COUPLE FRANCO-ALLEMAND - Hélène Kohl, correspondante de RTL en Allemagne, est l'invitée de Yves Calvi

  • il y a 4 mois
Emmanuel Macron est en Allemagne pour une visite d'État de trois jours , la première d'un président français dans ce pays depuis 24 ans. Un déplacement pour relancer le moteur franco-allemand à 2 semaines des élections européennes. Hélène Kohl correspondante de RTL en Allemagne est l'invitée de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 27 mai 2024

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Transcript
00:00 7h-9h, RTL Matin.
00:04 C'est donc la première visite d'état d'un président français en Allemagne depuis 24 ans.
00:08 Il s'agissait à l'époque du président Chirac.
00:10 Emmanuel Macron est à Berlin depuis hier, il doit se rendre cet après-midi à Dresde,
00:14 dans l'Est du pays, pour y prononcer un grand discours devant des milliers de jeunes Allemands.
00:17 Dresde est le bastion du parti nationaliste AFD.
00:20 Bonjour Hélène Kohl.
00:22 Bonjour Yves Calvi.
00:23 Merci d'être en ligne avec nous ce matin, vous êtes notre correspondant en Allemagne.
00:27 L'Allemagne est-elle vraiment un pays sur le déclin, comme on le dit souvent en France en ce moment ?
00:31 Alors en tout cas, Macron est arrivé hier dans un pays qui a perdu de sa superbe, ça c'est clair.
00:36 L'ambiance est assez morose, il y a beaucoup de doutes dans la société,
00:39 et ça se reflète vraiment dans tous les domaines de la vie publique.
00:42 On peut dire que la guerre en Ukraine, elle a fait finalement éclater au grand jour
00:46 des faiblesses qui ne sont pas nouvelles, qu'on connaissait d'ailleurs,
00:49 qu'on avait évoquées lors de la campagne électorale en 2021,
00:52 quand Angela Merkel a quitté le pouvoir.
00:55 Mais on se disait que ça allait le faire.
00:58 Alors Angela Merkel, elle a vraiment incarné ça pendant 16 ans,
01:01 c'était la chancelière des jours heureux, à l'igne de ses biographes.
01:04 Et on se disait toujours, finalement, on va s'en sortir.
01:07 Et c'est cette impression vraiment de maîtrise, de sérénité que dégageait la chancelière,
01:10 et qui avait donc, qui influençait la société tout entière qui a disparu.
01:15 Et du coup, effectivement, l'Allemagne reste un pays quand même très puissant en Europe,
01:19 on va en reparler, mais qui doute beaucoup.
01:21 - Ça se traduit comment, cette déprime allemande dans la vie quotidienne, Hélène ?
01:26 - Alors déjà, ça va un petit peu mieux.
01:29 Curieusement, on en parle maintenant dans les médias étrangers,
01:31 mais il faut savoir qu'il y a deux ans, en Allemagne, c'était vraiment très, très, très, très noir.
01:35 Au moment où la guerre éclate, où la Russie envahit de façon massive l'Ukraine,
01:39 il faut savoir que l'Allemagne, elle dépendait à 60% du gaz russe.
01:42 Ici, à Berlin, toutes les stations de service,
01:44 tout le carrosen qui faisait décoller les avions, venait de Russie.
01:48 C'est-à-dire qu'on s'est vraiment dit, l'espace de quelques mois,
01:51 qu'on allait tomber dans une récession à -6, -8%.
01:55 C'était ça dont nous parlaient les experts.
01:57 Donc aujourd'hui, ça va un petit peu mieux parce qu'on a finalement une récession seulement à -0,3% pour l'année 2023.
02:02 L'inflation, c'est assez un petit peu et on tient grosso modo le coup.
02:07 Mais c'est vrai que cette mauvaisité, elle s'exprime notamment par...
02:10 Moi, c'est vraiment très frappant, ça fait 20 ans que j'habite ici.
02:13 On a vraiment eu un basculement dans les relations sociales,
02:16 c'est-à-dire que l'Allemagne, c'était ce fameux pays du compromis.
02:19 On essayait, quand il y avait des difficultés, d'aller tous dans le même sens.
02:23 Et là, on sent vraiment qu'il y a un peu un côté "nous contre eux",
02:27 "ceux d'en haut contre nous qui vivons la réalité".
02:30 Ce sentiment de déconnexion qu'on entend beaucoup en France,
02:33 on l'a eu avec la crise des gilets jaunes,
02:35 les gens qui disent "à tout en haut, ils ne nous comprennent plus".
02:38 Et bien ça, on l'a maintenant un petit peu en Allemagne.
02:40 Même si, encore une fois, je trouve que ça reste quand même un pays
02:44 où on a quand même des structures sociales importantes,
02:46 mais on sent que ça s'effrite un petit peu.
