• il y a 7 mois
Un cas clinique, une erreur de diagnostic, un patient qui attaque… Qui est responsable ? Comment se défendre ? Et qui paye ?

Nos experts mènent l’enquête dans le premier épisode de l’émission « Faites entrer l’assuré(e) » !

Dans cet opus, focus sur la radiologie. Au programme, un cas particulier, certes, mais qui pourrait devenir de plus en plus courant, une erreur diagnostique fictive d’une lésion tumorale causée par un biais d’automatisation d’une IRM assistée d’un outil d’aide par l’IA, et au final, un patient qui en paie les frais.

Notre présentateur, le Pr Matthieu Durand, reçoit :
- l’expertise du Dr Jean-Philippe Masson, radiologue et Président de la FNMR
- les éclairages juridiques de Maître Sylvie Jonas, avocate spécialiste de l’IA,
- l’avis du Pr Morgan Rouprêt, urologue et chef de pôle Branchet,
- celui du Pr Alain Blum, radiologue et chef de pôle Branchet,
- et Perrine Bouvy, Directrice défense et indemnisation Branchet.

Cas clinique, avis d’experts, face à face et débat se succèdent pour lever toutes les interrogations sur cette affaire.

En partenariat avec le Cabinet Branchet.
Transcription
00:00 Bonjour à tous, bienvenue dans cette nouvelle émission digitale "Fait entrer, l'assurer".
00:04 Une émission sur la responsabilité médicale, les risques juridiques, la sinistralité,
00:08 des sujets qui nous préoccupent tous, médecins, chirurgiens,
00:12 à la consultation, au cabinet, à la clinique ou à l'hôpital.
00:15 Je suis le professeur Mathieu Durand et j'ai la chance d'animer cette émission
00:19 pour le cabinet branché et en partenariat avec le journal WhatsApp Doc.
00:22 [Générique]
00:30 Dans cette émission, nous allons parler radiologie.
00:32 C'est la sixième spécialité mise en cause en France tous les ans.
00:37 Il y a environ 4% d'erreurs médicales chaque année.
00:41 Et l'erreur la plus fréquente porte sur le diagnostic dans 60% des cas.
00:44 Alors, qui est responsable à une époque où des outils complémentaires
00:49 d'aide au diagnostic viennent apporter un complément au radiologue ?
00:53 Est-ce le radiologue ? Est-ce l'outil ? Est-ce la clinique ? L'hôpital ?
00:58 C'est justement ce sujet que nous allons traiter ce soir sur le cas que je vais vous présenter.
01:03 [Générique]
01:05 Le cas clinique dont on va parler ce soir est celui d'un patient
01:09 que peut-être vous avez déjà rencontré à la consultation.
01:12 Il s'agit d'un patient d'une quarantaine d'années suivi pour masse rénale suspecte
01:16 avec un contrôle vers son urologue et son radiologue de manière annuelle.
01:20 Il s'agit de kystes bénins jusqu'ici.
01:23 Cette année, il s'est orienté vers un nouveau radiologue
01:25 qui bénéficie d'une nouvelle installation d'une IRM avec un outil d'intelligence artificielle
01:31 qui permet d'aider à la détection diagnostique des lésions suspectes.
01:35 L'imagerie a lieu, plusieurs kystes sont identifiés,
01:39 mais un seul kyste semble véritablement suspect de tumeur maligne.
01:43 Après relecture consciencieuse, le radiologue décide de conclure
01:47 qu'il n'existe qu'une lésion suspecte aujourd'hui qui pourrait mériter un traitement.
01:52 Quelques jours plus tard, ce dossier est discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire
01:57 avec l'ensemble des médecins présents, urologues, radiologues et autres thérapeutes.
02:01 La décision collégiale est prise de réaliser un traitement ablatif de cette seule lésion suspecte
02:06 et d'observer une surveillance pour l'ensemble du reste des lésions.
02:10 Le traitement se passe bien, il n'y a pas de complications, l'efficacité semble pleine et entière.
02:15 Mais dans la surveillance, quelques années plus tard,
02:18 on note une progression tumorale de l'ensemble de ce rein
02:21 et l'ensemble des kystes évolue vers une masse volumineuse de carcinome à la cellule claire.
02:28 Il y avait donc une erreur diagnostique.
02:30 Cette erreur a été partagée collégialement et a emporté une décision thérapeutique
02:35 qui n'était peut-être pas la bonne.
02:38 Qui est responsable ?
02:40 Le radiologue ?
02:41 L'urologue ?
02:42 L'intelligence artificielle ?
02:44 C'est ce cas ce soir que nous allons discuter ensemble dans Faites entrer l'assuré.
02:48 Mon premier invité ce soir est le docteur Jean-Philippe Masson.
02:54 Il est radiologue et le président de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues.
02:59 Il exerce à Carcassonne et son témoignage est particulièrement intéressant
03:04 pour le cas juridique qui nous concerne.
03:07 J'ai été le rencontrer chez lui, on l'écoute.
03:11 Les erreurs les plus courantes qu'on observe en radiologie
03:14 dépendent de quelle radiologie on parle.
03:16 Si c'est de la radiologie diagnostique, à ce moment-là ce sont des erreurs d'interprétation
03:21 en fonction des images qu'on voit.
03:22 Si c'est de la radiologie interventionnelle, ça peut être des erreurs de manipulation,
03:27 des erreurs d'utilisation d'équipements spécifiques
03:31 dans le cadre de la radiologie interventionnelle.
03:33 Les erreurs en radiologie interventionnelle
03:38 Les erreurs en radiologie peuvent survenir
03:41 soit au cours de l'interprétation des examens,
03:44 ça peut être aussi des erreurs d'identitovigilance.
03:47 Ça arrive quelquefois qu'on se trompe de patient
03:49 ou que le patient répond quand on l'appelle alors que ce n'est pas lui.
03:54 Et puis sinon on peut observer aussi ces erreurs en fin de vacation,
03:58 quand on a une journée très chargée et qu'à ce moment-là
04:01 il y a une espèce de ras-le-bol qui apparaît et qu'on est moins attentif.
04:05 On voit aussi des erreurs qui sont liées à du mauvais matériel.
04:09 Et je pense notamment à un certain nombre de radiologues
04:12 qui font de la téléradiologie un véritable métier
04:16 et qui n'utilisent pas pour faire cette téléradiologie
04:19 les écrans et les appareils qui sont adaptés
04:22 et qui sont réglementairement demandés pour faire de la téléradiologie.
04:26 Les radiologues peuvent éviter ou essayer d'éviter ces erreurs
04:33 à travers l'utilisation de protocoles.
