi en fait, j'ai appris qu'ils jetaient les livres.
01:00Des bennes, des tonnes de bennes, complètement honteux.
01:02C'est du papier Clairefontaine dans les Vosges, c'est du français,
01:05il y a eu des travailleurs, il y a eu des arbres coupés.
01:07C'est scandaleux, ça a pleuré.
01:09L'espace commentaire ne mâche pas ses mots non plus.
01:11Mais pourquoi jeter ? C'est pas possible de être si con, on jette pas des livres.
01:14Quand les fascistes brûlent des livres, c'est pas bien.
01:17Mais quand ce sont des républicains qui les jettent à la benne, c'est mieux.
01:20La société va mal quand on commence à jeter des livres.
01:22Et certaines personnes vont même jusqu'à comparer l'événement
01:25aux autos d'affaires du siècle dernier en Allemagne.
01:27Mais ça, je vous en dis pas plus pour le moment, ce serait vous spoiler le reste de la vidéo.
01:30Le raccourci est fait.
01:32Quand les livres disparaissent, la société va mal.
01:34Se débarrasser de livres, ce serait une entrave à la liberté individuelle et d'information,
01:38ce qui nous rappelle les heures les plus sombres de l'histoire
01:40et nous questionne sur une possible censure de la littérature.
01:43Tout le monde semble d'accord sur le fait que les livres sont des objets précieux.
01:46Ils détiennent toute notre culture, notre histoire,
01:49des informations déterminantes pour la progression de notre société.
01:52Et aussi, bien sûr, des histoires qui nous font rêver.
01:53Finalement, c'est simple, le livre, c'est sacré.
01:56Enfin, est-ce que tous les livres sont vraiment sacrés ?
01:58Non pas qu'on soit là pour faire une échelle de valeur, vous le savez,
02:01c'est pas l'ambiance par ici.
02:02Je vous explique ce que j'entends par là.
02:03Alors que je cherchais plus d'infos sur cette histoire,
02:05je suis tombée dans les méandres de TikTok et j'ai clairement pas été déçue.
02:09Avant de parler, il faut se renseigner sur la dite librairie,
02:11qui n'est en fait que la boutique d'une maison d'édition à compte d'auteur.
02:14Pour y être allé, c'était...
02:16Voilà, voilà.
02:18En m'y penchant un peu plus, j'apprends que cette librairie a en fait été ouverte
02:21par une maison d'édition qui s'appelle Sidney Laurent,
02:24spécialisée dans ce qu'on appelle l'édition à compte d'auteurs.
02:26Autrement dit, les auteurs payent eux-mêmes pour que leurs livres soient mis en page,
02:30relus et imprimés.
02:31Cette pratique, elle est loin d'être nouvelle.
02:33Le problème de système, c'est que dans certains cas,
02:35c'est clairement de la poudre de perlimpinpin.
02:37On fait croire à des auteurs et des autrices qu'ils vont vendre des tonnes de livres,
02:40souvent après que leur manuscrit ait été rejeté par les éditeurs dits classiques.
02:44Et les ambitions de la maison Sidney Laurent étaient quelque peu démesurées.
02:47Elles annonçaient dernièrement l'ouverture de 150 librairies,
02:50alors que la première s'est ramassée au bout de quelques mois d'activité.
02:53Ouais, non, il faut doser.
02:54C'est comme mentir sur son CV ou mettre sur une appli que tu fais 1m90
02:57alors que tu fais 20 cm de moins dans la vraie vie.
03:00C'est grillé là quand même.
03:01Mais revenons-en à ces fameux livres.
03:02Ça pose quand même une question.
03:03Est-ce qu'il fallait les préserver ?
03:05Et est-ce que c'est notre patrimoine culturel qui vient de finir à la benne ?
03:08Bon, j'avoue, ça fait deux questions en une, mais vous avez capté.
03:10Déjà, j'avais à peu près quatre idées de documentaires
03:12en regardant juste ce petit bout de reportage.
03:14Fallait faire des choix.
03:17Aujourd'hui, c'est est-ce qu'on devrait forcément garder religieusement
03:20tous les livres du monde ?
03:21Non, parce que ça prend de la place quand même tout ça.
03:23Genre les livres de nos politiques qui sortent non-stop
03:25et qui ne se vendent pas toujours très bien.
03:27Où se trouve la frontière entre artefacts dignes d'être dans un musée
03:30et objets encombrants ?
03:31Je vous emmène avec moi pour cette petite enquête
03:33sur la conservation du livre
03:34où j'ai rencontré des professionnels à la Bibliothèque Nationale de France.
03:40Il va sûrement y avoir un peu.
03:43C'est un ordre.
03:44Les livres n'ont rien à nous dire.
03:48On appelle bonne ou mauvaise lecture
03:49des choses qui sont considérées par d'autres
03:51comme pas bonnes sur le plan de la morale ou de la culture.
03:55Il faut brûler les livres.
03:57Tous les livres.
04:01Il y a un sujet qui m'intéresse grave depuis quelque temps
04:03et qui ne me sort pas de la tête, je ne sais pas pourquoi.
04:05C'est la destruction de livres.
04:07Oui, bah écoutez, chacun c'est hobby,
04:08alors autant vous en parler.
04:09Cette vidéo, c'est donc la première d'un documentaire en deux parties.
04:12On va d'abord parler d'autodafé,
04:14de pourquoi c'est important de préserver des livres
04:16et tout ce que ça implique.
04:17Puis une fois l'approche historique et technique posée,
04:19une deuxième partie sortira un petit peu plus tard
04:22avec plus d'intervenants qui réagissent aux incendies de livres
04:24lors des révoltes de juin 2023 suite à la mort de Naël.
04:28On y évoque plus largement l'accessibilité aux livres
04:30avec notamment une approche sociologique.
04:32Mais avant ça, on va parler de conservation de livres.
04:34Depuis quand est-ce qu'on le fait et surtout pourquoi ?
04:36Bon, déjà, il y a peu d'informations sur le sujet.
04:39Suffit de faire un petit tour sur la page de Wikipédia pour le comprendre.
04:42Ouais, c'est pas la source historique la plus ouf, j'en conviens,
04:44mais ça donne clairement le ton pour la suite de mes recherches.
04:47Quand on parle de conserver des documents,
04:48l'objectif c'est de les faire durer dans le temps.
04:50Sauf que très loin dans le passé,
04:52on n'avait pas forcément cette notion
04:53de vouloir garder des objets précieusement
04:55pour que les générations suivantes en profitent.
04:57Et puis on se doutait pas non plus
04:58qu'ils seraient victimes du temps
04:59ou pourraient être endommagés.
05:01Comme toutes ces photos par exemple
05:02et surtout ces photomotages
05:03stockés sur nos Skyblogs
05:05qui ont disparu du jour au lendemain sur les internets.
05:07Bon, alors ça, c'est peut-être pas une mauvaise chose.
05:09Bon, ce que je vous dis, c'est pas tout à fait vrai.
05:11La BNF a collecté les Skyblogs,
05:13mais comme on s'en doute,
05:14elle ne peut pas garantir l'exclusivité des archives produites.
05:17Genre mon fanblog sur Charmed,
05:19peut-être ils l'ont pas, c'est pas très grave.
05:21On note quand même quelques réflexions
05:22à ce sujet au cours de l'histoire.
05:24Par exemple, en 750 avant Jésus-Christ,
05:26les prophètes Isaé et Jérémie de l'Ancien Testament
05:29parlaient de l'importance de la préservation des documents.
05:31Puis ensuite, chez les Scribes,
05:33ceux du Proche-Orient ancien seraient les premiers
05:35à mettre en place des techniques de conservation
05:37avec des locaux d'archivage
05:39où ils rangeaient des tablettes d'argile
05:40datant du Néolithique et de la fin de l'Antiquité.
05:42C'est une bonne situation, ça, Scribes.
05:44Les Scribes de l'Égypte antique, quant à eux,
05:46gardaient les données comptables,
05:48religieuses et historiques sur les papyrus.
05:50Et enfin, un désir encyclopédique
05:52et de conservation né en Grèce antique
05:54avec la création de la Bibliothèque d'Alexandrie.
05:56Elles disposaient de copistes
05:57dont les missions étaient multiples,
05:59notamment de conserver, traduire, critiquer,
06:02constituer des catalogues
06:03et des livres pour les diffuser.
06:04Ce qui va véritablement changer la donne,
06:06c'est l'arrivée du livre tel qu'on le connaît,
06:08avec au Moyen-Âge le début du codex.
06:11Avant le IIe siècle,
06:12les documents étaient plutôt des rouleaux
06:13ou des tablettes de cire.
06:15Mais à l'époque,
06:15une classe bourgeoise se développe,
06:17ce qui favorise alors la recherche de divertissement
06:19et donc le développement du livre,
06:21ça fait plaisir.
06:22C'est donc un objet nouveau
06:23et la question de la conservation,
06:25elle n'arrive pas non plus dans la seconde,
06:26alors qu'il coûte une blinde sa mère.
