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00:0015h37, on en vient à la présidentielle en Tunisie. Les résultats officiels préliminaires sont attendus cet après-midi.
00:06Mais les sondages sortis des urnes ne souffrent d'aucune ambiguïté. Le sortant Qaïs Saïd sera réélu.
00:12Un premier institut de sondage parle de 89% des voix, mais une participation très faible, estimée à moins de 28%.
00:21Bonjour Kamel Djindjoubi, merci d'être avec nous sur France 24.
00:26Vous êtes président du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie.
00:30Vous avez été ministre des droits de l'homme entre 2015 et 2016 en Tunisie.
00:35L'enjeu n'était pas vraiment la présidentielle en tant que telle, tout était écrit d'avance.
00:39Que reste-t-il de la démocratie aujourd'hui en Tunisie, de la parenthèse révolutionnaire de 2011 ?
00:44Il ne reste presque rien. Le scrutin du 6 octobre, c'est le deuxième coup de force organisé par M. Qaïs Saïd.
00:55Le premier était le coup d'État constitutionnel le 25 juillet 2021,
01:00et l'état d'acceptation qu'il a imposé à tous et à toutes,
01:04avec la destruction systématique de toutes les institutions qui ont été créées post-révolution.
01:11Aujourd'hui, M. Qaïs Saïd a cherché à être plébiscité,
01:18seulement, comme les chiffres l'ont indiqué de la participation,
01:22près d'un quart du corps électoral a voté pour lui, si on croit les chiffres, bien sûr.
01:26C'est un scrutin qui a été tronqué, auquel les deux tiers des Tunisiens n'ont pas pris part,
01:36et c'est un taux le plus faible de participation depuis 2011.
01:42Mais aussi, il faut remarquer que c'est un processus forceps en réalité,
01:46un processus dévoyé, biaisé, par lequel M. Qaïs Saïd a imposé sa volonté,
01:52avec le soutien, bien sûr, de ce qu'on appelle l'État profond.
01:56Pour revenir sur cette transition qui a déraillé, vous voyez quelle raison ?
02:02Pourquoi est-ce que la Tunisie n'a pas réussi à poursuivre sur la voie de la démocratie ?
02:08Pourquoi est-ce que la transition a déraillé ?
02:11Il y a certainement des facteurs internes, mais aussi un environnement défavorable.
02:15Je vais commencer par celui-là.
02:17Autour de la Tunisie, il y a un environnement fait par des régimes qui ne sont pas démocratiques
02:23et qui sont d'ailleurs hostiles à la démocratie.
02:25Pendant les dix années de la transition démocratique,
02:28la Tunisie a été en réalité isolée par ces régimes, y compris les plus proches.
02:32Je passe outre les discours de fraternité que certains proclament de temps en temps à l'égard des Tunisiens,
02:38mais en réalité, personne, aucun régime arabe ne souhaitait que la démocratie réussisse en Tunisie.
02:45Ça, au niveau externe.
02:47Au niveau interne, je pense qu'il y a un désenchantement qui a été fait.
02:50Je pense que tous les gouvernements qui se sont soudés n'ont pas réussi à répondre aux besoins
02:57les plus importants de la population tunisienne et qui étaient à l'origine de la révolution,
03:01à savoir l'emploi, les conditions de travail, les déséquilibres régionaux.
03:08Mais aussi, il y a une diabolisation qui a été faite depuis le début de la révolution
03:14par les forces qui étaient contre le fait que les Tunisiens se rivalent contre Ben Ali.
03:21Cette diabolisation a été à l'œuvre depuis les débuts par d'abord les nostalgiques de l'ancien régime
03:27qui restent quand même en place, implantés, et qu'on voit d'ailleurs se remettre au service de M. Kaysayed.
03:34Je signale simplement que l'appareil policier n'a jamais été réformé.
03:38Une erreur fatale.
03:40Mais aussi les appareils impressifs et la haute administration étaient toujours en place.
03:45C'est pratiquement à peu près les mêmes fonctionnaires qui ont servi Ben Ali
03:49et qui continuent à servir maintenant Kaysayed.