04:35 De protocoles d'organisation, c'est ce qu'on a mis en place à la FNMR
04:39 avec ce qu'on appelle la procédure Label X
04:42 qui permet de labelliser les cabinets de radiologie.
04:45 Il y a effectivement des protocoles qui sont réalisés,
04:48 notamment les manipulateurs savent comment appeler les patients,
04:52 vérifier qu'il s'agit bien d'un tel ou d'un tel en leur demandant leur nom,
04:55 leur prénom, leur date de naissance éventuellement,
04:57 pour essayer de cibler au maximum.
05:02 L'IA que d'aucuns appellent intelligence artificielle
05:06 mais que moi je préfère appeler intelligence augmentée
05:08 est peu répandue en pratique libérale.
05:11 Il y a peu de logiciels qui fonctionnent,
05:14 c'est des outils diagnostiques en réalité
05:16 qui vont plutôt être des outils qu'on va utiliser
05:18 pour les détections de fractures en matière osseuse.
05:21 Il va y avoir des outils qui vont servir dans le scanner
05:24 pour détecter les polypintra coliques,
05:27 pour dépister les nodules pulmonaires,
05:29 oui, ça, ça va arriver vraiment.
05:32 Les outils d'intelligence artificielle qui existent actuellement,
05:35 ils ont tous un petit défaut,
05:36 c'est-à-dire qu'ils sont un peu trop pessimistes,
05:38 c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas se permettre de passer à côté de quelque chose,
05:42 donc ils génèrent un peu trop de faux positifs.
05:44 L'autre risque, c'est que le radiologue
05:46 se repose totalement sur cet outil.
05:48 Et ça, ce serait une grossière erreur
05:51 parce que le radiologue est responsable du compte-rendu
05:55 qu'il écrit et qu'il signe.
05:57 Il est évident que le radiologue,
05:59 si il se trompe dans son interprétation,
06:01 ça va induire un mauvais diagnostic.
06:03 Et donc, il va y avoir effectivement une erreur
06:06 qui peut déboucher,
06:07 peut-être pas sur des catastrophes,
06:09 mais en tout cas sur des problèmes pour le patient.
06:11 Il a sa pleine responsabilité, le radiologue, c'est sûr,
06:14 mais souvent, c'est une responsabilité qui est partagée
06:18 avec les autres médecins qui ont pris en charge le patient.
06:20 Le cas qui a été choisi,
06:25 c'est le cas de la maladie de l'hépatite,
06:27 c'est le cas d'un outil d'intelligence artificielle
06:31 qui servirait à diagnostiquer les tumeurs du rein à cellules claires.
06:34 Moi, je serais le radiologue qui utilise ça,
06:37 je ne ferais pas confiance au logiciel.
06:40 Je ne ferais pas confiance au logiciel
06:41 parce que le diagnostic histologique
06:44 et tumeur à cellules claires,
06:46 c'est forcément un diagnostic histologique
06:48 qui ne peut être affirmé que par une biopsie.
06:51 La biopsie, c'est du ressort du radiologue.
06:53 Il le fait sous contrôle scanner, c'est très courant,
06:56 il n'y a pas de problème.
06:57 En revanche, faire confiance à 100%
06:59 à un logiciel d'intelligence artificielle, non.
07:02 Pour n'importe quoi,
07:03 que ce soit pour un diagnostic de tumeur à cellules claires
07:05 ou pour que ce soit un diagnostic de fracture du calcanéum,
07:08 peu importe.
07:09 C'est le radiologue qui signe le compte-rendu,
07:11 donc c'est lui qui est responsable.
07:12 Je ne connais pas d'outil informatique
07:14 qui soit fiable à 100%.
07:15 Ça arrivera peut-être, c'est possible,
07:18 mais même si ça arrive,
07:20 et s'il y a une erreur, qui est responsable ?
07:22 Est-ce que c'est le radiologue ?
07:23 Est-ce que c'est le concepteur du logiciel ?
07:26 Est-ce que c'est le manipulateur, par exemple,
07:28 qui a lancé le logiciel pour faire les calculs ?
07:32 Je ne sais pas.
07:32 Mais de toute façon,
07:34 in fine, ce sera forcément le radiologue
07:36 parce que c'est lui qui signe le compte-rendu.
07:37 Bienvenue à tous.
07:41 Je suis très heureux de vous retrouver ce soir
07:42 pour prolonger ce débat sur ce cas juridique
07:45 que nous avons déjà présenté.
07:47 Je suis accompagné de Maître Jonas,
07:48 Professeur Blum, Professeur Roupret
07:51 et puis Madame Bouvi.
07:54 Nous allons discuter ce soir de cette situation
07:57 de mise en cause,
07:59 de doute sur la responsabilité juridique
08:02 de ce cas si particulier,
08:04 peut-être d'erreur diagnostique.
08:06 Alors, justement,
08:08 Professeur Blum,
08:09 les erreurs en radiologie,
08:11 on a vu que c'était quand même un peu fréquent,
08:14 est-ce qu'elles arrivent à différents moments
08:15 ou c'est toujours au même moment ?
08:17 Vous avez raison de le souligner,
08:18 elles peuvent arriver à tout moment
08:19 entre le début de l'examen,
08:23 qui consiste en fait à prendre connaissance
08:24 de la demande de l'examen
08:26 qui n'est peut-être pas complète,
08:27 l'analyse des données antérieures
08:29 qui n'est peut-être pas suffisante,
08:31 la protocolisation de l'examen
08:32 qui n'est peut-être pas adaptée,
08:34 l'analyse des images,
08:36 on voit que c'est juste une étape,
08:38 l'élaboration du compte-rendu
08:39 et la vérification que les informations importantes
08:43 atteignent bien le correspondant
08:44 qui prend en charge le patient.
08:46 Et la chaîne d'erreur peut être vraiment sévère,
08:50 délétère pour la prise en charge du patient
08:52 si on ne cherche pas à corriger,
08:54 à vérifier chacune de ces étapes.
08:56 Dans le cas d'espèce,
08:58 on a l'impression que l'erreur en tout cas
09:00 se concentre autour du diagnostic.
09:02 Est-ce qu'il existe différents types
09:04 d'erreurs diagnostiques ?
09:06 Il y a deux types d'erreurs diagnostiques,
09:09 les erreurs de perception,
09:10 où on méconnaît la lésion,
09:13 et les erreurs d'analyse.
