Redouanne Harjane, stand-upper de rue

Brut

Privé de salles de spectacle, l'humoriste Redouanne Harjane a trouvé la solution : faire du stand-up dans la rue. Brut l'a suivi.

Transcript

00:00Excusez-moi, Paris ?

00:02Quoi ?

00:03Paris ?

00:04Paris ?

00:05C'est par où ?

00:06C'est ici.

00:07Paris ?

00:08C'est ici.

00:10Mais le centre-ville ?

00:11Marche tout droit, t'inquiète, tu vas trouver.

00:13Merci.

00:14Marche tout droit, tout droit, tout droit, tout droit.

00:16Merci. Vous devriez aller travailler à l'office du tourisme.

00:18Merci beaucoup.

00:19Suivez cette voiture.

00:22Suivez cette voiture.

00:23Laquelle ?

00:24Celle devant.

00:25Celle-là ?

00:26Oui.

00:27On y va.

00:28Suivez-la.

00:30Qu'est-ce que t'as appris de faire du stand-up de rue ?

00:32Les théâtres fermés.

00:34Je me suis retrouvé chez moi seul.

00:36J'avais envie de faire du bien aux gens.

00:38Et de continuer à vivre mon art.

00:42Est-ce que si je monte à un restaurant clandestin

00:44et que j'emploie que des clandestins,

00:46ça s'annule ?

00:48Moi, je pense que la SNCF devrait construire

00:50des gares plus près des trains en retard.

00:53Vous vous souvenez des attestations du premier confinement ?

00:56Les attestations, elles étaient en...

00:58C'était un délire.

00:59C'était un délire.

01:00Je sous-signais moi-même,

01:01m'autorisant moi-même à sortir de moi-même.

01:03Mais frère, il n'y a plus de...

01:07L'avantage quand tu fais des bides,

01:08c'est que tu peux faire un montage.

01:11La rue, c'est mon théâtre.

01:13Les théâtres fermés, les opéras fermés,

01:14les lieux culturels fermés,

01:15ça ne veut pas dire que les artistes ont disparu.

01:17Ils existent aussi dans la rue.

01:18C'est la même chose pour les spectateurs, les spectatrices.

01:20Ils existent aussi.

01:21Ils sont dans la rue.

01:22En fait, tu vas à leur rencontre.

01:23D'habitude, c'est eux qui viennent à ta rencontre.

01:25Exactement.

01:26C'est ton égo qui en a pris un coup avec le confinement ?

01:29C'est la mégalomanie, oui, c'est certain.

01:31On se croyait tellement habitués à avoir un public

01:34qu'une fois qu'on nous l'a enlevé,

01:35on se rend compte qu'il nous manque terriblement.

01:37Moi, il me manque terriblement, le public.

01:39L'attente dans les loges,

01:41les découpages de tickets,

01:43des places de spectacle,

01:45entendre des conversations du genre

01:47« Putain, j'espère que ça va commencer,

01:49la baby-sitter ne va pas nous attendre. »

01:52Toute cette réalité-là.

01:54Là, on a fait Montmartre,

01:56Boulevard de Strasbourg, Châtelet.

01:58T'inspires de quoi les actifs de ta vie ?

02:00De la rue, madame.

02:02De la rue, de la vie,

02:04du monde qui nous entoure.

02:06Parce que je pense que c'est aussi ça,

02:08être un stand-upper

02:10ou être un observateur de son époque,

02:14de son temps.

02:15On trouvait ça intéressant,

02:16le fait qu'une colonne Maurice,

02:18généralement, c'est censé être informé

02:21de ce qui se passe culturellement.

02:23Et là, c'est assez révélateur

02:25de ce qui se passe culturellement aujourd'hui.

02:27On a écrit sur une pancarte

02:30« Free insults, insultez-moi, c'est gratuit ».

02:33Comme les freaks, mais les free insults.

02:35Voilà, c'est ça.

02:46L'impro, c'est je dirais 10%,

02:48c'est en fonction de l'énergie de la rue,

02:50comment les gens sont disposés,

02:52j'ai envie de se prêter au jeu sur le moment.

02:54On vit dans un système de consommation

02:57qui est « Netflix and chill »,

03:00on se pose chez soi,

03:02on mange des tucs,

03:06on mange des tucs

03:07et on regarde des documentaires sur la galaxie.

03:10Je trouve ça triste, quoi.

03:12Le but, c'est quand même d'aller à la rencontre des gens,

03:14aussi pour ça.

03:16Mais je ne suis pas dupe,

03:17je vis avec mon époque,

03:18je sais aussi que le futur,

03:19ça va être aussi ça,

03:20ça va être le théâtre digitalisé,

03:22il va falloir se réinventer,

03:23repenser les choses.

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