Corée du Nord, Gérard Depardieu, Sciences Po... Yann Moix est l'invité du "Face à Face"

  • il y a 4 mois
Yann Moix, écrivain et réalisateur, était l'invité du Face à Face, sur BFMTV et RMC.

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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV.
00:12Bonjour Yann Moix.
00:13Bonjour Apolline.
00:14Merci d'avoir accepté.
00:15Ça va bien ? Ça va bien ? On va voir si vous ça va bien aussi parce que vous publiez
00:18donc ce petit livre, on va y revenir, ce petit livre qui s'appelle Visa, un livre étrange,
00:23une sorte d'objet non identifié où vous racontez un dialogue semi-imaginaire avec
00:28un agent de la Corée du Nord.
00:31La Corée du Nord, on n'en a jamais autant parlé qu'à cause de vous, ou avec vous,
00:35ou grâce à vous.
00:36Ces images qui sont ressorties, ces images qui avaient été tirées d'un film, vous
00:40allez nous raconter dans quel contexte, qui ont entraîné à nouveau un épisode du
00:47terrible feuilleton Gérard Depardieu.
00:49Mais je voudrais d'abord, Yann Moix, on va parler de liberté, on va parler de violence,
00:54on va parler de cinéma, on va parler d'antisémitisme aussi.
00:57Mais donner la parole à Bernard Pivot, Bernard Pivot que vous avez bien connu, qui est mort
01:03hier et qui a souvent parlé de vous aussi, Yann Moix.
01:06Et j'ai retrouvé ses mots, il dit « Je pense que Yann Moix a un très grand talent, un
01:10talent immense, mais il a un talent immodéré de la contestation, de la provocation, des
01:15sunlights.
01:16C'est un écrivain surdoué, mais si je peux lui donner un conseil, et je peux car je suis
01:21plus âgé que lui, ce serait de se couper des médias, de rentrer chez lui, de rentrer
01:26à l'intérieur de lui-même, dans la paix, dans le silence, pour écrire les grands
01:29livres qu'il porte en lui, et peut-être avoir le Goncourt comme il le souhaite.
01:34» Au fond, j'aurais peut-être pas dû lire ça parce que je me demande un peu du coup
01:37ce que vous faites là.
01:38Non, au contraire, je travaille énormément dans la paix et l'intériorité de mon être.
01:44Je lis énormément, et c'est d'ailleurs les deux occupations principales de mon existence.
01:49Et je trouve parfaitement normal qu'un écrivain, comme ça a toujours été le cas, chère
01:55toujours, prenne la parole, sauf qu'aujourd'hui, c'est dans les médias audio et télévisé.
02:01À l'époque de Gide et de Camus, c'était essentiellement dans la presse écrite, mais
02:05il est parfaitement normal qu'un écrivain s'engage, dise ce qu'il pense, pour une raison
02:10simple.
02:11C'est que les journalistes ont une façon de voir les choses, qui est d'ailleurs très
02:16utile pour les écrivains, mais pas que, et les écrivains ont une manière différente
02:21d'appréhender l'actualité par un prisme qui est le leur.
02:24Et je crois que les deux se complètent, parce que l'actualité est tellement complexe que
02:28c'est bien que les écrivains...
02:29C'est ce qu'on va essayer de faire ce matin, avec votre regard sur notre époque, puisqu'on
02:33parlait de Bernard Pivot, est-ce qu'il fait partie aussi, pour vous, de ceux qui vous
02:37ont fait aimer les livres, ou vous permettent aussi de parler des livres au plus grand nombre ?
02:42Bernard Pivot m'a sauvé la vie, c'est-à-dire que je n'avais pas le droit de regarder la
02:45télévision quand j'étais petit, et c'est son émission qui m'a donné envie d'être
02:51écrivain, parce que ce n'est pas lui, personnellement, c'est les gens qui l'invitaient.
02:54J'ai vu, pour la première fois de ma vie, Nabokov, quand j'avais huit ans, à Apostrophes,
03:00et Nabokov, pour moi, c'était un personnage inoubliable, je me souviens très bien de
03:05la fois où j'ai vu aussi Bukowski, je me souviens très bien de la fois où j'ai vu
03:10Solzhenitsyn, c'est quelques années plus tard, mais il y avait beaucoup de rediffusion,
03:16et Bernard Pivot avait toujours l'intelligence de mélanger des écrivains français avec
03:21des grands écrivains internationaux, et donc ce n'était pas du tout une vision franchouillarde
03:26de la littérature.