09:14 En l'occurrence, il s'agit d'une erreur d'analyse
09:17 puisque les petites lésions
09:19 ont vraisemblablement été identifiées,
09:21 mais on ne leur a pas accordé
09:23 l'importance qu'elles méritaient,
09:25 et par conséquent,
09:27 la prise en charge a été déficiente.
09:30 Est-ce qu'il y a des situations
09:32 qui sont plus favorables
09:33 à la survenue de ces erreurs ?
09:35 Les conditions de travail bien évidemment
09:37 interviennent de façon considérable,
09:38 la charge de travail,
09:39 les éléments disruptifs,
09:41 les éléments qui nous dérangent dans le travail,
09:43 mais également le protocole.
09:44 Et jusqu'à présent, on s'est peu attaché
09:46 à la qualité des protocoles d'examen,
09:49 mais un protocole déficient
09:51 peut aboutir à la méconnaissance d'une lésion
09:54 et faire mettre en cause le radiologue
09:56 qui n'aurait pas fait l'examen adéquat.
09:58 La mise à cause, on va revoir.
09:59 En tout cas, là, le patient
10:01 sort avec un diagnostic d'une lésion suspecte
10:05 et en collégialité,
10:06 quelques jours plus tard, en RCP,
10:08 avec plusieurs confrères,
10:10 dont des urologues,
10:13 on décide de faire confiance.
10:14 Alors, du coup, je m'interroge,
10:16 professeur Rouperet,
10:18 en RCP, à cet instant-là,
10:20 comment est-ce que l'on peut être sûr ou pas sûr
10:23 du diagnostic qui est apporté
10:25 par un radiologue qui, en plus,
10:27 est appuyé d'un outil d'intelligence artificielle ?
10:29 On reviendra juste après.
10:30 Alors, on est sur des pathologies rénales
10:32 qu'on évoque ici,
10:33 et dans la sphère de l'onco-urologie,
10:35 parfois la prostate ou la vessie,
10:36 on peut avoir des signes cliniques.
10:37 Là, l'examen clinique n'est pas très contributif.
10:40 Donc, l'arsenal thérapeutique qui va être déployé
10:42 va être surtout basé sur la décision de l'imagerie.
10:46 Et donc, il va y avoir une influence profonde
10:49 de l'imagerie qui va être déployée
10:50 dans la réunion de concertation pluridisciplinaire,
10:53 sachant que les radiothérapeutes,
10:55 qui la plupart du temps participent,
10:56 les médecins oncologues,
10:57 si c'est une maladie localisée,
10:59 vont se sentir un peu exclues de la conversation,
11:02 puisque là, ce sont plutôt les chirurgiens
11:04 ou éventuellement la radiologie interventionnelle
11:06 qui peut revenir,
11:07 puisqu'on a des moyens de traitement
11:08 qui se discutent.
11:10 Il faut savoir qu'on parle d'un cas de patient
11:13 qui n'était pas candidat à la chirurgie
11:15 et qui le deviendrait potentiellement.
11:18 Et donc, là, on passe sur un aiguillage
11:21 comme si on était sur une voie de chemin de fer
11:22 qui est complètement différent,
11:23 parce qu'on prend une route
11:24 qui est largement influencée
11:26 par le déploiement de l'imagerie.
11:28 Et les cliniciens, dans la RCP,
11:30 finalement, sont en cogénégalité,
11:32 mais ne connaissent pas le patient,
11:33 ils ne connaissent pas son passé,
11:35 puisqu'il est présenté de façon quasi anonymisée.
11:38 Et donc, c'est vraiment le pilier de la décision,
11:41 ça va être ces images qui vont être déployées.
11:43 Et donc, les cliniciens ne sont peut-être pas
11:45 aussi au courant qu'il y a eu l'aide
11:47 d'un outil d'IA dans le cabinet
11:49 qui est parfois pas situé dans la structure de soins
11:52 où le patient est susceptible d'être opéré.
11:54 Professeur Blum, ça veut dire quand même
11:55 que le radiologue, là,
11:58 sa conclusion, elle va être lourde,
12:01 potentiellement de conséquences.
12:04 Et d'autre part, ça veut dire qu'il doit
12:06 nécessairement dire qu'il a été aidé
12:09 ou assisté d'un outil d'intelligence artificielle.
12:13 Alors, il doit indiquer qu'il utilise
12:15 un outil d'intelligence artificielle.
12:16 Il doit absolument l'indiquer.
12:18 Mais on considère, dans la majorité des cas,
12:21 que quel que soit le résultat obtenu par l'IA,
12:24 le radiologue reste seul responsable de la décision.
12:28 On pourrait avoir une position inverse
12:29 en disant que l'éditeur de l'outil d'IA
12:33 doit, comme pour tout dispositif médical,
12:35 vérifier que le radiologue a bien été formé
12:38 et qu'il connaît les biais d'utilisation de cet outil,
12:41 notamment les biais d'automatisation.
12:43 On pourrait également mettre en cause
12:44 la structure du radiologue,
12:46 puisqu'elle a également une obligation
12:47 de formation et d'encadrement du personnel.
12:50 Mais dans la majorité des cas,
12:52 on manque de jurisprudence,
12:53 mais dans la majorité des cas,
12:54 on considère que le radiologue est le seul responsable.
12:57 Alors, ADD pour sa défense, c'est un sujet complexe.
13:00 Dès lors qu'il y a une RCP,
13:02 on pourrait aussi imaginer qu'il y ait
13:03 un radiologue qui participe à cette RCP.
13:06 Et puis enfin, le médecin qui prend en charge le patient,
13:10 après la RCP, est lui responsable
13:13 de la décision de prise en charge.
13:15 Et dans la mesure où c'est un neurologue,
13:17 il est censé aussi avoir les compétences de lecture
13:19 d'un bilan d'imagerie d'un cancer du rein.
13:23 On a bien compris qu'il y avait un sujet
13:24 quand même de co-responsabilité dans le cas d'espèce.
13:27 Et j'ai entendu qu'il y avait de la jurisprudence sur ce sujet.
13:31 Alors, du coup, Maître Jonas,
13:34 vous, quel est votre point de vue
13:37 pour justement faire état de jurisprudence sur ce sujet-là
13:42 et pour avoir plus d'assurance dans les décisions à prendre ?
13:46 Alors, sur l'IA en tant que tel,
13:48 il y a assez peu de cas de jurisprudence.
13:50 Les tribunaux n'ont pas encore eu à se prononcer beaucoup sur ces cas.
13:54 En tout cas, je rejoins complètement l'exposé du professeur Blum
13:57 sur les acteurs qui peuvent être mis en cause.