06:28Ils deviennent par définition très précieux
06:29et les monastères se chargent alors
06:31de reproduire des ouvrages,
06:32les fameux moines copistes
06:33et on a les premières bibliothèques
06:35qui sont créées.
06:36Sinon, de manière générale,
06:38avant les bouquins
06:38et pour le côté patrimoine culturel,
06:40tout ça,
06:41on conservait les documents d'abord
06:42pour l'administration,
06:43genre tout ce qui est finances,
06:44juridique,
06:45et puis aussi parce qu'il faut bien savoir
06:46qui paye ses impôts ou pas.
06:47En France,
06:48l'un des plus anciens fonds d'archives,
06:50donc c'est pas juste des livres,
06:51mais aussi des documents,
06:52c'est le trésor des chartes,
06:53conservé au XVIIIe siècle
06:55et jusqu'en 1783
06:56à la Sainte-Chapelle de Paris.
06:58Et en 1616,
06:59le pape Paul V
07:00fonde les archives apostoliques
07:02du Vatican,
07:03aussi appelées secrètes,
07:04parce que ce sont
07:05les archives privées du Vatican.
07:07Il y recueillait des registres,
07:08mais aussi des livres
07:09et des documents saints.
07:10On y trouve des archives
07:11sur l'histoire des papes,
07:12des familles aristocratiques
07:13qui ont des connexions
07:14avec le pape,
07:15des archives sur les ordres religieux,
07:17vous voyez à peu près le genre.
07:18Et ce n'est qu'en 1953
07:19qu'est créé le laboratoire
07:20de conservation,
07:22restauration
07:22et relire des archives apostoliques.
07:24Comme on peut le voir,
07:25pour ce qui est de la préservation,
07:27bah finalement,
07:27c'est une réflexion
07:28qui s'organise assez tard
07:29et ce sont même
07:30les conservateurs du XXe siècle
07:32qui démocratisent leur métier
07:33suite à un événement tragique
07:34mais déterminant,
07:36l'inondation en 1906
07:37à Florence
07:38où 101 personnes meurent
07:39lors de ce drame
07:40et des millions d'œuvres d'art
07:41et de livres rares
07:42sont détruits et endommagés.
07:43Et pour préserver les livres,
07:45il faut d'abord les stocker,
07:46les référencer
07:47et les archiver.
07:48La première étape de ce cycle,
07:49elle s'appelle le dépôt légal
07:50et c'est une invention française.
07:52Pour savoir comment ça se passe,
07:53il faut qu'on sorte,
07:54je vous emmène faire un petit tour.
07:55On se trouve
07:56à la Bibliothèque Nationale de France.
07:58C'est ce grand bâtiment
07:59avec quatre tours
08:00qui représentent des livres ouverts.
08:01Voilà, petite anecdote.
08:03C'est aussi un lieu
08:03très apprécié
08:04par les Férus de Danse.
08:05C'est la plus grande bibliothèque de France
08:06et donc c'est là
08:07que vont être stockés
08:09tous les livres
08:09qui sont édités
08:10et publiés en France.
08:11Ça fait un sacré paquet de livres,
08:13on s'en doute.
08:14Et d'ailleurs,
08:14il n'y a pas que des livres
08:15mais ça, on en reparlera après.
08:17Et donc, les missions de la BNF,
08:18ça va être
08:19de stocker ses livres,
08:20de les conserver
08:21et les restaurer
08:22quand il y a besoin.
08:23Et pour comprendre
08:24un petit peu
08:24toutes les missions de la BNF,
08:26on va aller visiter
08:27plusieurs des services.
08:28C'est parti,
08:29suivent le guide !
08:34Le camion de la Poste
08:42vient de nous livrer
08:43la totalité du courrier
08:44à destination
08:45de la Bibliothèque nationale de France.
08:46Parmi ces arrivées
08:48se trouve donc
08:48ce qui nous est déposé
08:50au titre du dépôt légal.
08:52Mes collègues du service courrier
08:54se livrent au tri
08:55de ce qui a été déposé ce matin
08:58de manière à identifier
08:59et à mettre de côté
09:01ce qui concerne
09:02le dépôt légal des livres
09:03et le dépôt légal des périodiques.
09:05Donc, c'est vraiment à ce niveau-là
09:06que se fait le tri
09:07des entrées de dépôt légal.
09:08Et donc, vous vous occupez
09:09plutôt de tout ce qui est
09:10au niveau des livres,
09:11pas des périodiques ?
09:11Mon service effectivement
09:13s'occupe du dépôt légal des livres.
09:15Coucou, ça va ?
09:16Un autre service
09:17parallèle au nôtre
09:19se chargera
09:19des entrées
09:20de dépôt légal
09:21périodiques.
09:27Est-ce que vous pouvez m'expliquer
09:28ce que c'est le dépôt légal
09:29et comment ça fonctionne ?
09:30Le dépôt légal,
09:32c'est l'obligation
09:32qui est faite
09:33à tout éditeur,
09:35diffuseur,
09:35imprimeur
09:36de faire le dépôt
09:38de ce qu'il publie
09:39à la Bibliothèque nationale
09:41de France.
09:41Et ce dépôt doit être fait
09:43en un exemplaire
09:44de manière à constituer
09:46une collection de références
09:48de tout ce qui a été
09:49diffusé en France.
09:50Il y a trois organismes
09:52qui font la collecte
09:53du dépôt légal.
09:54Il y a donc
09:54la Bibliothèque nationale
09:55de France,
09:56il y a l'INA,
09:57l'Institut national
09:57de l'audiovisuel
09:58pour tout ce qui est
09:59des émissions de radio
10:01et de télévision.
10:02Et il y a le CNC,
10:03le Centre national du cinéma,
10:05pour tous les films.
10:06La BNF, par exemple,
10:06vous conservez les jeux vidéo,
10:07si je ne dis pas de bêtises.
10:08Oui.
10:09Donc, il y a quand même,
10:10on n'est pas que sur les livres.
10:11Il y a vraiment cet enjeu
10:12de préserver tout le patrimoine
10:14dans tout ce que ça concerne.
10:15Oui, on essaye de collecter
10:16tous les documents
10:18de toute nature.
10:19Donc, au fur et à mesure
10:20qu'on invente
10:21de nouveaux supports,
10:23de nouveaux documents,
10:25que ce soit au début
10:26l'imprimer
10:27et puis petit à petit
10:28des documents
10:29de l'image,
10:31du son,
10:32de la vidéo,
10:33eh bien,
10:33on a élargi
10:34le domaine
10:35du dépôt légal
10:36et donc,
10:37on collecte au maximum
10:38toute cette production.
10:39Ça va jusqu'au site Internet.
10:40Le dépôt légal
10:41a été institué
10:42par François 1er
10:44en 1537
10:45par l'édit de Montpellier.
10:46À l'époque,
10:47on était dans un moment
10:48à la fois
10:49de diffusion des idées
10:51parce qu'il y avait
10:51évidemment
10:52les progrès
10:53de l'imprimerie
10:54qui m'ont permis
10:54de diffuser
10:55un certain nombre
10:56d'écrits
10:57en grande quantité.
10:58Et puis,
10:58on était aussi
10:59à une époque
10:59de réception importante
11:03des idées protestantes
11:04au sein de la population.
11:06Et donc,
11:06François 1er avait,
11:08pour conforter
11:10son pouvoir de police,
11:11besoin d'obliger
11:13chaque éditeur,
11:15imprimeur libraire,
11:17à déposer un exemplaire
11:18de tous les écrits
11:19qu'il diffusait
11:20au sein des collections royales.
11:22Donc, à l'origine,
11:23c'est quand même
11:23plutôt une contrainte.
11:24À l'origine,
11:25c'est effectivement
11:26un moyen
11:27pour le pouvoir royal
11:29de mieux contrôler
11:30la diffusion
11:30des idées
11:31sur le territoire.
11:31En termes de quantité,
11:33à titre d'exemple,
11:33l'année 2022,
11:35nous avons enregistré
11:36près de 82 000 documents.
11:39Ça veut dire
11:39qu'on en a vu passer
11:40entre nos mains
11:41environ 100 000.
11:4282 000 enregistrés,
11:43ça représente au quotidien
11:45une moyenne
11:45de 300 à 400 documents
11:48par jour
11:49que les collègues
11:50du service des entrées
11:51se chargent de trier,
11:53de répartir
11:53dans les différentes filières
11:54de traitement.
11:55Dès l'entrée,
11:56on est très exigeant
11:57sur la qualité physique
11:59du document.
12:00C'est-à-dire que
12:00si le document arrive
12:01un petit peu abîmé,
12:02on ne va pas l'enregistrer
12:05comme ça,
12:05on va demander
12:06son remplacement.
12:06On va ouvrir les colis
12:07et on va s'assurer
12:08qu'il est en bon état,
12:09qu'il n'est pas défectueux.
