Renaud Gaudeul - Procureur de Nantes

ici Loire Océan

31/01/2025

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00:00Ici Matin, 7h49, votre invité, Florian Cazola, le procureur de la République de Nantes.

00:05Oui, sa toute dernière interview nantaise, avant qu'il ne parte prendre les rênes de la juridiction interrégionale spécialisée de Bordeaux,

00:12qui s'occupe notamment de la lutte contre le crime organisé.

00:15Bonjour Renaud Godel.

00:16Bonjour.

00:16Et merci d'être avec nous.

00:17En matière justement de lutte contre le crime organisé, ça comprend les trafics de drogue,

00:23est-ce qu'il y a eu des avancées à Nantes depuis votre arrivée il y a trois ans ?

00:28Écoutez, en tout cas je l'espère, parce que si je partais en disant non, non, je n'ai rien fait en trois ans,

00:32ça serait évidemment un petit peu dommage.

00:34Mais je crois que quand même, oui, il faut quand même se souvenir par exemple qu'à l'automne 2022,

00:39nous étions dans une situation qui objectivement était vraiment difficile.

00:42Et je crois qu'il y a eu un énorme travail qui a été réalisé pour lutter de manière, je l'espère en tout cas,

00:49plus efficace en matière de lutte contre le crime organisé, et avec des résultats qui sont quand même,

00:53me semble-t-il, en tout cas je l'espère, probants.

00:55Je pense par exemple, en 2023, aux quatre homicides volontaires que nous avons eu à compter,

01:03sur fond de trafics de produits stupéfiants.

01:06Eh bien, on ne le sait peut-être pas suffisamment, mais ces quatre affaires ont été élucidées

01:11par les services de police et par les services de justice.

01:14Donc c'est quand même pas mal, et je peux également que faire observer

01:18qu'en 2024, nous n'avons eu, fort heureusement, aucun homicide volontaire

01:24sur fond de trafics de produits stupéfiants.

01:26C'est, je crois quand même, je l'espère, une véritable avancée.

01:29Il y en a eu quand même un du côté de Saint-Nazaire, de règlement de compte mortel,

01:33pas à Nantes, mais vous avez raison de le préciser.

01:35Est-ce que ça veut dire finalement qu'aujourd'hui, le boulot est fait,

01:39il les dissuade ces personnes de passer à l'acte, ou de vouloir passer à l'acte de commettre ces crimes-là ?

01:45Alors, moi je suis absolument convaincu qu'il faut qu'il y ait un travail transversal,

01:49un travail global. C'est-à-dire dire que c'est uniquement avec les enquêtes judiciaires

01:53que l'on arrive à améliorer la situation.

01:55Très franchement, j'aimerais bien pouvoir le dire, mais je n'y crois pas.

01:57Non, mais du moins, si elles sont efficaces, elles peuvent être dissuasives par la suite.

02:00J'en suis profondément convaincu.

02:02Je crois qu'en l'occurrence, il faut qu'il y ait effectivement une action de prévention.

02:05Évidemment, c'est essentiel, et avec des forces de l'ordre qui soient présentes sur le terrain,

02:09c'est évident, mais il faut également, c'est indispensable, que derrière,

02:12il y ait des enquêtes de police judiciaire.

02:14Parce que oui, je crois que les individus qui se livrent à ce type de trafic,

02:18les individus qui se livrent à ce type d'homicides volontaires,

02:22eh bien, nécessairement, ils réfléchissent.

02:24Quand ils savent que les services de police, les services de justice,

02:27parviennent à élucider l'intégralité de ces affaires,

02:30oui, je crois qu'on y réfléchit à deux fois avant de passer à l'action.

02:33Le nouveau ministre de la Justice, Gérald Darmanin,

02:35veut taper fort contre ce qu'il appelle les narcotrafiquants.

02:38Il plaide pour la création d'un parquet national anticriminalité,

02:43avec des magistrats spécialisés.

02:45Qu'en pensez-vous, vous, Renaud Godel ?

02:47Très franchement, je ne peux qu'être extrêmement favorable à cette initiative.

