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L'Histoire n'a retenu, de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, que les éclats de joie du 8 mai 1945. Pourtant, elle ne se résume pas à l'immense euphorie de la paix retrouvée. Décidé par les accords de Yalta, puis entériné lors de la Conférence de Potsdam en août 1945, avec la volonté de modeler des pays avec des populations homogènes afin d'éviter les conflits, le Du printemps 45, l'histoire n'a retenu que la liesse du 8 mai, pourtant la fin de la Seconde Guerre mondiale ne se résume pas à l'immense euphorie de la victoire. Pour des millions d'anonymes, la paix a été synonyme d'espoirs déçus, de misère et d'exil. Aux conférences de Yalta puis de Potsdam, les alliés vont se partager le continent d'Est en ouest, et provoquer le plus grand déplacement de population de toute l'histoire. Plus de 15 millions d'hommes, de femmes et d'enfants seront chassés de leurs terres natales, coupé de leurs racines, à jamais. Aujourd'hui, des Pays Baltes à l'Ukraine, les frontières de l'Europe Orientale longtemps figées par la guerre froide se retrouvent à nouveau prises en tenailles entre la géographie et l'histoire.
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00:00Du printemps 1945, nous n'avons retenu que la liesse du 8 mai.
00:11Pourtant, la fin de la seconde guerre mondiale ne se résume pas à l'immense euphorie de
00:16la victoire.
00:17Pour des millions d'anonymes, la paix a été synonyme d'espoir déçu, de misère
00:24et d'exil.
00:26Après une guerre si dure et si tragique, après tant d'épreuves, la guerre n'était
00:32pas terminée pour nous.
00:41Un milicien polonais et un cocher sont passés de maison en maison, là où vivaient encore
00:46des allemands et ils ont dit, vous avez deux heures pour vous préparer.
00:55Personne ne s'imaginait quitter sa patrie.
01:03Chaque partie de notre corps, de notre âme était reliée à cette terre.
01:08Chaque nerf était relié à cette terre.
01:11Ce n'était pas juste que les civils payent un tel prix, car on vivait tranquillement.
01:29Et puis brusquement, un tel chamboulement, une telle confusion.
01:37En 1945, les alliés décident du sort de l'Europe.
01:42Aux conférences de Yalta puis de Potsdam, ils vont se partager le continent d'est
01:47en ouest et provoquer le plus grand déplacement de population de toute l'histoire.
01:53Plus de 15 millions d'hommes, de femmes et d'enfants seront chassés de leur terre
01:59natale, coupés de leurs racines, à jamais.
02:36A l'ouest, les américains ont déjà débarqué en Normandie.
02:41A l'est, l'Ukraine et la Pologne sont en grande partie libérés.
02:47Mais contrairement aux images de liesse diffusées par la propagande soviétique,
02:51le retour de l'armée rouge en Europe orientale n'est pas toujours accueilli avec le même enthousiasme.
02:59Elena Ozonkova a 13 ans. Elle est polonaise et vit à Lice.
03:05En 1944, Elena et sa famille assistent, impuissants, à l'arrivée de leur libérateur.
03:18Nous ne considérions pas que la libération soit une libération.
03:23Pour nous, c'était l'arrivée d'une armée étrangère, très hostile, qui nous avait déjà fait beaucoup de mal.
03:30Et pour nous, en aucun cas, ce n'était une libération.
03:34Nous considérions tout simplement qu'il s'agissait d'une occupation,
03:38qu'ils étaient entrés sur le territoire polonais.
03:42Nous attendions que cette guerre se termine et que ces terres deviennent polonaises.
03:47Libérer d'un tyran à un autre, ce n'est pas une libération du tout.
03:51Et ce qu'ont vécu les Ukrainiens après, après la défaite allemande, c'était horrible aussi.
04:04Daria Melnikovitch a 7 ans. Elle est ukrainienne et vit dans la région de Lvov, en Pologne.
04:11Pour ne pas subir à nouveau l'occupation soviétique, Daria et ses parents prennent la fuite.
04:21On a pris ce qu'il y avait sous la main, une carriole et des chevaux.
04:25Et comme ça, nous sommes allés, roulant moitié à pied, jusqu'à la frontière de Tchécoslovaquie.
04:42En janvier 1945, les Américains n'ont pas encore franchi le Rhin.
04:49A l'est, l'armée rouge a déjà percé les frontières du Reich.
04:53La défaite du régime nazi paraît inéluctable.
04:58Des centaines de milliers de civils allemands prennent la fuite dans un immense désordre.
05:12En février 1945, l'Allemagne n'a toujours pas capitulé.
05:18Mais à Yalta, sur les bords de la mer Noire, l'avenir de l'Europe est en train de se décider.
05:26Churchill et Roosevelt négocient avec Stalingrad pour un accord.
05:32Mais l'Allemagne n'a toujours pas capitulé.
05:35La guerre a donc été décidée.
05:39Churchill et Roosevelt négocient avec Staline les frontières de l'après-guerre.
05:45Le leader soviétique, en position de force sur le plan militaire,
05:49est bien décidé à restaurer son empire et à l'agrandir vers l'ouest.
05:58Churchill et Roosevelt vont céder.