12:11Là, on voit
12:11qu'il est en bon état.
12:12On va le timbrer
12:13pour la tête d'aujourd'hui,
12:14pour dire qu'on l'a bien reçu.
12:15Donc, je le mets là.
12:17On peut recevoir
12:18tout type d'imprimé.
12:19Ça peut être
12:20du guide de voyage,
12:22du livre relié,
12:23du livre brochet,
12:24donc avec les nouvelles sorties,
12:26également des BD,
12:27des livres pour enfants.
12:29Ensuite,
12:30vous avez également
12:32des documents
12:35qui sont traités
12:36en recueil,
12:38c'est-à-dire
12:38qui ne sont pas décrits
12:40à la pièce
12:41et pour lesquels
12:42on va appliquer
12:43un traitement
12:44plus archivistique,
12:45donc à la boîte
12:46ou au dossier.
12:47Les recueils,
12:48ça peut être,
12:49par exemple,
12:49des tracts,
12:51des brochures.
12:53Ça peut servir
12:54à des chercheurs.
12:56Imaginons un chercheur
12:57qui va vouloir
12:59documenter mai 68.
13:01Donc,
13:01il aura à sa disposition
13:02la boîte
13:03de mai 68,
13:04mais également,
13:05ça peut être
13:06un réalisateur
13:08qui va vouloir
13:09connaître
13:10la tendance vestimentaire
13:12des années 70
13:13et qui va faire
13:14la demande
13:14d'un catalogue VPC,
13:15encore une fois.
13:16Et puis,
13:17vous avez
13:17tous les autres ouvrages
13:19que l'on va réorienter
13:21vers d'autres départements
13:23et qui ne sont pas
13:24destinés aux livres
13:25à proprement parler,
13:26aux dépôts légals
13:27du livre.
13:27Donc là,
13:27ici,
13:28c'est les livres
13:28que vous avez reçus
13:29qui sont endommagés.
13:30Tout à fait.
13:31Donc,
13:31il y a deux cas de figure.
13:32Soit,
13:33on va contacter
13:34le déposant
13:35pour qu'il puisse
13:36nous renvoyer
13:38un exemplaire
13:38ou bien alors,
13:39nous pouvons procéder
13:42à des petites réparations
13:43ici même
13:44au sein de la BNF.
13:45Là,
13:45vous avez un ouvrage
13:46qui est assez drôle
13:48puisqu'il s'agit
13:50d'un coloriage
13:51et très certainement
13:53que les enfants
13:54de cette personne
13:58ont pris plaisir
13:59à colorier le livre.
14:02Donc,
14:02nous ne pouvons pas
14:03le recevoir
14:03ni le conserver
14:04en l'état.
14:05Vous conservez
14:05beaucoup,
14:06beaucoup de choses
14:06et parfois,
14:07on peut se dire justement
14:08mais quel intérêt
14:09peut-être de garder,
14:09je ne sais pas,
14:10Gala, Voici,
14:11est-ce que vraiment
14:11ça fait partie
14:12de notre patrimoine ?
14:13On est pleinement
14:13dans notre mission.
14:14Nous ne nous prononçons
14:15pas sur le contenu
14:17des documents
14:17que nous récoltons
14:19par dépôt légal,
14:19que nous collectons
14:20par dépôt légal.
14:21Notre mission,
14:22c'est vraiment
14:22de constituer
14:24une collection
14:25de références
14:26de ce qui s'est diffusé
14:27sur le sol français
14:29à un moment donné.
14:30Le dépôt légal
14:31est institué
14:32par le Code du patrimoine.
14:34Il a pour mission
14:35de conserver
14:37le patrimoine
14:38bibliographique français,
14:40donc un exemplaire
14:41de tous les documents
14:43publiés,
14:44édités,
14:45diffusés
14:46sur le sol français.
14:47Par cette mission,
14:48en fait,
14:48il constitue
14:49une mémoire collective
14:51de la société française
14:53au fil des époques,
14:55ce qui fait que
14:56dans les collections patrimoniales
14:58constituées par dépôt légal,
14:59on va retrouver
15:00effectivement
15:01des documents
15:02qui font sens
15:03puisqu'ils disent
15:04quelque chose
15:05de la société française
15:06à un moment donné.
15:07Ce qui est important
15:08de bien comprendre,
15:09c'est que les documents
15:10qui sont déposés
15:11par dépôt légal
15:12sont consultables
15:13par des chercheurs
15:14accrédités
15:15dans les salles de lecture
15:16de la bibliothèque de recherche,
15:18de la bibliothèque nationale.
15:19Et donc,
15:20ça nous amène,
15:21par exemple,
15:21à avoir des chercheurs
15:23qui, aujourd'hui,
15:23s'intéressent
15:25au catalogue
15:26de vente
15:26par correspondance
15:27des années 70,
15:28qui ont l'air
15:28un petit peu
15:29comme ça,
15:29anecdotiques,
15:30mais qui disent
15:31quelque chose
15:32de la société française
15:33de la même manière
15:34qu'on va trouver
15:35des chercheurs
15:36peut-être dans 50 ans
15:37qui vont s'intéresser
15:38au phénomène
15:39de multiplication
15:41des cahiers de vacances
15:42pour adultes
15:43ou des livres
15:44de coloriage
15:45pour adultes
15:45qui diront quelque chose
15:46de la société française
15:47d'aujourd'hui.
15:48Il arrive que
15:49ce qu'on appelle
15:50les déposants,
15:51c'est-à-dire
15:52que les personnes,
15:53les organismes,
15:54etc.,
15:54qui ont publié
15:55un document,
15:56nous envoient
15:57quelque chose
15:57qui n'a pas
15:58à entrer
15:59dans le dépôt légal
16:00parce que
16:01ça ne fait pas partie
16:02du champ du dépôt légal.
16:03Et on en reçoit
16:04un certain nombre
16:05et il faut
16:07une certaine vigilance.
16:09Les éditeurs
16:09sont des gens
16:09qui ont énormément
16:10d'imagination.
16:11Ils inventent tous les jours
16:12des nouveaux produits éditoriaux
16:13et on est amenés,
16:15nous aussi,
16:16à se poser la question
16:17ce qu'on a entre les mains.
16:19Est-ce un livre ?
16:19Qu'est-ce qu'un livre ?
16:20C'est une question
16:21qu'on se pose vraiment
16:22au quotidien
16:22et il arrive
16:23qu'on rejette
16:24un certain nombre
16:24de documents
16:25comme par exemple
16:26ce genre de choses
16:28qui est en fait
16:30un moule
16:30pour faire la cuisine,
16:32pour faire
16:33des petits nounours
16:34en guimauve.
16:36C'est surtout
16:36un moule
16:37à gâteau
16:38avec un tout petit
16:39livret de recettes.
16:41Donc ça,
16:41on va considérer
16:42que c'est hors champ
16:43du dépôt légal
16:44et on ne va pas
16:44l'enregistrer.
16:46Donc là,
16:46je vais enregistrer
16:48le livre
16:49et créer
16:49une pré-notice
16:51qui va lui assurer
16:52sa parution au catalogue
16:53et qui va permettre
16:54ainsi au livre
16:55d'avoir une visibilité
16:57au sein des collections
16:59patrimoniales
17:00de la bibliothèque.
17:02Quand on voit
17:03tout ce qui arrive,
17:04on peut se dire
17:04mais comment est-ce
17:05que c'est stocké ?
17:06Est-ce qu'il y a besoin
17:06de faire sortir
17:07d'autres bâtiments
17:08du sol
17:08pour stocker tout ça ?
17:09Est-ce qu'il y a des choses
17:10au bout d'un moment
17:11qui sont jetées
17:11ou numérisées
17:13pour pouvoir les jeter
17:13la version physique ?
17:15Comment est-ce que vous
17:15en sortez au niveau
17:16de la place ?
17:16D'abord,
17:17on ne jette,
17:18on ne pilonne,
17:19comme on dit
17:19en bibliothèque,
17:20jamais un document
17:21de dépôt légal.
17:22Donc tous les documents
17:23qui sont entrés
17:24par dépôt légal
17:24dans les collections
17:25de la bibliothèque nationale
17:26depuis 1537
17:27sont toujours
17:28dans les collections.
17:30Donc effectivement,
17:31il y a une accumulation,
17:34donc ça pose évidemment
17:35un problème,
17:36enfin une question
17:37de stockage.
17:38Donc ici,
17:39sur le site
17:39François Mitterrand,
17:41les documents sont stockés
17:42dans des magasins
17:43qu'on appelle
17:43de conservation,
17:44donc dans les étages,
17:45les quatre tours,
17:46entre le huitième
17:47et le dix-huitième,
17:48dans ce qu'on appelle
17:49le socle,
17:49c'est-à-dire les niveaux
17:50qui sont en dessous
17:51des tours,
17:52une externalise,
17:53c'est-à-dire qu'on va
17:53stocker ailleurs,
17:55dans des silos,
17:56par exemple,
17:57des documents
17:57qui sont sélectionnés
17:59parce qu'il y a moins
18:00une notion de fragilité
18:02que certains autres
18:03ou alors ils sont
18:04moins demandés
18:04par les lecteurs,
18:05donc on a moins besoin
18:06de les avoir sous la main
18:08pour les communiquer
18:09et dans ce cas-là,
18:10on va pouvoir
18:10les stocker à l'extérieur.
