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  • 16/04/2025
Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, était l'invité de France Inter mercredi 16 avril pour évoquer les relations entre Paris et Alger.

Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Sonia De Villers, vous recevez le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
00:04Bonjour Jean-Noël Barraud.
00:05Bonjour Sonia De Villers.
00:06Dimanche, 12 policiers et gendarmes français en poste à Alger ont été sommés de quitter le pays.
00:10Hier soir, Paris a fait le choix d'expulser en retour 12 agents consulaires algériens en poste chez nous
00:16et de rappeler son ambassadeur.
00:19S'agit-il, monsieur le ministre, entre la France et l'Algérie d'une crise d'une gravité historique ?
00:24En tout cas, les autorités algériennes ont choisi l'escalade
00:28et comme nous l'avions annoncé, nous répliquons avec fermeté, vous l'avez dit,
00:3212 fonctionnaires français ont été expulsés, nous expulsons 12 agents algériens de leur réseau diplomatique et consulaires.
00:39Et oui, nous rappelons pour consultation notre ambassadeur,
00:43auquel d'ailleurs je veux rendre hommage ainsi qu'à tous les agents qui, à Alger mais aussi dans d'autres pays,
00:48travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, souvent éloignés de leur famille et sous pression.
00:52La France se résout au rapport de force ?
00:54La France réplique avec fermeté, comme elle l'avait annoncé, et avec la plus stricte réciprocité.
01:00Oui, mais il y a dix jours, vous, vous êtes rendu vous-même à Alger, vous avez serré la main du président Hebboune,
01:05vous avez parlé d'une relation, je vous cite, sereine et apaisée.
01:09Cette visite était censée mettre fin à huit mois de tension entre la France et l'Algérie.
01:13Est-ce que ça a été un trompe-l'œil ? Est-ce que ça a été un échec ? Est-ce qu'il n'en reste rien ?
01:17Pas du tout. Il faut évidemment toujours donner sa chance au dialogue.
01:22C'est la seule manière de résoudre durablement les tensions.
01:26Ceux qui vous disent le contraire sont des irresponsables.
01:28Ce qui est très regrettable et ce qui est très brutal,
01:35ce qui vous disent que c'est autrement que par le dialogue qu'on peut résoudre durablement les sanctions,
01:40oui, sont des irresponsables. Parce qu'avec l'Algérie comme avec d'autres pays,
01:46tous les autres pays, c'est par le dialogue qu'on peut bâtir des coopérations dans notre intérêt,
01:51dans l'intérêt des Français, que ce soit en matière économique, migratoire ou sécuritaire.
01:55Et donc, en l'occurrence, il fallait donner sa chance au dialogue.
01:59Nous avons obtenu des engagements.
02:01Et puis, vendredi dernier, la justice française, indépendante,
02:05a décidé d'arrêter trois Algériens qui sont visés dans une affaire
02:09où ils sont soupçonnés d'avoir commis des faits graves sur le territoire national.
02:12Enlèvement et séquestration d'un opposant au régime qui est réfugié en France.
02:15Ils ont été mis en examen, ils ont été placés en détention provisoire.
02:19C'est une décision indépendante.
02:21Et pourtant, les autorités algériennes, dimanche, soit deux jours après,
02:25ont pris cette décision très brutale qui dégrade la possibilité d'avoir un dialogue de qualité avec elles.
02:33Oui, mais Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, affirmait encore hier soir sur CNews
02:37avoir été trop longtemps seul au gouvernement à prôner la fermeté.
02:42Est-ce que vous le rejoignez ? Est-ce qu'il avait raison ?
02:44Non, je crois qu'il n'y a qu'une seule ligne au gouvernement.
02:47Le Premier ministre a d'ailleurs convié, il y a quelques semaines,
02:51un comité interministériel de contrôle de l'immigration
02:54où nous avions dressé une feuille de route de reprise du dialogue,
02:58de sortie des tensions avec l'Algérie.
03:01Et je le redis, c'est une décision judiciaire indépendante
03:05qui a provoqué une réaction totalement disproportionnée et brutale de l'Algérie
03:10à laquelle nous ne pouvons que répondre avec fermeté.
03:13Votre homologue, Jean-Manuel Barrou, votre homologue algérien
03:15affirme officiellement que Bruno Retailleau porte la responsabilité entière
03:21de la tournure que prennent les relations entre la France et l'Algérie.
03:24Est-ce que Bruno Retailleau fait partie du problème ?
03:26Mais Bruno Retailleau n'a rien à voir avec une décision judiciaire
03:29parce qu'en France, la justice est indépendante.
