Conversation avec Paul Pogba

Brut

Dans une conversation avec Rémy Buisine, le joueur de football Paul Pogba revient sur les évènements ayant marqué sa vie et sa carrière.

Transcript

00:00Il y a des moments difficiles, et tout le monde passe par des moments difficiles.

00:05La question c'est comment tu vas le prendre.

00:07Si c'est une étape ou une épreuve qui va te pousser vers l'avant,

00:10ou une épreuve qui va te pousser vers l'arrière.

00:16Je suis parti jouer à Torcy, l'US Torcy.

00:18Donc je voyais de moins en moins mes parents.

00:20En fait, c'était une petite préparation pour l'Angleterre.

00:24On a 16 ans, arrivé dans une famille d'accueil.

00:28Ne pas parler la langue, donc il faut te débrouiller.

00:32Google traduction, t'es obligé de grandir assez vite.

00:34Au lieu d'avoir 16 ans, on va dire que t'as 18 ans.

00:36Tu deviens un adulte assez tôt.

00:38C'était une fierté déjà pour moi.

00:40Montiester United, c'est l'un des plus grands clubs de l'histoire du football.

00:43Aller là-bas, découvrir aussi une nouvelle culture,

00:46et montrer mes qualités, me faire voir.

00:48Et arriver jusqu'en A, c'était mon rêve ça.

00:52Se montrer sur le terrain.

00:53C'était ça, on va dire, le passeport.

00:55C'était déjà dans la famille, de rien lâcher, de continuer, de se battre.

00:58Vouloir gagner, toujours gagner.

01:01Ne pas vouloir être deuxième.

01:03Tout ça, en fait, ça a grandi avec moi et j'ai jamais perdu ça.

01:08Tu parles justement de la famille.

01:09Il y a un point qui est important que tu abordes dans le documentaire,

01:11c'est par rapport à ton père.

01:13Tu expliques justement que tu as voulu vivre avec lui ces derniers instants à Montiester.

01:17Est-ce que tu peux un peu nous raconter ces mois,

01:21comment tu arrives à conjuguer à la fois le football,

01:22cette difficulté personnelle, tragique ?

01:26Comment tu gères un peu tout ça ?

01:28Ça a commencé, j'avais un jour off où je suis parti de Londres, je vais à Paris.

01:36Parce que mon père, il était parti à l'hôpital pour...

01:39Il avait mal au ventre, on ne savait pas ce qu'il avait.

01:41Donc je pars le voir et je vois qu'il a une douleur atroce.

01:48On apprend avec tous les résultats qu'il a un cancer du pancréas

01:54et qu'il ne lui restait pas beaucoup de temps, en fait.

01:56Donc j'ai dit, on va tout faire pour le garder le plus longtemps possible, bien sûr.

02:03Et on va trouver le meilleur hôpital où on va faire les meilleures causes

02:09pour qu'il soit auprès de nous, qu'on puisse le voir.

02:12Et voilà, il est passé à Montiester pendant quelques mois.

02:17J'ai pu quand même être à ses côtés.

02:21Et voilà, en même temps, avec le foot, c'était un boost.

02:26Comme je dis encore, je ne l'ai pas pris comme une détresse,

02:30mais plutôt comme une force.

02:33On était en Europa League, donc je disais, on va gagner l'Europa League.

02:38Je vais gagner l'Europa League pour mon père.

02:39J'étais, on va dire, assez préparé pour ça.

02:42On va tous y passer.

02:45C'est quelque chose qui est naturel et qu'on ne se l'admet pas.

02:54Mais voilà, il faut le prendre du bon côté aussi.

02:58Donc voilà, on a fait les causes et c'était vraiment préparer ça,

03:01préparer sa fin dans les meilleurs termes possibles.

03:07Gagner la Coupe du Monde, c'est mon rêve, comme le rêve de mon père aussi.

03:11Il n'était pas présent, donc j'ai toujours une pensée pour lui.

