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"Ce procès montre à quel point la culture du viol est ancrée dans notre société", estime Hélène Devynck
France Inter
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16/09/2024
Dans une lettre ouverte publiée dans le journal Le Monde, la journaliste salue le courage de Gisèle Pélicot, la victime au procès des viols de Mazan.
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France Inter, le 7-10. 7h48, Sonia Devillers. Votre invitée ce matin est journaliste et
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écrivaine, autrice d'un récit impunité paru en 2022. Bonjour Hélène Devinck, des
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rassemblements de femmes dans 30 villes de France en soutien à Gisèle Pellicot, droguée,
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violée dans son sommeil par 83 hommes recrutés par son mari sur internet. Le mari dont le
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procès reprendra ce matin sans l'accusée qui est souffrante. Gisèle Pellicot va arriver
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au tribunal d'ici une heure. Elle devrait faire une déclaration publique pour remercier
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toutes celles qui sont descendues dans la rue samedi, exprimant leur révolte et leur
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solidarité. Et vous Hélène Devinck, qu'avez-vous ressenti face à ces rassemblements de femmes ?
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D'abord, je voudrais la remercier, elle, parce que le fait qu'elle ait refusé le
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huis clos, le fait qu'elle ait décidé de regarder ces hommes qui n'avaient jamais
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vu ses yeux dans les yeux, en fait, elle nous dit quelque chose à toutes, c'est-à-dire
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qu'elle nous dit à toutes qu'on est comme elle. Elle était rien, elle était insignifiante,
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on a toutes été comme ça. Et le montrer, le dire aussi haut et aussi fort, ça a provoqué
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un émoi dans le pays qui s'est manifesté. Elle était rien, elle était insignifiante,
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ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'elle n'était qu'un corps et que quand un corps
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est à disposition, il n'y a qu'à se servir ? C'est ça que ça veut dire ?
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C'est ce que raconte cette histoire et c'est ce qu'elle dit elle-même. Elle dit « j'étais
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chaude mais j'étais morte ». Et ce corps inerte a excité ces hommes. Ils ont joui
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de son impuissance et ils ne savaient pas qui c'était. Elle était rien, elle était
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personne. Et en parlant, maintenant elle est Gisèle Pellicot, en décidant de rentrer
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par la grande porte dans le tribunal d'Avignon et d'affronter leur regard, elle nous permet
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à nous aussi de le faire.
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Et quand vous dites « Hélène de Vinck, elle est Gisèle Pellicot », c'est-à-dire est-ce
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que vous faites comme toute la presse française qui loue la dignité de cette femme ? Est-ce
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que la question de la dignité d'une victime, c'est une question ?
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C'est embarrassant cette dignité. Moi je n'ai pas utilisé le mot « dignité » dans
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la tribune que j'ai écrite parce que en quoi elle serait indigne ? L'indignité,
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c'est pas elle, c'est les hommes qui sont au tribunal et ceux qui n'y sont pas d'ailleurs
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parce qu'il y en a quand même une trentaine qu'on n'a pas retrouvée. Je préfère
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louer sa générosité. Mais en fait, souvent dans ces histoires, les victimes qui parlent,
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et ça a été mon cas, on le fait aussi par altruisme. C'est-à-dire qu'on le fait
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pour que ça n'arrive pas à d'autres. Et c'est ce qu'elle explique.
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Alors je rappelle que vous avez été victime d'un viol, que vous avez attaqué Patrick
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Poivre d'Arvore en justice, qu'une cinquantaine de femmes témoignent aujourd'hui contre
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Patrick Poivre d'Arvore et que pour votre affaire et dix autres cas, onze en tout, une
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instruction a été ouverte cet été. Je vous pose une dernière question sur Gisèle
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Pellicot et ensuite on va en venir à cette tribune que vous avez publiée dans Le Monde
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il y a quelques jours. À propos de Gisèle Pellicot qui ose ainsi s'exposer au regard
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de tous, on entend beaucoup « la honte va changer de camp ». Est-ce que la honte, ça
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change de camp ? Ça devrait. En même temps la honte c'est quelque chose de poisseux
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et de collant. Et je pense que c'est une des difficultés dans ces histoires. C'est
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que, comme le dit Julia Foyce, les viols c'est le seul crime où la victime se sent
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coupable et le coupable innocent. Les 83 violeurs, les 83 hommes qui ont violé
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Gisèle Pellicot, seules 50 ont pu être identifiés, vous l'avez dit. 35 d'entre eux, ni les
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faits. Ils se disent non coupables. Dans votre tribune, Hélène Devinck, vous écrivez
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« la défense des violeurs de Massan est un échantillon chimiquement pur de la violence
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patriarcale et des masques derrière lesquels elle s'abrite pour prospérer ». Pourquoi ?
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En fait, les violeurs, ils ont toujours les mêmes défenses. C'est-à-dire qu'ils
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commencent par dire souvent que la femme est une menteuse. Ensuite, si on ne peut pas dire
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qu'elle est une menteuse, elle l'a bien cherchée, il y a une raison. Et dans ce procès
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par exemple, il y a quelque chose qui m'a choquée, mais qui est le cas dans tous les
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procès, c'est qu'on l'a interrogée sur sa sexualité. Qu'est-ce que ça vient
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faire dans l'histoire ? On demande toujours aux victimes d'être vertueuses. C'est
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une espèce de mythe de la bonne victime. Mais ça n'a rien à voir avec l'affaire.
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Alors, ils croyaient à un jeu libertin, ils pensaient que Gisèle Pellicot faisait semblant
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de dormir, ils pensaient même pour certains que le mari avait donné son accord. Et surtout,
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vous pointez le fait, Hélène de Vinck, que tous ces prévenus se victimisent.