03:27Pivot m'a fait comprendre que la littérature n'était pas simplement des gens qui racontaient
03:31des histoires, mais des gens qui avaient quelque chose à dire sur l'être humain.
03:35C'est une vraie perte, parce que c'est quelqu'un d'à la fois très populaire, très simple,
03:39mais aussi quelqu'un d'extrêmement profond et de très intelligent, et qui aimait le
03:43foot, le vin, et la littérature, pas les livres.
03:46Les livres, ça n'a aucune importance, c'est la littérature qui compte, et des grands
03:51écrivains, il y en a 4-5 par décennie, et Pivot ne les a jamais ratés, ceux-là.
03:57Il ne les a jamais ratés.
03:58Yann Moix, vous publiez ce petit livre étrange, ça s'appelle Visa, c'est une sorte de pièce
04:04de théâtre, de dialogue, entre vous, que vous décrivez, vous vous auto-décrivez comme
04:10un indécrottable petit bourgeois parisien, et face à vous, un agent administratif de
04:14la Corée du Nord, je voudrais quand même comprendre votre fascination, assez sordide
04:21quand même, pour la Corée du Nord, et ensuite l'idée même d'emmener un Gérard Depardieu
04:26en Corée du Nord.
04:27Alors, je ne vous permets pas de dire que la fascination est sordide pour une raison
04:31très simple, Apolline, c'est un pays extrêmement mal connu, c'est un ailleurs.
04:35De fait, il est mal connu parce qu'on ne peut pas y rentrer, sauf après un si long
04:39dialogue.
04:40J'y suis allé 4 fois, on peut donc y rentrer.
04:42Si vous voulez, c'est un ailleurs, dans un monde où tous les pays se photocopient les
04:48uns les autres, dans un monde où chaque aéroport est le jumeau de l'aéroport précédent.
04:52Vous allez à Manaus, c'est exactement le même aéroport qu'à Londres ou à New York.
04:56La Corée du Nord est un ailleurs.
04:57Et j'aimerais aussi vous préciser que dans cet ailleurs, contrairement à ce que les
05:01gens s'imaginent, il y a des gens qui habitent.
05:04Il y a une population en Corée du Nord, il y a des citoyens nord-coréens, il y a des
05:08habitants des villes nord-coréennes.
05:10Et bien sûr que vous ne pouvez pas aller en Corée du Nord, que vous soyez journaliste
05:14ou écrivain, sans que le régime vous y autorise.
05:17Vous y autorisez, vous y surveillez, vous y accompagnez dans chaque mouvement.
05:21Vous avez deux guides en Corée du Nord qui se surveillent l'un l'autre et qui vous surveillent.
05:25C'est comme la Russie ou l'URSS des années 60 ou 50.
05:28Et c'est un pays qu'il est extrêmement difficile de comprendre à travers la littérature qui
05:35y est consacrée.
05:36Pour comprendre ce pays, comme disait Hemingway, il faut aller voir, il faut y aller physiquement.
05:41Et ce n'est pas le seul pays étrange qui m'intéresse.
05:44J'adore voyager.
05:46Je suis allé en Syrie, je suis allé en Albanie, je suis allé en Corée du Nord.
05:49Mais d'abord, c'est la culture coréenne dans son ensemble qui m'intéresse.
05:53Et je m'aperçois que la Corée du Sud et la Corée du Nord ont beaucoup de points communs.
05:57Donc connaissant bien la Corée du Sud, je voulais connaître le Nord.
05:59Et vous avez donc quitté connaître le Nord.
06:02Mais ce n'est pas plus sordide qu'autre chose.
06:03C'est un voyage.
06:04C'est un voyage.
06:05Alors vous parlez de cette population.
06:06On se dit quand même qu'elle souffre, cette population.
06:08Et vous en parlez presque comme si vous alliez regarder un tableau.
06:11Pas du tout.
06:12D'ailleurs, je parle de la souffrance de la population.
