Dominique Méda : « Les jeunes vivent une désillusion »

ELLE

11/02/2025

La sociologue française Dominique Méda, professeure de sociologie à l’Université Paris Dauphine-PSL et présidente de l’Institut Veblen, vient de publier « Une société désirable : Comment prendre soin du monde ». Elle décrypte pour ELLE les idées répandues sur les jeunes et le travail.

Catégorie

🗞

News

Transcription

Afficher la transcription complète de la vidéo

00:00Cette idée que les jeunes aimeraient moins le travail ou seraient moins attachés au travail que les autres,

00:04c'est vraiment une idée reçue.

00:05Cette génération Z, ceux qui sont nés en 2000,

00:08on l'a dit individualiste, matérialiste, paresseuse.

00:12Mais en fait, c'est un stéréotype qu'on entend depuis très longtemps.

00:16Quand on regarde les études, ce que l'on voit, c'est que du point de vue du rapport au travail,

00:20il n'y a pas de différence entre les jeunes et les moins jeunes.

00:24Et on pourrait même dire que les jeunes sont plus attachés au travail que les plus âgés.

00:29Ils accordent plus d'importance à l'intérêt du travail,

00:32au fait que le travail soit intéressant, à l'ambiance de travail,

00:36et aussi, comme tout le monde, au fait de bien gagner sa vie.

00:38Mais globalement, on peut dire en effet que la jeunesse,

00:41elle est aujourd'hui plus maltraitée que ce qui se passait auparavant.

00:44Leurs attentes sont immenses et ce qu'on pourrait dire,

00:47c'est que quand ils arrivent sur le marché du travail, ils vivent une énorme désillusion.

00:52Pourquoi ? Ils sont beaucoup plus en CDD à intérim que les autres.

00:57Ils mettent beaucoup plus de temps à s'insérer qu'auparavant.

01:03Ils sont moins bien payés, leurs stages sont très peu payés.

01:06Donc je pense qu'on peut dire que les jeunes, finalement, nous les maltraitons beaucoup

01:11et qu'on est quand même très chanceux qu'aujourd'hui,

01:14ils continuent à avoir de très amples attentes à l'égard du travail,

01:19parce que franchement, ils pourraient en aller bien autrement.

01:22Depuis une trentaine d'années, avec la montée des taux d'activité féminin,

01:25on voit monter dans la population la préoccupation de mieux concilier

01:31sa vie familiale et sa vie professionnelle.

01:33Et c'est tout à fait normal, parce qu'avant, les femmes étaient des réservoirs de temps.

01:37Et donc, on avait un homme qui allait travailler

01:41et qui pouvait travailler de très longues heures de travail et très tard le soir,

01:44puisque la femme était là pour aller chercher les enfants à l'école et s'en occuper.

01:47Aujourd'hui, hommes et femmes travaillent et c'est tout à fait normal qu'aujourd'hui,

01:52la jeune génération fasse très attention à donner au travail sa juste place

01:58de manière à pouvoir s'occuper d'autres activités.

02:00Pour améliorer la situation, je pense qu'il y a plusieurs mesures à prendre.

02:03D'abord, se rendre compte qu'une partie de la jeunesse est dans une situation difficile.

02:07Les conditions de travail des jeunes, et notamment de ces jeunes qui sortent tôt

02:13sur le marché du travail, entre 20 et 24 ans, leurs conditions de travail sont très difficiles.

02:17Ce sont des gens qui peuvent travailler dans les entrepôts logistiques

02:22ou dans l'hôtellerie commerce-restauration, et ce sont des métiers difficiles.

02:25Et puis, je pense qu'il faut faire une vraie politique de la jeunesse,

02:29c'est-à-dire aujourd'hui, les jeunes, on considère qu'ils sont aidés par leur famille,

02:33mais quand les familles sont modestes, ils ne sont pas aidés.

02:36Et enfin, je pense qu'on a vraiment à avoir une réflexion sur l'organisation de notre système éducatif

02:43et sur ce fait qu'aujourd'hui, l'enseignement professionnel est dévalorisé.

02:47Je pense qu'il faut vraiment qu'on repense à un enseignement professionnel et technique

02:51qui permettrait à un certain nombre de jeunes de trouver leur voie,

02:55et une voie avec des emplois bien rémunérés et intéressants.

Recommandations