18:11Historiquement,
18:12la pratique de la bibliothèque
18:13d'Alexandrie
18:13pourrait s'apparenter
18:14à une forme de dépôt légal
18:15puisque tous les documents
18:16qui arrivaient en Égypte
18:17étaient confisqués
18:18par les employés
18:19de la bibliothèque
18:20qui les faisaient copier,
18:21conserver l'original
18:22et redonner une copie.
18:23Comme on vient de l'apprendre,
18:24François Ier
18:25est considéré
18:26comme l'initiateur
18:26du dépôt légal en France
18:28et plusieurs pays européens
18:29vont suivre le mouvement
18:30au XVII et XVIIIe siècle.
18:32L'UNESCO l'encourage même
18:33et favorise
18:34l'organisation du dépôt légal
18:35dans le monde entier
18:36à partir de 1945
18:37et ça,
18:39en particulier
18:39dans les pays
18:40en développement
18:40et notamment
18:41les États
18:42ayant accédé
18:42à l'indépendance.
18:43Des endroits
18:44qui conservent
18:44des documents,
18:45archives et livres
18:46en France,
18:46il y en a plein d'autres.
18:47Mais je trouvais en tout cas
18:48important de revenir
18:49sur cette notion
18:50de dépôt légal.
18:50Si l'on garde
18:51tous ces documents
18:52et livres,
18:52c'est parce que
18:53leur valeur est inestimable.
18:54Les fossiles,
18:55l'architecture
18:55ou encore
18:56les œuvres d'art
18:56sont aussi
18:57des témoins
18:57de notre histoire.
18:58On peut les analyser
18:59et en tirer
19:00des conclusions
19:01sur notre passé.
19:01Mais les documents
19:02et les livres,
19:03ils utilisent carrément
19:04notre langage
19:04pour raconter
19:05ou enregistrer
19:05des faits,
19:06des pensées
19:06et des inventions
19:07de nos ancêtres.
19:08En lisant ces mots,
19:09on a un aperçu
19:09de leur valeur,
19:10leur manière de parler,
19:11leur quotidien
19:12et c'est grâce à ça
19:13qu'on peut reconstituer
19:14une image de notre passé.
19:15Plus que la conservation
19:16du patrimoine culturel
19:17et intellectuel,
19:18sans les documents,
19:19on n'aurait pas d'histoire.
19:20Et sans histoire,
19:21on ne peut pas apprendre
19:22du passé
19:22et aller vers le progrès.
19:23Vous vous êtes par exemple
19:24peut-être déjà demandé
19:25comment est-ce qu'on sait
19:26qu'il ne faut pas manger
19:26des plantes toxiques ?
19:27Heureusement,
19:28quelqu'un a pensé
19:28à noter tout ça
19:29et à le diffuser.
19:30On peut penser
19:30à l'encyclopédie
19:31éditée par Diderot
19:32en 1751
19:34ou à plusieurs auteurs
19:35et savants français
19:35qui ont permis
19:36de rassembler
19:37du savoir essentiel
19:37autour des sciences,
19:38de l'art,
19:39de l'économie
19:40et de l'histoire.
19:40Et cette transmission,
19:41elle passe aussi
19:42par la fiction
19:42et elle est d'ailleurs
19:43tout aussi intéressante.
19:44En lisant les contes
19:45de Canterbury,
19:46de Geoffrey Chaucer,
19:47on suit par exemple
19:4830 pèlerins
19:49qui illustrent
19:49des clichés
19:50et catégories de personnes
19:51qu'on pouvait rencontrer
19:52à l'époque
19:52avec des chevaliers,
19:54moines, marchands,
19:55une épousée grise,
19:56un meunier, etc.
19:57Et en plus d'avoir
19:58une idée de l'humour
19:59de l'époque,
19:59on a une image typique
20:00des interactions sociales.
20:02On y découvre aussi
20:02certaines morales,
20:03vices et façons de parler.
20:05Et ne pas pouvoir apprendre
20:06grâce aux traces
20:06de son histoire,
20:07c'est une violence
20:08inouïe pour un peuple.
20:09Pour revenir sur le début
20:10de la vidéo,
20:11quand on pense
20:11destruction de livres,
20:12vous avez peut-être
20:13en tête les autodafés
20:14de 1933 en Allemagne.
20:16Alors un autodafé,
20:17à l'origine,
20:17ça vient directement
20:18du portugais
20:19qui se dit
20:20autodafé,
20:21qui vient aussi du latin
20:22actus fide.
20:23Il signifie acte de foi
20:24et au Moyen-Âge,
20:25un autodafé,
20:26c'était une séance
20:27de l'Inquisition
20:28pendant laquelle
20:28une personne accusée
20:29d'hérésie
20:30devait prouver
20:32au sens chrétien du terme
20:34donc,
20:35c'est l'acte de détruire
20:36par le feu
20:36quelque chose
20:37qui insulte la religion.
20:38Le feu est alors
20:39destructeur et purificateur.
20:41Il consume son objet
20:42et supprime également
20:43les impuretés
20:43comme en témoigne
20:44son usage médical.
20:45Ensuite,
20:46au cours de l'histoire,
20:47l'autodafé est devenu
20:48l'instrument des extrêmes
20:49qui, une fois arrivé au pouvoir,
20:51aspire à abolir
20:52les sources matérielles
20:53de la dite corruption.
20:54C'est ce qui s'est passé
20:55le 10 mai 1933
20:56à Berlin
20:57lorsque les nazis
20:58brûlent 25 000 ouvrages
20:59de grands penseurs
21:00et d'écrivains.
21:01Il s'agissait majoritairement
21:02de juifs de langue allemande.
21:03Parmi eux,
21:04on retrouve Karl Marx
21:05et Albert Einstein,
21:06tous deux anciens élèves
21:07à l'université Humboldt.
21:09C'est un événement
21:10qui a servi
21:10à nourrir la propagande.
21:11Il ne peut y avoir
21:12qu'une seule manière de penser.
21:13On parle de la nuit,
21:14de la honte
21:15et d'autres autodafés
21:16ont eu lieu
21:16dans des universités allemandes.
21:18On encourage alors
21:19les étudiants
21:19à le faire eux-mêmes
21:20pour soutenir le régime.
21:21L'autodafé,
21:22finalement,
21:22c'est ça.
21:23C'est pas seulement
21:23détruire des livres,
21:24mais c'est mettre en scène
21:25cet effacement.
21:25Les nazis revendiquaient alors
21:27l'ambition de,
21:27je cite,
21:28« purifier la langue
21:29et la littérature allemande »
21:30par, une fois de plus,
21:31je cite,
21:31« un nettoyage des livres par le feu ».
21:33C'est symbolique
21:34parce que finalement,
21:34ce qu'on cherche à cramer,
21:35c'est pas vraiment
21:36l'objet lui-même,
21:37même si là,
21:38c'est le cas.
21:38Mais en fait,
21:39aujourd'hui,
21:39on se dit que ces ouvrages,
21:40on les a pas complètement perdus.
21:42On brûlait uniquement
21:42des exemplaires
21:43et ce qu'on veut véritablement effacer,
21:45c'est les idées
21:46et par extension,
21:47les personnes qui les ont écrites.
21:48À ce moment-là,
21:49on parle aussi
21:49de décapitation intellectuelle
21:51et la plupart des auteurs
21:52ont fui l'Allemagne.
21:52Ça a d'ailleurs inspiré
21:53Reb Radbury
21:54pour son livre
21:55Fahrenheit 451
21:56en 1953.
21:58Dans cette dystopie,
21:59tous les livres sont interdits
22:00et les pompiers sont chargés
22:01de brûler tous les livres trouvés.
22:03C'est un roman
22:03qui nous questionne
22:04sur la censure,
22:05la liberté individuelle
22:06et intellectuelle
22:07et qui critique
22:08les régimes oppressifs.
22:09Et le titre fait référence
22:10à la température
22:11à laquelle le papier
22:12d'un livre prend feu.
22:13Détruire un livre,
22:13finalement,
22:14ce n'est pas détruire l'objet
22:15ou l'activité de lecture,
22:16c'est détruire des idées,
22:17l'évolution de la société
22:19et l'ouverture intellectuelle.
22:20Si les autos d'affaires
22:21en Allemagne
22:22n'étaient que symboliques,
22:23Bradbury imagine un monde
22:24où le savoir et les idées
22:25finissent par se perdre
22:26complètement
22:27et où le gouvernement
22:28peut véhiculer l'histoire
22:29et les idées qu'ils veulent.
