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  • 25/03/2025
"Le discours du mérite masque la reproduction des inégalités."

Réussir, ce n’est pas qu’une simple histoire de mérite. C’est ce que pense l’énarque David Guilbaud qui raconte pourquoi…

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Transcription
00:00Moi, je suis attaché au mérite.
00:01Tout ce mérite...
00:03Le mérite, c'est la chose la plus importante qui soit.
00:14La réussite, elle n'est jamais individuelle, en fait.
00:16On ne réussit jamais tout seul, ce n'est pas vrai.
00:18Le discours du mérite, il masque la reproduction des inégalités.
00:31C'est une illusion et on le sait puisque c'est documenté depuis des décennies par
00:35les sociologues qui montrent bien que les inégalités sociales se reproduisent malgré
00:39le système scolaire.
00:40Déjà, il faut s'interroger sur pourquoi ce discours se perpétue malgré la connaissance
00:43qu'on a de ces inégalités.
00:45Il faut dire que la raison principale, c'est que le discours méritocratique, il bénéficie
00:49à beaucoup de gens.
00:50C'est-à-dire qu'il leur permet de dire aux autres et de se dire même à eux-mêmes
00:54que leur position privilégiée, la position qu'ils ont acquise, ils l'ont acquise par
00:59leurs seuls efforts.
01:00Je ne suis pas sorti d'une famille de technocrates français, j'ai mon parcours de vie, je suis
01:06né en province, je suis arrivé à Paris et j'ai construit, à force de travail et
01:09sans doute de chance, le parcours qui est le mien.
01:11C'est toute la République le mérite.
01:13La République, c'est quoi ? C'est l'histoire du petit garçon qui n'a rien et qui peut
01:19devenir un président de la République, qui peut devenir un chef d'entreprise au nom
01:23du mérite.
01:24Le mérite, c'est la chose la plus importante qu'il soit parce que c'est la part de liberté
01:28de l'homme.
01:29Il faut dire aussi que ce discours, c'est un piège pour finalement ceux qui sont issus
01:34de ces catégories moins favorisées puisque s'ils s'engagent dans une logique méritocratique,
01:37ils sont obligés d'y croire, ils sont obligés de se dire que s'ils font les efforts nécessaires,
01:42ils vont s'en sortir.
01:43Et le jour où ils se heurtent au mur de l'échec, un échec auquel ils étaient davantage promis
01:47que d'autres, le discours leur retombe dessus en leur disant qu'au fond, si tout était
01:51ouvert pour toi, si ça ne tenait qu'à toi de réussir, c'est donc que c'est ta faute
01:55si tu échoues.
02:13L'important, c'est surtout que la promesse qu'on fait aux individus, on ait les moyens
02:17de la tenir ensuite.
02:19C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'effets pervers à ce discours du mérite.
02:21Ça crée du ressentiment parce que quand les gens à qui on a dit « il ne tiendra
02:25qu'à toi de réussir, tu verras, tes efforts vont payer », quand ces gens-là se retrouvent
02:28confrontés à la réalité sociale des inégalités, ça crée un peu du désengagement aussi et
02:35une manière de se mettre en retrait vis-à-vis de la société puisqu'on a le sentiment
02:38qu'en fait, on n'a rien à attendre de cette société-là.
02:40Et ça, c'est quelque chose de très pervers.
02:41Et je crois du coup que l'illusion méritocratique, non, elle n'est pas bonne pour notre société.
02:46Le sentiment de déclassement qu'on peut ressentir ou le sentiment d'absence de prise
02:51sur son destin social qu'on ressent dans de très larges parts de la population aujourd'hui,
02:56c'est lié à cette illusion méritocratique, c'est lié à cette promesse non tenue en fait.

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