14:01 Potentiellement, on pourrait être sur un diagnostic
14:04 qui a été dirigé de façon erronée
14:07 par l'outil d'intelligence artificielle.
14:09 Dans ce cas, la faute du praticien,
14:13 si la faute devait être qualifiée,
14:16 pourrait être écartée si l'IA a conduit
14:19 de façon évidente à un diagnostic erroné
14:25 où il n'y avait pas de doute par rapport à ce que disait l'IA.
14:29 Là, je ne crois pas que ce soit le cas dans notre espèce.
14:32 Et en fait, on a une jurisprudence qui nous dit
14:35 qu'un praticien ne doit pas suivre les yeux fermés,
14:38 ce que lui indique l'outil d'intelligence artificielle.
14:40 Sa faute ne sera pas écartée en ce cas-là
14:42 et il sera considéré comme responsable si faute il y a eu.
14:45 Je vous arrête juste un instant.
14:47 C'est difficile parce qu'avec l'évolution technologique,
14:49 on a de plus en plus d'appui,
14:51 d'appui d'aide à la décision, d'aide thérapeutique.
14:53 On a quand même tendance à se laisser peut-être influencer,
14:59 peut-être, ou à faire trop confiance à un outil technologique.
15:03 J'ai entendu tout à l'heure qu'il faudrait que l'on sache
15:06 quel est l'algorithme qui est au cœur de cette IA,
15:10 mais je ne connais pas à ma connaissance
15:12 de présentation comme il en existe pour les molécules,
15:16 par exemple, d'un vendeur d'outils d'intelligence artificielle
15:18 qui viendrait expliquer ce qu'il y a à l'intérieur de la machine.
15:20 Or, j'ai l'impression que c'est un petit peu
15:22 ce que vous recommanderiez qu'il soit.
15:23 Ce n'est pas ce qu'on recommande, c'est ce que la loi prescrit.
15:26 Puisque c'est un article du Code de la santé publique
15:29 qui dit explicitement que les concepteurs d'un traitement algorithmique,
15:32 c'est vraiment derrière de l'intelligence artificielle,
15:36 assurent l'explicabilité de son fonctionnement pour les utilisateurs.
15:40 Donc, il y a une obligation d'apporter une information claire,
15:44 notamment sur les données qui sont traitées,
15:46 pour que le praticien puisse savoir,
15:49 par exemple, si la cohorte de patients
15:53 dont les données sont traitées par l'outil d'intelligence artificielle
15:57 sont, par exemple, de type caucasien,
15:59 que votre patient est de type amérindien.
16:03 Alors, si le praticien a bien compris les données derrière,
16:07 il va modérer le résultat de l'IA par rapport à la typologie de son patient.
16:13 OK.
16:13 Donc, c'est quelque chose qui est important,
16:15 parce qu'avant, on avait des outils de prédiction,
16:17 notamment des nomogrammes qui étaient construits sur des bases de données
16:20 qui nous aidaient à exposer la capacité de récidive
16:23 ou de progression d'une maladie.
16:25 Mais là, on est sur le traitement de princeps,
16:27 qui va influencer soit le bénéfice carcinologique,
16:31 soit l'impact fonctionnel de la perte du rein.
16:33 On peut tout à fait imaginer que ce ou cette patient soit guéri,
16:37 mais qu'elle se retrouve dialysée,
16:38 et que donc on puisse être accusé à tort
16:41 d'avoir fait un traitement trop exhaustif,
16:43 avec une exérèse massive,
16:45 et une détérioration de la qualité de vie derrière,
16:47 alors qu'elle a été guérie du cancer.
16:48 Donc, là, là-dessus, on est dans une triangulation qui est quand même complexe,
16:51 parce qu'effectivement, un certain nombre d'outils
16:53 viennent s'insérer dans le parcours de soins
16:55 qu'on pourrait considérer être, initialement, comme des gadgets,
16:58 et qui viennent s'incorporer,
17:00 et qui deviennent de plus en plus robustes et sérieux.
17:02 On voit les imprimantes 3D qui arrivent
17:04 pour la disposition des tumeurs et des vaisseaux,
17:07 pour l'acte technique.
17:09 On voit l'apport majeur du radiologue à la RCP, etc.
17:13 Donc, c'est vrai que sur cette...
17:16 On va être dans un monde en perpétuelle évolution,
17:18 et peut-être que le débat qu'on a ce soir
17:19 sera complètement antédiluvien d'ici quelques mois,
17:22 il faudra qu'on le refasse.
17:23 En tout cas, je vous interroge,
17:26 parce que, est-ce que sur le terrain,
17:28 vous avez déjà eu des représentants qui proposaient un outil,
17:31 un dispositif médical,
17:33 qui vous expliquait, précisément, comme une étude clinique,
17:37 la cohorte avec laquelle avait été fait le test d'IA,
17:40 et la raison, du coup, pour laquelle, avec la probabilité de risque,
17:43 vous pourriez utiliser cela ?
17:44 Est-ce que c'est déjà arrivé au quotidien ?
17:46 La boîte noire reste une boîte noire, c'est bien évident,
17:50 mais je pense qu'aujourd'hui, les éditeurs d'outils
17:53 ont l'honnêteté de dire que ce n'est pas du 100%,
17:57 ni en sensibilité, ni en spécificité,
18:00 ni en caractérisation, ni dans tous les autres aspects des outils d'IA,
18:04 ils présentent clairement les limitations.
18:06 Ils sont dans l'obligation, comme cela vient d'être dit, de le faire.
18:09 Donc les éditeurs, oui,
18:10 mais est-ce que les médecins sont prêts à comprendre,
18:14 même ce vocabulaire peut-être,
18:16 d'algorithmes qui n'étaient pas le leur initialement
18:19 et que peut-être ils ne pourraient ne pas comprendre ?
18:21 Peut-être les cliniciens purs vont avoir du mal,
18:24 mais les universitaires sont sensibilisés à ça,
18:26 puisque pendant des années, on a eu des cortes d'initiation de l'outil,
18:29 puis des cortes dites de validation, des cortes externes,
18:32 et donc on est tous un petit peu méfiants,
18:34 parce que la littérature, évidemment, de ce point de vue-là, est prolixion.
18:38 Encore faut-il, comme vous le soulignez,
18:40 avoir la curiosité d'aller chercher ces informations,
18:43 qui ne sont pas toujours apparentes,
18:44 comme la tête dans le guidon, comme on l'évoquait tout à l'heure,
18:46 avec une file active de malade qui est totalement exhaustive.
18:49 On évoquait que la patiente en question
18:51 était peut-être allée dans un cabinet extérieur au centre de soins.
