Le 15 mars 2012, le terroriste Mohamed Merah tire sur trois militaires : Abel Chennouf, 25 ans, Mohamed Legouad, 23 ans et Loïc Liber, 27 ans. Seul Loïc a survécu. Depuis, il est tétraplégique. Brut l'a rencontré.
00:00J'ai arrangé mon uniforme, mon trahi, sans rien comprendre, j'ai rien senti, j'ai pas
00:17entendu une détonation, ni coup de feu, j'étais l'un des premiers, puisque j'étais le plus
00:24grand, et comme il m'a pris pour mort, il m'a pas retiré dessus, du coup j'ai pris
00:32deux balles, une qui a traversé les deux jambes, et l'autre directement au cou, et
00:44par contre mes camarades ils ont pas eu cette chance, parce qu'ils ont essayé de se fermer,
00:52et malheureusement ils l'ont continué à tirer dessus.
00:55A mon réveil, j'ai vu l'ancien président de la république, Nicolas Sarkozy, qui m'a
01:21regardé, et qui m'a dit est-ce que vous savez qui je suis jeune homme, mais avec la
01:28morphine je l'ai regardé dans les yeux et j'ai juste secoué la tête et je me suis
01:34endormi.
01:35Et une fois à mon réveil, j'ai cru que c'était un cauchemar en fait, donc j'ai juste un peu
01:46somnolé un moment, en me disant que c'est un cauchemar, c'est un rêve, que je suis
01:54en train d'halluciner, et quand j'ai vraiment ouvert les yeux, j'ai vraiment vu ma mère
02:02devant moi, elle m'a tenu la main, elle m'a dit de garder mon sang-froid, d'essayer de
02:13me calmer.
02:14Au moment où elle m'a dit tout ça, j'ai essayé de bouger, je n'arrivais pas, alors
02:20je lui ai dit qu'est-ce qui se passe, c'est là qu'elle m'a dit, mon fils, c'est un terroriste
02:28qui t'a tiré dessus, en montant devant le régiment, je me préoccupais plus de savoir
02:39ce que je vais pouvoir en debout, que ma respiration, je ne savais même pas qu'à l'époque j'avais
02:48le nez recoupé, sectionné, j'ai l'impression de me suffoquer comme quelqu'un qui n'a pas
02:59nagé, à un certain moment je ne voulais pas vivre, je ne voulais plus vivre, je voulais
03:04carrément penser que ça aurait été peut-être mieux que je ne sois pas là, je me pose des
03:13fois même la question maintenant, est-ce que je continue comme ça, c'est ce que je
03:21veux, et pour l'instant je m'accroche, je m'accroche, je me bats chaque jour, mais pourtant
03:34c'est dur, c'est très dur de voir que chaque jour quand je me réveille, quand je regarde
03:55mon corps qui ne bouge pas, c'est horrible.
04:05Et aujourd'hui à quoi ressemblent tes journées à l'hôpital ?
04:22Alors mes journées c'est simple, il y a des moments où l'après-midi je vais faire du vélo à l'aide d'une machine au cercle sportif,
04:34ou sinon je suis plutôt sur internet, puisque à l'heure d'aujourd'hui la domotique fait énormément d'efforts,
04:44donc avec mon fauteuil électrique je peux néanmoins aller sur mes mails, me mater un film ou sortir.
05:00A l'heure actuelle où est ta famille et est-ce que tu les vois souvent ?
05:05Alors ma famille ils sont aux Antilles, ils viennent quand ils peuvent, soit tous les 4 mois, soit tous les 3 mois, ça dépend.
05:16Si je respirais tout seul je serais déjà parti, mais là depuis que je suis arrivé ici, et depuis que c'est arrivé, je ne les vois pas souvent.
05:28Mes amis, mes meilleurs amis qui sont là-bas, je ne les vois pas, ils me manquent, ma famille me manque, et c'est difficile de ne pas voir sa famille en fait.
05:41Je me retrouve aujourd'hui tout seul ici.
05:44Aujourd'hui, quels sont tes rêves et tes ambitions ?
05:50Là c'est faire un projet de vie dans le sens où je peux avoir au moins un foyer, une maison, trouver quelque chose, un endroit où vivre tranquillement,
06:02parce que je suis aux Invalides, mais même étant antitrapégique, j'ai envie aussi d'avoir une maison quelque part,
06:14me sentir chez moi, avoir mon intimité.
06:18Qu'est-ce que ça te procure d'avoir toutes ces photos ?
06:21Ça me rappelle moi au pas avant, même si je ne le suis plus, mais je suis quand même fier de ce que j'étais là au pas avant,
06:33et c'est pour ça que je me bats aussi pour montrer que je suis encore là.