06:01La Pologne et les Pays Baltes seront les principales victimes de cette entente
06:05entre les démocraties occidentales et le régime soviétique.
06:16Barbara Resko a 19 ans.
06:18Elle est née à Villeneuve, dans les territoires de l'Est de la Pologne, ravagés par la guerre.
06:24Cette jeune résistante a combattu successivement les Allemands et les Russes.
06:29En vain.
06:36Il y avait des rumeurs qu'à Yalta, ils étaient en train de partager l'Europe.
06:42Mais comment aurions-nous pu imaginer que nous, les Polonais, nous étions concernés ?
06:50J'ai entendu parler de Yalta la première fois début mai 1945.
06:54Je me souviens très précisément de ce moment.
06:57Nous étions tous réunis à la maison et nous étions tellement émus que nous nous sommes tous assis.
07:04Comment une décision pareille avait pu être prise ? C'était totalement impensable.
07:16Le 16 avril 1945, l'armée rouge entre dans Berlin.
07:22Quinze jours plus tard, Adolf Hitler se suicide dans son bunker.
07:27Le régime nazi a vécu.
07:39Arno Surminsky a dix ans. Il est Allemand et habite en Prusse orientale.
07:47Jeglach, son village, a jusque-là été épargné par la guerre.
07:52Des troupes russes sont arrivées, le NKVD, la police politique,
07:58et ils ont fait subir un interrogatoire à tous les Allemands.
08:03Ils en ont emmené certains. C'est ce qui est arrivé d'abord à mon père,
08:07et ensuite, deux jours plus tard, ils sont venus chercher ma mère.
08:11Et moi, je suis resté tout seul.
08:16Et c'est donc ainsi que je suis devenu orphelin.
08:19Ensuite, je suis resté là avec d'autres Allemands, des femmes, des enfants,
08:24un peu comme un chien qui fait partie de la famille.
08:38Erika Morgenstern a six ans. Elle est Allemande et habite à Königsberg en Prusse orientale.
08:44Sa maison n'est plus qu'un amas de ruines. L'armée rouge occupe la ville.
08:52Pour nous, il n'y avait rien à manger.
08:55Et les soldats russes avaient tout juste assez avec ce qui leur avait été distribué.
08:59Donc, pour nous, les Allemands, il n'y avait rien.
09:03La guerre était terminée, mais la souffrance pour la population civile,
09:07c'est là qu'elle a véritablement commencé, pour beaucoup de monde.
09:11C'est comme ça que moi, je l'ai vécu. Il n'y avait plus de vie heureuse possible.
09:15Nous avions tout perdu.
09:33Mais que représentent les souffrances de ces civils Allemands,
09:37face à la joie de millions d'hommes et de femmes enfin libérés de la tyrannie nazie ?
09:45Ils sont Français, Anglais, Polonais ou Ukrainiens.
09:49Il y a quelques heures encore, ils étaient travailleurs forcés, prisonniers de guerre, déportés.
09:56Ils n'ont qu'un désir, retrouver leur pays, leur famille.
10:14Les survivants des camps de concentration, eux,
10:17ne sont pas les mêmes qu'avant.
10:20Les survivants des camps de concentration, eux,
10:23sont encore incapables d'entreprendre ce voyage.
10:36Pour tous ces hommes, le retour tant espéré est encore illusoire.
10:42L'Allemagne est en ruine.
10:44Les routes, les ponts, les voies ferrées sont détruites.
10:50Tout n'est que chaos.
11:05Nous, nous sommes arrivés dans une ferme.
11:08Ma mère était enceinte, et là, elle a accouché de mon frère.
11:15Helmut Karasek est 10 ans. Il est Allemand.
11:18En janvier 1945, devant l'avancée de l'armée rouge,
11:21sa famille a pris la fuite vers l'ouest.
11:24La naissance du frère d'Helmut a interrompu leur exode.
11:34Après la capitulation, avec ma tante et toute ma famille,
11:38nous sommes arrivés à Leutmansdorf.
11:42C'était l'époque de l'anarchie absolue.
11:46Il n'y avait plus de téléphone, plus de courrier, plus d'argent,
11:52pas de gouvernement, pas de radio.
11:56Il n'y avait pas d'école, il n'y avait rien.
12:16Ce sont quelques-uns des millions de gens qui ont été encore des slaves du travail des nazis
12:20et qui essaient désespérément de rentrer à la maison.
12:23La maison d'une petite ferme en Pologne,
12:26la maison d'un petit village sur la côte en Normandie,
12:29la maison de Leningrad, à 3 000 kilomètres.
12:33Pour le gouvernement militaire allié, ils sont connus comme des personnes déplacées.
12:37Et pas jusqu'à ce qu'ils atteignent leurs différents pays,
12:40sera-t-il de nouveau ordre en Europe.
12:46Mais parmi ces hommes et ces femmes,
12:48tous ne rejoindront pas leur pays.
12:51Sur les routes, la nouvelle se propage.
12:54La Lituanie, la Biélorussie et l'Ukraine
12:57sont passées sous la tutelle de l'URSS.
13:00Staline est devenu le maître.
13:03Dans les camps de personnes déplacées,
13:05beaucoup ont peur de regagner leur terre natale.