06:15C'est un pays extrêmement douloureux, qui a une histoire douloureuse, qui a hérité
06:19sa violence de l'occupation japonaise.
06:21C'est un pays, la Corée a été occupée pendant 40 ans par les Japonais.
06:24Vous imaginez si les Allemands nous avaient occupés pendant 40 ans ?
06:27Le traumatisme que ça laisse, c'est un pays passionnant.
06:29Et si on veut comprendre aussi la Chine, c'est intéressant de comprendre la Corée du Nord
06:33parce que la Chine fait souvent faire le sale travail par la Corée du Nord.
06:38Et ça sert d'état tampon, la Corée du Nord, entre l'Occident et les Etats-Unis.
06:44Parce que les Américains sont encore en Corée du Sud et la Chine.
06:46Donc la Corée, Sud et Nord, c'est extrêmement intéressant.
06:50Yann Moix, vous avez emmené Gérard Depardieu en Corée pour y réaliser un film.
06:55Des images de ce film ont été publiées, montrées par l'émission Complément d'enquête.
07:01Depuis, vous avez même porté plainte contre eux.
07:05A-t-il, Gérard Depardieu, oui ou non, prononcé les mots assez infâmes qu'on a entendus ?
07:12D'abord, ce ne sont pas des images de mon film,
07:15ce sont des images volées d'un film qui ont été diffusées.
07:17C'est-à-dire que le producteur m'a volé un film qui s'appelle 70,
07:21qu'une centaine de personnes ont vu, dont certains de vos confrères et consoeurs du monde notamment.
07:26Ce film fait deux heures et demie.
07:28C'est un film burlesque tourné en Corée du Nord.
07:30Alors après, on peut s'interroger sur le bien fondé de faire un film burlesque en Corée du Nord.
07:35Avec Gérard Depardieu ?
07:37Non, mais tout simplement, avec n'importe qui.
07:39Gérard Depardieu, quand je suis allé en Corée du Nord en 2018, avait eu une plainte.
07:45Une plainte.
07:46Une plainte qui n'avait pas été jugée, qui n'avait pas été...
07:49Depuis, il y a deux plaintes pour viol, trois plaintes pour agression sexuelle
07:53et il sera jugé en octobre prochain.
07:55Une plainte, c'est-à-dire que quelqu'un avait porté plainte, je crois, quelques jours avant qu'on parte.
08:00Nous sommes partis faire ce voyage, j'ai tourné un film de fiction.
08:03Alors tout le monde me dit, oui, ce n'est pas possible parce qu'un film de fiction, c'est un scénario.
08:07Mais si je vous citais le nombre de films dans l'histoire du cinéma
08:11qui ont fait 100 scénarios, de Pierre-Olefou à In the Mood for Love,
08:15c'est une manière de faire du cinéma que de trouver le genre du film au montage.
08:19J'ai passé trois mois au montage, j'arrive avec un film de deux heures et demie
08:23et le producteur, M. Anthony Dufour de chez Icari, se dit, zut,
08:28on ne pourra pas sortir le film en salle comme prévu puisque Gérard a des gros problèmes,
08:32aura des gros problèmes, aura des gros problèmes avec la justice.
08:35Qu'est-ce qu'il fait pour retrouver ses billes ?
08:37Plutôt que de ne rien faire avec le film, plutôt que d'essayer de voir ce qu'on peut faire du film,
08:44sans me prévenir, alors que j'ai un droit moral sur mon film, il va à France Télévisions,
08:49leur propose un sujet sur Gérard Depardieu en disant, j'ai des images,
08:52oubliant que ce sont mes images, qui vont être détonnantes et scandaleuses.
08:57Or, ce n'est plus ni moins que des images qui ont été arrachées à un film de fiction
09:02pour les mettre dans un film documentaire à charge contre Gérard Depardieu
09:06et avec cette bidouille dont j'attends encore que l'ARCOM enquête dessus,
09:10mais malgré mes lettres, l'ARCOM ne fait rien et France Télévisions,
09:13que je mets en procès, n'a encore pas répondu.
09:16– Eux, ils affirment, et ce sont eux qui n'ont absolument pas fait de montage,
09:18et qui n'ont pas mélangé ou dispatché ou décalé l'image et son.