03:32Et lorsqu'elle décide de poursuivre, de mettre en examen,
03:35de placer en détention provisoire des Algériens sur le territoire national,
03:39elle le fait sans demander l'autorisation, ni au Président de la République,
03:42ni au ministre de l'Intérieur, ni au ministre des Affaires étrangères.
03:45Choisis 12 fonctionnaires français, pas n'importe lequel,
03:47c'est-à-dire des policiers et des gendarmes,
03:50tous rattachés au ministère de l'Intérieur.
03:52Est-ce qu'il cible Bruno Retailleau ?
03:53En tout cas, lui, il se dit cibler.
03:55C'est à eux qu'il faut le demander.
03:57Quant à nous, nous n'avons jamais changé de position.
03:59Nous avons intérêt à avoir une relation normale avec l'Algérie,
04:04à sortir des tensions pour que nous puissions expulser les Algériens en situation irrégulière,
04:08que nous puissions avoir un dialogue sur le renseignement,
04:10sur la lutte contre le terrorisme,
04:12que nous puissions aussi obtenir la libération de notre compatriote Poilème Sansal,
04:16aujourd'hui détenu arbitrairement en Algérie.
04:20C'est l'Algérie qui, ce week-end, a brutalement fait le choix de l'escalade.
04:25Ce dialogue, on l'a plu.
04:26C'est-à-dire que la liste des personnes sous OQTF,
04:30sous obligation de quitter le territoire français que vous avez envoyé au pouvoir algérien,
04:36qu'est-ce qu'elle va devenir ?
04:37Nous allons continuer d'exiger de l'Algérie qu'elle respecte ses obligations.
04:40Ses obligations au terme des accords, des différents accords,
04:45qui régissent la relation entre la France et l'Algérie.
04:47Sauf que c'est devenu un nœud politique,
04:49c'est-à-dire que ça n'a plus rien à voir avec le droit international.
04:52Ça risque de devenir un bras de fer purement et simplement politique entre les deux pays.
04:56Ce qui est certain, c'est que nous avons intérêt à terme à renouer avec un dialogue.
05:02Un dialogue exigeant, un dialogue lucide, mais un dialogue néanmoins,
05:05parce que c'est ainsi qu'on défendra au mieux les intérêts de la France et des Français.
05:08C'est ce qu'on a vu avec d'autres pays.
05:09Prenez le Maroc voisin, par exemple.
05:12C'est à la fin, par le dialogue et la diplomatie,
05:14que nous avons réussi à normaliser notre relation avec eux.
05:16Et Bruno Retailleau, puisque vous en parliez,
05:18était lundi au Maroc,
05:20avec au retour des nouvelles,
05:24des bonnes nouvelles,
05:25sur le front migratoire,
05:26avec un engagement pris par le Maroc
05:28à doubler le taux de délivrance des fameux laissés-passés consulats.
05:31Alors on veut savoir comment on renoue le dialogue avec les Algériens,
05:35Jean-Noël Barraud ?
05:36Comment on renoue le dialogue ?
05:37C'est-à-dire, est-ce qu'on en vient,
05:39comme le réclame François Bayrou,
05:41qui n'a pas hésité à le mettre sur la table,
05:43Gabriel Attal,
05:44qui a publié un texte très virulent,
05:48lundi dernier, dans Le Figaro ?
05:50Est-ce qu'on en vient à remettre en cause les accords de 68 ?
05:52Est-ce qu'on en vient à remettre en cause les accords sur les visas ?
05:55Est-ce qu'on en revient à mettre en cause les accords commerciaux ?
05:59Non, je crois d'abord que les accords doivent être respectés,
06:02respectés par l'Algérie en particulier,
06:05que ce soit notamment sur la question des réadmissions.
06:09On a un protocole qui est spécifique à la relation entre la France et l'Algérie.
06:14Malgré les tensions, malgré les différences,
06:18l'Algérie doit respecter ses obligations.
06:19Mais quel moyen on a alors de faire respecter à l'Algérie ses obligations ?
06:23Quel moyen on a ?
06:25Eh bien, on a des accords qui, s'ils ne sont pas respectés,
06:28emportent des conséquences.
06:30Oui, alors d'accord, les conséquences, on y est là.
06:32Vraiment, on y est.
06:33Quel moyen on a de se faire entendre et de se faire respecter ?
06:35Non, là où nous sommes, et c'est très regrettable,
06:37c'est une situation où, effectivement,
06:41le dialogue se dégrale brutalement
06:44du fait d'une décision injustifiable de l'Algérie.