18:54 Donc voilà, cette culture de l'expertise,
18:57 j'allais dire de la validation scientifique,
18:59 on ne parle même pas d'expertise médico-légale,
19:01 tout le monde ne la véhicule pas au quotidien,
19:04 ou n'a pas le temps surtout de l'incorporer dans sa pratique.
19:07 Donc il faut, pour un message en tout cas,
19:10 c'est que que ce soit une molécule finalement,
19:12 ou que ce soit une intelligence artificielle,
19:15 sa validation scientifique, les principes et les rouages restent les mêmes,
19:19 et la méfiance repose,
19:21 et la connaissance de son mécanisme doit être acquise par son utilisateur.
19:26 Du côté de chez Branchet, du côté assurance,
19:30 est-ce que du coup c'est un peu une évolution quand même
19:34 des habilitudes et des responsabilités peut-être ?
19:36 Est-ce que du coup le cabinet Branchet est prêt à faire face
19:41 à sans doute cette nouvelle vague de mise en responsabilité
19:45 qui va peut-être survenir ?
19:46 Oui c'est vrai que pour l'instant c'est assez faible,
19:48 on a très très peu de mise en cause avec cette problématique,
19:52 mais comme on sait que c'est le praticien qui va être responsable
19:55 en cas de mise en cause,
19:56 évidemment pour le défendre on fera tout pour essayer de dire
19:59 qu'il n'y a pas de perte de chance pour le patient,
20:01 on va aller sur le terrain du lien de causalité.
20:05 Voilà, justement en défense,
20:06 quels sont les axes en défense sur lesquels on s'appuie ?
20:09 Ce sera vu avec l'avocat et le médecin conseil qui seront présents en expertise,
20:13 mais je pense qu'il faut aller,
20:15 s'il y a une faute qui est retenue à l'encontre du radiologue,
20:18 c'est peut-être d'essayer de dire que ça n'a pas constitué
20:21 de perte de chance pour le patient,
20:22 c'est-à-dire qu'il n'y a pas de lien avec le dommage par exemple,
20:24 ça peut être un axe de défense,
20:26 bien qu'une erreur soit reconnue,
20:29 ou alors essayer de l'exonérer totalement de responsabilité,
20:31 ou alors essayer de diminuer le taux de perte de chance au maximum,
20:34 puisque c'est l'expert qui va décider du taux de perte de chance
20:37 et après le juge en général suit les rapports d'expertise,
20:41 bien qu'ils ne soient pas liés,
20:42 mais si l'expert dit 50% dans le rapport d'expertise,
20:45 c'est peut-être pendant l'expertise essayer d'obtenir 20%
20:49 pour diminuer après le quantum des préjudices.
20:52 Donc il y a tout un travail à adapter...
20:54 Sur la responsabilité et ensuite sur l'évaluation des préjudices.
20:57 Entendu. Un commentaire ?
20:59 Le premier travail c'est sûr de caractériser la faute,
21:02 et ça c'est la première étape,
21:05 et dans notre cas c'est complexe parce que la faute peut être multisource,
21:09 donc il va falloir aller rechercher,
21:12 et donc la preuve est difficile à apporter.
21:14 Là on va dans un régime d'allègement de la preuve pour la victime,
21:17 c'est un projet de directive qui n'a pas encore été adopté,
21:21 mais l'idée quelque part du législateur c'est de dire,
21:25 on est dans un monde complexe, multi-intervenant, multi-outils,
21:29 donc on va faciliter la tâche de la victime
21:31 et faciliter la preuve qu'elle a apportée.
21:34 Donc le rôle pour les assureurs, pour les avocats et les experts,
21:39 ça va être de dire, reprenons, serrions les causes,
21:43 la source de la faute potentielle,
21:45 est-ce que c'est le praticien dans son diagnostic,
21:47 est-ce que c'est l'outil d'IA parce qu'il a été alimenté par des données erronées,
21:52 parce qu'il a été mis sur le marché avec un défaut de conception à la base,
21:56 on a quand même une responsabilité sans faute pour défaut des produits,
22:02 que ce soit de façon générale ou spécifique aux dispositifs médicaux,
22:06 et ensuite une fois que la faute est qualifiée,
22:08 on va aller notamment sur la perte de chance.
22:11 Tout à fait, la démarche est vraiment celle qui se pratique.
22:15 Alors moi j'ai une question,
22:16 c'est que je vous entends parler de l'IA
22:20 et de ce que cela a induit dans le cas qui était présent ce soir,
22:24 mais est-ce que du coup l'IA n'est pas parfois révélateur
22:28 d'un biais cognitif sous-jacent
22:33 qui peut-être est dû à un manque de connaissance,
22:39 de lecture du radiologue ?
22:43 Alors la question est piège en fait, mais c'est une très bonne question.
22:48 Si les radiologues adoptent aujourd'hui un outil d'IA,
22:51 c'est parce qu'ils sont persuadés que ces outils sont fiables,
22:55 leur feront gagner du temps et qu'ils réduiront le risque d'erreur,
23:00 et que financièrement ils sont valides.
23:05 En fait il y a toute une chaîne de validation de ces outils d'IA
23:08 pour qu'ils puissent être adoptés par la profession.
23:11 Dans la pratique quotidienne,
23:15 si on adopte cet outil d'IA et qu'on lui fait confiance,
23:18 le risque c'est effectivement un biais cognitif,
23:21 un biais d'automatisation qui fait qu'on lui accorde une confiance anormalement élevée.
23:26 Et on sait que ce biais existe de façon plus prononcée
23:30 lorsque la charge de travail devient excessive,
23:33 ou lorsque l'on a affaire à un domaine qu'on ne maîtrise pas bien,
23:37 ou que l'on est un jeune radiologue.
23:39 Donc c'est un risque potentiel qui doit être connu
23:43 et dont les éditeurs d'outils doivent nous informer,
23:48 ils doivent clairement exprimer ce risque-là.
23:50 Je suis tout à fait d'accord avec le professeur Blum,
23:53 surtout qu'il y a quand même un grand principe cardinal
23:55 qui est le premier qu'on n'a pas rappelé,
23:57 c'est le principe d'indépendance,
23:58 et que le diagnostic est aujourd'hui toujours celui du praticien.
24:03 Alors j'en reviens maintenant pour conclure sur votre avis
24:07 sur ce cas singulier qu'on a présenté.
24:10 Alors je fais un tour de table.
24:13 Maître Jonas, quelle est la responsabilité
24:17 que vous imagineriez dans un tel cas ?
24:21 Alors c'est difficile et je mets un petit disclosure.