13:08Daria et sa famille, qui ont trouvé refuge dans un camp américain en Autriche,
13:12craignent désormais d'être rapatriées de force.
13:17Il y avait des protestations parce que les Américains disaient
13:21« Maintenant vous êtes libres, vous avez votre patrie libérée,
13:25vous pouvez rentrer chez vous. »
13:27Et ils ont dit « Mais non, notre patrie n'est pas libérée
13:30parce que les Soviétiques c'est encore pire que les Allemands. »
13:33Mais c'est toujours la même chose.
13:35Je crois que la méconnaissance de l'Ukraine
13:38c'était quelque chose de très frappant
13:41chez les politiciens occidentaux.
13:44Et je crois que c'est Eisenhower qui a donné l'ordre d'arrêter
13:48parce qu'il se passe quelque chose de bizarre.
13:51Ces gens sont libérés, ils sortent des camps à peine vivants
13:55et ils ne veulent pas retourner chez eux.
13:58Donc il y a quelque chose de bien grave, arrêtons.
14:09Comme Daria et ses parents,
14:11des centaines de milliers de personnes déplacées
14:14originaires de l'Est de l'Europe
14:16refusent de se retrouver sous le joug soviétique.
14:19Elles vont rester des années dans ces camps,
14:22dans l'attente d'un pays d'accueil.
14:39En juillet 1945,
14:41les Alliés se retrouvent à la conférence de Potsdam,
14:44dans la banlieue de Berlin.
14:46Les zones d'occupation de l'Allemagne vaincues
14:49et le partage de l'Europe négocié à Yalta
14:52sont définitivement adoptées.
14:58À l'Est, la Linkert Zone délimite
15:01les nouvelles frontières de la Pologne
15:04avec l'URSS.
15:06À l'Ouest, deux fleuves, Loder et La Neisse,
15:10dessinent celles de la Pologne avec l'Allemagne.
15:19Staline a posé trois allumettes sur la carte
15:22et il a dit, la Pologne, ça s'arrête là,
15:25la Russie, là, et l'Allemagne, là.
15:28C'est ce qu'il a dit.
15:31Autrement dit, il a cédé les régions
15:34de Loder et de La Neisse aux Polonais,
15:37non pas pour leur faire plaisir,
15:40mais parce qu'il se disait qu'ainsi,
15:43il les aurait à jamais sous sa dépendance
15:46parce que, lui seul, il serait en mesure
15:49de les protéger d'une éventuelle revanche allemande.
15:52Et il a aussi avancé ses propres frontières.
15:55Ça aussi, c'était avantageux.
16:02Staline a obtenu d'avancer les frontières
16:05de l'URSS de 300 km vers l'Ouest.
16:08Malgré leur engagement aux côtés
16:11des alliés occidentaux pendant la guerre,
16:14les Polonais voient leur pays amputé
16:17d'un tiers de son territoire
16:20et placé, de fait, sous la tutelle de l'URSS.
16:32Hitler a perdu la guerre.
16:35Staline l'a gagnée.
16:38Toutes les discussions à la maison
16:41tournaient autour de ça.
16:44On se disait, l'Occident aussi
16:47nous a laissés tomber.
16:50Nous avons combattu de son côté,
16:53sur différents fronts et, au final,
16:56pourquoi ? La guerre est terminée
17:00Adolf Jouzenko a 9 ans.
17:03Il vit à Tlusty, une ville qui fait désormais partie
17:06de la république soviétique d'Ukraine.
17:09Comme des millions de Polonais, Adolf et sa famille
17:12viennent de comprendre que les frontières
17:15de leur pays ont radicalement changé.
17:21Je suis toujours partagé entre l'historien
17:24et mon expérience de témoin.
17:27En tant que victime de l'histoire,
17:30nous en voulions réellement à l'Occident.
17:33Nous avions conscience
17:36qu'en géopolitique, là où se croisent
17:39les intérêts des grandes puissances,
17:42les petites nations n'avaient pas
17:45beaucoup de chances.
17:48De fait, on ne peut que constater
17:51que certains pays ont payé un prix
17:55beaucoup plus élevé que d'autres.
17:58Les Polonais ont payé un prix très lourd.
18:01Et pour quel résultat ?
18:04Pour, au sortir de la guerre,
18:07devenir un état satellite
18:10de l'URSS.
18:13Et un état satellite dont les frontières
18:16ont été déplacées arbitrairement
18:19de l'est vers l'ouest.
18:25Si à l'est, la Pologne se retrouve amputée
18:28d'une partie de son territoire,
18:31à l'ouest, de la Baltique à la frontière tchèque,
18:34elle a annexé des centaines de villes
18:37et de villages allemands.
18:40A Leutmansdorf, les Allemands vont découvrir
18:43qu'ils habitent désormais en Pologne.
18:54Dans notre village, les seuls contacts
18:57que nous avions avec l'extérieur,
19:00c'était grâce à un Suisse qui avait une radio.
19:03Lui nous racontait toujours des histoires
19:06sur Churchill et sur ce que lui et les alliés
19:09allaient décider pour l'Allemagne.
19:12Ça nous semblait un vrai semblable.
19:15Et quelques temps plus tard,
19:18des affiches placardées sur les murs
19:21indiquaient que nous étions désormais
19:24dans la région de Wrocław.