09:22– Deux choses, personne n'a jamais vu le constat de l'huissier, jamais.
09:29J'ai demandé au tribunal, il y a un procès en ce moment,
09:32on n'a pas vu le constat de l'huissier, c'est très étrange.
09:35Et deux, Le Monde, le journal Le Monde magazine, c'est pas moi,
09:39Le Monde magazine a vu mon film et un des journalistes du monde dit,
09:43effectivement, dans la version d'Yann Moix,
09:45on voit que Gérard Depardieu tient ses propos sur une femme de 35 ans.
09:48– Vous parlez des propos et ce qui a fait particulièrement réagir,
09:51les propos sont assez immondes, mais l'image qui est raccord
09:56dans Complément d'Enquête, c'est que ces images assez immondes,
10:00ces propos immondes, sont au moment où c'est une fillette qui monte à cheval.
10:08– Vous avez, dans un montage, on peut faire absolument ce qu'on veut,
10:10est-ce qu'il y a une seule image ?
10:11– Donc vous dites, attendez, Yann Moix, je voudrais qu'on comprenne,
10:13vous dites, oui, Gérard Depardieu a tenu ses propos,
10:16ses propos en regardant une femme, mais non pas une fillette,
10:20mais vous dites bien qu'il a tenu ses propos.
10:22– Il a tenu ses propos sur une femme de 35 ans.
10:24– Vous en pensez quoi, vous, de ses propos ?
10:26– Les propos sont ignobles, mais attendez, Apolline,
10:28des propos ignobles, ou inexcusables, ou choquants, ou violents, ou sinistres,
10:34sur une femme de 35 ans, c'est une chose, c'est une chose.
10:39Sur une enfant, ça fait de Gérard Depardieu un criminel,
10:42ça fait de Gérard Depardieu un pédophile, ça fait de Gérard Depardieu un être
10:46qui est tout d'un coup puni pour quelque chose qu'il n'est pas, qu'il n'est pas.
10:52Et je trouve gravissime, vous imaginez ces gens dans la boîte de production
10:56de chez Icari, qui tout d'un coup se disent,
10:58mets les images sur la fillette, allez, vas-y, mets les images sur la fillette,
11:02mais c'est d'une brutalité, d'une violence absolument inexcusable,
11:04et ça, ça mérite un procès, l'ARCOM devra s'en expliquer,
11:08France Télévisions devra s'en expliquer.
11:10– L'ARCOM, c'est les gendarmes de l'audiovisuel.
11:12– D'ailleurs, je peux dire quelque chose sur l'ARCOM,
11:14je trouve qu'on baigne dans l'immaturité la plus totale.
11:17Un pays comme la France a besoin d'avoir inventé une institution
11:21qui viendrait, qui vient toute la journée, regarder des émissions,
11:25par exemple, qui vient regarder Cyril Hanouna toute la journée, pour savoir…
11:28– Dont vous avez été chroniqueur, je précise.
11:29– Oui, oui, non mais, je prends cet exemple, je peux en prendre…
11:32– Oui, oui, mais c'est important quand même de savoir aussi que vous êtes…
11:34– Non mais, peu importe, c'est… – Impliqué, j'irais.
11:36– Non, je veux dire par là que j'ai toujours trouvé l'ARCOM,
11:40avant ça ne s'appelait pas l'ARCOM.
11:41– Ça s'appelait, je ne sais même plus, le CSA.
11:43– Le CSA.
11:44Vous imaginez quand même qu'un pays comme la France,
11:46où il y a une liberté de parole, vous regardez les sites de l'INA,
11:49vous pouvez voir des gens qui fument, qui boivent, et qui débattent.
11:51– On parlait de Bernard Pivot tout à l'heure.
11:53– Et qui débattent, parce que je vois quelque chose d'assez étrange, Apolline.
11:56J'imagine que vous avez souvent été voir des documentaires sur l'INA,
11:59ou des vieilles émissions, et c'est quand même étrange
12:01qu'il y a une simultanéité du débat, et de l'alcool, et de la cigarette.
12:07Non mais c'est très étrange, l'ARCOM est une sorte de gendarme,
12:11qu'on s'est inventé nous-mêmes, pour nous fliquer nous-mêmes,
12:14comme si on n'était pas assez grand, pour faire un travail de débat démocratique,
12:18avec les débordements qu'on souhaite, s'il le faut,
12:21tandis que là, on a l'impression qu'on s'est inventé un gendarme sur mesure,
12:24comme si on était des enfants.