22:30Il n'y aura plus de preuves
22:31que d'autres pensées ont existé
22:32et on peut imposer
22:33la pensée unique
22:34par la propagande.
22:35C'est d'ailleurs
22:35l'un des sujets principaux
22:36de son livre,
22:37les dangers liés
22:37aux médias de masse
22:38et au non-accès
22:39aux sources intellectuelles.
22:40L'auteur Bradbury
22:40était d'ailleurs
22:41un intellectuel autodidacte,
22:43il n'a pas eu
22:43d'éducation poussée
22:44et tout ce qu'il sait,
22:45il le savait grâce au livre.
22:46Et comme on le comprend
22:47dans son livre,
22:48plus on est éduqué,
22:49plus on est apte
22:49à faire nos propres choix
22:50et avoir nos propres pensées
22:51et donc ne pas être victime
22:52de la propagande.
22:53Il est aussi mentionné
22:54dans plusieurs études
22:55de Fahrenheit 451
22:56que la destruction
22:57de la bibliothèque d'Alexandrie
22:58a influencé Bradbury
23:00pour son livre.
23:00Elle est fondée
23:01autour de 290
23:02avant Jésus-Christ
23:03par Ptolémée.
23:04Cette institution
23:05avait pour but
23:05de conserver
23:06tous les savoirs du monde,
23:07rien que ça.
23:07C'est la plus fournie
23:08de l'Antiquité,
23:09un vrai trésor à l'époque,
23:10un délire le truc.
23:11Et on ne sait toujours
23:12pas véritablement
23:12ce qui s'est passé,
23:13mais il y a plusieurs théories.
23:14La plus probable,
23:15c'est qu'elle aurait été détruite
23:16par un feu accidentel
23:17lors de la guerre de César.
23:19Ce n'est pas hyper évident
23:19de lever le voile
23:20aujourd'hui sur ce mystère
23:21car on est dépendant
23:22des rapports écrits
23:23qui peuvent toujours
23:24être consultés aujourd'hui,
23:25mais déjà,
23:26on a le filtre de la traduction
23:27et on a aussi
23:28le filtre de l'interprétation
23:29et parfois juste
23:30les choses n'ont pas été rapportées.
23:31Il y a comme une sorte
23:32de silence historique
23:33autour de cet événement.
23:34On ne sait même pas
23:35quand exactement
23:35tout aurait été détruit.
23:37En tout cas,
23:37l'impact aujourd'hui,
23:38il est énorme.
23:39C'est du savoir
23:39qui est perdu à jamais.
23:40Il y a d'autres cas récents
23:41de destruction de livres.
23:42Il y a celui
23:43de l'emblématique
23:44à Sarajevo.
23:45Il s'agit de la bibliothèque
23:46publique et universitaire
23:48de Bosnie-Herzégovine
23:49à Sarajevo.
23:50Elle a été bombardée
23:50par les serbes bosniaques
23:52lors de leur siège.
23:53Dans la nuit du 25 août 1992,
23:55le feu allumé
23:56par des grenades détruit
23:57entièrement le bâtiment historique
23:58de la bibliothèque
23:59et la plupart de ses collections
24:00de près de 2 millions de volumes.
24:02Ce lieu,
24:02c'était un symbole
24:03de multiculturalité
24:04de la région
24:05sous les empires ottomans
24:06et austro-hongrois
24:07et beaucoup d'habitants
24:08se sont sacrifiés
24:09pour tenter de sauver
24:09les livres irremplaçables
24:10lors de l'attaque.
24:11On parle alors
24:12de génocide culturel
24:13ou d'urbicide,
24:14mémoricide,
24:15culturicide.
24:16La bibliothèque a réouvert
24:17en 2014
24:18suite à une forte mobilisation
24:19mais comme vous vous en doutez,
24:21on n'a pas pu retrouver
24:21tous les livres.
24:22En réalité,
24:23c'est un acte
24:23contre la diversification
24:25des cultures
24:25qui détruit donc
24:26un patrimoine cher à un peuple.
24:27On leur interdit
24:28d'être représenté
24:29et d'être fier.
24:30Et pour illustrer ça,
24:31je voudrais vous partager
24:32les quelques mots
24:32du journaliste
24:33Svelklo Vukovic.
24:34Avec la destruction
24:36des symboles de la ville,
24:37on a voulu susciter
24:38une sensation d'achèvement,
24:39d'inconnu.
24:40Sans le Vieschnitsa,
24:42l'ancienne poste,
24:43l'hôtel Evropa,
24:44les Tours Unis,
24:45Sarajevo est une ex-ville.
24:48Une ville sans identité,
24:49une ville qui n'est plus
24:50en mesure d'éveiller
24:51visuellement
24:52un sentiment d'appartenance.
24:54C'est une ville
24:55où les gens deviennent
24:56des étrangers
24:57à leur insu.
24:58Les villes de ce genre
24:59sont plus faciles
25:00à chasser de la mémoire,
25:02à partager.
25:03Kemal Bakarci,
25:03qui est directeur
25:04de la bibliothèque
25:05du musée national
25:06de Bosnie-Herzégovine,
25:07a lui aussi été témoin
25:08de l'incendie de Jvietnika
25:09et voici ce qu'il en dit.
25:10Mais je pense que le but
25:11de ce genre d'agression
25:12contre des musées,
25:14des bibliothèques,
25:14est d'effacer en nous
25:15le souvenir
25:15de ce que nous sommes.
25:17Pour quelle autre raison
25:17quelqu'un voudrait-il brûler
25:18des livres ?
25:19Simplement pour créer
25:20une situation
25:20où les membres d'une société
25:22n'ont plus la mémoire
25:22de leur passé.
25:23L'objectif semblerait
25:24de vouloir effacer
25:25une culture,
25:25une histoire,
25:26pour imposer la sienne.
25:27C'est quelque chose
25:28qui est également arrivé
25:29dans la nuit du dimanche
25:3022 février 2015
25:31en Irak.
25:32L'État islamique
25:33en Irak et au Levant
25:34a bombardé la bibliothèque
25:35de la ville de Mossoul
25:36au nord de Bagdad.
25:37C'est plus de 8000 manuscrits
25:38et livres rares pillés,
25:40notamment des livres syriens
25:41datant du 18 et 19e siècle.
25:4385% des ouvrages
25:44ont été perdus,
25:45notamment des livres rares.
25:46Lire des ouvrages
25:47qui ne correspondaient pas
25:47à l'idéologie des djihadistes
25:49était interdit
25:50et puni sous l'influence
25:51de Daesh
25:51qui occupait Mossoul
25:52de 2014 à 2017.
25:54La bibliothèque a rouvert
25:55en 2019
25:56mais la plupart des livres
25:57ont été stockés
25:57en mauvais état
25:58et donc pas protégés.
25:59Il a fallu agir vite
26:00et le manque de place
26:01ne permettait pas
26:02une bonne conservation.
26:03Il y a donc
26:03une quasi-totalité
26:04de livres abîmés.
26:05Malheureusement,
26:05des exemples similaires,
26:07je pourrais vous en donner
26:07des dizaines.
26:08Certains sont même en cours.
26:09Des destructions de livres
26:10ont lieu actuellement
26:11en Palestine.
26:11C'est évidemment compliqué
26:12d'avoir des chiffres exacts
26:14mais l'étendue des dégâts
26:14est déjà assez dramatique
26:16avec notamment
26:17la destruction
26:17des archives centrales
26:18de la ville de Gaza
26:19qui contenait 150 ans
26:21de documents.
26:21La bibliothèque municipale
26:22de Gaza
26:23a elle aussi subi
26:24un incendie majeur
26:25le 27 novembre 2023
26:26causant des dommages
26:27significatifs à l'édifice
26:29et mettant en péril
26:29sa collection.
26:30Si je vous raconte tout ça,
26:31c'est parce qu'aujourd'hui
26:32la conservation du livre
26:33ça pourrait presque
26:34nous sembler anecdotique.
26:35Tous nos ouvrages
26:36sont multipliés,
26:37diffusés
26:38et même numérisés.
26:39Donc on se dit
26:39que s'il y en a un d'entre eux
26:40qui disparaît,
26:41c'est pas grave.
26:42Tout le savoir
26:42ne va pas disparaître.
26:43Mais comme on peut le voir,
26:44on n'est jamais à l'abri
26:45de perdre une partie
26:45de notre histoire.
26:46Le livre,
26:47c'est un témoignage historique
26:48par sa couverture,
26:49par ses matériaux,
26:50sa manière d'avoir été conçu.
26:51Les livres anciens
26:52se raréfient
26:52et les préserver
26:53est donc indispensable.
26:54Et leur contenant
26:55devient donc aussi important
26:56que leur contenu.
26:56La conservation s'ancre donc
26:58dans une analyse de l'objet
26:59par le contexte historique
27:00qui l'entoure.
27:01C'est important
27:01de connaître l'historique,
27:02même des composants
27:03et des techniques
27:04de fabrication du livre
27:05pour bien conserver
27:05et restaurer.