24:25 Et ma responsabilité ne sera pas engagée.
24:28 Mais dans votre cas, vous avez deux temporalités.
24:31 En fait, un temps premier et un temps deux.
24:33 Il y a eu une collégialité dans le temps un.
24:36 On voit bien que le diagnostic a été posé
24:40 et que l'IA était en support et n'a pas été décidé par l'IA.
24:44 Et il ne me semble pas, sur le temps un,
24:46 qu'une faute puisse être caractérisée à l'égard d'un praticien.
24:50 Je le vois plutôt comme ça.
24:53 Et votre avis, alors, Madame Boubili ?
24:57 C'est vrai que c'est difficile.
24:58 Après, c'est l'expert qui déterminera les responsabilités.
25:01 Mais s'il y a une erreur diagnostique,
25:04 donc si l'IA est un support et que le praticien a sa responsabilité,
25:08 pour moi, il pourrait être responsable pour une erreur diagnostique.
25:11 Monsieur Ropin ?
25:12 Moi, j'en viens aux bases des sociétés savantes.
25:14 C'est-à-dire qu'il y a plusieurs traitements pour une même tatalogie
25:17 avec des niveaux de preuves qui sont différents.
25:18 Et on peut entendre qu'une effrectomie,
25:20 ou qu'une chirurgie partielle, ou qu'un traitement ablatif
25:23 soient recevables dans les cas.
25:24 Donc l'expertise et l'expert qui sera impliqué.
25:27 Et là, on revient à la responsabilité de brancher,
25:29 de se constituer un groupe d'experts dédiés sur les disciplines.
25:33 Donc je crois que c'est très important.
25:35 L'autre point derrière, c'est que cet outil de décision n'est qu'un outil.
25:41 Et parfois, on utilise plusieurs imageries pour une même pathologie.
25:44 On peut avoir un scanner et une IRM.
25:48 Et donc se dire, peut-être s'il y a un doute, etc.
25:49 Ne pas hésiter à être un petit peu redondant.
25:53 Parce que sur les tumeurs kystiques,
25:55 on voit très bien que l'IRM est parfois plus contributive que le scanner.
25:58 Et donc les classifications qu'on utilise parfois de bosniaque
26:01 ne s'appliquent pas au scanner ou à l'IRM.
26:03 Et donc il y a parfois des abus de langage sans lien.
26:06 Donc il faut vraiment ne pas hésiter en cas de doute
26:09 à s'adresser à la RCP de recours.
26:11 Il faut bien voir aussi la cause pour le patient,
26:13 enfin la conséquence plutôt.
26:15 Parce que s'il y a une perte de chance,
26:18 c'est vraiment le plus important.
26:20 Et puis le patient va influencer la décision.
26:22 Si on lui a mis le doute, le patient, il vit avec une épée de Damoclès.
26:25 Et à un moment où il a lu son compte-rendu,
26:27 il va aussi sur Google et il se dit
26:29 "Tiens, j'étais en surveillance active,
26:31 on me dit que ça s'acutise,
26:33 on m'a dit que ma maladie devenait plus agressive,
26:35 moi je souhaite potentiellement sortir du protocole de surveillance active".
26:39 - Professeur Blanc, un mot ?
26:40 - Moi je pense qu'en l'occurrence, le radiologue n'a pas grand-chose à craindre.
26:43 Dans ce cas présent.
26:46 Parce qu'il n'est pas dit que le radiologue seul
26:49 aurait fait moins bien ou mieux ou différemment
26:51 en n'utilisant pas l'IA.
26:53 Peut-être qu'il n'y avait aucun moyen de caractériser ces petites lésions.
26:57 Deuxièmement, je pense que la RCP en l'occurrence
26:59 aurait recommandé la réalisation d'autres examens,
27:02 d'une IRM ou en tout cas d'une surveillance régulière.
27:04 Et donc au bout du compte, il n'y aurait pas eu de perte de chance.
27:08 Donc le préjudice serait peut-être limité à une double intervention
27:11 si on n'avait pas fait les choses dans le bon ordre.
27:14 Mais il n'y aura pas eu de perte de chance en termes de survie.
27:16 - Pas de conséquences majeures pour l'autre.
27:19 - Très bien, je vous remercie pour ce débat.
27:21 Nous allons poursuivre avec un face à face avec notre juriste.
27:24 Perrine Bouvier, vous êtes directrice de la Défense
27:29 et des Indemnisations chez Branchet.
27:32 On a entendu le débat, on a entendu les avis des uns et des autres.
27:34 On a entendu votre avis.
27:36 Et in fine, on voit qu'il y a un sujet de co-responsabilité possible.
27:40 Moi, ce que je me demande, c'est finalement,
27:42 quand on utilise un outil d'IA,
27:44 est-ce que cela peut affranchir la responsabilité du radiologue ?
27:48 - Pour moi, la responsabilité est individuelle.
27:50 Donc, c'est simplement un support.
27:54 Mais il conserve une responsabilité qui lui est personnelle.
27:58 Donc, pour le radiologue, on sera toujours sur le même principe.
28:02 La faute, le préjudice et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
28:07 - Alors, j'en reviens à notre cas.
28:09 Il lui arrive cette situation.
28:11 Il est, en tout cas, intéressé par cette mise en cause.
28:15 Il est inquiet dans son cabinet.
28:16 Il apprend cette information.
28:18 Qu'est-ce qu'il fait concrètement ?
28:19 Il vous appelle ?
28:21 - Donc, il y a plusieurs types de mise en cause.
28:22 Donc, oui, il nous appelle dans tous les cas, c'est sûr.
28:26 - Donc, il a un numéro, il vous appelle, il vous avoue ?
28:28 - Oui, oui.
28:29 Enfin, moi ou quelqu'un du service.
28:32 Donc, une juriste qui est spécialisée en droits médicaux
28:35 et qui va suivre le dossier du début à la fin.
28:37 Donc, c'est ce qui est bien.
28:37 On a un seul interlocuteur.
28:39 - Donc, on met à la place du médecin, comme tous les autres médecins.
28:41 Moi, je me dis, celui qui va me défendre le mieux, c'est un avocat.
28:45 Ce n'est pas un avocat que j'ai directement au téléphone ?
28:47 - Non, pas tout de suite.
28:48 Au niveau du service, ce sera la juriste qui donne tous les conseils.
28:52 Puisqu'on est habitué, on gère des mises en cause toute l'année.
28:57 Et si, évidemment, il y a une procédure comme un référé ou une CCI,
29:00 c'est nous qui missionnons l'avocat.
