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00:00Ça y est, la mission Polaris Donne a donc finalement décollé ce midi depuis Cap Canaveral en Floride.
00:06Une mission historique pour la compagnie privée SpaceX qui pourrait encore une fois révolutionner l'accès à l'espace.
00:12Sylvain, bonjour. Commençons par le début. En quoi consiste cette mission à la fois ambitieuse et très risquée même ?
00:20Oui, en général l'un ne va pas sans l'autre. Il y a plusieurs aspects dans cette mission, d'aspects historiques.
00:25D'abord, ce sera la première fois qu'une entreprise privée, une compagnie privée va gérer de A à Z une sortie extravéhiculaire.
00:30Le lanceur, la capsule, les équipes au sol, les combinaisons et même les astronautes, tout était estampillé SpaceX.
00:36Il n'y a aucun astronaute professionnel à bord. Le plus expérimenté, c'est le milliardaire Jared Isaacman
00:42qui a déjà volé avec SpaceX et qui forde cette expérience de trois jours dans l'espace.
00:47Et donc le commandant de bord de cette mission et cet équipage inexpérimenté va monter jusqu'à 1400 kilomètres d'altitude.
00:54Il faut bien comprendre que seuls les astronautes du programme Apollo qui sont allés sur la Lune sont déjà allés plus loin.
01:01À titre de comparaison, la station spatiale n'est qu'à 400 kilomètres, donc beaucoup plus près.
01:05Mais vous le disiez, c'est une mission risquée. D'abord, à 1400 kilomètres d'altitude, il n'y a plus de champs magnétiques terrestres.
01:10Ils ne sont donc plus protégés des radiations solaires. Alors SpaceX explique que le vaisseau peut bloquer ces radiations,
01:19qu'ils vont y rester très peu de temps. Il n'en reste pas moins que c'est un risque inutile.
01:23Et puis la sortie extravéhiculaire, le VA dans le jargon, est elle aussi très risquée puisqu'initialement,
01:29la capsule Dragon est prévue pour s'arrimer à la Station Spatiale Internationale, pas pour faire des sorties spatiales.
01:33Il n'y a pas de sas, par exemple, entre la capsule et le vide spatial. Il faut donc tout dépressuriser, puis tout repressuriser deux heures après.
01:40Ce sont deux manœuvres assez complexes, très risquées, où le moindre petit problème peut mettre en danger l'intégrité du vaisseau et donc des astronautes.
01:49Mais attention, quand on dit risqué, SpaceX ne joue pas non plus la vie de ses astronautes à pile ou face.
01:54Ils se sont entraînés pendant presque trois ans, dont six mois très intensifs.
01:58Il y a des astronautes qui vont dans la Station Spatiale, qui se sont entraînés aussi longtemps.
02:02Donc on peut vraiment les considérer presque comme des astronautes. Tous les scénarios possibles ont été répétés.
02:08Le risque est simplement plus élevé que lorsque SpaceX desserre l'ISS, qui est une mission de routine pour eux.
02:13Le retour est prévu dans cinq jours.
02:14On le voit ici, l'équipage 4, avec cette petite capsule. Ça m'arrête peut-être de commenter l'image qu'on a longtemps attendue.
02:21Eux, ils ont l'air complètement euphoriques. Ils sont dans une petite boîte.
02:25Oui, ils sont dans une petite capsule. Je vous le disais, la capsule Dragon, c'est la même qui desserre la Station Spatiale.
02:31On a l'habitude de la voir, ne serait-ce que quand Thomas Pesquet est monté dans la Station Spatiale la dernière fois.
02:37Les combinaisons, en revanche, sont nouvelles. Ce sont des nouvelles combinaisons dont le test est justement l'un des objectifs scientifiques de cette mission.
02:44Mais il n'y avait peut-être pas besoin de prendre autant de risques pour tester des combinaisons.
02:49On le disait, l'intérêt scientifique de cette mission est quasi nul, même si SpaceX a tenté de nous faire croire le contraire.
02:55Évidemment, personne n'est dupe. Il n'y a aucun intérêt à monter, par exemple, à 1 400 km d'altitude.
03:00L'objectif pour SpaceX, c'est vraiment de taper du poing sur la table, de regarder de haut, voire même de très haut,
03:05ses concurrents que sont Boeing qui n'arrivent toujours pas à desservir l'ISS,
03:09de regarder Blue Origin qui n'arrive pour l'instant qu'à organiser des petits vols paraboliques sans même mettre quoi que ce soit en orbite.
