Sahara occidental : la position de Paris, une attitude prévisible

  • il y a 2 mois

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00:00Et pour approfondir cette décision de la France, nous avons avec nous Aboubakar Djamal,
00:05professeur en relations internationales à l'Institut américain universitaire d'Aix-en-Provence.
00:09Bonsoir, merci d'avoir accepté notre invitation sur France 24.
00:13Plusieurs personnalités politiques françaises se sont rendues à Rabat ces derniers mois,
00:17dont le chef de la diplomatie Stéphane Séjourné en février dernier.
00:21Et finalement, est-ce que cette annonce de Paris est-elle une surprise pour vous ?
00:27Non, ce n'est pas une surprise pour plusieurs raisons.
00:30Je vais vous donner deux exemples qui, à mon avis, montrent que ce ne doit pas être une surprise.
00:35La première, c'est le déjeuner hautement symbolique offert par Brigitte Macron à l'Elysée en février 2024
00:43en l'honneur des princesses royales marocaines, qui montre bien, si vous voulez,
00:48le souci qu'a la présidence française à avoir à faire avec le régime très personnalisé marocain.
00:59La deuxième, qui est aussi, à mon avis, un élément très important d'analyse,
01:03c'est qu'en avril 2024, le ministre du Commerce extérieur, Franck Rister, qui était en visite au Maroc,
01:08a dit que l'Agence française de développement, donc l'État français,
01:12pourrait participer à la ligne électrique Casablanca-Dakhla,
01:18donc investir dans ce que le droit international appelle le Sahara occidental,
01:22et cela est très important parce que ça montre le sérieux de la France
01:27à, en fait, agir comme si le Sahara occidental était marocain.
01:33Et puis ce n'est pas vraiment une surprise parce que, s'il s'agit d'un changement qualitatif important,
01:39il ne s'agit pas non plus d'un changement qualitatif révolutionnaire
01:42parce qu'il ne faut jamais oublier quel est l'objectif du Maroc et de la diplomatie marocaine depuis Hassan II.
01:50Hassan II avait une phrase célèbre, il avait dit « moi ce que je veux c'est un titre de propriété foncière de la part des Nations Unies ».
01:56Donc le but de la diplomatie marocaine, c'est que les Nations Unies, en fait,
02:00écartent toute option d'autodétermination et ne gardent que le plan d'autonomie sur la table, ce qui n'est pas le cas.
02:09Et je note que le président Macron, un peu à l'américaine, j'allais dire,
02:13parce que ça ressemble un peu à la position un peu schizophrène américaine,
02:18parle aussi du respect du cadre onusien.
02:20Or le cadre onusien, il est connu, le cadre onusien, il suffit de lire les résolutions
02:24qui sont votées par le Conseil de sécurité chaque année pour renouveler le mandat de l'AMIURSO,
02:28donc la mission de l'ONU en charge de l'organisation du référendum,
02:32qui parle toujours du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
02:37Donc je ne vais pas dire que la France dit tout et son contraire,
02:40mais j'aurais très probablement pris ce changement encore plus au sérieux
02:45si la France se présente au Conseil de sécurité avec une nouvelle résolution
02:50pour mettre de côté totalement l'autodétermination et ne retenir que le plan d'autonomie marocaine.
02:57– Et justement, vous parliez du cadre onusien, pardon,
03:00et d'après l'Élysée, il n'y aurait pas eu d'autres propositions crédibles
03:03mises sur la table ces dernières années,
03:06et le plan de 2007 ferait l'objet d'un consensus croissant dans la communauté internationale.
03:11Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste le plan de 2007 ?
03:16– Écoutez, c'est une idée qui a germé depuis même les années 80,
03:20et je pense que Hassan II, quand il a entamé ces grandes réformes de régionalisation,
03:25avait en tête la résolution du conflit du Sahara.