29:03 Donc, il y a un avocat spécialisé et également un médecin conseil
29:05 de la spécialité du praticien, donc un radiologue en l'occurrence.
29:09 Et parfois même d'autres praticiens d'une spécialité complémentaire,
29:12 si besoin, pour vraiment avoir la meilleure équipe de défense en expertise.
29:17 - Il y a une procédure, d'accord ?
29:19 - En référé, par exemple ?
29:21 - Par exemple, en référé.
29:22 Qu'est-ce qui se passe ?
29:22 - Alors, judiciaire, c'est une assignation par huissier,
29:25 donc ce n'est pas toujours agréable, pour recevoir l'huissier au cabinet,
29:28 qui vous délivre un acte.
29:30 Donc là, bien sûr, il ne faut surtout pas le mettre dans le tiroir.
29:34 Il faut le déclarer le plus rapidement possible à l'assureur, évidemment.
29:37 Et là, on va missionner un avocat puisqu'il y a une date d'audience sur l'acte.
29:42 Donc il faut bien déclarer avant la date d'audience.
29:45 L'avocat, ensuite, dépose des conclusions en référé.
29:50 On ne se pose pas la mesure d'expertise.
29:51 C'est le cas le plus classique.
29:55 Parfois, il y a des demandes de provision.
29:57 - Est-ce que ça veut dire que le radiologue, du coup,
30:00 on a bien compris qu'il était très entouré,
30:02 mais du coup, il va quand même avoir du temps à passer
30:06 pour la gestion de ce cas juridique ?
30:08 Ça veut dire qu'il arrête son exercice ?
30:10 Non, il continue ?
30:11 - Non, du temps, évidemment, parce qu'il y a le dossier à constituer
30:13 qu'il faut transmettre à notre service médical
30:16 pour qu'ensuite les pièces puissent être triées par le médecin expert
30:19 pour envoi à l'expert judiciaire ou CCI.
30:23 Donc ça, c'est toute l'expertise contradictoire
30:25 puisque toutes les parties viennent avec l'avocat, le médecin conseil,
30:30 et c'est un débat qui se crée autour de cette expertise.
30:33 Et ce qui est très important, c'est là que tout se joue.
30:35 Donc on demande à nos assurés d'être présents à l'expertise,
30:38 de collaborer à la défense, puisque l'expert va avoir des questions très précises.
30:42 Donc bien sûr, il y a l'équipe de défense pour l'aider dans les réponses à apporter,
30:46 mais c'est lui qui était présent et qui doit répondre de ce qui s'est passé.
30:49 - Physiquement, cette expertise, elle a lieu où ?
30:52 - Au cabinet de l'expert.
30:53 - D'accord, elle n'a pas lieu au tribunal ?
30:55 - Non, non, non.
30:55 - OK, elle a lieu au cabinet de l'expert.
30:57 Ici, dans notre cas, il y avait un outil d'intelligence artificielle.
31:01 Du coup, c'est peut-être le radiologue qui est mis en cause,
31:03 mais c'est peut-être aussi, on l'a vu tout à l'heure, le constructeur de l'outil.
31:06 Alors du coup, chez l'expert, il y a aussi...
31:08 - Oui, s'il est mis en cause, si le patient a décidé de mettre en cause,
31:11 nous, on peut très bien aussi décider de faire une...
31:14 de procéder à une mise en cause secondaire, par exemple.
31:17 Voilà, donc là, toutes les parties viennent avec le patient aussi,
31:20 avec son avocat, son médecin, voilà.
31:23 - Et le dénouement de cet instant-là ?
31:24 - Alors le dénouement, c'est en référé, donc il y a en général un pré-rapport d'expertise
31:28 qui permet aux parties ensuite de pouvoir établir des dires.
31:31 Donc ce sont des commentaires, en fait, aux experts,
31:34 qui sont rédigés par les avocats ou parfois par nos médecins-conseils,
31:37 pour essayer de défendre le cas et contester, par exemple,
31:40 s'il y a une responsabilité retenue pendant l'expertise,
31:43 ou si au pré-rapport, on voit qu'il y a une responsabilité susceptible d'être engagée,
31:46 on peut envoyer des dires à l'expert avant qu'il ne dépose son rapport définitif
31:50 aux grèves du tribunal.
31:52 - OK.
31:53 - Une fois que le rapport définitif est déposé, la procédure de référé est terminée,
31:57 donc c'est assez court, ça peut être un an, un an et demi,
31:59 tout dépend des cas, parfois un peu plus.
32:01 Et ensuite, il y a plusieurs étapes, soit on a un rapport d'expertise favorable,
32:06 donc nous, on décide évidemment d'en rester là,
32:08 mais c'est le patient qui, lui, peut ne pas s'en contenter
32:11 et il peut assigner au fond.
32:13 Donc là, on part pour une longue procédure de trois ans,
32:15 où ce sont les avocats, en fait, qui déposent des conclusions.
32:18 C'est un échange de conclusions entre avocats,
32:20 et à la fin, c'est plaidé par notre avocat,
32:22 donc qui, lui, se déplace au tribunal, mais pas le praticien.
32:25 Et ensuite, le juge rend sa décision,
32:28 ou alors on a le cas de figure d'un rapport d'expertise défavorable
32:31 où nos médecins conseils estiment aussi
32:34 qu'on va avoir du mal à contester la responsabilité.
32:37 Donc là, on se dit qu'il y a une option possible,
32:39 c'est la transaction à l'amiable.
32:40 Donc c'est-à-dire qu'on a quand même passé l'étape
32:42 de l'expertise judiciaire où on défend le dossier.
32:45 Finalement, il y a une responsabilité retenue,
32:46 et là, on se dit, l'option transaction,
32:48 donc toujours, on échange quand même avec l'assuré,
32:52 on le prévient, enfin, c'est toujours en collaboration avec lui,
32:55 il est au courant de différentes étapes.
32:57 – En collaboration, ça veut dire sollicitation quand même ?
32:59 – Oui, enfin, on lui parle.
33:01 – Constitution du dossier ?
33:02 – Oui, des observations, on le tient informé
33:05 si on envisage une transaction par exemple.
33:07 Alors après, la transaction, évidemment,
33:08 le patient peut avoir des prétentions excessives
33:10 et on ne trouve pas forcément d'accord.
33:12 Donc il y a une négociation qui se fait entre les parties.
33:15 Donc s'il y a un accord, il y a un protocole d'accord transactionnel
33:17 qui est rédigé et ensuite l'indemnité est versée.