19:27Tandis que Breslau est devenu Wrocław,
19:30Jeglach, le village d'Arno Surminski
19:33en Prusse-Orientale, a été rebaptisé
19:36d'un nom polonais.
19:39Nous étions coupés du monde.
19:42Nous n'étions absolument pas au courant
19:45de Potsdam et de tout ce qui avait été décidé.
19:48Le but, c'était d'arriver à trouver à manger pour survivre.
19:51Donc on s'en fichait d'être en Allemagne,
19:54en Russie ou en Pologne.
19:57Erika et sa mère tentent de survivre
20:00dans les ruines de Königsberg.
20:03Allemande depuis le XIIIe siècle,
20:06la ville, rebaptisée Kaliningrad,
20:09est désormais rattachée
20:12à la République soviétique de Russie.
20:15Notre ville, Königsberg,
20:18appartenait désormais aux Soviétiques.
20:21Ça, nous l'avons vite compris.
20:24La ville est devenue russe, totalement russe.
20:27Nous, les Allemands, nous n'existions plus.
20:30Mourant de faim, Erika et sa mère
20:33ont quitté Kaliningrad.
20:36À bout de force, elles arrivent dans un hameau
20:39réquisitionné par l'armée rouge
20:42Pour les Soviétiques,
20:45l'heure de la vengeance a sonné.
20:49Nous étions tous des esclaves,
20:52des travailleurs forcés,
20:55réduits en esclavage.
20:58Nous n'avions plus aucun droit.
21:01Nous devions par exemple récolter des pommes de terre.
21:04Nous étions toujours deux enfants
21:07pour un panier de pommes de terre très lourd.
21:10Il fallait le remplir
21:13et ensuite vite courir vers la charrette
21:16pour arriver à tenir la cadence de travail.
21:19Et sur cette charrette,
21:22il fallait déverser des pommes de terre.
21:25On n'y arrivait pas, bien sûr.
21:28Nous étions beaucoup trop petits.
21:31C'était comme ça toute la journée.
21:34Et le soir, j'avais tellement mal au dos et aux bras
21:37que j'avais la douleur.
21:42À Potsdam, les Alliés partagent un but commun.
21:45Ils déclarent vouloir préserver
21:48les générations futures du fléau de la guerre,
21:51quel qu'en soit le prix.
21:54Pour parvenir à cet objectif,
21:57ils sont résolus à créer des États ethniquement homogènes.
22:00Comment ? Comme Staline le déclare brutalement,
22:03le problème des nationalités
22:07Pour plus de 15 millions de civils,
22:10ce problème de transport va se révéler dramatique.
22:17Le déplacement forcé des populations allemandes
22:20se déroule dans un climat de violence incontrôlée.
22:23En Tchécoslovaquie ou en Pologne,
22:26les expulsions sauvages et les massacres,
22:29alimentés par le désir de vengeance,
22:32se succèdent en toute impunité.
22:37Le fléau de la guerre
22:40se déroule dans un climat de violence incontrôlée.
23:06Peu à peu, avec le soutien des alliés,
23:09les gouvernements tchèques, hongrois et polonais
23:12organisent le transfert massif des populations allemandes de l'Est
23:15dans les nouvelles frontières de l'Allemagne.
23:18Des millions de familles,
23:21qui vivaient depuis des siècles en Prusse orientale,
23:24dans les Sud-Est ou en Silesie,
23:27sont arrachées à leur terre natale.
23:31En décembre 1945,
23:34deux charrettes tirées par des chevaux
23:37sont arrivées dans le village,
23:40depuis la ville la plus proche,
23:43avec un milicien polonais et un cocher.
23:46Ils sont passés de maison en maison,
23:49là où vivaient encore des Allemands,
23:52et ils ont dit,
23:55vous avez deux heures pour vous préparer.
23:58Pour ceux qui n'avaient rien, c'était très simple,
24:01j'avais juste à enfiler ma veste et j'étais prêt.
24:04Les adultes, bien sûr, gênaient, se lamentaient.
24:07Oh mon Dieu, mais qu'est-ce qu'on va emmener ? Ce genre de choses.
24:10Ensuite, on nous a fait monter sur les charrettes
24:13et on nous a emmenés vers la ville, à la gare.
24:19Les Allemands quittent la Pologne.
24:22Qu'ils prennent leurs manettes
24:25et qu'ils prennent leurs manettes
24:28et qu'ils prennent leurs manettes
24:31et qu'ils prennent leurs manettes
24:34et qu'ils prennent leurs manettes
24:37et qu'ils prennent leurs manettes
24:40et qu'ils prennent leurs manettes
24:43et qu'ils prennent leurs manettes
24:46et qu'ils prennent leurs manettes
24:49et qu'ils prennent leurs manettes
24:52et qu'ils prennent leurs manettes
24:55et qu'ils prennent leurs manettes
24:58et qu'ils prennent leurs manettes
25:01et qu'ils prennent leurs manettes
25:04et qu'ils prennent leurs manettes
25:07et qu'ils prennent leurs manettes
25:10et qu'ils prennent leurs manettes
25:13et qu'ils prennent leurs manettes
25:16et qu'ils prennent leurs manettes
25:19Les connues dans les wagons
25:23Les gosses, les timias, l'improvisation
25:26Ils nous ambètent.
