• il y a 7 mois
Vous connaissez Charlie Hunnam ? Il a joué un explorateur archéologue dans The Lost City of Z. Et The Lost City of Z, c’est l’histoire de Percival Harrison Fawcett, un Britannique du 20e siècle, qui a disparu, en s’évanouissant complètement au fin fond de la jungle amazonienne, où il a affirmé par la suite avoir découvert une civilisation disparue et les ruines de sa mystérieuse citée : Z. Et à l’époque, on s’est bien foutu de lui. Sauf que le 11 janvier 2024, l’équipe de l’archéologue français Stéphen Rostain annonce un truc de fou : la découverte, bien réelle, d’impressionnants complexes urbains en damier, au cœur de l’Équateur, dans la vallée d’Upano. Apparemment, on parle d’un véritable réseau de colonies qui a été utilisé pendant environ un millénaire par les anciennes sociétés amazoniennes, et qu’on avait oublié depuis quelques 2 500 ans…

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Transcription
00:00Mes chers camarades, bien le bonjour ! Est-ce que vous connaissez Charlie Hunnam ? C'est
00:03un beau gosse blondinet qui a joué les gros durs dans Pacific Rim, Hooligan, Son of Anarchy
00:09et qui s'est même approprié le roi Arthur.
00:11Mais peut-être que vous ne le savez pas, il a aussi joué un rôle d'explorateur
00:15archéologue dans The Lost City of Z.
00:17Et ça, tout de suite, ça fait un peu boum boum dans mon petit cœur de fan d'histoire.
00:21The Lost City of Z, c'est l'histoire de Percival Harrison Fawcett, un britannique
00:27du XXe siècle qui a disparu en s'évanouissant complètement au fin fond de la jungle amazonienne.
00:32A la base, il voulait juste cartographier les frontières entre le Brésil et la Bolivie,
00:37mais au passage, il a affirmé avoir découvert une civilisation disparue et les ruines de
00:41la mystérieuse cité de Z.
00:43En fait, Z, c'est le signe qu'il trace sur sa carte, pourquoi faire compliqué quand
00:47on peut faire simple.
00:48Et à l'époque, on s'est bien foutu de lui.
00:51Sauf que le 11 janvier 2024, l'équipe de l'archéologue français Stéphane Rostin
00:55annonce un truc de fou, la découverte bien réelle d'impressionnants complexes urbains
01:00en damier, au cœur de l'équateur, dans la vallée du Pano.
01:04Apparemment, on parle d'un véritable réseau de colonies qui a été utilisé pendant environ
01:08un millénaire par les anciennes sociétés amazoniennes et qu'on avait oublié depuis
01:12presque 2500 ans.
01:14Mais avant d'aller vérifier tout ça, je vous fais un petit point sur l'Amazonie.
01:17Présente aujourd'hui dans 9 pays, la plus grande forêt tropicale du monde fait
01:25presque 40% de la superficie de l'Amérique du Sud, elle concentre 15% de la biodiversité
01:30mondiale et produit 18% du volume d'eau douce déversé dans les océans du globe.
01:35Ca fait beaucoup, mais en réalité ça serait une sorte de désert vert avec très peu d'humains.
01:40Enfin, quand même 34 millions, mais vu ses dimensions, on ne se marche pas sur les pieds.
01:44D'après Stéphane Rostin, tout ce petit monde n'a pas une seule façon de vivre.
01:48Au contraire, on y trouve une incroyable diversité de peuples et de colonies.
01:52De quoi faire fantasmer tous les Européens qui, bien avant de l'explorer, la peuplaient
01:57de monstres et de créatures fantastiques, issues des légendes et des mythologies.
02:01C'est un peu exagéré, mais ça reflète une certaine réalité.
02:03Cette forêt est dangereuse, sauvage, violente, et elle peut engloutir des gens imprudents
02:08comme notre pauvre Percy Fawcett.
02:11Pourtant, depuis 13 000 avant notre ère, des peuples y vivent bien avec près d'une
02:15vingtaine de sites déjà mis au jour.
