Donald Trump est devenu le premier ex-président de l'histoire des États-Unis à être reconnu pénalement coupable, au terme d'un procès pour des paiements dissimulés à une star de films X. Un séisme pour le milliardaire qui s'est dit "innocent", à six mois de l'élection présidentielle américaine.
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00:00 Avec nous, Olivier Piton, avocat spécialiste des Etats-Unis en direct de Washington.
00:05 Il est 2h du matin, merci d'être avec nous Olivier.
00:08 Thierry Arnaud, éditorialiste politique internationale à BFM TV et ancien correspondant de BFM aux Etats-Unis est également là.
00:14 Et puis le correspondant de BFM aux Etats-Unis, Benoît Ballet, qui a donc suivi cette nuit le verdict dans ce tribunal de New York.
00:22 Benoît, à 34 reprises, on a donc entendu le mot "guilty" cette nuit.
00:28 On a vu Donald Trump clamer immédiatement son innocence, dire que le vrai verdict ce sera le 5 novembre, ce sera le verdict des urnes.
00:34 Et les partisans de Donald Trump, comment ont-ils réagi ?
00:37 Est-ce que c'est un séisme pour eux comme on le dit ce matin en France ?
00:41 Absolument, absolument. On a vu des mines totalement déconfites à proximité du tribunal.
00:51 Je vous propose d'écouter justement ce témoignage que j'ai pu recueillir quelques minutes après le verdict.
00:59 Vous pensiez qu'il se passerait quoi avec ce juge ? C'est un démocrate notoire.
01:04 En fait, je suis heureux car ça mobilise les gens autour de lui. C'est un vrai boost.
01:08 Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Eh bien, je vais manifester et montrer mon soutien à Donald Trump.
01:14 Donc voilà, des mines déconfites, on s'attendait quelque part côté des partisans de Donald Trump à un verdict malheureusement coupable pour eux.
01:26 Mais quelque part, ça relance aussi, ça rebooste la machine, c'est ce que me disaient certains.
01:31 Ça leur redonne du courage pour, une fois de plus, aller au devant de cette campagne
01:36 et tenter de déloger Joe Biden de la Maison Blanche et de remettre à Washington leur candidat, leur président, Donald Trump.
01:44 Alors justement Thierry Arnault, c'est ça la question. Est-ce que ce verdict en a pas la peine ?
01:48 La peine sera prononcée juste avant la convention républicaine, 3 ou 4 jours, le 11 juillet.
01:53 Alors, on va commencer par ça. Cette peine, ça peut être une peine de prison ferme sur le papier ?
01:58 Théoriquement oui. Les juristes américains nous disent que c'est très peu probable parce qu'il n'a jamais été condamné au pénal avant,
02:04 parce que c'est un crime en col blanc et parce que le mettre en prison aussi,
02:07 ce serait imposer une contrainte énorme au système carcéral américain avec toutes les conditions de sécurité qu'il y a autour d'un ancien président.
02:14 Donc, même s'il est condamné, et quelle que soit la peine, il sera le candidat des Républicains à la présidentielle ?
02:20 Absolument. Ce que dit la Constitution américaine, c'est que pour être candidat à l'élection présidentielle,
02:24 il faut satisfaire les conditions suivantes, être un citoyen américain, né aux États-Unis ou né citoyen américain,
02:29 être tragé d'au moins 35 ans, avoir été américain depuis au moins 14 ans. Il remplit toutes ces conditions.
02:34 Alors, on va rejoindre Olivier Pitton dans quelques instants, mais je voudrais qu'on écoute d'abord Donald Trump.
02:39 Autre extrait de ces mots prononcés à la sortie du tribunal. Il se pose évidemment en victime.
02:47 Nous n'avons rien fait de mal. Je suis un homme parfaitement innocent.
02:51 Tout va bien. Je me bats pour ce pays. Je me bats pour notre Constitution.
02:56 Tout notre pays est truqué actuellement.
03:00 Tout ça est fait par l'administration Biden afin de blesser son opposant politique.
03:05 Et je pense que c'est une honte. Et nous nous battrons jusqu'à la fin et nous gagnerons.
03:12 Mathieu, j'ai une question pour Olivier Pitton. Autrefois, le mensonge ou les frasques sexuelles,
03:18 c'était synonyme de fin de carrière pour un homme politique aux États-Unis.
03:21 Pourquoi l'opinion publique américaine pardonne-t-elle à Donald Trump et en particulier l'Amérique puritaine,
03:26 qui le soutient, pourquoi ça ne la choque pas ?
03:29 Ce n'est pas tellement qu'elle pardonne ou qu'elle ne pardonne pas. C'est en fait que s'est mis en place
03:33 depuis un certain nombre d'années un narratif parallèle, c'est-à-dire que les mêmes faits
03:37 ont une perception ou donnent une perception différente, comme vous l'avez entendu.
03:42 Donald Trump estime qu'il est victime d'une chasse aux sorcières, d'un complot ourdi par les démocrates.
03:47 Et à partir de ce moment-là, lui-même et ses partisans estiment qu'il est victime de l'État profond,
03:53 puisque c'est le terme qui est employé la plupart du temps. Ce qui fait qu'on n'a pas la même perception
03:59 des mêmes faits, selon que l'on est démocrate ou républicain. On a des perceptions différentes.
04:04 Donc, en l'occurrence pour les républicains, cette condamnation est en fait la preuve qu'il y a une cabale
04:09 contre leur champion.