25:29Vous resterez toujours heureuses
25:32Soyez heureux.
25:35Le voyage a commencé, direction l'ouest, très lentement.
25:48Le trajet entre la Prusse orientale et Berlin a duré, je crois, une douzaine de jours,
25:57avec de longues interruptions et beaucoup de morts.
26:00Souvent, le matin, la porte du wagon s'ouvrait et le cadavre d'une vieille femme était tiré
26:07par les jambes vers l'extérieur et jeté à côté des remblais.
26:30À son arrivée à Berlin, en zone américaine, Arnaud Surminski est placé dans un camp de
26:40réfugiés.
26:41À l'hiver 1945, des millions de déplacés allemands s'entassent dans ces camps de fortune
26:48au milieu des ruines de l'Allemagne.
26:56La politique de déplacement de masse décidée à Potsdam ne concerne pas que les Allemands.
27:06Elle va s'appliquer aussi aux populations ukrainiennes et polonaises.
27:11Comme Staline, Churchill est sans état d'âme.
27:15N'avait-il pas déclaré ? L'expulsion sera la méthode la plus satisfaisante et la plus
27:20durable.
27:21Nous mettrons fin à ces mélanges de populations qui sont la source de problèmes sans fin.
27:26Churchill et surtout Staline, dans cette partie de l'Europe, se donnaient trop de pouvoir.
27:36Ils décidaient du sort de millions de gens.
27:38Ils décidaient de comment ils devaient vivre, si l'État devait être homogène ou pas,
27:43de qui devait vivre avec qui, quel peuple devait être dans tel pays ou tel autre.
27:49Ce n'étaient pas des anges, ce n'étaient pas de grands démocrates qui organisaient
27:55des référendums ou je ne sais quoi pour savoir où les gens voulaient vivre.
27:59Les seuls dont on aurait pu attendre plus de compréhension parmi les Alliés, c'étaient
28:07les Américains.
28:08Mais eux, ils étaient très loin de tout ça.
28:11Ils n'avaient pas subi ce qu'avaient subi les Anglais, les Français, les Russes ou
28:16les Polonais.
28:17Alors même que les Alliés ont vaincu le nazisme et mis fin à la pire des politiques raciales,
28:23personne ne remet en question la volonté des Alliés de créer des États ethniquement
28:28homogènes.
28:29Aucune voix ne s'élève pour dénoncer le nettoyage ethnique de l'Europe centrale
28:34et orientale.
28:35Pour ma part, je pense que ce partage et l'idée de créer des États homogènes, c'est l'idée
28:46de personnes qui avaient des œillères.
28:48Nulle part dans le monde, il n'y avait d'État complètement homogène.
28:54Partout, au contraire, il y avait des mélanges ethniques, il y avait des États multi-ethniques
29:01qui parvenaient, tant bien que mal, à faire coexister des communautés et à leur faire
29:06créer ensemble une civilisation et une culture.
29:14Zygmunt Sobolewski a 14 ans, il est Polonais et vit à Borsiv, dans ce qui est dorénavant
29:19la république soviétique d'Ukraine.
29:22Sa mère est Ukrainienne et son père Polonais.
29:24Malgré les conflits qui opposent alors les deux communautés, il reste nostalgique de
29:30sa terre natale.
29:31C'était un melting-pot, ces différentes cultures créaient de nouvelles valeurs, se
29:40mélangeaient, s'enrichissaient les unes les autres.
29:42Les cultures juives, tatars, ukrainiennes, caraïbes, biélorusses, russes, polonaises,
29:49lituaniennes, toutes ces cultures se complétaient, et c'est ça qui faisait la spécificité
29:54et la richesse de nos anciennes terres polonaises de l'Est, et c'est pour ça qu'on parlait
29:58du romantisme des confins.
30:00Mais l'époque n'est pas au romantisme.
30:06Le 19 août 1945, le gouvernement provisoire polonais enterrine sous l'œil attentif de
30:12Staline les nouvelles frontières de la Pologne avec l'URSS.
30:16Près d'un million et demi de polonais doivent quitter leur terre natale, devenus parties
30:22intégrantes des républiques soviétiques d'Ukraine, de Biélorussie ou de Lituanie.
30:27Le comité national des rapatriés est chargé de cette opération.
30:31Ça s'appelait le POUR, le comité national des rapatriés.
30:41Rapatriés, non, on était chassés de nos terres, comme les allemands étaient chassés
30:46d'Eleur.
30:47A la fin du mois d'août, Zygmunt et sa famille sont contraints au départ, sans parvenir
30:52à croire que leur exil est définitif.
30:55Pour vous dire à quel point mon père comptait revenir sur ces terres, il a laissé tout
31:04un tas de papiers à la maison, mais il a pris son acte de propriété du notaire parce
31:11que, quand il reviendrait, il montrerait, ceci est à moi, j'en suis le propriétaire.
31:20C'est bien la preuve qu'il ne pensait pas partir pour de bon.
31:25Pendant que les populations polonaises sont déplacées de ces territoires désormais
31:32soviétiques, de façon symétrique, le déplacement des populations ukrainiennes de Pologne s'organise.