27:06C'est d'ailleurs pour ça
27:07que des biologistes,
27:08chimistes,
27:08physiciens s'en occupent.
27:10C'est un objet fragile
27:10qui est composé
27:11de plusieurs matériaux,
27:12que ce soit du cuir,
27:13parchemin,
27:14papier,
27:14textile,
27:15bois,
27:16adhésif,
27:16carton,
27:17métal,
27:18plastique.
27:18Donc il faut adapter
27:19la conservation
27:19à chacun de ces matériaux.
27:21Mais tout ça,
27:21ce n'est clairement pas
27:22mon domaine de prédilection.
27:23Alors on va ressortir
27:24faire un petit tour
27:24et en parler avec des experts.
27:31Merci.
27:32Bonjour, Brené.
27:32Bonjour.
27:34Merci beaucoup.
27:35Alors le département
27:36de la conservation
27:36est un des départements
27:38de la Bibliothèque nationale
27:39qui fait partie
27:40de la direction
27:41des services et des réseaux.
27:42Et donc son rôle,
27:43c'est de coordonner
27:44la politique de conservation
27:45de la Bibliothèque nationale
27:47en mettant à disposition
27:49des moyens,
27:50des budgets,
27:50des personnels
27:51puisqu'il y a à peu près
27:53200 personnes.
27:54La conservation,
27:54il y a plusieurs grandes familles
27:56d'interventions
27:57de la conservation.
27:58Donc il y a ce qu'on appelle,
27:59ce qui est peut-être
28:00le plus connu,
28:01c'est la conservation curative,
28:02c'est-à-dire qu'on répare
28:03des dégradations
28:04déjà existantes.
28:05Et puis on développe
28:07de plus en plus
28:08la conservation préventive,
28:09c'est-à-dire
28:10où on prévient
28:11les dégradations
28:12protégeant les collections
28:14par des boîtes
28:15ou des pochettes
28:15en carton permanent.
28:16Puis vous avez aussi
28:17les problèmes de manipulation.
28:18Donc plus en plus,
28:19on développe justement
28:20ces procédés préventifs
28:21parce que souvent
28:22ils sont moins coûteux,
28:24ils permettent de traiter
28:24des plus grosses quantités
28:25de collections.
28:27On a des traitements
28:28moins coûteux
28:29et plus rapides
28:30que ce qu'on appelle
28:30la plastification,
28:32l'équipement léger,
28:33c'est-à-dire qu'on renforce
28:33la couverture
28:34avec un plastique transparent.
28:36contrairement au plastique
28:37utilisé dans les autres bibliothèques,
28:39ça c'est du plastique permanent,
28:40c'est-à-dire que c'est un plastique
28:41qui normalement
28:41ne doit pas se dégrader
28:42dans le temps.
28:43C'est pratiquement uniquement
28:44ce qu'on appelle
28:45le libre accès,
28:45c'est-à-dire des documents
28:46qui sont pour les salles de lecture
28:48et qui en principe
28:48ne sont pas des documents
28:49patrimoniaux
28:50parce qu'on est un peu submergé
28:52par la masse des documents.
28:53Le numérique n'a pas du tout
28:56fait baisser la production
28:59de livres papiers.
29:00On a plus de 80 000 à 90 000 par an
29:03rien qu'en France.
29:05Nous, on est censés
29:06tous les accueillir
29:07et en plus, on achète,
29:09on a des budgets
29:09pour acheter des livres étrangers
29:11qui complètent nos collections
29:13du point de vue scientifique
29:14dans les différentes matières.
29:16Donc chaque année,
29:17il y a peut-être 100 000
29:17ou 150 000 livres patrimoniaux
29:21qui entrent dans les collections.
29:22Donc c'est un défi
29:23de les conserver correctement.
29:25Beaucoup de départements
29:26de la bibliothèque
29:27sont alimentés
29:28par des dons de particuliers.
29:29Ces dons ont souvent été conservés
29:31dans de mauvaises conditions.
29:32Ils sont souvent poussiéreux.
29:34Ils sont souvent infestés
29:35par des moisissures,
29:36des insectes.
29:37La poussière peut comprendre
29:38des matériaux chimiques
29:39qui apportent de l'acidité,
29:41des matériaux un peu coupants
29:43qui peuvent érafler, dégrader,
29:46des pollutions collantes
29:47qui peuvent faire des tâches.
29:48Les documents se conservent
29:49d'autant mieux
29:50que l'environnement est bon.
29:51Et un bon environnement,
29:52ça veut dire notamment
29:53pas de poussière,
29:54donc une propreté
29:55et de bonnes conditions climatiques,
29:58de lumière, de température, etc.
30:00L'idée, c'est de prévenir
30:02les dégâts au maximum
30:04plutôt que de les réparer.
30:07Ce qui nous pose le plus de problèmes
30:08en matière de quantité, etc.,
30:09c'est la qualité des matériaux
30:11et essentiellement
30:12la qualité du papier.
30:13parce que le papier d'édition
30:16qui a été produit, disons,
30:18entre les années 1880
30:19et les années 1950, 1960,
30:23est un papier souvent
30:24de très mauvaise qualité,
30:26un papier qui s'acidifie
30:27avec le temps.
30:28S'acidifier, ça veut dire
30:29jaunir d'abord.
30:30Il y a un problème
30:31de couleur, d'esthétique,
30:34mais surtout,
30:35le papier se fragilise,
30:38perd sa souplesse
30:38et finit par se casser.
30:40Et dans les cas extrêmes,
30:43il tombe pratiquement en poussière.
30:45Et ce problème concerne
30:47toutes les éditions courantes,
30:49non luxueuses,
30:50qui ont été produites
30:51pendant toutes ces années
30:51et surtout la presse.
30:53Et puis, vous avez
30:54des questions de propreté.
30:56On a parlé du dépoussiérage
30:57des collections
30:58qu'on développe de plus en plus.
30:59Vous avez des problèmes de lumière
31:01et puis vous avez aussi
31:02des problèmes de manipulation.
31:03Donc, il est très important aussi
31:04de former les gens
31:06qui manipulent les collections
31:07à les manipuler correctement
31:09pour ne pas les dégrader.
31:10Cette partie-là,
31:12on appelle ça la coiffe.
31:13Ici, elle a une déchirure.
31:15C'est souvent des zones
31:16qui souffrent en fait
31:18dans les manipulations
31:19dans l'histoire du livre,
31:21surtout des livres anciens
31:21comme ça,
31:23qui ont beaucoup circulé.
31:25Parce que ce sont des zones
31:27que les gens vont utiliser
31:28pour tirer le livre
31:29hors des rayonnages
31:31et qui sont aussi
31:33à l'articulation,
31:33à l'ouverture.
31:36Donc là,
31:36il va falloir de la même façon
31:38venir replacer
31:39ce qui reste du cuir
31:40et puis venir gainer
31:42avec un Japon.
31:43Là, elles ne sont pas encore
31:44trop dégradées.
31:45Elles sont,
31:46on appelle ça épidermées,
31:48quand la zone vraiment
31:49glacée du cuir disparaît.
31:51Mais en soi,
31:51ce n'est pas un livre
31:52sur lequel il y aura
31:52beaucoup de travail
31:53à l'extérieur.
31:54On estime qu'on a plus
31:55de 40 millions
31:56de documents physiques,
31:57ce qui est absolument colossal.
31:59Eh bien,
32:00on connaît finalement
32:01assez mal nos collections.
32:02Un des grands enjeux
32:03serait de connaître
32:04les collections
32:05sous leur aspect physique.
32:06Alors, théoriquement,
32:07on les connaît,
32:08on les décrit
32:09puisqu'en fait,
32:10on les catalogue.
32:11On a un répertoire
32:12de presque tous
32:12les documents
32:13de la bibliothèque,
32:14mais en fait,
32:16on n'a pas
32:16de description physique,
32:19de l'état physique
32:19de tous les documents.
32:21Et un des enjeux
32:22des années à venir,
32:24peut-être en utilisant
32:25de nouveaux moyens
32:25comme l'intelligence
32:26artificielle, etc.,
32:27ce serait d'obtenir
32:28une idée concrète
32:31et précise
32:32de l'état physique
32:33de nos différentes collections.
32:34En tout cas,
32:35ce dont on est sûr,
32:36c'est que nous ne traitons
32:37qu'une petite partie
32:38des documents
32:38qui, dans l'absolu,
32:40mériteraient d'être traités.
32:42Il faut savoir
32:42que la conservation,
32:43c'est le département
32:44de la conservation,
32:45mais c'est aussi
32:46la direction des collections.
32:48C'est-à-dire que nous,
32:49on fournit les moyens,
32:50on a les budgets,
32:52on a les personnels,
32:53on a 200 personnes
32:54dans le département,
32:54des restaurateurs,
32:55des photographes,
32:56des ingénieurs,
32:57des fabricants de boîtes,
32:59etc.