04:10 Mais en fait, Olivier, ça va plus loin. C'est la Constitution américaine qui va potentiellement
04:15 permettre à un homme, ancien président des États-Unis, condamné pour un crime, on est bien d'accord,
04:21 à entrer peut-être à la Maison-Blanche en janvier, si les Américains le décident.
04:25 Oui, c'est vrai que la Constitution des États-Unis n'avait pas vraiment prévu de cas de figure
04:30 où on empêcherait quelqu'un qui serait condamné au pénal et à qui plus est incarcéré
04:36 de pouvoir devenir président des États-Unis. Effectivement, c'est le cas.
04:39 Ça fait partie des innovations qui sont apparues à l'occasion de ce procès absolument hors normes.
04:47 Il y en a eu beaucoup d'autres, mais ceux-là en font partie absolument.
04:50 Marie, ancienne correspondante de BFMTV aussi aux États-Unis et à New York.
04:54 Oui, la question que je me pose, si on a entendu que ça reboostait les trumpistes,
04:57 mais il y a aussi toute une part des républicains qui sont beaucoup plus modérés,
05:00 est-ce que cette affaire, justement, ça ne va pas leur faire un peu peur
05:03 et ça ne risque pas de les détourner de Donald Trump ?
05:06 Oui, ça peut peser parce qu'on sait qu'une élection, ça se joue parfois à quelques milliers de voix,
05:09 même à l'échelle de l'Amérique.
05:11 Tout à fait. Et contrairement à beaucoup de gens, je pense que ce qui se passe aujourd'hui
05:14 peut faire basculer l'élection potentiellement en faveur de Joe Biden.
05:17 Pourquoi ? Parce qu'effectivement, ça va galvaniser les troupes de Trump,
05:21 ça ne fait absolument aucun doute. Mais cette élection, elle va se jouer dans une poignée d'États
05:25 et parfois à très peu de voix près. Je vous donne un seul exemple, l'État de Géorgie.
05:29 Il a été gagné par Joe Biden à 10 000 voix près sur 5 millions de suffrages.
05:34 Donc, il suffit d'une bascule d'une toute petite partie de l'opinion
05:37 dans une toute petite partie des États-Unis pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre.
05:43 C'est très difficile à présir qu'elle sera à l'impact, naturellement,
05:46 mais c'est possible que ça finisse par jouer un rôle important dans cette élection.
05:50 D'ailleurs, est-ce que Joe Biden a réagi ? C'est son équipe qui avait envoyé Robert De Niro
05:53 parler à la sortie du tribunal avant-hier. Est-ce qu'il a réagi ?
05:56 Il a réagi pour dire deux choses importantes. La première, c'est qu'aucun citoyen américain
06:00 n'est au-dessus de la loi, fut-il un ancien président américain.
06:03 Et le deuxième point est intéressant à relever parce que c'est un sujet sur lequel
06:06 il est d'accord avec Donald Trump. Il dit « l'arbrite ultime, c'est le peuple américain
06:11 et c'est l'élection du 5 novembre ».
06:12 Olivier Piton, vous êtes aux États-Unis. Est-ce que vous pensez…
06:16 Enfin, qu'est-ce qui aura le plus de poids sur l'électeur du Minnesota ou de l'Indiana ?
06:21 C'est la réaction de Donald Trump ou c'est le verdict ?
06:25 En fait, il y a une catégorie de population aux États-Unis qui commence à être particulièrement étudiée.
06:31 C'est ceux qu'on appelle ici les « double haters », c'est-à-dire ceux qui haïssent
06:35 ou qui détestent autant Joe Biden que Donald Trump. Et la question qui se pose
06:40 pour cette catégorie de personnes, qui est en fait assez importante dans la population américaine,
06:45 c'est de savoir si le fait que Donald Trump ait été condamné va les amener
06:50 à ne pas se déplacer pour aller voter pour lui. C'est-à-dire que c'est toujours la même histoire
06:54 dans le cas d'une élection, c'est toujours le camp qui se mobilise le moins qui perd.
06:58 C'est moins la mobilisation d'un camp que la non-mobilisation de l'autre.
07:02 Et donc les fameux « double haters », ceux qui détestent à la fois l'un et l'autre,
07:06 seraient peut-être enclin à moins se mobiliser encore pour Donald Trump.
07:10 Donc vous pensez quoi, vous ? Tout ça peut profiter à Trump ou à Biden ?
07:14 Je pense qu'il y a un élément extrêmement important qui va rentrer en ligne de compte.
07:18 Comme vous l'avez entendu, Donald Trump a commencé à contester la validité de ce procès.
07:24 La décision du juge sera prise après la demande du procureur le 11 juillet prochain.
07:29 Il va se passer beaucoup de temps et on est dans une situation de tel clivage
07:33 qu'il est possible qu'une violence intrinsèque ou une violence réelle puisse se produire.
07:38 Et ça pourrait changer énormément de choses. C'est-à-dire que soit on va passer
07:41 à un épisode parmi tant d'autres et puis rapidement l'actualité suivra son cours
07:46 et ce sera bénéfique à Donald Trump, ou bien au contraire, ce procès va cristalliser les tensions
07:51 et dans ce cas-là, effectivement, ça pourrait être problématique,
07:53 y compris d'ailleurs dans la décision du juge le 11 juillet.
07:56 Il y a un autre rendez-vous avant ça, c'est le 27 juin, c'est le débat entre Joe Biden et Donald Trump.
08:01 Ça va valoir le détour, ce sera un débat crucial.
08:04 Précisément, tous ceux qui se détournent de Donald Trump potentiellement aujourd'hui,
08:07 est-ce que Joe Biden vaut le coup ou pas ? C'est ça qu'il va devoir montrer.