12:26– En tout cas, vous espérez que l'ARCOM sera de votre côté.
12:28– Ce qui est très étrange, c'est que l'ARCOM essaye de punir mon avocat,
12:33qui est allé expliquer la thèse du bidouillage de l'information,
12:36mais moi ce que j'aimerais, c'est que l'ARCOM fasse son travail.
12:39Pourquoi est-ce que l'ARCOM n'enquête pas sur le rapport de l'huissier ?
12:42Pourquoi l'ARCOM ne travaille pas sur le bidouillage acheté par France Télévisions ?
12:47Car je ne pense pas que ce soit France Télévisions qui bidouillait,
12:49ils ont acheté un reportage à bidouiller.
12:51– Donc vous ne pensez pas que France Télévisions a sciemment…
12:53– Non, je ne pense pas que ce soit sciemment,
12:55ils se sont retrouvés dans une impasse,
12:57et depuis, ils bottent en touche et ils cachent le rapport de l'huissier.
13:00Je demande à un expert indépendant pour analyser les rushs,
13:03vous savez, Apolline, il y a des bandes de synchronisation sur les films,
13:09donc c'est très facile de montrer…
13:11– Il y a de moins que vous le voyez toujours, Gérard Depardieu,
13:13est-ce que vous en parlez avec lui ?
13:14– Non, je ne le vois pas en ce moment, je n'ai pas de nouvelles,
13:16je crois que Gérard sciemment veut de l'avoir emmené en Corée du Nord,
13:21parce que moi j'ai fait confiance à un producteur qui m'a trahi,
13:23mais Gérard, il m'a fait confiance à moi, pas au producteur,
13:26donc indirectement, il se retrouve dans une sauce nord-coréenne,
13:30tout simplement parce qu'il m'a fait confiance.
13:31– Yann Moix, il y a le festival de Cannes dans quelques jours,
13:35et des rumeurs, un peu une sale rumeur qui court,
13:39plusieurs s'en font écho, des journalistes qui disent qu'il y aura une liste,
13:42on ne sait pas très bien d'où elle sortirait,
13:44mais une liste de dix nouveaux noms du MeToo du cinéma,
13:49est-ce qu'il faut, comme ça, sortir des listes,
13:52si effectivement les gens ont eu des comportements déplacés,
13:57voire même coupables, est-ce qu'il faut que cette liste sorte,
14:00est-ce qu'il faut purger ?
14:01– Je suis absolument défavorable, je vais vous dire pourquoi,
14:05pour moi, vous savez que je suis un ancien enfant martyr, etc.
14:08– Alors ça c'est votre version, vos parents ont tenté de vous poursuivre,
14:11mais vous avez gagné, vous avez obtenu gain de cause, la justice…
14:15– Ah non, on m'a suffisamment accablé…
14:17– Ils n'ont pas pu vous poursuivre.
14:19– J'ai gagné mon procès, c'est-à-dire que la justice a considéré
14:22qu'il y avait des éléments suffisamment sérieux
14:24pour considérer que j'avais été un enfant martyr,
14:26donc j'ai gagné le procès, c'est un procès qui a duré huit heures,
14:29j'y étais, mes parents y étaient, mes géniteurs, pardon,
14:32donc si il y a une justice, et justement c'est marrant ce que vous dites,
14:35parce que vous êtes en train de dire que la justice finalement…
14:39– Ils ont tenté de vous, il est clair et je crois qu'il est factuel de dire
14:42que vos parents ont tenté de vous poursuivre pour diffamation.
14:44– Oui, donc il n'y avait pas de diffamation,
14:46ce qui prouve bien que ce que je racontais dans Orléans était la vérité.
14:49Non, je vais vous dire pourquoi je suis favorable,
14:51je n'ai aucun humour sur les violences, sur les enfants, sur les femmes, sur les animaux,
14:57je ne mélange pas ces trois catégories, que les choses soient claires.