06:48Vous n'êtes pas pour montrer les muscles encore plus ?
06:50Je crois qu'en répliquant à la décision des autorités algériennes,
06:55en expulsant 12 agents algériens en poste en France,
06:59On est au maximum.
07:00En rappelant notre ambassadeur pour consultation,
07:03nous démontrons sans aucune forme d'ambiguïté
07:06notre capacité à répliquer sans hésiter et avec fermeté.
07:10Et on n'ira pas plus loin ?
07:12Je ne vais pas préempter le futur de nos discussions avec l'Algérie.
07:15Je dis simplement que si nous voulons des résultats pour les Françaises et les Français,
07:18il nous faudra, un jour ou l'autre,
07:20revenir à un dialogue franc, lucide et exigeant.
07:23Bon, donc vous êtes pour la solution diplomatique.
07:26On le comprend.
07:28Vous êtes le patron du Quai d'Orsay.
07:30Les 12 Français en poste en Algérie avaient 48 heures pour quitter le pays.
07:34Se sont-ils exécutés ?
07:36Sont-ils arrivés en France ?
07:38Où est-ce qu'on en est ?
07:39En principe, ils sont de retour à Paris.
07:40Là déjà ?
07:41Là où nous parlons.
07:41D'accord.
07:42Et l'ambassadeur de France, quand est-ce qu'il va quitter Alger ?
07:45Il sera de retour à Paris sous 48 heures.
07:48Et je dois une nouvelle fois le remercier pour tout le travail qu'il a réalisé
07:51pendant cette période de vive tension.
07:53Et l'idée, c'est qu'il reparte à Alger ?
07:56L'idée, c'est que, comme lorsque l'on appelle un ambassadeur pour consultation,
08:00c'est qu'on puisse dialoguer avec lui, faire un état des lieux de la situation,
08:03qu'il puisse ensuite retrouver son poste.
08:06Pourquoi ? Eh bien, parce que notre ambassadeur, c'est celui qui représente les intérêts
08:10de nos compatriotes établis en Algérie.
08:12Et c'est aussi important qu'ils soient là-bas, puisque certains de nos compatriotes sont
08:17parfois dans des situations difficiles.
08:18Et je pense à nouveau à Boilem Sansal.
08:20Jean-Noël Barraud, vous avez évoqué le dossier extrêmement douloureux de l'écrivain
08:25franco-algérien emprisonné à Alger, Boilem Sansal.
08:28Il a 80 ans, il est atteint d'un cancer.
08:31Il n'est donc toujours pas libéré, alors qu'Emmanuel Macron lui-même s'était dit
08:35confiant au moment de ce rétablissement diplomatique de courte durée.
08:40Est-ce qu'il ne risque pas de devenir une monnaie d'échange politique entre les deux pays ?
08:45Il n'a pas à faire les frais des tensions entre les deux pays.
08:48Sa détention est injustifiable au regard des peines ou des charges aberrantes qui pèsent sur lui,
08:55au regard de sa santé, mais aussi de son âge.
08:58Et c'est pourquoi nous avons plaidé, le président de la République le Premier,
09:03pour un geste d'humanité.
09:05Et j'ose croire qu'un geste d'humanité est encore possible.
09:08Et je veux le dire, puisqu'il s'agit d'un de nos compatriotes franco-algériens,
09:12qui est aujourd'hui dans une situation très critique,
09:15je veux le dire aussi à tous nos compatriotes franco-algériens,
09:18et je leur redirai avec force à Marseille aujourd'hui.
09:20Nous avons, avec le Forum Ancrage, un événement consacré aux diasporas africaines en France,
09:25les diasporas africaines en France et la diaspora algérienne en France,
09:28les franco-algériens, les Français qui ont un lien avec l'Algérie,
09:30sont une chance pour la France.
09:32Et ils ne doivent pas faire les frais de cette tension entre nos deux pays.
09:35Mais les filles de Boilem Sansal, quand elles publient une lettre publique dans le Figaro,
09:39elles qualifient leur père d'otage.
09:41Est-ce que vous validez ce terme ?
09:42Est-ce que Boilem Sansal est un otage du conflit diplomatique entre la France et l'Algérie ?
09:48Sa détention est injustifiable, elle n'a pas de fondement.
09:52Et c'est la raison pour laquelle nous plaidons pour sa libération.
09:54Merci Jean-Noël Barreau.
09:55Merci à vous.
09:56Et merci Sonia De Villers.

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