02:48 - Alors, en vous écoutant, on se demande si l'Allemagne n'a pas pris en quelque sorte un coup de vieux.
02:52 Qui est responsable de ces difficultés que vous décrivez ?
02:55 Angela Merkel, Olaf Scholz, les partis politiques dans leur ensemble ?
02:58 - Alors, c'est vrai que l'Allemagne, c'est un pays qui nécessite toujours qu'on fasse des coalitions.
03:05 C'est très difficile de gouverner avec un seul parti politique.
03:08 Donc on est toujours obligés de faire des compromis.
03:11 Et Angela Merkel, elle a vraiment incarné ça.
03:13 Elle le revendiquait, être la chancelière des petits pas.
03:15 Et donc, même si on avançait très peu, elle considérait que c'était bien
03:18 parce qu'on avait maintenu cette cohésion, cet esprit du collectif.
03:22 On l'a beaucoup dit au moment de la campagne électorale en 2021.
03:26 En France, le message est assez peu passé
03:28 parce qu'on avait une image très très belle d'Angela Merkel.
03:32 Et peut-être qu'on était un peu aveuglés.
03:33 Mais ici, les Allemands ont vraiment très tôt dit
03:35 qu'Angela Merkel n'avait pas fait assez pour numériser le pays,
03:39 pour investir dans les infrastructures,
03:41 pour notamment s'attaquer aux grands chantiers de l'école.
03:45 Alors certes, il y a eu ces réussites incroyables,
03:48 notamment accueillir 1,2 million de réfugiés en l'espace d'un an et demi,
03:52 en 2015-2016,
03:54 savoir qu'aujourd'hui, moi je trouve que c'est plutôt une réussite.
03:56 On a 75% de ces gens qui sont en CDI,
03:58 95% des familles qui sont logées, 98% des enfants scolarisés.
04:02 Donc on a quand même, c'est plutôt une réussite.
04:04 Mais c'est vrai qu'on a senti que les choses n'étaient pas parfaites.
04:09 Et qu'aujourd'hui, quand il y a des plus grosses difficultés qui arrivent,
04:12 notamment le défi énergétique, le défi de la guerre, la sécurité,
04:15 ces petits pas ne suffisent pas.
04:17 Et l'Allemagne, c'est un gros paquebot, en fait.
04:19 On le réalise là.
04:21 Et qu'il y a énormément de mal à tourner vite.
04:23 Là, les choses sont enclenchées, mais ça prend énormément de temps.
04:26 La coalition d'Olaf Scholz, c'est trois parties pour une première fois.
04:29 Donc c'est encore plus difficile de se mettre d'accord.
04:31 Et du coup, les choses avancent, mais extrêmement lentement.
04:34 Et ça crée des frustrations à beaucoup de niveaux.
04:36 Dans l'industrie, les entreprises, et puis les citoyens aussi.
04:39 - Il y a quelques mois, le grand hebdomadaire Der Spiegel écrivait
04:42 "La France et l'Allemagne ont mieux".
04:44 Il ne nous manquait plus que ça.
04:46 Le rapport de force est inversé ?
04:48 - Alors, c'est vrai qu'on a l'impression qu'ici, il y a un gros ralentissement.
04:54 C'est ce que je disais.
04:56 Je viens de voir encore dans les journaux ce matin,
04:58 qu'on comprend que BASF, le géant de la chimie, va délocaliser en partie.
05:02 Dyson-Krupp.
05:04 On voit les grands piliers qui faisaient la force du modèle économique allemand.
05:08 Ils en sont pris un gros coup sur la figure depuis quelques années.
05:13 Le modèle énergétique, évidemment.
05:16 L'Allemagne avait parié sur ce gaz russe bon marché.
05:20 C'est vraiment sur ça que reposait sa puissance industrielle.
05:23 Dans le "Bild-Zeitung" ce matin, qui est le grand tabloïd allemand,
05:27 il y a cet article "Est-ce qu'on va complètement perdre notre industrie comme d'autres ?"
05:32 C'est vrai que la France est en train de réindustrialiser,
05:34 alors que l'Allemagne, aujourd'hui, perd des emplois et perd des sites de production.
05:38 Après, il faut relativiser.
05:40 Emmanuel Macron va en Saxe.
05:42 La Silicon Saxony, la région autour de Dresde,
05:46 est absolument en pointe mondialement sur des technologies de pointe
05:52 liées à l'optique, les puces électroniques, etc.
05:58 On a évidemment l'exemple de Mayence.
06:01 Mayence, c'est là où il y a l'entreprise BioNTech.
06:04 BioNTech, c'est elle qui a inventé le fameux vaccin qui a ensuite été commercialisé par Pfizer.
06:08 Il y a des pôles d'excellence, mais l'industrie lourde, celle qu'on connaît bien,
06:12 l'automobile, complètement larguée par rapport à la voiture électrique en Allemagne, par exemple.
06:18 L'automobile, la chimie, les machines outils, tout ça, ils sont vraiment à la peine en ce moment.

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