15:00Les violences faites aux femmes, les viols, les brutalités,
15:03et même les incivilités, les mains aux fesses, les petits gestes
15:06qui sont en fait consubstantielles à un climat général de violence,
15:10il faut que ce soit fait avec beaucoup de méticulosité.
15:14Si ça bave, si ça déborde, alors le combat va être déconsidéré
15:20par approximation successive.
15:21– Vous avez peur que ça ne soit défavorable au mouvement MeToo
15:25et à la véritable liberté ?
15:27– Exactement, c'est-à-dire qu'on a une chance incroyable, Apolline,
15:30on a une justice en France qui est certes débordée mais qui fonctionne,
15:33on a une belle justice, on s'est battu, des gens sont morts en 1848,
15:38en 1830, en 1789, en 1940, pour que cette justice puisse fonctionner.
15:43La République c'est une chose mais on oublie toujours
15:45que la République c'est aussi la justice,
15:47et on a une justice qui fonctionne très bien, une belle justice,
15:51et je trouve dommage que des gens pressés,
15:54et on peut comprendre que des victimes soient pressées, c'est humain,
15:57mais je trouve dommage que les victimes n'attendent pas,
16:00que les plaignants ou les plaignantes n'attendent pas
16:02quelques mois ou quelques années pour qu'on ait un rendu beau à regarder,
16:06c'est-à-dire quelque chose qui est taillé comme un diamant
16:10que la personne, après une enquête sérieuse,
16:13parce que là les personnes pourront être punies au prorata
16:16de ce qu'elles ont commis et surtout, l'à-peu-près ne sera plus de mise,
16:20et l'à-peu-près c'est grave parce qu'il y a aussi des gens
16:23qui se sont mal comportés et ces gens-là ne peuvent pas être comparés
16:27à des gens qui se sont rendus coupables d'un crime.
16:30Et j'ai peur d'une assimilation et j'ai aussi peur d'une chasse aux sorcières approximative.
16:35C'est l'approximation qui me fait peur.
16:37Yann Moix, l'antisémitisme, Gabriel Attal hier parlait d'un mouvement
16:42qui s'était décomplexé, il y a évidemment les mouvements
16:45qui se passent dans les facultés, des mouvements pro-palestiniens
16:48qui d'après certains témoignages seraient aussi une forme d'intimidation
16:52voire d'exclusion de certains étudiants juifs, vous le dénoncez aujourd'hui.
16:56Je pense que ça ne recommence pas l'antisémitisme.
16:58Je pense que la situation n'est pas plus grave qu'elle a toujours été.
17:02L'antisémitisme pour moi est un commencement, ça a toujours été un commencement.
17:06Un commencement qui diffuse depuis 4 000 ans ou 5 000 ans.
17:09Mais ce n'est pas un recommencement, il y a des périodes où on lève le tapis
17:12et on voit ce qu'il y a dessous, des périodes où on rebat le tapis
17:15et on ne voit pas les acariens ou les poussières qu'il y a dessous.
17:17Mais ça n'a jamais changé, en ce moment ça se voit.
17:20Ce qui est étrange Yann Moix, et vous l'imaginez bien,
17:22c'est qu'on a du mal à vous croire.
17:23Pourquoi ?
17:24Parce que vous-même, vous avez été, et comment êtes-vous passé, de l'étudiant...
17:28Ah, vous en êtes encore là Pauline ?
17:29Non, ça m'intéresse, je vais vous dire pourquoi.
17:32Vous avez, quand vous étiez étudiant, commis des dessins
17:38qui allaient dans un antisémitisme épouvantable,
17:40avec des propos y compris négationnistes, avec même une revue...
17:43Non, pas du tout.
17:44Pas du tout ?
17:44Non, d'abord, là encore, ça a été...
17:45Vous dites d'ailleurs avoir eu honte de cela.
17:47Ce qui m'intéresse moi aujourd'hui, c'est de comprendre, à posteriori,
17:49vous êtes aujourd'hui un des premiers défenseurs
17:52et vraiment un de ceux qui lutte contre l'antisémitisme.
17:55Comment on a pu être antisémite ?
17:56D'abord, je ne l'ai jamais été.
17:59Jamais.
18:00Et pourquoi je ne l'ai jamais été ?
18:00Parce que, en fait, vous me reparlez d'un truc d'il y a cinq ans...