33:21 Et si on ne trouve pas d'accord,
33:22 le patient, c'est toujours la même chose,
33:24 il peut décider d'aller au fond,
33:25 donc il y a une nouvelle procédure avec échange de conclusion
33:28 et c'est le juge qui décidera au final.
33:30 – Juste un dernier mot sur ce point,
33:32 parfois il y a des situations où on a juste peut-être un courrier d'un patient,
33:36 un peu menaçant, et on peut se sentir très isolé dans son cabinet.
33:42 Qu'est-ce qu'on fait ?
33:43 À nouveau on vous appelle ?
33:44 – C'est là qu'il faut nous appeler justement.
33:45 – On ne sait pas s'il y a quelque chose, on n'a le droit de vous appeler là.
33:48 – Oui, il vaut mieux prendre les conseils
33:50 plutôt que d'écrire une lettre en réponse
33:51 qui va se retourner contre vous, surtout pas.
33:54 – On n'utilise pas de chat GPT pour faire une lettre de réponse.
33:57 – Voilà, on en voit un franchi, ou on appelle.
34:01 Donc là on vous donne tous les conseils
34:04 et c'est vrai que nous on fait étudier le dossier sur pièce,
34:06 donc on demande les pièces au patient,
34:07 il y a tout un processus qui se met en place,
34:09 géré par la juriste que vous allez avoir au téléphone au départ.
34:12 Et donc si notre médecin conseil, il analyse le dossier sur pièce,
34:16 s'il estime qu'il y a une responsabilité qui peut être engagée,
34:20 et bien là c'est la même chose, on peut se dire stratégiquement
34:22 qu'il vaut peut-être mieux transiger à l'amiable,
34:24 donc là bien sûr on en parle toujours au praticien
34:26 pour lui expliquer notre point de vue.
34:27 – Donc là pour bien expliquer, il n'y a pas de procédure, c'est au cas où.
34:30 – Voilà, c'est pour éviter la procédure.
34:32 Donc si on pense qu'il y a une responsabilité,
34:35 et donc sur une simple lettre de patient, ça peut démarrer comme ça,
34:37 et on engage des négociations avec le patient,
34:39 et on paie avec un protocole à l'amiable.
34:42 – Donc c'est un point important parce que c'est peut-être
34:44 une des situations encore plus fréquentes que la mise en responsabilité,
34:48 juste la lettre presque de doute.
34:50 – Oui, on en a beaucoup, de patients de protection juridique,
34:52 parce que ça il y en a beaucoup aussi,
34:54 ou d'avocats de patients qui tentent une démarche amiable.
34:56 – Bien sûr.
34:56 – Donc on a les trois types de hors-contentieux si vous voulez.
34:59 – Alors on a bien compris l'envergure que cela représente,
35:03 le savoir-faire qu'il faut avoir, la technicité,
35:06 le nombre d'interlocuteurs, vous en avez cité beaucoup,
35:09 parce qu'il y a une grande pluralité de procédures.
35:12 Tout ça, ça coûte quand même, toutes ces prises en charge.
35:15 Alors du coup, quand on est pris en charge,
35:17 est-ce qu'on se dit "Ouh là là, mon Dieu, tout ça va me coûter très rapidement",
35:21 ou quand on est ici dans le cabinet, on est pris en charge et indemnisé ?
35:26 – Oui, alors nous les contrats chez Branché, ils sont sans franchise,
35:29 donc tout est pris en charge par l'assureur en fait.
35:32 Les frais de défense, les indemnités versées aux patients,
35:35 aux organismes sociaux, on n'en a pas parlé,
35:37 mais c'est vrai que quand il y a une responsabilité retenue,
35:40 on doit également indemniser la CPM par exemple,
35:43 ou autres organismes, du pourcentage de responsabilité retenue.
35:48 Si par exemple c'est 50% de perte de chance à l'encontre d'un radiologue,
35:51 il faut savoir qu'on doit aussi payer 50% de toute la créance CPM,
35:54 c'est-à-dire toutes les hospitalisations,
35:56 s'il y a eu des arrêts de travail, donc les indemnités journalières,
35:59 s'il y a une incapacité…
36:01 – Donc les montants peuvent être vertigineux rapidement.
36:03 – Oui, s'il y a des tierces personnes,
36:05 les postes les plus coûteux c'est la tierce personne,
36:08 et tout ce qui est préjudice professionnel quand il y a des rentes invalidité.
36:12 – Le message en tout cas, c'est de se dire que quand on est assuré…
36:14 – Tout est pris en charge, les plafonds de garantie sont à 8 millions par sinistre,
36:19 ou 15 millions par an,
36:23 donc ça c'est ce qui est prévu par la loi depuis 2012,
36:26 et avec prise en charge par le fonds de garantie au-delà de ces plafonds,
36:30 donc il n'y a aucun risque financier pour le médecin.
36:32 – Qui reste à charge.
36:33 – Depuis 2012, il n'y a plus de possibilité de recours contre un praticien,
36:38 donc ça veut dire que le fonds de garantie prendra le reli après.
36:40 – Ok, écoutez, je vous remercie pour ce face-à-face,
36:44 et tout de suite nous allons retrouver le verdict.
36:46 [Générique]
36:49 Il est important de retenir de cette émission 4 points essentiels.
36:52 L'intelligence artificielle, la téléradiologie et tous les autres outils
36:57 qui peuvent être à disposition du radiologue ne la franchit pas de ses responsabilités.
37:01 Il est important pour le radiologue, comme pour les autres spécialités,
37:05 de connaître toutes les mises en cause pour en réduire le risque et leur gravité.
37:11 Il est essentiel également d'être bien entouré par des professionnels dont c'est le métier,
37:16 car en cas de litige, il ne s'agit pas d'essayer de se faire justice soi-même.
37:21 Et enfin, dans notre cas juridique de ce soir,
37:23 les événements auraient pu prendre une autre tournure,
37:25 avec moins de difficultés pour les médecins et les radiologues
37:28 à vivre des situations juridiques compliquées.
37:31 Merci d'avoir regardé cette émission,
37:32 merci à nos experts, à nos professeurs, à nos médecins
37:35 d'avoir été présents pour débattre de ce sujet compliqué
37:38 et de nous apprendre un certain nombre de rudiments.
37:41 Merci au docteur Jean-Philippe Masson, au professeur Alain Blum,
37:44 au professeur Morgane Rouperet, à maître Sylvie Jonas, à madame Perrine Bouvy
37:49 et puis à l'ensemble des équipes branchées, des équipes de réalisation et du média What's Up Doc.
37:54 Je vous donne rendez-vous pour la prochaine émission en ligne.
37:58 [Musique]
38:10 [SILENCE]

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