02:17Vers 8000 avant notre ère, comme le peuplement humain se densifie, on voit apparaître de
02:22là Terre Noire, un mélange caractéristique de déchets, de fragments d'os, de charbon,
02:27de minuscules bouts de poterie et d'excréments.
02:29Jusqu'en 3000 avant notre ère, les villages installés le long des rives de l'Amazone
02:34ne vont cesser de se multiplier.
02:36Sédentarisation, naissance de l'agriculture prouvent qu'on a affaire à des populations
02:40en pleine prospérité.
02:42Si bien que jusqu'à 1000 avant notre ère, des sociétés de plus en plus structurées
02:46vont apparaître.
02:47Construction de monticules, de routes, de digues, canaux, réservoirs et buts agricoles
02:51sont là pour le prouver.
02:53Et les habitats les plus remarquables se situent dans la fameuse vallée de Lupano.
02:57Mais on va en reparler, parce qu'un problème vient nous interrompre et changer le cours
03:01de l'histoire.
03:02En effet, une période de troubles démarre.
03:03De 1000 à 500 avant notre ère, des changements climatiques vont frapper la population, des
03:09guerres vont éclater, et pour s'adapter à la furie de la nature et des hommes, des
03:13communautés migrent ou disparaissent.
03:15Quand les conquistadors arrivent, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus tard, il ne reste
03:20plus qu'un mythe, l'Eldorado.
03:22Les expéditions espagnoles vont rentrer, brodouille, les récits légendaires ne collent
03:26plus avec la réalité de l'Amazonie désormais dépeuplée.
03:29Du coup, aujourd'hui, l'archéologie reste encore le meilleur moyen d'en savoir plus
03:33sur l'ancienne Amazonie.
03:34Le premier archéologue amazoniste, c'est le brésilien Domingos Soares Ferreira Pena
03:39qui explore de nombreux sites, mais reste à l'embouchure de l'Amazonie.
03:43Dans les années 80, Anna Roosevelt découvre la plus ancienne céramique du continent américain,
03:48datée de plus de 7000 ans.
03:50Ça peut recouper le travail d'Edwardo Neves, qui recoupe 11 000 ans d'histoire amérindienne.
03:55Pour sa part, le scientifique Michael Eckenberger met au jour d'importants sites datant de
03:59500 ans.
04:00Ils sont annulaires, en forme d'anneaux, car de grandes maisons collectives sont bâties,
04:04plus ou moins en cercles ou en carrés, autour d'une immense place centrale.
04:08L'anthropologue Claude Lévi-Strauss adopte alors l'idée d'une Amazonie précolombienne
04:12bien plus diverse, riche et complexe qu'on ne le croyait, possible berceau des civilisations
04:17andines.
04:18La forêt n'est pas si primaire que ça, et elle peut même sembler tardive quand on
04:22la compare à la préhistoire humaine.
04:24Quant à Stéphane Rostin, le français, il confirme tout ça grâce à l'archéologie
04:28du paysage le long du littoral de la Guyane française.
04:31Son boulot consiste à survoler les savanes côtières pour découvrir des buts de construction.
04:37Et pas 3 ou 4, là on parle de milliers de buts !
04:40Du coup, rendez-vous maintenant dans la vallée de Lupano !
04:43Longue de 100 kilomètres, large de seulement 20, la vallée s'étend le long du piémont
04:51oriental des Andes comme prisonnière entre deux cordillères, qui lui donne donc deux
04:56écosystèmes.
04:57Au centre, la rivière Upano serpente entre les grandes terrasses et en hauteur, les rejets
05:01du volcan Sanguey, en constante éruption, ont rendu le sol très fertile.
05:06Vers 700 avant notre ère, on a des groupes de culture Sanguey qui s'installent sur
05:09ces hautes terrasses rocheuses.
05:11Puis, vers 500 avant notre ère, la culture Upano fait son apparition.
05:14Établie en bord de rivière, elle fabrique et exporte de grandes quantités de céramique
05:19hors de la vallée jusque dans les territoires éloignés de la Syrah à l'ouest.
05:22Elle est donc au centre des rares voies de communication entre l'Amazonie et les Andes.
05:27On a tout un système organisé, complètement urbain, mais en pleine forêt.