02:53Moi, je crois profondément, je crois effectivement qu'on le voit bien,

02:56et on le voit de plus en plus.

02:57Il faut que nous progressions encore, toujours plus,

03:00sur cette lutte contre la criminalité organisée.

03:02Qu'est-ce que ça pourrait changer d'avoir des magistrats spécialisés ?

03:05Alors, nous en avons déjà, je rassure quand même,

03:08et notamment à Bordeaux, où il y a une juridiction interrégionale spécialisée,

03:14avec des magistrats qui sont spécialisés sur la lutte contre le haut du spectre,

03:19contre les très hauts trafics, en particulier de produits stupéfiants.

03:23Là où, parce que j'ai déjà pu piloter une telle juridiction ailleurs,

03:27et c'est vrai que ce dont on pouvait se rendre compte,

03:29c'est que nous avions besoin encore d'un peu plus de travail global

03:34entre les différentes juridictions,

03:36et avec un pilotage peut-être encore plus intensif,

03:39et il me semble, en tout cas on verra si effectivement cela devient réalité,

03:44mais il me semble qu'une telle juridiction au niveau national

03:46permettrait d'avoir ce pilotage peut-être plus fin au niveau national.

03:50On parlait de lutte contre la criminalité.

03:52Autre sujet quasi quotidien, pour ne pas dire quotidien au tribunal de Nantes,

03:56ce sont les affaires intrafamiliales.

03:59Il y a deux ans, vous aviez créé un pôle famille.

04:02Quel bilan en tirez-vous au moment de partir ?

04:05Je vous remercie en tout cas effectivement de noter ce point,

04:08parce que c'est vrai que c'est un sujet qui m'aura beaucoup occupé

04:11au cours de ces trois années de présence ici à Nantes,

04:14avec la mise en place d'un parquet dédié, d'un parquet spécialisé

04:18pour la lutte contre ce type d'infractions.

04:21Qui fait office d'exemple aujourd'hui d'ailleurs en France.

04:24Absolument, puisque c'est vrai que cet exemple-là a été repris au niveau national,

04:28et aujourd'hui préconisé dans l'organisation des parquets partout en France.

04:31Donc c'est vrai qu'en termes de bilan, ça montre qu'effectivement,

04:35manifestement, l'idée n'était pas totalement farfelue.

04:38Et en tout cas, moi j'y crois absolument profondément,

04:41parce que premièrement, il nous a fallu faire face à une augmentation extraordinaire

04:45du nombre de faits qui ont été portés à la connaissance de la justice,

04:48et pour lequel il nous est appartenu de répondre,

04:52d'être en mesure de donner une réponse pénale pour l'intégralité de ces faits.

04:55Donc il fallait déjà réorganiser.

04:57Quand on double le nombre de faits que nous avons à traiter en l'espace de seulement 7 ans,

05:01eh bien nécessairement ça demande une adaptation.

05:04Mais deuxièmement également...

05:05Mais ça permet une meilleure résolution, un meilleur taux de résolution des affaires ?

05:09Alors très franchement, en termes de taux de résolution,

05:12il était déjà bon ce type d'infractions-là, parce que par nature, on connaît l'auteur.

05:17Donc en termes de résolution, c'est pas ça qui était le plus difficile.

05:21En revanche, de donner une réponse pénale qui soit la plus fine possible,

05:25et surtout qui prenne en compte, et c'est fondamental,

05:28la protection de la victime immédiatement après la révélation des faits,

05:31ça, ça demandait véritablement une réorganisation du parquet,

05:35la mise en place de nouveaux outils,

05:38tels que le téléphone grave danger, tel que le bracelet anti-rapprochement.

05:41Tout cela, eh bien, demandait un pile d'otages extrêmement fin,

05:44des magistrats véritablement spécialisés dans ce domaine,

05:47et c'est ce qui a permis la création de ce pôle spécialisé.

05:49Et c'est ce que vous avez fait donc, Renaud Gaudel,

05:51procureur de la République de Nantes, pour encore quelques heures.

05:54Merci d'avoir été avec nous ce matin dans les studios d'ici matin.

05:57Bonne journée, et donc bonne continuation.

05:59Merci beaucoup.

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