Calabre : le front anti-mafia

Brut

Ils sont agriculteur, prêtre ou procureur, et ils ont décidé de ne plus subir la loi de la mafia. Brut est parti en Calabre, à la rencontre de ces Italiens qui combattent l'une des plus puissantes organisations criminelles du monde : la Ndrangheta.

Transcript

00:00Nous avons trouvé des têtes de pêche coupées, abandonnées,

00:06ou des têtes d'un caprecce abandonné.

00:14J'ai appris à connaître la cruelle de l'Andrangheta

00:19à travers les morts et les tueurs sur les routes.

00:25Il y a une mafia qui gère la plupart des affaires publiques,

00:28C'est une mafia qui est à l'intérieur de l'administration publique, qui est à l'intérieur de la politique.

00:58C'est le seul endroit où nous pourrions rester.

01:00Une de mes chambres est bloquée.

01:29Lorsque j'ai gagné le concours, j'étais bien placé dans l'administration publique,

01:32donc je pouvais très bien aller travailler au nord, dans une grande ville.

01:36J'ai préféré rester à Calabrie pour essayer de contraster la mafia.

01:48Je m'appelle Nicola Gratteri, je suis né ici à Calabrie,

01:51un pays dans la province de Calabrie, en 1958.

01:54J'ai un intérêt particulier pour les investigations contre l'Andrangheta,

01:58contre le trafic de drogue et le rapport politique-mafia.

02:02Depuis 1986, je vis sous garde,

02:05et donc je suis prêt à faire n'importe quel sacrifice,

02:08ne pas aller au maré, ne pas aller en bicycle, ne pas aller en moto,

02:11ne pas aller prendre un gélat,

02:13c'est-à-dire rester toujours fermé,

02:15soit à la maison, soit dans la voiture armée, soit dans l'office.

02:20L'Andrangheta a l'origine depuis avant l'unité d'Italie.

02:24Dans cette société, il y avait des pichottes,

02:28qui vivaient en robant des animaux

02:31ou en imposant des vestations aux agriculteurs.

02:39Puis, au fur et à mesure qu'elle a évolué,

02:42elle s'est établie dans une organisation criminelle.

02:46La structure fondamentale de l'Andrangheta est la famille.

02:49Deux ou trois familles patriarcales forment une organisation.

02:52C'est la force de l'Andrangheta, le lien de sang.

03:17Pour lutter contre l'Andrangheta,

03:19l'État italien confisque les biens et les terrains des mafieux,

03:22une arme efficace, mais très risquée pour ceux qui en bénéficient.

03:46Je suis le président de la coopérative Vallée del Marro,

03:49Libre-Terre.

03:51Je vis à Apolistan, en Calabrie.

03:54Ensuite, il y a eu d'autres attaques,

03:57comme l'incendie d'oliviers, l'arrêt d'oliviers,

03:59l'incendie des voitures.

04:01On a calculé qu'en ces six mois,

04:04on a subi un attaquant.

04:08Il y a aussi eu des menaces personnelles,

04:10avec des signaux clairs.

04:12On a retrouvé des têtes de poissons coupées et abandonnées

04:15ou des têtes d'un caprecto abandonnée

04:18à l'arrêt d'entrer dans certains terrains.

04:21Donc, tous les signaux clairs

04:23ont comme objectif de dépasser cette initiative.

04:32L'histoire de Domenico,

04:34l'histoire des garçons de la Vallée del Marro,

04:36c'est une histoire très belle.

04:38C'est une histoire de garçons qui se sont élevés en paroquia.

04:41Je suis Don Pino de Massi,

04:43je suis prêtre.

04:45Je dis toujours que je les ai élevés,

04:47ils se sont élevés en ayant une main

04:50l'Évangile et l'autre la Constitution républicaine.

04:53Et ils ont déjà fait des choix courageux

04:56depuis le très jeune âge.