03:14Quand je gagne des trophées, parce que c'était le premier qui me poussait

03:18à être le meilleur, à vouloir toujours gagner des trophées et devenir premier en fait.

03:23Donc ma pensée, elle sera toujours vers lui.

03:30Dans le sport et dans la vie en général, c'est la tête qui contrôle tout.

03:34Quand tu es bien dans ta tête, les choses, c'est plus fluide, c'est plus facile.

03:38Même au Havre, il y a des moments où je ne suis pas titulaire.

03:42Je lui dis en fait, je ne suis pas bon, il faut que je travaille plus.

03:45En fait, moi, je le prenais comme ça, il faut que je travaille plus,

03:47pas il faut que j'arrête, il faut que je travaille plus.

03:50En fait, il n'y a pas de barre, tu peux toujours remonter en fait.

03:52Tu peux toujours remonter et je me dis toujours ça en fait.

03:58Même si j'ai rêvé, je rêvais de jouer en équipe de France, je l'ai fait.

04:03J'ai joué une Coupe du Monde, je l'ai fait.

04:06Gagner la Coupe du Monde, marquer, tout ça a été fait.

04:09Donc, il n'y a pas de limite en fait.

04:12Il y a encore des rêves, des objectifs que je peux toujours atteindre.

04:17Gagner la Champions League qui n'a pas été faite, ça c'est un objectif.

04:22Gagner un championnat anglais, toujours des coupes en fait, toujours plus.

04:28Il y a un autre sujet aussi qui est important,

04:31je pense notamment pour ceux qui nous suivent sur Brut,

04:33c'est la lutte contre le racisme.

04:34On sait que c'est des choses qui arrivent malheureusement encore trop souvent dans les stades,

04:38dont toi, tu as déjà aussi été victime.

04:42Est-ce que tu peux nous raconter un peu, avec un peu de recul, ces événements-là ?

04:49Ce sont des événements assez tristes.

04:55C'est de l'ignorance ou de la provocation, je ne sais pas.

04:57Dans un stade de foot où tu viens pour chercher, vraiment pour voir un spectacle,

05:01pour les amoureux du football en fait.

05:03Quand tu es fan du football, tu es obligé d'aimer les couleurs.

05:06Parce qu'il y a tellement de joueurs de qualité dans différents pays,

05:13différentes cultures, différentes couleurs.

05:17Donc quand tu es un fan de foot, tu es obligé d'aimer les couleurs.

05:20Tu ne peux pas te baser sur une couleur en fait.

05:23Et voir ça sur les terrains, ça ne doit pas y être.

05:27On est là pour donner du spectacle, surtout aux supporters.

05:30Et nous faire plaisir, leur faire plaisir.

05:33Ils viennent pour nous supporter à la base, pour supporter leur équipe.

05:36Et tu ne vas pas voir ces actions-là, ces cris-là.

05:39Moi, c'est ma force.

05:42En fait, c'est juste être bon, leur donner encore plus de spectacle.

05:47Parce qu'à la fin, ils vont t'applaudir.

05:50Et ça a déjà été le cas.

05:51Il faut être plus radical, plus dur sur des choses comme ça.

05:58Parce qu'on peut le faire dans d'autres circonstances.

06:05Donc on peut le faire aussi dans le racisme,

06:09et surtout dans le sport ou dans le football.

06:12Je pense qu'on peut changer tout ça.

06:15On parlait il y a quelques instants du rapport justement avec les supporters.

06:20Avec la France aussi, tu as un lien qui est particulier

06:22parce que tu as vécu pendant 16 ans en France,

06:25près de 12 ans à l'étranger.

06:26Comment tu vis un peu cette distance ?

06:28Est-ce que ça te manque parfois ?

06:31C'est vrai que des fois, il y a des moments où j'aimerais bien

06:34être en France.

06:38Et je me dis aussi, ça fait tellement longtemps que je suis à l'étranger aussi.

06:44Donc j'ai des périodes où j'ai des envies de France.

06:48Comme des fois, j'ai des périodes où j'ai des envies de l'étranger.

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