Albert Dupontel et les absurdités de la société moderne

Brut

"La meilleure façon de redonner une identité à un pays en perdition, c'est la culture."  Dans son dernier film "Adieu les cons", Albert Dupontel dénonce les absurdités de notre société. Brut l'a rencontré.

Transcript

00:00Le ministère souhaite que la réorganisation des services

00:03soit confiée à quelqu'un de plus...

00:06Comment dire...

00:08Plus compétent ?

00:09Non !

00:10Non, plus...

00:14Plus jeune ?

00:15Non !

00:17Enfin, si.

00:18La scène est extrêmement clichée.

00:22Des scènes comme ça, il y en a tous les jours malheureusement, dans notre pays, dans tout le pays.

00:25Il est très compétent,

00:29mais il est juste un peu vieux.

00:30Donc forcément, on le pousse à la sortie.

00:45Le conditionnement, c'est pire que ça.

00:47Le conditionnement, il commence à l'école.

00:49Très tôt, un enfant est un génie.

00:52Il sait marcher et il sait parler tout seul.

00:55On le met à l'école et bizarrement, il ne sait plus rien faire.

00:57Pourquoi ? Parce que l'école cherche absolument à le formater

01:00avec un monde extérieur qui s'avère de plus en plus éviant.

01:03Il l'a déjà été, mais en ce moment, il l'est particulièrement.

01:05Et à force d'alphabétiser,

01:07alphabétisation,

01:09alphabétiser les gens le plus possible,

01:12on tue beaucoup de leur créativité.

01:14Il n'y a qu'à voir à l'école avec quel respect et quelle insolence sont traités

01:18le dessin, la musique, les cours de théâtre.

01:20C'est là où on va en général pour ne rien faire.

01:21J'étais le premier à faire ça.

01:23Par contre, on accorde une importance incroyable aux matières principales,

01:26dites les mathématiques.

01:27Je ne suis pas sûr du tout de ce schéma-là,

01:29mais pas du tout, du tout, du tout.

01:30Et je pense que de formater des gamins différemment,

01:33dans 20 ans, on aurait une génération qui résonnerait différemment

01:35pour qui l'écologie serait fondamentale,

01:37qui aurait une tendance à l'humanisme beaucoup plus prononcée,

01:39qui serait moins dans une phrasésie consumériste

01:42et plus peut-être dans la laïcité.

01:44Mes déviances adultes viennent beaucoup de carences pédagogiques.

01:48Et Dieu sait pourtant si j'ai été aimé.

01:49Cette scène-là raconte ça.

01:51Après, le fait d'instruire,

01:53plus on donne de la connaissance aux gens,

01:55plus on va solliciter et créer leur esprit critique,

01:57ce qui est une très bonne chose,

01:58mais pas forcément quelque chose qui intéresse les dominants.

02:01Donc, on subit un enseignement classique

02:03en mettant en évidence des valeurs,

02:05comme les mathématiques,

02:06comme d'autres valeurs scientifiques,

02:07surtout après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, d'ailleurs,

02:09et qui ont pour but de transformer l'individu en être productif.

02:12Alors d'abord, ce système-là ne plaît pas à tout le monde.

02:14Est-ce que c'est pour autant qu'on n'est pas bon à l'école,

02:16qu'on est un crétin ?

02:17Je ne crois pas, mais loin de là.

02:19On nous met en compétition.

02:20Encore une fois, l'intelligence se fout de la compétition,

02:23et c'est très vrai.

02:24Quand on est en compétition, on est un peu bête,

02:26et on croit qu'on est intelligent parce qu'on a une bonne note,

02:28et on croit qu'on est bête parce qu'on a une mauvaise note.

02:31C'est très faux, j'en ai plein de mauvaises,

02:33et je ne suis pas si bête quand même.

02:35L'époque, je l'ai subie,

02:36mes parents, quand ils étaient enfants, il y avait la guerre,

02:38donc c'était encore plus terrible.

02:39L'ennemi était peut-être plus identifiable,

02:41terrifiant, mais identifiable.

02:42Aujourd'hui, l'ennemi, c'est nous.

02:43C'est nous dans notre façon de vivre,

02:44c'est nous dans notre consommation,

02:45c'est nous dans notre frénésie, dans nos voyages, etc.

02:47Donc il faut que nous-mêmes prenions main notre destin,

02:49et il est clair que les institutions ne le feront pas pour nous.

02:51Ils sont engoncés dans des algorithmes d'économie libérale,

02:55et cette maladie du marché,

02:57cette maladie de cette frénésie,

02:58est en train de nous tuer indiscutablement.

02:59Par contre, il y a une intelligence collective

03:01qui augmente très très fort, très très fort chez les gens.

03:03Parce que je vous dis là, des tas de gens le disent,

03:05bien plus qualifiés,

03:06il y a une prise de conscience.

03:07Et je pense que si on tient le coup,

03:08si on tient le coup,

03:09il y a des gamins qui vont arriver aujourd'hui,

03:11qui écoutent, qui voient des films,

03:12qui commentent, qui sont intelligents,

03:14dans le bon sens du terme,

03:15et peut-être un jour ces gens-là vont, j'espère,

03:17assez rapidement influer le changement,

03:20changer le cours des choses,

03:21qui pour l'instant paraît un peu inéluctable.

03:22Je crois au genre humain, désespérément,

03:24et j'espère que les gens vont être de plus en plus nombreux

03:27à raisonner par eux-mêmes.

03:28Voilà, et là on s'en sortira.

03:38Message, exprimez-vous,

03:39si vous partagez ces sentiments-là,

03:41prenez le contrôle du monde qui arrive,

03:43moi je suis déjà trop vieux,

03:44mais il y a des tas de choses à faire.

03:45La meilleure façon de redonner une identité

03:48à un pays qui est en perdition, c'est la culture.

03:50La grande tragédie de l'Europe,

03:52c'est qu'elle est en train de disparaître,

03:53elle se cherche à faire une sorte de compétition économique

03:55entre l'Amérique, l'Asie, etc.

03:57C'est un peu vain, c'est destructeur et puis c'est vain.

03:59Il y a vraiment des tas de façons d'aborder la culture

04:01sans passer par les schémas

04:02dans lesquels j'ai été confronté moi-même.

04:04Il a fallu que je devienne adulte et curieux

04:07pour m'intéresser à Balzac,

04:08que pourtant j'aimais étudier à l'école,

04:10mais qui ne m'intéressait pas tel qu'on l'est présenté.

04:12Il suffit que le prof dise

04:13on va lire de la page 4 à la page 24,

04:15personne n'a envie de le faire.

04:16Mais quand vous lisez d'autres bouquins,

04:17ah Balzac il parlait déjà d'une époque,

04:19il était déjà la même, etc.

04:21Donc cette rupture qu'on doit faire

04:25avec le système éducatif classique,

04:26cette rupture qu'on doit faire

04:27avec le système qui nous environne,

04:29c'est un chemin intérieur,

04:30il faut solliciter ça chez les gens

04:33et si tant est qu'ils ont ce questionnement-là,

04:35c'est une bonne question.

04:36Voilà, libérez-vous.

04:37Libérez-vous des autres,

04:38libérez-vous du regard des autres

04:39et soyez vous-même, voilà.

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