32:59On propose des quotas,
33:00documents qu'on peut traiter
33:01dans les différents types
33:03de traitements,
33:04mais en revanche,
33:05le choix des documents
33:06incombe au département
33:07de collection,
33:08c'est-à-dire les gens
33:08qui conservent les collections
33:10dans les magasins.
33:11C'est eux qui choisissent
33:11les documents en fonction
33:13de leurs compétences
33:14que nous n'avons pas.
33:15C'est-à-dire que c'est eux
33:15qui savent quels sont
33:16les documents les plus précieux,
33:18les plus demandés
33:19par les lecteurs,
33:20les plus fragiles, etc.
33:21Ceux qui doivent être aussi
33:22déménagés éventuellement
33:23dans le futur centre d'Abyen.
33:25Nous, on intervient simplement
33:26pour donner des quotas.
33:28Cette année,
33:28on peut vous en faire
33:2910 000 dans tel ou tel
33:30type de traitement.
33:32Celui-là, non,
33:33on ne peut pas vous le traiter
33:33dans cette filière
33:34parce que, en fait,
33:36ça ne correspond pas
33:37à ses caractéristiques physiques.
33:39Mais après,
33:40le choix intellectuel
33:41des documents,
33:42ce n'est pas nous
33:43qui le faisons.
33:43La conservation,
33:44ça se fait à deux.
33:45Donc ça, c'est un
33:46de nos ateliers de restauration.
33:48C'est-à-dire que là,
33:48c'est là qu'on répare
33:49les livres dégradés.
33:51Alors, des ateliers
33:51de restauration,
33:52on en a quatre.
33:53Dans l'atelier de restauration,
33:55c'est de réparer,
33:58restaurer les documents
33:59afin de les remettre en état
34:02et de pouvoir de nouveau
34:04les communiquer aux lecteurs.
34:05On travaille donc
34:06pour les départements thématiques,
34:08mais également
34:08pour la réserve
34:09des livres rares,
34:10ce qui nous donne l'occasion
34:11de travailler,
34:11d'approcher des documents
34:13absolument uniques.
34:14Donc là, vous avez
34:15un texte d'Aristote,
34:17les éthiques en français,
34:20date de 1488,
34:22donc un inculable.
34:22En fait, il y avait
34:23une déchirure
34:24sur la première page
34:25qui a fallu consolider.
34:28En général,
34:28ce que vous recevez,
34:29du coup,
34:29c'est plutôt des petites réparations
34:31ou ça vous arrive quand même
34:32d'avoir aussi
34:32des choses plus conséquentes ?
34:34On a un peu tout,
34:35en fait,
34:36des petites réparations.
34:37Là, vous avez un exemple
34:38d'un document
34:39qui était très,
34:40très, très abîmé.
34:41Donc,
34:41les plats ne tenaient plus,
34:43le dos,
34:44le reste du dos est là,
34:45donc en morceaux.
34:46On conserve toujours
34:47les éléments anciens
34:48qu'on va réincruster,
34:50c'est-à-dire qu'on va creuser
34:51le nouveau dos
34:53pour refixer l'ancien dos.
34:57Voilà.
34:58Une fois qu'il est démonté,
34:59on vérifie que le cuir
35:00a bien collé.
35:02On ouvre doucement les plats.
35:06Le dos qui est restauré,
35:08qui va pouvoir s'ouvrir
35:09et être de nouveau consultable.
35:13Il reste le travail des coins,
35:16des coupes.
35:18Donc, il reste encore
35:19un petit peu de travail.
35:20La restauration est fondue,
35:21c'est-à-dire qu'on va faire
35:22une mise au ton
35:23qui est discrète,
35:24mais toujours visible.
35:25Il faut toujours
35:26que le lecteur
35:27ou le conservateur
35:28sache
35:30qu'il y a eu
35:31une restauration.
35:32Ça, c'est environ
35:3480 heures de travail.
35:36Oui, 80, 100 heures
35:38à peu près.
35:39Donc là, je suis en train
35:47de faire un traitement
35:48sur une reliure
35:49du début 17e,
35:52une 608.
35:53Donc, ces deux parties-là
35:55étaient collées
35:56à même le dos
35:56de la reliure,
35:58mais avec le temps
35:59et avec les problèmes
36:00de conservation,
36:03les parties en cuir
36:05ont été très éprouvées.
36:07La couture du corps d'ouvrage,
36:09donc l'ensemble des cahiers
36:10s'est cassé en son milieu
36:11et donc le dos aussi.
36:13Et je suis en train
36:13de m'occuper
36:14de resolidifier
36:16la couture
36:17qui était donc fendue
36:18en son milieu.
36:19On le voit très bien là.
36:21La reliure ne tient pas du tout.
36:23Je vais donc passer
36:23plusieurs fils
36:25dans les cahiers
36:26du corps d'ouvrage.
36:27Je vais arriver
36:28à ce stade-là.
36:29Cette reliure,
36:29elle est quasiment terminée.
36:31Le dos,
36:31comme je l'ai montré,
36:33était abîmé.
36:33Je l'ai déposée
36:35et j'ai mis une pièce
36:36de cuir
36:37à l'identique
36:38de la peau
36:39qui avait été utilisée
36:40à l'époque.
36:41C'est une peau de veau.
36:42Je l'ai collée
36:43sous la reliure
36:44de l'époque
36:45et je suis venu
36:46rajouter
36:47les éléments
36:48que j'avais défaits
36:50de la reliure
36:50pour le coller
36:51sur le cuir
36:52de restauration.
36:53Sur toutes les dégradations
36:54dont on a parlé
36:55qui peuvent arriver
36:56à un livre,
36:57quelles seraient peut-être
36:58les plus graves
36:59ou celles où vraiment
37:00vous ne pouvez plus rien faire,
37:01je pense forcément au feu ?
37:02Heureusement pour nous,
37:03les incendies
37:04arrivent rarement.
37:05On a beaucoup plus
37:06de problèmes
37:06avec l'eau,
37:08les inondations.
37:09Ici,
37:10on parle de ça
37:11de la Seine
37:11puisqu'on est à proximité.
37:13Effectivement,
37:14un jour,
37:15il y aura une crue
37:16centenale de la Seine
37:17qui nous posera
37:17de gros problèmes.
37:19Et donc,
37:19effectivement,
37:20quand une inondation arrive,
37:22quelquefois,
37:23en quelques minutes,
37:23vous pouvez avoir
37:24des milliers de documents
37:25qui sont dégradés
37:26et dont la réparation
37:28peut prendre
37:29des centaines,
37:30des milliers d'heures.
37:31Ça nous est arrivé
37:32plusieurs fois.
37:33Le problème de l'eau
37:34est un des problèmes
37:35peut-être pas le plus grave
37:36au point de vue matériel
37:38parce qu'en général,
37:38on peut quand même
37:39réparer les documents,
37:40plus ou moins,
37:41mais en termes de fréquence,
37:43c'est certainement
37:44un des principaux problèmes.
37:46Même avec des conditions
37:47climatiques correctes,
37:48ces documents
37:48s'autodégradent.
37:50C'est-à-dire que même
37:50s'ils ne sont pas touchés,
37:51jamais consultés,
37:53petit à petit,
37:54ils se dégradent.
37:54Ça, c'est un des grands défis.
37:56Est-ce qu'on arrivera
37:57à numériser,
37:59à augmenter
38:00les quantités de numérisation
38:01assez vite
38:01pour traiter ces documents
38:03avant qu'ils soient réduits
38:04en miettes ?
38:05Voilà, c'est un des problèmes
38:06et ça, ça concerne
38:08essentiellement les journaux.
38:09Côté littérature,
38:10la question de la conservation,
38:11elle se pose aussi
38:12du côté des auteurs
38:13sur l'importance
38:13de garder aussi bien
38:14les manuscrits
38:15ou les brouillons.
38:16Aujourd'hui,
38:16c'est des objets très précieux.
38:17On sait jamais,
38:18les amis, garder tout,
38:19même vos journaux intimes
38:20du collège.
38:20Peut-être qu'un jour,
38:21ça finit dans un musée.
38:22C'est une validation
38:22de l'origine de l'écrit
38:24et ça fait toujours
38:24un petit quelque chose
38:25de voir un livre écrit
38:26de la main de l'auteur.
38:27Je me souviens
38:27que j'avais été assez marquée
38:28par les manuscrits
38:29de Marcel Proust,
38:30par exemple,
38:31où on voit le bail au début
38:32mais ça n'a aucun sens,
38:33c'est des trucs découpés,
38:34c'est raturés,
38:34c'est dégueu,
38:35tu te dis mais qu'est-ce que c'est
38:36que ce truc ?
38:36Et en fait,
38:37à la fin,
38:37c'est un chef-d'oeuvre.
38:38Et le premier auteur
38:39a accordé beaucoup d'importance
38:40au texte écrit de sa main,
38:41c'est Jean-Jacques Rousseau
38:42en 1780.
