Contrôles aux frontières: "Dans l'état actuel du droit européen, la mise en œuvre effective du résultat de ces contrôles laisse profondément à désirer", estime Patrick Stefanini

  • il y a 2 semaines
Le gouvernement d'Olaf Scholz a annoncé que l'Allemagne allait étendre les contrôles à toutes ses frontières pour "faire reculer l'immigration irrégulière". Des contrôles temporaires vont être mis en place pendant six mois aux frontières avec la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark, en plus des contrôles qui existent déjà aux frontières avec la Pologne, la République tchèque, l'Autriche et la Suisse.

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00:00La deuxième difficulté qui fait qu'aujourd'hui, la frontière intérieure, c'est un peu, si j'ose dire, une frontière de deuxième catégorie,
00:11c'est la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, qui est intervenue à la fin de l'année dernière,
00:17qui permet aux États membres de prendre des décisions de refus d'entrer à cette frontière intérieure,
00:25mais qui les oblige, pour exécuter cette décision, à laisser l'étranger partir de son plein gré.
00:35Alors, on a le droit de penser que cette décision de la Cour de justice est ahurissante. Le Conseil d'État a essayé d'en corriger l'application.
00:46Il se trouve que la France a signé, dans les années 1997-1998, une série d'accords bilatéraux.
00:53Au moment où l'espace Schengen entrait en application, la France a signé une série d'accords bilatéraux avec l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, etc., etc.
01:02Et ces accords, eux, continuent à s'appliquer. Mais ça veut dire, pour être très concret, je réponds très concrètement à votre question,
01:09qu'à la frontière franco-italienne, un policier français qui repère un étranger qui veut franchir la frontière et qui ne remplit pas les conditions,
01:18ce policier, il peut prendre une décision de refus d'entrer, mais il ne peut pas l'exécuter d'office.
01:25Il est obligé d'avoir l'accord de l'Italie avec toute une procédure pour la mettre en œuvre.
01:31– Et en attendant, la personne, elle devient quoi, alors ?
01:33– En attendant, la personne, elle reste en France. Et donc, on marche sur la tête, on marche littéralement sur la tête.
01:41La vérité, c'est que l'origine de cette difficulté, parce que la Cour de justice, quelque part, elle ne fait qu'interpréter les traités.
01:49L'origine de nos difficultés, c'est la directive retour, la directive retour qui prévoit qu'un étranger en situation irrégulière
01:58sur le territoire de l'Union européenne doit se voir accorder un délai pendant lequel il doit, de lui-même, quitter le territoire européen.
02:08Mais c'est ahurissant, si vous voulez appliquer ce dispositif alors qu'on a interpellé un étranger à une frontière,
02:16c'est se priver d'un moyen d'action extrêmement efficace.
02:21– Mais M. Stéphanini, pardon, M. Stéphanini, M. Michel Barnier, lorsqu'il était candidat à la primaire de la droite en 2021,
02:29disait qu'il va falloir peut-être passer outre les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.
02:34Est-ce que c'est ça, la solution ?
02:35– Oui, alors, pour faire ça, Michel Barnier avait évoqué l'idée de mettre en place un bouclier constitutionnel.
02:44Mais pour mettre en place ce bouclier constitutionnel, je ne vais pas entrer dans des détails juridiques
02:49qui seraient fastidieux pour nos auditeurs, mais pour faire court, pour mettre en place ce bouclier constitutionnel,
02:56il faut soit réviser les traités, soit organiser en France un référendum,
03:04dans lequel la population française, la majorité, déciderait que la France
03:13obtienne une dérogation auprès de Bruxelles pour l'application des décisions de la Cour de justice.
03:19Voilà, j'ai fait court, mais ce problème du contrôle à nos frontières communes,
03:23à nos frontières intérieures, est un problème redoutable, parce qu'il faut savoir que le nombre d'étrangers
03:31qui chaque année sont interpellés à nos frontières avec l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, etc.,
03:36c'est un nombre tout à fait considérable, tout à fait considérable.
03:40Donc le fait de rétablir des contrôles, c'est une bonne chose,
03:44mais il faut juste savoir que dans l'état actuel du droit européen,
03:49la mise en œuvre effective du résultat de ces contrôles laisse profondément à désirer.

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