05:00Donc, ça nous a fait comprendre

05:02que ce n'était pas la vie que nous méritions.

05:05Donc, nous devions être les protagonistes.

05:07Ce n'était pas possible d'être l'Andrangheta,

05:09la protagoniste de notre vie.

05:12Beaucoup d'administrations communales

05:14n'ont jamais voulu contribuer.

05:17Pourquoi ?

05:18Parce qu'il y avait une collusion,

05:20une collusion avec les mêmes familles mafioses.

05:23Nous savons que sur les 33 communes

05:25de la Plaine de Gioia d'Aura,

05:26environ 60-70% des communes

05:28ont été libérées au moins une fois

05:30pour des infiltrations mafioses.

05:38Ce n'est plus une mafia de séquestreurs de personnes,

05:41ce n'est plus une mafia de trafiquants de cocaïne,

05:43mais c'est une mafia qui gère

05:45une grande partie de la chose publique.

05:47C'est une mafia qui est à l'intérieur

05:48de l'administration publique,

05:49qui est à l'intérieur de la politique.

05:53La mafia, c'est de l'impureté,

05:55ce n'est pas de la beauté.

05:57Nous devons faire l'environnement le plus beau.

05:59Mais où l'environnement,

06:01il s'agit d'abord des personnes,

06:03tout le monde.

06:04En confisquant les biens,

06:06en réalité, on enlève aux mafiosos

06:09non seulement l'argent, le pouvoir,

06:12mais aussi le consensus.

06:14Au-delà de fournir l'argent et le pouvoir,

06:18on fournit leur consensus,

06:20parce que les gens venaient

06:21de leur demander quelque chose,

06:23et donc on créait une dépendance.

06:26En 2006,

06:27donc après deux années

06:28que nous avons mis en place,

06:30repoussé,

06:31bonifié ces terrains,

06:33arrive le premier vrai attentat.

06:35Nous étions prêts à récolter les olives.

06:38Dans les jours précédents,

06:40des personnes se sont présentées sur le terrain.

06:43C'était l'invitation qu'ils nous avaient faite

06:45d'aller prendre un café chez eux.

06:47Avec le café, nous ne l'avons jamais bu,

06:49nous ne sommes jamais allés,

06:50et ils l'ont mis,

06:51ils ont introduit dans les réservoirs

06:53de nos véhicules,

06:54des tracteurs,

06:55de la récolteuse,

06:56et des réservoirs d'eau,

06:57et nous n'avons jamais mangé.

06:59C'était un geste symbolique pour eux,

07:01pour nous faire comprendre

07:02que c'était une conséquence

07:04d'avoir refusé ce café,

07:06d'avoir refusé ce compromis.

07:08En ce qui me concerne,

07:09depuis ce moment,

07:11je ne bois plus le café sucré,

07:13je ne mets plus le sucre.

07:15Manger le café sucré,

07:16pour moi,

07:17représente ceci,

07:18il doit toujours me tenir,

07:20me rappeler

07:21qu'il ne faut jamais descendre à compromis.

07:30La coopérative L'Oreille dans le Marne

07:32aide à la lutte contre la mafia,

07:34donc il faut aider

07:36ces associations,

07:37ces coopératives,

07:39il faut rester proche,

07:41les protéger,

07:42parce que ce sont des choses sérieuses,

07:44concrètes,

07:45et c'est la vraie anti-mafia.

07:50Nous n'avons encore pas

07:51défendu la drague,

07:53mais nous avons défendu

07:54les droits de l'homme,

07:55les droits des femmes,

07:56les droits des hommes,

07:58mais nous avons défendu la peur,

08:00la peur des jeunes,

08:01et la peur aussi des moins jeunes.

08:04Beaucoup de familles

08:05n'ont plus peur,

08:06et alors,

08:07les menaces,

08:08de tout genre,

08:10que j'ai eu aussi,

08:11ont été supprimées.

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