38:43Alors qu'il écrit
38:44« Rousseau, juge de Jean-Jacques »,
38:45ouvrage dans lequel
38:46il dénonce les complots
38:47qui s'organisent autour de lui
38:48pour le persécuter,
38:49il le confie à l'abbé de Condillac
38:51pour qu'il ne soit ouvert
38:52qu'au début du XIXe siècle.
38:53Le titre « Dialogue »
38:54est donc publié
38:55après sa mort en 1780
38:57et ce fameux manuscrit
38:58tenait tout le pouvoir
38:59de la main de Rousseau,
39:00faisant acte et preuve
39:00de son histoire.
39:01Et aujourd'hui,
39:02ce manuscrit est conservé
39:03à la BNF depuis 1996.
39:05Au même moment,
39:06Lac-Lau préserve également
39:07le manuscrit des liaisons dangereuses,
39:09puis la conservation du manuscrit
39:10devient une coutume obligée.
39:11Ça a changé le rapport
39:12de l'écrivain avec son écriture
39:14et le manuscrit est élevé
39:15au rang d'objets précieux.
39:16Même au sein de la BNF,
39:17on n'est jamais 100%
39:18à l'abri de dégradation.
39:19Le site Richelieu
39:20a connu des incendies
39:21en 2013 et 2017
39:22et le site François Mitterrand
39:24des inondations en 2014,
39:26ce qui a endommagé
39:26plus de 10 000 livres
39:27suite à la rupture
39:28d'une canalisation
39:29près des magasins de collection.
39:30Toutes les équipes
39:31ont rapidement été mobilisées,
39:32il y a notamment eu
39:33des ateliers de séchage
39:34puisque plus de 1 500 livres
39:36étaient vraiment
39:36bien bien endommagés.
39:38Ils ont donc été congelés,
39:39tout simplement.
39:40En 2004,
39:41la bibliothèque a aussi connu
39:42un vilain incendie,
39:43mais vous en faites pas
39:44pour avoir fait un tour.
39:45Les plans d'urgence,
39:46déjà, ils sont très bien ficelés,
39:47on déconne pas,
39:48tout a été pensé,
39:49et t'es mal à taille
39:50des portes coupes-feux,
39:51j'ai eu du mal
39:51vraiment à les pousser.
39:52Ces plans mis en place
39:53permettent de prévenir
39:54et de guérir
39:54tout ce qui est faisable,
39:55mais la BNF peut toujours
39:56être victime de catastrophes naturelles
39:58ou encore
39:59de réductions budgétaires.
40:00Alors, est-ce que la clé,
40:01c'est la numérisation ?
40:02C'est en tout cas
40:02une manière de conserver
40:03des livres qui ont pris,
40:04parfois, il faut le dire,
40:05un sacré coup de pelle
40:06et qui sont plus consultables
40:07de manière physique
40:08par le grand public.
40:09La numérisation va conserver
40:10le document
40:12pour l'offrir à tous.
40:13La restauration,
40:14c'est juste pour éviter
40:16la dégradation du temps.
40:19Mais souvent,
40:19justement,
40:20les ouvrages de cette période-là,
40:22voire plus anciens,
40:24sont souvent mieux conservés
40:26que les ouvrages du 19e,
40:28que les ouvrages du début du 20e
40:31ou que les ouvrages actuels,
40:33puisqu'en fait,
40:34les méthodes de fabrication
40:35ne sont pas les mêmes.
40:37Donc, le système
40:37est un système, en fait,
40:38à berceau
40:39qui permet d'avoir
40:40une ouverture restreinte
40:42du document,
40:43donc en l'occurrence ici
40:45à 110 degrés,
40:46ce qui limite les cassures
40:48au niveau des dos
40:49et des intérieurs des ouvrages.
40:51On a un système
40:51qui permet de visionner
40:53l'image une fois
40:54qu'elle est numérisée,
40:56qui est un système
40:56assez simple,
40:58alors là,
40:58sur un ouvrage du 17e,
41:01l'ouvrage,
41:02plus il est utilisé,
41:03plus il s'abime
41:04à cause de son ouverture.
41:07Donc, c'est du mécanique,
41:08à cause de...
41:10Alors,
41:10nous avons tous
41:11de la sueur
41:13sur le bout des doigts,
41:14on ne s'en rend pas compte
41:14comme ça.
41:15Parfois un peu de gras.
41:16Voilà, un peu de gras
41:17parce qu'on a oublié
41:17de se laver les mains
41:18après avoir mangé son sandwich.
41:21À la Bibliothèque Nationale,
41:22on va donc privilégier
41:25la version numérique
41:26si celle-ci existe.
41:28Après, le document,
41:29c'est en fonction
41:29de son état de départ.
41:32Si les documents
41:34commencent,
41:36comme c'est le cas
41:36pour les ouvrages
41:37entre 1850 et 1950,
41:39à peu près,
41:40où on a eu un changement
41:41dans la création du papier
41:43puisqu'on a utilisé le bois
41:45et donc le papier
41:47s'acidifie,
41:49se casse.
41:50Et donc là,
41:51à ce moment-là,
41:51on évite de donner
41:52l'ouvrage au lecteur
41:54et donc on lui propose
41:56une numérisation en interne
41:58qui lui permettra,
42:00après,
42:00de regarder le document
42:01sur Gallica
42:02de chez lui,
42:04à la Bibliothèque
42:05et aussi pour
42:06tous les autres chercheurs
42:08ou lecteurs
42:08qui viendraient
42:09à être intéressés
42:10par ce document.
42:11Est-ce que tu veux
42:12nous montrer peut-être
42:12une autre machine
42:13que vous utilisez ici ?
42:16Une petite machine
42:17à balayage.
42:18La semaine de Suzette,
42:20la particularité,
42:21c'est que c'est la revue
42:24dans laquelle a été créée
42:26Bécassine.
42:27Donc,
42:28vous avez la chance
42:29d'apercevoir
42:30une planche de 1916.
42:32Une des idées reçues
42:33que les gens peuvent avoir,
42:34c'est qu'il faut utiliser
42:34des gants
42:35pour ne pas abîmer les livres.
42:37Je vois que tu n'en as pas.
42:38Est-ce que tu peux nous expliquer
42:39si vraiment ça fait
42:40une différence ou pas ?
42:41Alors,
42:41l'ouvrage est
42:43entre guillemets
42:43mort.
42:45Dans le sens
42:46qu'il est dans
42:47un très mauvais état.
42:49Rajouter un peu plus,
42:50un peu moins,
42:52ça ne changera pas sa vie
42:54puisque derrière,
42:55il ne sera plus consulté.
42:57Donc,
42:58il pourra finir
42:59de mourir
43:00de sa belle mort
43:01tranquillement.
43:02Et puis,
43:03les gants,
43:03en fait,
43:03nous gênent
43:04pour ce qui est déjà
43:05de la prise
43:06des documents
43:08puisque en fonction
43:08du papier que nous avons,
43:10un papier bible
43:11avec un gant
43:12en tissu,
43:14c'est infaisable.
43:16On perd cette sensation.
43:17La conservation numérique
43:18sert uniquement
43:18à la transmission
43:19d'informations
43:20et donc pas de l'objet.
43:21On peut perdre
43:21des informations
43:22et c'est plus volatile
43:23de lire un texte
43:24qui a été recopié
43:25de manière numérique.
43:26Alors,
43:26c'est toujours bien
43:26de garder un texte numérisé.
43:28D'ailleurs,
43:28c'est mieux que rien.
43:29On garde l'information,
43:30mais pas ce qui nous a permis
43:31de sortir l'analyse.
43:32Par exemple,
43:33pour un livre,
43:33l'origine du cuir
43:34de la couverture,
43:35le type de papier,
43:37la façon d'utiliser la plume
43:38et le contenu de langue
43:39qui sont des témoignages
43:40du quotidien de l'auteur
43:41au moment donné.
43:42Ça, malheureusement,
43:42ce sera perdu à jamais.
43:43On ne pourra plus réinterpréter
43:45plus tard
43:45si d'autres méthodes
43:46d'analyse plus poussées
43:47sont développées.
43:47C'est donc tout ce que j'avais
43:48pour vous aujourd'hui,
43:49ma team Jeannot,
43:50en tout cas pour la première partie
43:51de ce documentaire.
43:52J'espère que ça vous aura plu.
43:54La prochaine arrive
43:55très prochainement.
43:56En attendant,
43:57si vous souhaitez contribuer
43:58à mon travail,
43:59vous avez un lien
43:59vers mon Patreon.
44:00C'est toujours très précieux
44:01d'avoir votre soutien.
44:02Merci à la BNF
44:03qui nous a ouvert ses portes
44:04pour ce sujet sur la conservation.
44:06J'ai pris beaucoup de plaisir
44:07à le faire.
44:08Et puis moi,
44:08je vous dis à très vite
44:09pour la partie 2.
44:10Allez, salut !
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