Interview Brut : L'Algérino

Brut

L'autotune, son enfance dans les quartiers Nord, sa rencontre avec Akhenaton de IAM...   Brut a rencontré le rappeur L'ALGERINO OFFICIEL chez lui, à Marseille.

Transcript

00:00Quand j'étais petit, les grands rebelles me disaient

00:02mais qu'est-ce que tu fais avec cette musique de sauvage ?

00:04Nous on danse le funk !

00:05Après le rap, je te dis, c'était encore marginal

00:08et après ça s'est propagé, ça a touché toutes les communautés.

00:12Mon Brut, là je vais vous montrer là où j'ai grandi.

00:31C'est mon quartier, il s'appelle La Savine.

00:33En fait là, ce que tu vois, ici là, il y avait plein de bâtiments.

00:38Cinq.

00:39Cinq bâtiments.

00:39Douze étages.

00:40Et là, il n'y a plus rien, ils ont tout détruit.

00:42Comme le studio était là, on était souvent ici.

00:44En fait, comment te dire, on était dans un quartier

00:47et on ne voyait pas que les conditions sociales étaient compliquées.

00:52Parce qu'en vrai, tu es à Marseille, il fait beau.

00:54Les appartements étaient bien chauffés, ils étaient grands.

00:56Et dans l'adolescence, dans l'enfance, tu es là, tu kiffes, tu kiffes, tu kiffes.

01:02Quand tu grandis, quand tu arrives vers la vingtaine

01:05et que tu essaies de te projeter dans l'avenir,

01:08c'est là que tu commences à te poser des questions

01:10quand tu es au-dessus des quartiers.

01:11Tu as envie d'évoluer et tout.

01:13Et quand tu veux aller travailler et tout,

01:15c'est là que ça se complique parce qu'en vrai,

01:17tu vivais un peu, on va dire, un peu coupé du monde.

01:20Tu es un peu en autarcie ici.

01:27Il y a une association qui s'appelle Sound Musical School ici,

01:29qui a été créée par les grands du quartier.

01:30Dans ce groupe-là, il y avait un jeune du quartier qui s'appelait Ibrahim Ali.

01:33C'est un jeune qui s'est fait tuer par des couleurs d'affiches du Front National.

01:37La nuit dernière, un adolescent marseillais

01:39originaire des îles Comores dans l'océan Indien a été tué.

01:43Le drame s'était produit en pleine campagne électorale en 1995.

01:48Il avait soulevé une vive émotion dans la cité fossile.

01:51On était petits, on n'était pas vraiment conscients.

01:54C'est là qu'on a connu la mort en fait.

01:56C'est la première fois qu'un mec de notre quartier qu'on connaissait est décédé.

01:59Et en plus, dans des conditions tragiques, c'est un crime raciste.

02:03On ne va pas marcher les mots.

02:05Il y a eu des manifestations, tout ça.

02:07Mais voilà, c'était avec beaucoup de sagesse.

02:12J'ai dansé un peu aussi avec lui parce que c'était un danseur.

02:15Et le souvenir que j'ai, c'est qu'il m'avait donné une paire de Nike.

02:20Ici, là, donc il y avait cinq bâtiments comme on disait tout à l'heure.

02:23Ici, là, il y avait le studio mythique de la Sound Musical School.

02:28Et tous les groupes de Marseille sont tous passés dans ce studio.

02:34Ils ont tous commencé ici.

02:35Et notamment des amis, des amis d'enfance, psychiatres de la rime.

02:39Ça dansait, ça rappait, ça breakait, ça faisait tout.

02:46J'ai commencé à écouter du rap avec des gens qui étaient vraiment basés que sur du texte.

02:51C'était IAM, NTM, Funky Family.

02:53Quand je rencontre Akhenaton, j'étais à la fac.

02:55Moi déjà, je freestylais un peu dans les radios.

02:58Donc mon blase, il commençait un peu à tourner à Marseille.

03:01On s'est rencontrés avec Akhenaton en studio.

03:03Il y a eu un très très bon feeling.

03:04Il m'a proposé de faire un album et de partir en tournée avec IAM.

03:08Chose qui était extraordinaire pour moi.

03:09IAM, c'était juste le groupe qui a bercé ma jeunesse.

03:11Et après, on a sorti les derniers seront les premiers en 2005.

03:18Ça m'arrive d'écouter des artistes où je ressens un peu les mêmes sonorités que les miennes.

03:23Et ça, c'est ma plus grande fierté dans la musique.

03:26C'est-à-dire avoir une identité musicale et dire voilà ça, c'est du l'Algérien.

03:34L'autotune, c'est venu.

03:35C'est un instrument, tout le monde l'utilise.

03:37T'aimes, t'aimes pas.

03:38Je peux concevoir que certains sont nostalgiques de l'ancienne musique sans autotune

03:44et qu'ils ne se retrouvent pas dessus.

03:46Mais nous, on a grandi avec ça, les jeunes ont grandi avec ça.

03:49C'est fini, ça fait partie de la musique.

03:51Au même titre qu'une guitare, qu'une basse, qu'un beat.

03:53Voilà, maintenant, t'as l'autotune.

04:04On est dans mon ancien lycée.

04:06Le lycée Saint-Exupéry de Marseille.

04:08Sans doute les plus belles années de ma vie.

04:10Je suis très, très nostalgique de ma période du lycée.

04:14J'ai presque regretté d'avoir eu le bac du premier coup.

04:17J'ai jamais su vraiment ce que je voulais faire.

04:19Je voulais faire de longues études.

04:21Après, j'ai fait une filière scientifique parce que j'étais bon en maths et j'aimais bien.

04:24Et après, rien à voir.

04:26J'ai bifurqué dans l'Europe.

04:27On a ce cliché de quartier où soit t'es artiste, tu cartonnes, tu gagnes ta vie.

04:34Soit t'es footballeur, t'es une star, tu gagnes ta vie.

04:37Ou soit t'es vendeur de drogue, etc.

04:39Non, dans les quartiers, il y a aussi des gens qui vont à l'école, qui font des études.

04:43Et ça, c'est la majorité dans les quartiers.

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