05:34Donc, ces gens étaient probablement spécialisés.
05:40Il fallait des gens pour creuser, pour creuser les rues, des gens pour édifier les plateformes
05:46et les terres.
05:47Il fallait des géomètres parce que ces rues courent parfaitement droite sur parfois plusieurs
05:53kilomètres.
05:54Donc, il fallait des géomètres pour faire les visées.
05:56Il fallait nourrir ces gens, donc certains se dédier à l'agriculture, cultiver dans
06:01les champs, donc les champs drainés.
06:03Et puis, il fallait de la protéine animale.
06:07Je pense qu'il y avait assez peu, vu la densité de population qu'on peut imaginer, il y avait
06:11assez peu de mammifères restants dans la région et donc, ils allaient sûrement pêcher
06:16dans la rivière Upano, sauf que la rivière Upano est 70 mètres plus bas de falaises
06:21à pics.
06:22Il fallait des pêcheurs spécialisés.
06:24Il fallait des prêtres ou des chamanes pour organiser les séances collectives, probablement
06:30des chefs ou des rois et puis des marchands, des gens qui allaient dans les régions voisines
06:35comme les Andes ou les alentours amazoniens pour échanger des produits.
06:39Bref, on avait une société spécialisée, probablement stratifiée, très probablement
06:44stratifiée, qui occupait ces villes.
06:48Et donc, on arrive petit à petit à se faire une idée très différente de la population
06:54que les populations villageoises ou tribales qu'on a l'habitude de décrire pour l'Amazonie.
07:00En l'an 500, un tout nouveau style de céramique prouve qu'une autre culture, appelée Kilamop,
07:05a fait son apparition dans la région en cohabitant avec les Upano.
07:09Mais pas de chance, vers le VIe siècle, une grosse colère du volcan Sanguay déclenche
07:14une pluie de cendres qui stérilise une bonne partie du pays.
07:17Cette catastrophe est vraisemblablement à l'origine du départ des communautés Upano
07:21et Kilamop.
07:22Vers l'an 800, une multitude de petits groupes dispersés ont pris leur place en s'installant
07:27dans ces terres à l'abandon.
07:28On parle aussi de culture Uapala.
07:30Elle va durer jusqu'au XIIIe siècle, après quoi le bassin de l'Upano sera occupé
07:33par les Jivaros, puis les Espagnols, et plus récemment par des colons descendus des Andes.
07:38Mais la réputation guerrière des Jivaros a quand même fait en sorte que les visiteurs
07:42de passage diminuent pas mal dans la région.
07:44Mais une question se pose du coup, comment tout ça a pu passer inaperçu ? Pourquoi
07:49une découverte aussi importante a été compliquée à atteindre ?
07:52Premier obstacle, évidemment, c'est la forêt amazonienne, qui est très dense, dure
07:57à pénétrer, que ce soit à pied, sur roue, ou même avec des technologies de balayage.
08:02Mais l'amélioration des scans, et notamment l'analyse par LIDAR, a permis de percer
08:07peu à peu le couvert forestier.
08:08Cette technologie, c'est comme un sonar en gros, sauf que son signal est lumineux
08:13et pas sonore.
08:14Son faisceau laser est si fin qu'il traverse la canopée jusqu'au sol.
08:19Second obstacle, le manque d'informations territoriales.
08:22Si plusieurs fouilles ponctuelles fournissent chacune des informations originales sur les
08:26premiers habitants de la vallée, il manquait encore une vision plus globale, un discours
08:31qui permette d'embrasser la totalité de la vallée.
08:56L'humidité, il ne faut pas être fait en sucre, on travaille sous la pluie quand même souvent.
09:01Il y a aussi un passif, ça ne fait pas très longtemps que les archéologues s'intéressent
09:11à l'Amazonie.
09:12Et encore, il y en a beaucoup moins qui s'intéressent à l'Amazonie que ceux qui s'intéressent
09:16aux Andes, aux Incas, aux Mochicas, etc.
09:19Ou ceux qui s'intéressent au Mexique, aux Méso-Amériques, chez les Aztecs, les Olmecs
09:24ou les Mayas.