03:16C'est aussi regarder dans le blanc des yeux les agences étatiques, les Européens qui ne peuvent pas envoyer d'astronautes,
03:21les Russes et leurs programmes vieillissants, si ce n'est obsolète, les Indiens qui sont encore loin du compte,
03:26et même éventuellement les Chinois en leur disant, attention, on sera peut-être sur la Lune avant vous.
03:30Et c'est aussi l'occasion pour SpaceX de s'affirmer par rapport à la NASA, de dire, attention, voilà, comme je vous le disais,
03:36il y a un nouveau shérif en ville parce que déjà SpaceX a le monopole du transport d'astronautes aux États-Unis,
03:41mais de plus en plus, il se rapproche de maîtriser tous les composants d'une mission extraterrestre,
03:45donc vers la Lune, vers Mars, vers des astéroïdes, peu importe.
03:47C'est dire à la NASA, vous ne pouvez pas vous passer de nous, mais ça on le savait déjà,
03:51mais en revanche, nous, bientôt, on va pouvoir se passer de vous.
03:54Il faut savoir qu'ils sont sur le site de la NASA à Cap Canaveral, ils ne sont pas en dehors, c'est un camp militaire,
04:00et SpaceX est là, en plein milieu.
04:03Oui, SpaceX est en plein milieu, ils ont utilisé le fameux pas de tir 39A,
04:06celui qui était dédié justement aux missions Apollo dans les années 60.
04:10Ils louent en fait le pas de tir à la NASA, alors lorsque ce sont des missions NASA,
04:15c'est-à-dire pour envoyer des astronautes, la NASA leur fait cadeau du pas de tir,
04:18mais quand c'est ce genre de mission, SpaceX évidemment paye les infrastructures que la NASA met à leur disposition.
04:24On a quand même un peu l'impression, Sylvain, ça fait deux jours que vous nous racontez ces exploits que vise SpaceX,
04:31et puis aussi cette question de gros égo, on l'aura bien compris.
04:34Vous dépeignez SpaceX comme un monstre incontrôlable, en train de quoi ? D'échapper à son créateur, c'est ça ?
04:39Alors, pas encore, mais pas encore. Pas encore, ça ne veut pas dire que ça ne va pas arriver.
04:43On est sur le chemin, quand même.
04:44Voilà, on est sur le chemin. Il y a quelques années, il y a quelques mois, j'avais rencontré l'astrophysicien niçois Eric Lagadé,
04:48qui avait eu ce bon mot avec beaucoup d'ironie et un bain de cynisme.
04:51C'est un concours d'orbite, un concours que SpaceX est effectivement en train de remporter haut la main.
04:56Mais il y aura toujours de la place pour les agences étatiques, ne serait-ce que pour les missions qui ne rapportent pas d'argent immédiat.
05:03On pense bien sûr aux observations, sciences, études, etc.
05:06Les compagnies privées ont peu d'intérêt pour l'instant dans ces missions-là.
05:09Mais en revanche, les compagnies privées seront de moins en moins dépendantes de ces agences, même si elles continuent à insuffler la politique générale.
05:17C'est-à-dire que si on va sur la Lune, c'est parce que la NASA veut qu'on aille sur la Lune.
05:20Mais si SpaceX peut et veut aller sur la Lune toute seule, qui va les en empêcher ?
05:23Aujourd'hui, absolument personne. La seule contrainte du secteur privé pour l'instant, c'est l'argent, ce qui n'est pas négligeable.
05:28Attention, SpaceX vit quand même sous perfusion de la NASA, également du Pentagone.
05:32Mais si un jour une rentabilité est trouvée dans des voyages vers la Lune, vers Mars, etc., à ce moment-là, SpaceX aura toute légitimité à y aller absolument toute seule.
05:41Et c'est aussi à ça que participe ce qu'on pourrait appeler cette mission prospectus.
05:44Puisque la prochaine étape, ça va être d'emmener des touristes, des gens, des civils, des particuliers vers la Lune.
05:51Dans un premier temps sans doute en orbite, mais pourquoi pas un jour sur la Lune.
05:54Et là, vous aurez évidemment tout un tas de milliardaires qui seront prêts à faire des chèques à 9 ou 10 chiffres.
05:59Ça ne suffira pas à financer intégralement SpaceX, mais ça leur donnera peut-être un petit peu plus d'assises pour s'émanciper justement de ces grandes agences qui continuent malgré tout pour l'instant à donner le lard.