Hugues Aufray : "Le jour où j'ai serré la main de Martin Luther King"

Paris Match

Le chanteur n'oubliera jamais ce 29 mars 1966...

Transcript

00:00Le sourire de Martin Luther King, c'est un sourire d'une douceur incroyable.

00:09On va se reporter en 1966.

00:11Je commençais déjà à être ce qu'on appelle une vedette.

00:15Mon producteur, il m'annonce une chose, il me dit j'ai une nouvelle pour toi

00:18qui va certainement te faire plaisir.

00:20Martin Luther King va venir en France, il organise un concert.

00:24Tu vas chanter avec Harry Belafonte pour la cause Nénoir dans le monde.

00:29La chanson que Martin Luther King a choisie, c'est Crayon de couleur.

00:33Crayon de couleur, c'est une chanson américaine, une musique américaine

00:37que j'avais adaptée en français.

00:39Il y avait une phrase qui avait frappé tout le monde.

00:42C'est la couleur ne fait pas l'homme.

00:44Et ce jour-là, le 29 mars précisément, je suis invité au Palais d'espoir.

00:51Est-ce que j'ai été satisfait de ma performance à côté de Belafonte ?

00:57J'ai fait ce que j'ai pu, j'ai fait de mon mieux.

01:00Mais moi, j'étais quand même impressionné parce qu'en plus de ça,

01:04je ne parlais pas l'anglais.

01:05Je suis sorti de scène.

01:07Martin Luther King est venu me serrer la main.

01:09Je n'avais même pas une photo de notre rencontre.

01:12J'ai mis 40 ans pour avoir la photo.

01:17Regardez le sourire, le sourire de Martin Luther King.

01:21C'est un sourire d'une douceur incroyable.

01:24Et mon geste, je trouve qu'il est très prudent, très respectueux.

01:29J'ai tendance à vouloir toucher son bras, mais je n'ose pas.

01:31Alors quand vous dites que Martin Luther King a une aura extraordinaire,

01:36on ne sait pas de quoi on parle.

01:38On ressent quelque chose.

01:39C'est sa pensée qui émane et que si vous avez la sensibilité, c'est mon cas.

01:46Parce que moi, je ne suis pas un intellectuel, je suis un instinctif.

01:51La lumière qui se dégageait de Martin Luther King m'avait éclairé.

01:57Après le spectacle, j'ai raconté à Martin Luther King

02:02que j'avais écrit une chanson en revenant des Etats-Unis.

02:05On pouvait imaginer que les astronautes,

02:09au cours de leur voyage dans l'univers, dans l'espace,

02:13ils vont peut-être un jour entrevoir le visage de Dieu.

02:17Et alors, dans ma chanson, les astronautes reviennent sur la Terre en disant

02:23« Écoutez, on a vu le visage de Dieu et nous pouvons vous dire que Dieu est une femme.

02:29Et qu'en plus, elle est noire. »

02:32Alors ça, évidemment, Martin Luther King a beaucoup apprécié mon histoire.

02:36Et moi, je savais qu'en disant que Dieu pourrait être une femme et une noire,

02:42j'ouvrais une porte énorme où les gens pouvaient s'engouffrer avec moi

02:47ou contre moi.

02:48Quelques jours plus tard, j'ai reçu une lettre de Martin Luther King.

02:51Alors il me dit que c'est une première expérience qui est positive,

02:55qu'il voit qu'il y a quand même des gens qui sont venus écouter Belafonte,

03:00écouter Hugo Frey et que les choses allaient changer.

03:04Martin Luther King, il aurait aujourd'hui mon âge, exactement.

03:11C'est-à-dire qu'il serait jeune.

03:14Parce que ce qui compte, ce n'est pas l'âge, c'est les idées.

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