09:26L'Amazonie a attiré beaucoup moins de passion chez les archéologues et donc on a une communauté
09:32assez restreinte encore à travailler dans cette région.
09:35Donc on n'a pas un historique de connaissances très profond.
09:39Et donc chaque nouveau projet apporte des résultats complètement novateurs et parfois
09:49très stimulants.
09:50Mais là encore, on a fini par trouver la solution avec l'utilisation de la technique
09:54de décapage de grandes surfaces.
09:56En gros, ça consiste à dégager un sol et de l'analyser, d'analyser la dispersion
10:03des restes du passé qu'on y trouve.
10:06Ça permet sans doute de se faire une idée plus précise de ce que faisaient les anciens
10:12habitants dans cette superficie.
10:14Un exemple caricatural, si j'ouvre un mètre carré devant la rue à Paris, ça ne va pas
10:22me dire grand chose sur la capitale de la France.
10:25En revanche, si j'ouvre un carré de 100 mètres par 100 mètres, je commencerais à
10:29voir des traces de rues, de bâtiments, de parcs éventuellement.
10:33Et là, j'aurais une idée un petit peu de ce qu'on a fait dans cet endroit.
10:37C'est juste agrandir l'échantillon que l'archéologue prend pour comprendre une
10:43occupation passée.
10:44Avec ça, fini les fouilles à la truelle, on obtient plus d'informations sur une plus
10:49grande surface, en révélant non plus des maisons, mais carrément des villages entiers.
10:53Du coup, les résultats finissent par tomber.
10:55En 2015, l'Institut du patrimoine d'Équateur passe au peigne fin une zone de 600 kilomètres
11:01carrés.
11:02On y découvre les fameux 6400 monticules, mais il y en a sûrement plus.
11:06Et en 2024, Stéphane Rostin achève son analyse.
11:09Sur 300 kilomètres carrés, on peut deviner un ensemble de cités perdues datant de 2500
11:15ans.
11:16Et on peut aussi voir le long de la rivière en formant un vaste réseau en damier.
11:19Alors, on savait déjà que les lieux d'habitation forment majoritairement des groupes de 3
11:23à 6 bâtiments, mais jusqu'en 2015, c'était impossible de comprendre leur articulation
11:28globale.
11:29Avec cette nouvelle cartographie, tout devient plus clair.
11:31Centre urbain, colonies lointaines, routes de liaison, on visualise absolument tout.
11:36D'après Antoine Dorisson, archéologue au CNRS et co-auteur de l'étude, c'est
11:41assez difficile d'estimer le peuplement de la zone, mais on parle quand même de plusieurs
11:45milliers d'habitants à son apogée, un chiffre avoisinant les 30 000 habitants et
11:48même évoqués.
11:49C'est l'équivalent de Londignum, Londres, capitale de la province romaine de Britannia
11:53à la même époque.
11:54La plupart des villages, à un certain moment, il y a peut-être 2000 ou 2500 ans, étaient
12:00tous connectés entre eux.
12:02Ça représente une densité de population assez forte, dans cette vallée très délimitée,
12:09mais c'est difficile de répondre à la démographie car pour l'instant on n'a que 600 kilomètres
12:14carrés de lidar et donc de cartographie précise.
12:18Nos estimations, pour l'instant, de la superficie complète transformée par les zoopanos pourraient
12:30frôler les 2000 kilomètres carrés.
12:32Un territoire de 2000 kilomètres carrés, combien de personnes pouvaient y vivre ? Pour
12:38l'instant, on sait que c'est plusieurs milliers d'habitants, mais on ne peut pas aller plus
12:43loin parce qu'il faut faire des calculs assez précis de nombre de maisons.
12:48Il y a des plateformes qui ne pouvaient pas supporter de maisons et d'autres si.
12:53Il faut faire un calcul de la productivité agricole de la région pour voir combien de
12:58personnes pourraient s'alimenter avec la production locale.
13:03Il y a quelques calculs assez précis, plutôt que de lancer des chiffres un peu à l'envie,
13:09nous sommes dans cette étape actuellement de travail de calculer une fourchette de population,
13:16mais je pourrais juste vous dire que c'est des chiffres à 3 ou 4 zéros.