03:29Je pense que déjà, Hassan II avait mis en place une dynamique
03:36dont l'objectif était en fait de dissoudre le conflit
03:39dans le cadre d'une régionalisation poussée et pourquoi pas d'une fédéralisation,
03:43et cela a été très largement documenté et par des faits nombreux.
03:50Donc ce n'est pas nouveau, même avant 2017, le plan d'autonomie avait été discuté,
03:57c'était une option qui était souvent soulevée.
04:05Donc ce qui s'est passé, c'est que le plan d'autonomie marocain
04:09qui a été présenté en 2007 et qui à ce moment-là a été complètement refusé par le Polisario,
04:15est un plan d'autonomie qui, c'est vrai,
04:19en fait, dès l'époque avait obtenu le soutien de la plupart des pays,
04:22sauf qu'à la différence de la position française aujourd'hui,
04:26il a été qualifié de plan sérieux, mais non pas d'unique solution.
04:31Ce qui est nouveau, c'est que la France aujourd'hui dit que c'est la solution unique.
04:35Ce qui est nouveau aussi, c'est que l'Espagne,
04:38et j'hésite à dire l'Espagne en fait, Pedro Sanchez,
04:40a dit que c'était la solution unique.
04:44Et donc ce plan d'autonomie, c'est tout simplement de dissoudre le conflit
04:49dans le cadre d'une régionalisation poussée marocaine, sous souveraineté marocaine,
04:54et qui fait l'objet d'un consensus, je ne le pense pas, pour des raisons diverses et variées.
04:59Et d'ailleurs, je vais prendre comme exemple les cas qui sont les plus souvent cités,
05:03à savoir la position américaine qui, soi-disant, a évolué en faveur du Maroc,
05:07et même la position espagnole.
05:09Je tiens à rappeler que la position américaine aujourd'hui
05:12est beaucoup plus flageolante qu'on veut bien le dire,
05:14elle est beaucoup plus chancelante qu'on veut bien le dire,
05:15puisque si, effectivement, l'administration Biden n'est jamais revenue officiellement
05:19sur la reconnaissance de Maroc et du Sahara qui avait été approuvée par Trump,
05:23elle a toujours agi, l'administration Biden, comme si cette reconnaissance n'existait pas.
05:27Puisqu'à chaque déclaration...
05:28– Aboubakar Djamal, je me permets de vous couper très rapidement,
05:30parce qu'il nous reste très peu de temps.
05:32Cependant, dans sa lettre, Emmanuel Macron n'a pas reconnu la marocanité du Sahara occidental.
05:36Est-ce que ça pourrait être la prochaine étape ?
05:39– Écoutez, en fait, on joue sur les mots,
05:42parce qu'une fois que Macron dit « souveraineté marocaine et le seul plan, c'est le plan d'autonomie »,
05:47le plan d'autonomie, c'est la souveraineté marocaine, donc c'est la marocanité du Sahara.
05:50Donc pour moi, oui, il dit la marocanité du Sahara.
05:53Mais il dit en même temps le plan onusien.
05:54Or, le plan onusien parle toujours de l'autodétermination.
05:58Et d'ailleurs, le procès onusien qui parle d'autodétermination est toujours soutenu,
06:02et par les États-Unis, qui sont censés avoir changé d'attitude,
06:06et en fait, même par les Espagnols.
06:07Même les Espagnols, Pedro Sánchez, après avoir soi-disant envoyé une lettre
06:11qu'il n'a pas été capable de produire, je tiens à le dire,
06:13est allé à l'ONU pour dire qu'il soutenait le procès onusien qui parle d'autodétermination.
06:18Donc pour moi, il ne faut pas non plus surlire la nouvelle position française.
06:24Et même cette idée de consensus est loin d'être vraie, même par rapport à l'Afrique.
06:28– Merci beaucoup Aboubakar Diama, je suis désolé, nous n'avons plus de temps.
06:31Merci beaucoup pour vos développements et pour votre éclairage.
06:33Je vous rappelle que vous êtes professeur de relations internationales
06:36à l'Institut américain de l'université à Aix-en-Provence.
06:39Merci de nous avoir éclairés sur cette annonce de Paris.

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