31:38Irène Mistal a 7 ans, elle est ukrainienne et vit avec ses parents à Czwawnik, en Pologne.
31:52A l'été 45, les autorités polonaises leur signifient qu'ils vont être expulsés.
31:57Nous sommes arrivés à la gare de Pivniczny et pendant une semaine, nous avons attendu
32:07le train, là, dehors, mais il n'y avait pas de transport et tout le monde est rentré
32:13chez soi.
32:14Sauf qu'au retour, les gens n'ont plus rien retrouvé, car ceux qui étaient restés
32:21avaient tout pillé.
32:22Alors il a fallu retrouver au moins une herse et une charrue pour pouvoir travailler dans
32:29les champs.
32:30Si Irène Mistal et sa famille échappent provisoirement à l'exil, des milliers d'autres
32:43sont expulsés chaque jour de Pologne et placés dans des trains en direction de l'Ukraine.
32:52Nous voulions rester sur notre terre natale, là où nous avions toujours vécu.
32:58Chacun aime l'endroit où il est né.
33:04Vous savez, le meilleur endroit où vivre, c'est là où on est né.
33:08Quand on commence à tout chambouler, qu'on déplace des villages entiers, c'est d'une
33:13grande violence.
33:15En Ukraine, encadré par les autorités soviétiques, des milliers de Polonais quittent chaque jour
33:22leur foyer.
33:23En août 1945, Zygmunt et sa famille sont emmenés à la gare de Borsiv.
33:30Après avoir embarqué nos affaires, les wagons couverts étaient déjà tous occupés et il
33:41ne nous restait plus que les plateformes.
33:44Et nous avons dû embarquer sur la seule plateforme qui restait.
33:56Nous nous étions autorisés à emmener des animaux et de nombreux fermiers prenaient
34:01leurs vaches, leurs chevaux et tout le monde était ensemble dans le même wagon.
34:13Je garde un souvenir très douloureux de mon départ.
34:24Après avoir tous embarqué dans ces wagons, les gens se sont mis à chanter.
34:29Des terres polonaises nous partons, nous quittons nos forêts et nos champs.
34:38Nos âmes sont pleines de regrets, nos cœurs pleins de tristesse et de douleur.
34:48Et ça c'est mon dernier souvenir de Vilna, très douloureux.
34:54Le train s'est mis en marche, les portes se sont lourdement refermées, tout a tremblé,
35:00il n'y avait plus de retour en arrière possible.
35:08On roulait, on roulait et on roulait encore pendant environ deux semaines et à un moment
35:33nous avons compris que nous étions arrivés sur les terres jusque là allemandes et il
35:39n'y avait aucune population civile sur place, c'était un vrai désert, il y avait juste
35:45beaucoup de soldats soviétiques et personne d'autre.
35:47Et là, ce fut comme le reflet d'un miroir, nous avions quitté nos terres deux semaines
35:58auparavant et nous étions là, sur des terres elles aussi abandonnées, vidées.
36:04Les habitants de ces terres avaient dû fuir aussi, mais cette fois-ci, c'est nous qu'ils
36:10tuaient.
36:11La plupart des déplacés polonais de Lituanie, de Biélorussie ou d'Ukraine sont dirigés
36:27vers les territoires de l'ouest annexés en 1945.
36:31Ces terres allemandes depuis des siècles furent brièvement polonaises au Moyen-Âge.
36:35Au nom de ce lointain passé, le gouvernement polonais les a nommées les terres recouvrées.
36:42Les terres recouvrées, c'était une terminologie politique.
36:50Ces terres étaient si germanisées qu'il était difficile de trouver les traces d'une
36:56présence polonaise, peut-être un petit aigle de temps à autre dans un cimetière
37:01ou ailleurs.
37:02Mais on ne se faisait aucune illusion, ces terres étaient jusque-là allemandes.
37:08Le POUR, le Comité National des Rapatriés, met en scène la remise des titres de propriété
37:22aux nouveaux arrivants.
37:23Mais parfois, les anciens propriétaires allemands sont encore présents.
37:27C'est ce que vont vivre les parents de Zygmunt Zobolewski à leur arrivée dans la région
37:38de Wrocław.
37:39Quand nous sommes arrivés dans la cour, à Krolikowice, sur le seuil de la maison se
37:48tenait le propriétaire, Joseph Teissler, un plombier, sa femme et son fils, Werner,
37:55qui avait le même âge que moi.
37:56Ma mère a été surprise.
37:58Elle a dit « Mais qui est-ce ? Comment ça ? Ils habitent ici ou quoi ? C'est le propriétaire
38:10et nous, on doit s'installer ici ? » « Espèce d'idiote, lui a dit mon père, on est ici
38:15que pour quelques mois, il y aura bientôt la 3ème guerre mondiale et on pourra rentrer
38:19chez nous.
38:20» Quand la famille allemande chez qui nous étions installés demandait si elle avait
38:26le droit de faire quelque chose, si elle avait le droit d'utiliser ceci ou cela, ce qu'elle
38:32avait le droit de prendre en partant, ma mère répondait « Tout ceci est à vous, tout cela
38:41vous appartient.
38:42Vous allez prendre ce que vous pourrez ou voudrez bien prendre ». Et je me souviens
38:52qu'il n'y avait pas d'animosité envers cette famille allemande, alors que nous ressentions
38:58une vraie animosité envers les soldats allemands.
