IA et droits d'auteurs : les créations sans droits d'auteur, cela existe déjà ! [Pierre-Jean Benghozi]
Xerfi Canal a reçu Pierre-Jean Benghozi, Directeur de recherche émérite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), pour parler des économies sans droit d'auteur.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Pierre-Jean Benghazi.
00:09 Bonjour Jean-Philippe Diony.
00:10 Pierre-Jean Benghazi, directeur de recherche émérite au CNRS et à l'école polytechnique.
00:15 Pierre-Jean Benghazi, ancien membre du collège de l'ARCEP, l'autorité de régulation
00:19 des télécoms.
00:20 Pierre-Jean Benghazi, j'entendais récemment une interview de Noam Chomsky qui disait "l'intelligence
00:26 sociale, on a inventé la super machine à plagiat parce que finalement ça ne respecte
00:30 rien et surtout pas le droit d'auteur".
00:31 Et c'est très intéressant de se poser cette question de l'avenir du droit d'auteur
00:35 aujourd'hui.
00:36 C'est intéressant de se poser la question du droit d'auteur et en même temps c'est
00:40 aussi intéressant de le resituer.
00:41 Le droit d'auteur ça existe depuis très longtemps.
00:44 Les premières traces c'est Venise au 15ème siècle, ça a été ensuite un peu plus tard
00:51 sur la création au 18ème siècle avec Beaumarchais.
00:53 Donc on a cette histoire qui est classique.
00:55 Mais ce qu'il faut bien avoir en tête avant même de parler de l'IA, c'est que le droit
00:59 d'auteur lui-même il n'est pas aujourd'hui appliqué de la même façon et aussi systématiquement
01:05 dans tous les secteurs de la culture et de la création.
01:08 Je reviendrai.
01:09 D'abord parce qu'il y a certains secteurs où on ne connaît même pas les auteurs.
01:14 Si je vous dis qui est Eiji Aonomura, qui est Shigem Miyamoto, il y a peut-être quelques
01:22 auteurs que connaîtront.
01:27 Les deux sont les producteurs et les créateurs d'une certaine manière des plus grands
01:33 succès en matière culturelle ces dernières années.
01:36 Le premier c'est The Legend of Zelda, un jeu vidéo universellement diffusé, etc.
01:43 Le second, c'est encore pire, c'est le créateur-producteur de Mario.
01:48 Ce qui est intéressant de voir, c'est que sur des œuvres qui sont unanimement connues,
01:56 on a en même temps des créateurs qui ont disparu d'une certaine manière.
01:58 Le jeu vidéo, de fait, n'a jamais mis en avant ces créateurs, sauf pour le petit
02:05 cercle des grands spécialistes, etc.
02:09 La disparition s'est faite dans plusieurs temps.
02:12 La dissolution de la notion.
02:15 La première remise en cause profonde a été faite il y a quelques dizaines d'années,
02:19 en particulier derrière Disney.
02:21 On parlait de l'amendement Disney aux États-Unis.
02:24 Quand finalement on a acté le fait que les créateurs n'étaient plus simplement des
02:28 individus, mais étaient des entreprises, étaient des organismes.
02:32 Et que la durée du droit d'auteur, qui était finalement calée peu ou prou sur la
02:37 durée de vie des créateurs, des artistes et éventuellement de leurs enfants, n'avait
02:43 plus de sens.
02:45 Disney Company ne va pas s'arrêter à la mort de Walt Disney.
02:49 Elle va continuer et elle va trouver normal de continuer à vivre de Mickey, de Pluto,
02:58 de Dingo, de tous les personnages du monde merveilleux de Disney, comme dit la publicité.
03:02 Et donc il y a eu tendance à rallonger, à demander à rallonger ces droits, etc.
03:07 Donc il y a eu une première remise en cause qui a été là-dessus.
03:10 La deuxième remise en cause qui a été pour moi liée à l'élargissement du secteur
03:15 des industries créatives.
03:16 Tant qu'on était sur les secteurs culturels traditionnels, la musique, la peinture, l'édition,
03:24 la musique, etc., on restait sur une vision du créateur qui est bien identifiée.
03:29 À partir du moment où on fait rentrer dans les industries créatives et dans la créativité,
03:34 dans des secteurs un peu frontières, je parlais de vidéo, mais pensons à la gastronomie
03:39 par exemple.
03:40 Dans la gastronomie, il n'y a pas forcément de reconnaissance de la créativité d'un
03:48 cuisinier.
03:49 La remise en cause qu'amène l'intelligence artificielle, pour reprendre le début de
03:53 notre entretien, il est d'un autre ordre.
03:56 Il est d'un autre ordre parce qu'en fait, c'est l'IA générative où il n'y a
04:01 même plus de créateur identifiable.
04:04 Et ça pose la question de quelles sont finalement les sources dans la génération de l'IA,
04:11 est-ce que c'est véritablement du plagiat ou est-ce que c'est du remix, pour reprendre
04:16 le terme de Lessig, de contenu existant qu'on va remoduler ?
04:19 Mais c'est ce que faisaient tous les artistes d'une certaine manière.
04:22 On va s'inspirer de Jeff Koons quand il créait les statues, il s'inspire d'une
04:27 forme de culture pop, de ce qu'il a vu dans la BD, de ce qu'il a vu dans les dessins
04:31 animés, etc. pour les retraduire.
04:33 Et on pourrait prendre tous les exemples, c'est-à-dire cette recréation à partir
04:42 d'un fond commun, c'est presque ce que faisaient les artistes.
04:45 Aujourd'hui, c'est automatisé.
04:47 Est-ce qu'on peut parler de plagiat pour autant ? Et en même temps, comment protéger
04:52 et définir de nouvelles façons de protéger les créateurs pour que cette revalorisation
04:58 de ce fond commun ne se fasse pas leur détriment, de la même manière que quand on reprenait
05:03 les musiques de Mozart, comment assurer que Mozart puisse vivre, ou les futurs Mozart
05:07 puissent vivre, continuer la vie de leur oeuvre sans être obligé de vendre les livrets
05:11 à l'entrée des spectacles ?
05:12 Merci Pierre-Jean Bengozy.
05:13 Merci à vous.
05:14 Merci à vous.
05:15 Merci.
05:17 Merci.
05:18 [Musique]