03:52– Et quand on parle d'autoritarisme, d'état d'exception, ça veut dire concrètement
03:55qu'il y a des centaines de journalistes, de militants des droits de l'homme,
03:59d'opposants qui sont aujourd'hui emprisonnés en Tunisie ?
04:02– Ah, le contexte général est un contexte de répression.
04:06C'est un contexte de répression dans lequel les opposants politiques,
04:10tous les ventailles politiques d'ailleurs, de l'extrême gauche à l'extrême droite,
04:14sont concernés.
04:16Il n'y a pas moins de huit secrétaires généraux de partis politiques qui sont en prison.
04:22Il y a des dizaines de cadres, voire plus, de ces formations politiques qui sont embastonnées.
04:28Il y a par contre aussi des attaques directes contre les avocats,
04:32contre la société civile et surtout contre les journalistes
04:35par le biais d'une loi, d'un decret d'ailleurs de M. Kaysayed,
04:40Liberticide, ce qu'on appelle le Decret 54,
04:42et qui a vu quand même, qui a touché des dizaines de journalistes, de blogueurs,
04:48pour le simple fait qu'ils ont exprimé soit un post Facebook critique,
04:52soit une prise d'opposition.
04:53Sonia Dehmane, une avocate, une chroniqueuse connue,
04:58a tout simplement considéré, s'agissant des crimes,
05:03oui, des crimes qui ont été commis contre les Africains sur Saharien en Tunisie,
05:08elle a simplement fait un commentaire, vous voyez, la Tunisie,
05:11ah, quel pays dans lequel on vit,
05:13et simplement, hail el bled, lui a coté la prison, l'emprisonnement,
05:18des conditions d'arrestation qui ont été filmées par votre chaîne, en direct.
05:21Oui, évidemment, on se souvient pendant un direct de Marilyn Dumas,
05:26des policiers qui sont intervenus pour arrêter cette femme.
05:30Une question sur la réaction aussi en Europe,
05:35la situation ne semble pas faire très saillir Bruxelles,
05:40pourquoi, à votre avis, est-ce que c'est de l'indifférence,
05:43ou est-ce que les Européens ont intérêt aussi à ce que Kaysayed retienne les migrants ?
05:50L'Europe est obsédée par une question qui est celle de l'immigration,
05:54et cette obsession lui permet de se ténaturer en réalité,
06:01de renoncer à un certain nombre de valeurs qu'elle a fondées en réalité.
06:06Alors l'obsession de l'immigration fait qu'aujourd'hui, sous d'ailleurs l'impulsion,
06:11et quelle impulsion ?
06:12Des régimes pro-fascistes, des gouvernements pro-fascistes européens,
06:17de droite extrême, mais aussi de l'extrême droite,
06:21vont de plus en plus soutenir des régimes autoritaires en Tunisie,
06:26mais pas que, mais ceux-ci en Égypte, on voit ce qui se passe en Libye,
06:31pour cantonner en quelque sorte l'arrivée des migrants en Europe.
06:38On reproduit les erreurs du passé, ce qu'on a fait avec Ben Ali en fait ?
06:42Absolument, absolument, des erreurs qui ont été commises et qui étaient reconnues.
06:47Au début en 2011, la chargée des affaires extérieures européennes avait reconnu,
06:51avait fait une autocritique en disant que oui, on aurait dû être plus clair,
06:57plus décidé, plus ferme, s'agissant des libertés et droits de l'homme dans cette région,
07:02et en particulier en Tunisie.
07:03On remet les mêmes erreurs, et évidemment, et on ne résout rien de l'immigration.
07:09C'est précisément l'autoritarisme et la dictature qui provoquent l'exil et le départ de ces pays,
07:16et ce n'est pas le contraire.
07:18Merci infiniment Kamel Djendoubi d'avoir accepté notre invitation sur France 24.
07:23Je rappelle que vous êtes président du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie.
07:28On attend donc les résultats officiels de cette présidentielle qui s'est déroulée hier en Tunisie.
07:34Merci de votre attention.
07:36On marque une pause tout de suite.
07:38C'est en France sur France 24 et on se retrouve à 16h.
07:41On reviendra bien sûr sur cette journée de commémoration en Israël un an après le 7 octobre.
07:46A tout à l'heure.

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