39:01Eux étaient des meurtriers, mais pas ces familles, surtout pas la famille dont nous
39:10occupions la maison.
39:11Ces Allemands étaient comme nous, des victimes, des victimes de l'Histoire.
39:35Joseph Teissler avait accepté le fait que mon père hériterait de sa maison, c'était
39:40une évidence.
39:41Une semaine ou deux après notre arrivée, il a emmené mon père dans les champs, il
39:47lui a dit « Voilà mon champ ». Mon père a regardé aux alentours, il a donné un ou
39:55deux coups de pied dans la terre, il a pris la terre dans sa main, comme ça, il l'a
40:01goûtée, reniflée, il a fait l'amour et il l'a jetée en disant « Ce n'est pas
40:10la même terre qu'à l'est ». En fait, c'était presque la même, mais ça n'était
40:14pas sa terre à lui.
40:15Moi, j'allais à Brochlav et j'observais une ville qui avait un nom, qui s'appelait
40:44Brochlav.
40:45J'observais une ville qui m'était absolument étrangère.
40:47Comment je ressentais cela ? Tout simplement, je rentre dans une église et les épitaphes,
40:55les tableaux, tout est en allemand, rien en polonais.
40:59Je rentre à la maison, j'en parle à mes parents et ils me disent « Bah oui, la Pologne,
41:08nous l'avons laissée à l'est, ici, nous sommes arrivés en Allemagne ».
41:13Donc, tu as autour de toi l'histoire allemande, son passé.
41:20Mon père était plus sceptique que ma mère et il disait toujours « Mais pourquoi s'installer
41:29ici, puisque un jour ou l'autre, les allemands vont revenir et nous chasser ». Ma mère
41:36disait « Bah, tu ne sais pas quand ils vont te chasser et on ne va pas vivre toute notre
41:42vie comme ça.
41:43Il faut bien qu'on s'installe ».
41:48500 kilomètres plus à l'est, le gouvernement polonais s'en prend aux populations ukrainiennes
41:53encore présentes sur son territoire.
41:57Après avoir échappé une première fois à l'exil, Irene Mistal et sa famille sont
42:02finalement expulsées en 1947.
42:06Au total, près de 800 000 Ukrainiens de Pologne seront déplacés de leur terre natale.
42:21Les soldats polonais nous ont donné deux heures pour préparer nos affaires et partir.
42:26C'était une grande panique chez les gens.
42:29En deux heures, il fallait tout rassembler.
42:34Mon père a commencé à faire les bagages et puis un militaire est arrivé et l'a frappé
42:39avec son arme, en lui ordonnant de se dépêcher.
42:43Il lui a lancé en polonais « Fils de pute, dépêche-toi ». C'était vraiment très grossier.
42:52Je pensais « Mais pourquoi ils maltraitent ma famille ? Qu'est-ce qu'elle leur a fait ? ».
42:58Comme tous les enfants, je pensais qu'on levait la main seulement sur ceux qui avaient
43:02fait du mal à quelqu'un. Je ne comprenais pas comment on pouvait lever la main sur des innocents.
43:08C'était terrible pour moi de vivre tout cela.
43:20Dans toute l'Europe, les transferts de population se poursuivent.
43:25Près de 12 millions d'Allemands ont déjà été chassés de Tchécoslovaquie, de Hongrie
43:31ou de Pologne.
43:37En 1947, Erika Morgenstern et sa mère sont expulsés par les autorités soviétiques.
43:47Un soldat russe nous a dit « Voici les wagons à marchandises dans lesquels les Allemands
43:51transportaient les gens jusque dans les camps de concentration.
43:55Vous allez rentrer chez vous dans ces wagons-là ».
43:58Et ensuite ce train nous a emmenés à Görlitz.
44:01C'était le terminus pour nous.
44:06Erika arrive en zone soviétique.
44:10En 1947, la guerre froide a commencé.
44:13L'Allemagne est déjà coupée en deux entre la zone d'occupation soviétique à l'est
44:18et les zones britanniques, américaines et françaises à l'ouest.
44:22Nous savions juste que nous allions vers notre nouvelle patrie.
44:25Mais quand nous sommes arrivés, nous ne savions pas qu'il existait des zones américaines,
44:29anglaises, françaises.
44:31Tout ça, on n'en avait pas entendu parler.
44:41Helmut Karasek et sa famille font partie des derniers Allemands expulsés.
44:46Dans ce train qui roule depuis huit jours,
44:48des centaines de familles allemandes ignorent encore leur destination finale.
44:57On se disait qu'il fallait qu'on arrive à l'ouest, loin des Russes.
45:02Puis nous sommes arrivés, hélas, pas à l'ouest.
45:06C'est-à-dire qu'à l'ouest de l'Allemagne,
45:08à l'est de l'Allemagne,
45:10à l'ouest de l'Allemagne,
45:12puis nous sommes arrivés, hélas, pas à l'ouest,
45:16mais à l'est, dans la zone d'occupation soviétique.
45:21C'était encore l'époque de Staline.
45:24Notre seul espoir, c'était de passer à l'ouest.
45:31À l'est comme à l'ouest,
45:33des millions d'Allemands s'entassent dans des camps de réfugiés.