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Ils font toujours ça. Patrick Poivre d'Arvor est victime d'un complot, de la presse,
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de femmes... Mais ça signifie qu'une certaine partie
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de la société, voire une large partie de la société, est prête à les reconnaître
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comme victimes. C'est pour ça qu'il faut écouter la défense
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dans ce procès, parce que ça dit quelque chose de toutes ces affaires. Et ça dit aussi,
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c'est des histoires d'hommes. Cette histoire, c'est une histoire d'hommes. Gisèle Pellicot,
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elle existait à peine dans l'histoire avant qu'elle nous regarde. Et c'est des échanges
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de marchandises. C'est les hommes qui s'échangent des corps de femmes. C'est l'essence de la
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domination patriarcale, de la violence masculine. Les femmes n'existent que par leur corps.
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Il faut écouter les arguments de la défense. Il faut aussi écouter les mots que choisit
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délibérément d'employé, le président de la cour criminelle du Vaucluse, puisqu'il
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décrète, je le cite, on va parler de scènes de sexe plutôt que de viol. Alors que Gisèle
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Pellicot, elle-même, explique n'avoir pu regarder ces vidéos que plusieurs mois après
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leur découverte. Et elle a dit au juge, ce sont des scènes de viol insoutenables, qu'on
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ne me parle pas de sexe. Pour eux peut-être, mais pas pour moi.
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C'est la question du sujet. C'est-à-dire pour qui le sexe et pour qui la violence ? Pour
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Gisèle Pellicot, c'est de la violence de toute évidence. Et si c'est du sexe pour
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eux, il faut s'interroger sur qu'est-ce que c'est que la sexualité masculine.
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Et alors il y a viol et viol.
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Ça c'est un des avocats de la défense qui dit ça. Alors je ne vais pas lui faire un
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cours de droit. Mais enfin, la définition du viol a été établie en 1857 par un arrêt
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qui s'appelle l'arrêt le bas, qui était un viol sur une femme endormie. C'est là
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qu'on a défini la contrainte et la surprise, qui sont aujourd'hui les éléments constitutifs
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du viol. Depuis 1857, si depuis un siècle et demi, on n'a toujours pas compris ce
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que c'était un viol, je ne sais pas comment on va comprendre.
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C'est-à-dire que les arguments de la défense, puisque vous nous encouragez justement à
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aller passer au crible, l'un des avocats a expliqué que si une personne a conscience
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qu'elle commet un viol, il y a viol. Mais si cette personne ne sait pas qu'elle commet
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un viol, alors il n'y a pas viol. Il faut pour qu'il y ait viol que la démonstration
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soit faite de l'intention coupable de l'auteur.
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Alors la définition du viol, je la raccourcis un petit peu, c'est « tout acte de pénétration
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sexuelle », c'est-à-dire ça c'est ce qu'on appelle la matérialité des faits
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en droit commis par violences, menaces, contraintes ou surprises.
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Ça c'est l'intentionnalité.
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Et il y a une espèce d'hypocrisie qui dit qu'il faudrait que l'homme décide lui-même
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que c'est un viol.
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C'est une absurdité totale.
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C'est-à-dire que là on est face à des hommes qui disent « je ne savais pas que
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je violais et si j'avais su que je violais, je n'aurais jamais violé, je n'ai jamais
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eu l'intention de violer ». En quoi ce procès peut-il faire pousser à redéfinir
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le viol ?
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Hélène Devins, je vous pose la question parce que vous allez vous-même affronter
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dans quelques mois un procès, justement, face à Patrick Poivre d'Arvor.
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En quoi ce procès de Mazan peut faire bouger d'autres procès ?
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Là, ce procès, il est pur.
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C'est-à-dire que tous les arguments qu'on nous envoie à la face en général, c'est-à-dire
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qu'on est consentante, etc., là on ne peut pas le dire.
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Sur Gisèle Pellicot, on ne peut pas le dire.
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Et pourtant, on le dit quand même.
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C'est-à-dire que quand l'avocat dit « il y a viol et viol », il y aurait des petits
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viols, il y aurait des gros viols, des faux viols, ça n'a pas de sens.
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Le problème, c'est que tel que c'est défini aujourd'hui, il n'y a pas le mot consentement
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dans la définition du viol.
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Le viol, dans le droit français, est défini par la stratégie de l'agresseur.
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Il y a eu un grand débat, il y a eu des débats à l'Assemblée nationale, conduits notamment
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par Véronique Rioton et Marie-Charlotte Garin, pour savoir s'il fallait refaire cette définition
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pénale du viol.
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Emmanuel Macron y est plutôt favorable, d'ailleurs.
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Il y était hostile, c'est-à-dire qu'il a refusé que ça rentre dans la loi européenne.
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Il a peut-être changé d'avis, mais enfin tout ça a été interrompu par la dissolution.
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Il faut le reprendre, ça ne changera pas tout, c'est-à-dire qu'on ne peut pas tout attendre
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de la justice.
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C'est aussi une question de pédagogie, c'est aussi une question de culture, et ce procès
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montre à quel point la culture du viol est ancrée dans notre société.
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C'est pour ça qu'il est important, il faut redéfinir le viol au moins.
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C'est-à-dire que ce procès, c'est comme le procès d'Aix en 1978, conduit par Gisèle
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Halimi.
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Le moment où on a défini le viol dans le code pénal, je pense que là, il est temps
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d'y revenir.
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Merci Hélène Devinck.
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Merci à vous.
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Et merci Sonia De Villers.
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