13:22Pour que ça vous parle un peu plus, on parle d'un réseau régional qui est comparable
13:25à ce qu'on trouve chez les Mayas, au Mexique et au Guatemala.
13:28Les places, les rues vont suivre un schéma géométrique, à savoir de grands axes de
13:3310 mètres de large, un peu dans un style new-yorkais, qui courent sur 10 ou 20 kilomètres
13:39le long du cours d'eau, avec plein de petites routes secondaires pour justement connecter
13:43ces grandes routes à la rivière, aux autres villages et aux habitats.
13:46Au centre, vous avez une grande avenue qui est un peu nos Champs-Elysées.
13:50Le fait de faire des routes posées d'abord c'est pas commun, et puis des routes parfaitement
13:56droites qui peuvent courir sur plusieurs kilomètres, voire dizaines de kilomètres, c'est aussi
14:01assez étrange, puisque généralement, en Amazonie, il y a des routes, il y avait des
14:06routes avant l'arrivée des Occidentaux, elles sont sinueuses, elles contournent l'obstacle
14:11facilement.
14:12Ici, pas du tout, elles vont toutes droites, et elles traversent parfois des petites élévations
14:17ou des ravines, et elles font fi de tous les accidents de la superficie.
14:24Alors cette volonté d'avoir une route parfaitement droite, il fallait un géomètre pour faire
14:29la visée, pour organiser une fois de plus la direction de ces routes, c'est un peu surprenant
14:35parce que finalement, on peut marcher dans ce paysage sans problème, on n'a pas vraiment
14:42besoin d'une route déjà creusée, on n'a pas besoin d'aller tout droit.
14:47Il y a une autre raison, qui est probablement symbolique, et j'imagine que cela correspond
14:53à une façon de marquer dans le sol, d'imprimer dans le sol, des relations privilégiées
14:59avec des villes voisines.
15:01Il y a une importance du symbolisme dans la vie quotidienne des Amazoniens, qui est important
15:08de noter, et qu'on va retrouver à des niveaux qui nous surprennent parfois, mais c'est vrai
15:12que la relation d'un groupe à l'autre doit être cérémonialisée, il peut y avoir des
15:21processions sur ces routes, j'imagine.
15:23On a donc une spécialisation des airs dans les cités, on a une partie résidentielle,
15:28une partie de circulation, et enfin une partie cérémoniale, et on peut classer chaque colonie
15:32de peuplement selon 3 critères, la taille et la densité du complexe, avec par exemple
15:3740 plateformes par km² sur une surface de 50 hectares ou plus, sa connectivité à l'échelle
15:43régionale, c'est à dire le nombre de routes qui en partent, et enfin les dimensions de
15:47ces plateformes, certaines sont vraiment monumentales, faisant plus de 100 mètres de long et étant
15:52assez rapprochées.
15:53D'ailleurs, on peut remarquer que certaines plateformes sont aussi très hautes, à partir
15:57de 10 mètres d'élévation, on peut supposer qu'il s'agit d'espaces consacrés non
16:00pas à l'habitat ou à l'agriculture, mais plutôt à des cérémonies collectives.
16:04La construction elle-même, le terrassement, il faut savoir que les amazoniens manient
16:12la pelle avec beaucoup d'habilité et sont des terrassiers nés, donc on va retrouver
16:21de plus en plus en Amazonie, les archéologues découvrent des terrassements, que ce soit
16:24des canaux creusés ou des monticules surélevées, un peu partout, ils ont énormément modifié
16:31leur environnement, le modelé en tout cas de cet environnement, et ces plateformes ont
16:37été un peu construites souvent à l'économie, c'est à dire qu'au lieu de surélever un
16:41tas de terre, on a profité de la pente naturelle du terrain pour couper en amont, une espèce
16:50de fossé, et de rejeter les déblés sur la pente avale, et donc ça formait une espèce
16:57de monticule séparée de la superficie originelle du terrain, donc on économisait un peu de
17:04travail en faisant ça, mais de toute façon ça représente un travail de terrassement
17:07assez notable, et puis il y a en plus des énormes terrestres pour le coup, les plateformes
17:15mesurant entre 20 et 30 mètres de longueur, et entre 1 et 3 mètres de hauteur, on a aussi
17:20des terres monumentaux qui peuvent atteindre 50, 100, 150 mètres de longueur, et monter
17:27jusqu'à 8, 10 mètres de hauteur, là on est sur vraiment des grosses structures qui
17:32étaient des structures collectives, et qui se trouvaient aux extrémités des avenues
17:37principales de chaque ville, donc on a toute une série de constructions différentes à
17:44vocation différente aussi, parce qu'on a surélevé des structures, mais il y en a
17:49d'autres qui ont été creusées, donc les rues, les routes ont été creusées, mais
17:53aussi les chemins, à l'intérieur de la ville, et aussi des petits drains, des rigoles
18:00qui ont été creusées en damier pour évacuer l'eau dans les parties entre les plateformes
18:08qui étaient cultivées.