45:37Beaucoup y resteront des années.
45:39Mais comment ces civils allemands pourraient apparaître comme des victimes
45:43face à l'ampleur des crimes du nazisme ?
45:53Après 1945, les Allemands ont vécu dans des villes
45:56qui ressemblaient à des villes syriennes ou ukrainiennes d'aujourd'hui.
46:01Il suffit de regarder les photos.
46:04L'Allemagne était vraiment complètement détruite.
46:07Surtout les villes.
46:11À partir de là, le sentiment que nous avions fait quelque chose d'horrible
46:15ne s'est à l'époque pas développé.
46:21Nous étions les vaincus,
46:23et puisqu'on nous accusait toujours d'avoir envahi la Pologne,
46:26alors nous, on répondait « oui, oui ».
46:29Et les Russes, qui siègent au procès de Nuremberg,
46:32eux aussi, ils ont envahi la Pologne,
46:34et ça, on n'en parle pas.
46:37Donc les Allemands n'ont pris conscience de l'étendue de leurs crimes
46:40que petit à petit.
46:43Au moment des procès d'Auschwitz, en 1963,
46:46et à travers la recherche historique de cette époque.
46:49Mais en 1945, ils n'avaient encore rien compris à tout ça.
47:07Le fait d'avoir été expulsés,
47:09d'avoir dû fuir,
47:11les Allemands ont interprété ça comme une punition.
47:15Une punition pour leur comportement pendant la guerre.
47:19Une punition pour avoir commencé la guerre,
47:22et pour tout ce qui s'est passé ensuite.
47:27Et c'est pour ça que les Allemands ont pris conscience
47:30qu'ils n'avaient rien compris à tout ça.
47:33Et c'est pour ça que les Allemands pensent qu'ils ont été punis,
47:36qu'ils ont perdu leur Heimat,
47:38leur terre natale.
47:41Qu'ils ont été déplacés.
47:50En Allemagne, un quart de la population actuelle
47:53est composée de ces expulsés et de leurs descendants.
47:58Ce passé douloureux, souvent instrumentel,
48:01hante toujours la société allemande.
48:15Aujourd'hui, on voit de nombreux Allemands
48:18qui visitent ces terres perdues
48:21pour retrouver leurs anciennes maisons,
48:24leurs cimetières.
48:26Nous compatissons.
48:28Ils souffrent aussi beaucoup.
48:31Ils ont vécu ici pendant des siècles,
48:34ils aimaient sûrement leur terre,
48:37et elle leur manque terriblement, comme à nous.
48:44Qu'on puisse être nostalgique de sa terre natale,
48:47qu'on rêve de ce passé, ça je peux le concevoir.
48:51Mais je ne voudrais pas qu'on en fasse des revendications politiques,
48:54parce que cela ne ferait qu'empoisonner à nouveau la terre.
48:59Il se trouve que je suis un partisan de l'Europe,
49:02et j'espère qu'un jour tout cela n'aura plus aucune importance,
49:05qu'à tel endroit il y ait le drapeau polonais qui flotte
49:08ou le drapeau allemand.
49:23Nous avons subi des sorts, non pas tragiques,
49:26mais qui n'avaient aucun sens.
49:29Nous n'avions aucun impact sur tous ces événements.
49:32Personne ne nous a demandé notre avis,
49:35notre opinion n'avait pas la moindre importance,
49:38mais nous étions de toute façon très heureux
49:41d'avoir survécu à cette guerre.
49:48Au nom de la paix, plus de 15 millions d'hommes,
49:51de femmes et d'enfants ont été chassés de leur terre natale.
49:54Ils ont tout perdu.
49:57Alors même que la communauté internationale prétendait établir
50:00un monde nouveau, basé sur la coexistence pacifique
50:03et le respect des droits de l'homme,
50:06l'arbitraire et l'injustice triomphaient.
50:1470 ans après Yalta et Potsdam,
50:17les déplacements massifs de populations voulues par les Alliés
50:20n'ont pas suffi à résoudre les problèmes de frontières
50:23et de nationalité.
50:26Des pays baltes à la Moldavie en passant par l'Ukraine,
50:29les frontières de l'Europe orientale,
50:32longtemps figées par la guerre froide,
50:35se retrouvent à nouveau prises en tenaille
50:38entre la géographie et l'histoire.
50:45Aujourd'hui, nous revivons ce qui s'est passé
50:48il y a plus de 50 ans.
50:51Nous avons le sentiment que tout recommence,
50:54que l'histoire se répète.
50:57Ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine,
51:00tous ces gens qui doivent fuir,
51:03abandonner leur foyer, c'est terrible.
51:06Les conséquences pour l'Europe
51:09pourraient être dramatiques,
51:12car je pense vraiment que la Russie ne cèdera pas.
51:15Ils vont avancer, avancer,
51:18toujours plus loin.
51:23Je ne sais pas à quel point l'Europe est naïve,
51:26à quel point elle est naïve face à Poutine.
51:29Je ne suis pas capable de répondre à cette question.
51:32Mais si la naïveté européenne
51:35était comparable à celle de jadis,
51:38cela entraînerait des jours très noirs pour l'Europe.
52:18© Bach Films 2021

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