18:10Au final, la seule grande différence avec les mayas, c'est que dans la vallée de
18:13Lupano, il n'y a pas de construction en pierre. Comme le dit José Hiriart, archéologue
18:17à l'université d'Exeter, les Incas et les Mayas construisaient en pierre, mais les
18:22habitants d'Amazonie ont construit avec de la boue. Ça représente encore une quantité
18:27de travail immense.
18:28D'ailleurs, cette civilisation n'a pas son pareil dans toute l'Amazonie précolombienne.
18:32En plus des colonies, on compte de nombreuses exploitations agricoles et d'importants
18:36canaux de drainage. Antoine Dorisson a analysé tout ça au LIDAR, et ces drains servent à
18:41évacuer l'eau qui gorge le sol, afin de rendre les terres cultivables. C'était
18:45en fait une sorte de ville-jardin où tout l'espace était utilisé, un exemple typique
18:50où la nature est à l'intérieur de la cité.
18:52Et cette technique d'assèchement était encore employée dans les années 1970 par
18:57les caribes du Bas-Arénoc au Venezuela. Comme quoi, ça marche bien !
19:00Les restes de végétaux et de graines brûlées proches des habitations nous renseignent
19:04aussi sur ce qu'on consommait à l'époque. Des plantes médicinales, mais aussi du manioc,
19:09des patates douces, fruits, haricots et surtout, du maïs. Broyé avec des meules en pierre,
19:16transformé en pâte, le maïs peut devenir une boisson fermentée, la chicha, une bière
19:20épaisse et douce, si nourrissante qu'elle peut servir de repas. Transportée dans d'énormes
19:25jars, elle était visiblement consommée en grande quantité.
19:28En tout cas, cette révélation de ces cités perdues va rester exceptionnelle, puisqu'on
19:32voit qu'une société complexe a été mise en place en Amazonie et confirme ce renouveau
19:37de l'archéologie dans cette région de la terre.
19:39Il a fallu depuis 20 ans relancer une archéologie un peu plus en accord avec la réalité du
19:47terrain et on commence à découvrir de plus en plus de choses. On a découvert des grands
19:54sites avec des grands perfs, des grandes constructions, des sites proto-urbains, mais là on est face
20:00à une découverte pour l'instant unique qui est ce que sont des villes, ce ne sont pas
20:05une ville, ce sont plusieurs villes organisées en damier, c'est comme New York, c'est vraiment
20:10un damier de rues et de construction, de construction de terre, ce ne sont pas des constructions
20:15de pierres, puisque la pierre est peu disponible en Amazonie, mais on est face à un mode de
20:23civilisation comparable au nôtre, donc peut-être qu'on va pouvoir se reconnaître un peu plus
20:28et surtout c'est la preuve que contrairement à ce qu'on a longtemps cru, la civilisation
20:35ne s'est développée pas seulement sur la côte pacifique, sur la cordillère des Andes ou en
20:41Mésoamérique, mais elle s'était aussi développée dans la forêt tropicale et finalement il va falloir
20:45admettre que la forêt tropicale est un milieu tout aussi sain et accueillant pour les gens
20:52qui savent y faire que les autres régions des Amériques et donc exceptionnel dans le sens
20:57où en effet c'est la preuve ultime de développement de sociétés très complexes et très organisées
21:07en forêt tropicale amazonienne. Aujourd'hui l'intensification de la déforestation a replacé
21:13l'Amazonie au coeur de la tension internationale, mais ces grands chantiers permettent aussi plus
21:17de fouilles préventives et donc plus de découvertes archéologiques. Après il ne faut pas se voiler la
21:22face, ça reste quand même un grand gâchis, la zone amazonienne a connu son âge d'or aux temps
21:26anciens et les populations locales transformaient le paysage, mais probablement en gardant avec lui
21:32une certaine relation d'équilibre, alors que plus récemment on a affaire à une véritable
21:36surexploitation et un rapport à la nature qui est totalement bouleversé. Et c'est peut-être ça le
21:42problème, c'est que les occidentaux ont développé une relation extractiviste avec l'Amazonie,
21:48on a d'abord volé toutes les espèces végétales, les bois précieux, les minerais, l'or, le pétrole,
21:57on l'utilise un peu comme un grenier rempli de trésors qui ne s'épuise jamais, mais on l'a
22:06détruit parce que derrière un champ pétrolier il n'y a plus rien et rien ne repousse, il n'y en a pas
22:11à favoriser une résilience derrière. Donc ce développement, cet extractivisme libéral est
22:19dommageable à la forêt et provoque la déforestation qui provoque un déséquilibre de la forêt,
22:26un déséquilibre climatique aussi et un déséquilibre global également qu'il faut arrêter de toute
22:34pense. Là on est au bord de graves problèmes, on peut vivre en paix avec la forêt, oui je crois.
22:42Depuis la révélation, certains chercheurs expliquent que les vestiges de la cité sont menacés par la
22:47construction de routes, l'érosion ainsi que la déforestation sans oublier une exploitation
22:52minière illégale. Ce n'est pas récent, les menaces sur la cité c'est depuis que les colons se sont
22:59installés dans la vallée, c'est à dire il y a une soixantaine d'années, mais depuis l'expansion de ces
23:05populations coloniales a provoqué des destructions de sites. J'ai vu des sites coupés en deux,
23:13des routes qui traversaient, des congrégations religieuses qui construisaient des églises sur
23:21les monticules archéologiques et c'est vrai que comme ça n'intéressait pas spécialement les
23:27archéologues nationaux, personne ne faisait rien pour protéger ce lieu archéologique, cette vallée
23:35archéologique tout à fait exceptionnelle et probablement unique. Peut-être un des effets
23:42qu'on peut espérer de la publication de l'article sur cette région dans Science, c'est qu'il y a un
23:49sursaut national pour protéger ces sites archéologiques et pour éviter qu'un développement
23:59urbain ou vierge débridé ne détruise les sites avant qu'ils soient connus, parce qu'il reste
24:06encore beaucoup à faire sur ces sites, mais il faudrait mettre une législation, il faudrait
24:11faciliter le travail des archéologues parce qu'il y a déjà peu d'archéologues qui veulent travailler
24:14dans cette région et il faudrait faciliter le travail de ceux qui le demandent pour qu'on
24:19connaisse rapidement un peu plus sur ces sociétés passées. On a quand même plusieurs mystères qui
24:26restent à percer comme la disparition de cette civilisation au VIe siècle. Pour l'instant,
24:30on n'est qu'à l'hypothèse du volcan, mais Stéphane en évoque d'autres. Donc l'hypothèse
24:34volcanique était assez séduisante et tenait la route, sauf que par la suite j'ai fait des
24:42datations dans plusieurs couches noires de la région, dans les sites ou en les sites, et j'ai
24:51une diversité de résultats, de datations, qui ne plaident pas en faveur d'une grande éruption,
24:57mais peut-être de plusieurs éruptions sur plusieurs siècles. Et donc l'hypothèse volcanique s'est
25:03trouvée un peu affaiblie à cause de ça. Elle n'est pas complètement rejetée, mais c'était en tout
25:09cas pas une méga éruption. Il a pu y avoir une série d'éruptions qui ont dégoûté les habitants
25:14qui ont pu partir. Donc ça c'est une hypothèse qui reste à explorer. La seconde hypothèse qui
25:21vient tout de suite à l'esprit, c'est une guerre. C'est souvent comme ça que les civilisations ont
25:25été détruites. Une guerre avec un groupe étranger, exogène, sauf que quand il y a une guerre,
25:32il y a généralement un vainqueur. Et donc après la fin des Upanos, on aurait trouvé soit encore
25:39les Upanos, soit le peuple assiégeant qui aurait occupé la place. Et là, je n'ai plus aucune trace,
25:45plus aucune datation, il semblerait que la vallée était vide. Donc la piste de la guerre est écartée
25:50et on n'a pas une nouvelle culture qui est renée derrière les Upanos. Tout de suite en tout cas,
25:55par la suite, il faut attendre plusieurs siècles. Donc ça, j'ai abandonné la piste de la guerre.
26:01La troisième hypothèse qui est arrivée assez souvent dans le monde et aussi en Amazonie,
26:05c'est l'hypothèse climatique. Avec des changements climatiques drastiques, on peut
26:10avoir des populations, notamment des populations stratifiées et spécialisées, qui s'effondrent
26:17facilement. On a par le monde beaucoup d'exemples de sociétés qui, par leur extension, leur
26:26évolution, leur développement deviennent trop fragiles et un changement climatique qui change
26:32un peu les données de base fait qu'elle s'écroule. Et en Amazonie, on a le cas entre 1100 et 1300 de
26:39notre ère, à plusieurs endroits de l'Amazonie, avec des effondrements de sociétés. Donc pourquoi
26:44pas en cessant aussi un fort changement climatique, notamment qu'on a l'influence du Niño, vous savez
26:49ce courant, ce changement climatique qui vient du Pacifique, si on a un méga Niño un peu
26:56répété, ça peut affaiblir une société urbaine comme les Upanos. Donc ça c'est une hypothèse qu'il
27:01faudra encore explorer. Et puis la dernière, la plus simple, c'est les sociétés, les civilisations
27:08dans le monde, elles ont une durée de vie et souvent elles implosent au bout d'un certain temps,
27:11au bout de 1000, 1500 ans, 2000 ans. Regardez Rome, c'était souvent aussi par les coups des
27:18barbares, des ennemis extérieurs, mais vous regardez la Mésopotamie, l'Égypte, il y a plein
27:24de sociétés, de civilisations qui se sont tout d'un coup écroulées, parfois par implosion, regardez
27:29notre société actuellement, j'ai un peu l'impression qu'elle implose aussi, est arrivé au bout de ses
27:34compétences et de ses possibilités. Donc c'est une piste qu'il faut explorer, il y a plusieurs idées,
27:44hypothèses que nous avons et que nous allons essayer de solutionner. C'est en tout cas une
27:51certaine fierté en Équateur qui est plongée en pleine crise meurtrière, et ce n'est pas fini
27:55parce qu'il reste 300 km² à analyser. On va continuer à étudier les images lidares,
28:01on a 600 km qui sont étudiées, on a fini d'étudier 300 km² complémentaires, mais comme je le suppose,
28:11le territoire Oupanou est beaucoup plus large, il peut atteindre 2000 km², donc il y aura encore
28:16des images lidares à faire, il faut des financements pour le faire et l'étudier. Et
28:23puis il y aura des fouilles, parce que j'ai fait 7 ans de fouilles, mais il y a du travail pour
28:26des dizaines d'archéologues durant des dizaines d'années, donc il y aura d'autres fouilles à
28:29faire dans d'autres endroits. L'archéologie est un travail infini, étant donné que les archives
28:35du sol sont infinies, il y a du travail pour tout le monde et pour de nombreuses années.
28:40J'espère que cet épisode vous a plu, merci à Bastien Verdier pour son écriture et à Stéphane
28:45Rostin pour la relecture et surtout pour avoir accepté de répondre à mes questions sur sa
28:50découverte malgré son agenda bien chargé. N'oubliez pas de vous abonner à la chaîne et
28:54à me suivre sur insta, snapchat, facebook, tiktok, on est absolument partout, même en podcast ! A la
29:00prochaine !

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