18:03Mais oui, mais c'est très important.
18:04Et d'ailleurs, ça n'a jamais pris cette colubri que tu n'as pas pronommé.
18:06C'est très important de comprendre comment est-ce que vous passez
18:09de faire des dessins antisémites...
18:10Alors, je vais vous répondre de manière brutale.
18:13La première, brutale, la première, c'est que ces petites bandes dessinées,
18:17il y avait quatre numéros.
18:18Je le redis pour la millième fois.
18:20Un, où je me parlais de la Shoah.
18:23Je me moquais de la Shoah, si vous voulez, j'avais 20 ans.
18:25Ensuite, je me moquais de la fin dans le monde.
18:27Je me moquais, je crois, des handicapés et je me moquais de l'abbé Pierre.
18:31Donc, en fait, c'était un petit journal qui se moquait de tous les tabous
18:35de l'époque, d'accord, dont les Juifs.
18:38Mais ce n'était pas une obsession.
18:40Ça, c'est la première chose.
18:41Deuxième chose, le niveau, c'était du style Lucky Luke à Dachau
18:44et les schrumpfs à Auschwitz.
18:45Ce n'était pas un journal structuré, négationniste.
18:49C'était des sortes de pamphlets potaches, fanzines, si vous voulez.
18:55Mais est-ce qu'il ne faudrait pas à l'inverse, Yann Moix, dire
18:56« Ok, j'ai eu ces espèces de pulsions, mais je ne les ai pas eues ».
19:00Si vous voulez, il faut quand même que vous considériez quelque chose.
19:03C'est sorti, j'avais 50 ans, d'accord.
19:05Toute la journée, à Pauline, on nous rebat les oreilles avec des gens
19:09qui ont failli tomber dans les marigots les plus sinistres
19:12quand ils avaient 20 ans et qui, tel habitant cité, tel en banlieue,
19:17et qui, au fur et à mesure des années, s'est arraché de sa gang atroce
19:21pour devenir celui qu'il aurait dû être.
19:23Pourquoi ? Je devrais être le seul dans ce pays
19:26qu'on ramènerait systématiquement à sa case de 30 ans.
19:29Non, non, pas le seul, Yann Moix.
19:31Mais justement, ce qui m'intéresse aussi, c'est...
19:33Est-ce qu'on a le droit ?
19:34Admettons que vous ayez raison, d'accord.
19:36C'est faux, mais pour le débat.
19:38Admettons que j'ai eu une phase abjecte.
19:41Pourquoi est-ce qu'un individu dans la société n'a pas le droit,
19:45par son travail, par son intelligence, par sa culture
19:49et par les connaissances qu'il déploie autour de lui,
19:51d'évoluer, de changer en 30 ans d'un travail ?
19:55Mais c'est important aussi, justement, de pouvoir le raconter,
19:57de pouvoir dire comment on évolue.
19:59Mais en fait, il se trouve que là, c'est un malentendu
20:02parce que je n'ai pas eu besoin d'évoluer.
20:03C'était des crises ponctuelles de provocation.
20:06Vous êtes inquiet sur la situation aujourd'hui ?
20:08Oui, je suis très inquiet.
20:09D'abord, je considère que les étudiants de Sciences Po
20:11sont pour la plupart des gens qui auraient été incapables
20:13d'intégrer l'école il y a 15 ans, à l'époque où il y avait un concours.
20:16Vous êtes un ancien élève de Sciences Po ?
20:17Oui, à l'époque où il y avait un concours.
20:19Donc là, on se retrouve avec une poignée de misérables
20:22qui intimitent d'une direction qui est d'une lâcheté phénoménale,
20:25phénoménale, et qui a accepté de transiger
20:28alors qu'il y a quelque chose qui est un marqueur de l'époque.
20:31On ne retire pas quelqu'un d'une salle
20:33au prétexte qu'il est ou qu'elle est juive.
20:35C'est gravissime.
20:36Là, il y a un relanc d'années 30,
20:38qui est que cette école qui a été inventée pour la tolérance,
20:41apprendre la démocratie et la République,
20:43et pour que le débat se perpétue,
20:45se retrouve maintenant dans la caricature
20:47d'une sorte de Hezbollah portable
20:51ou de Hamas en bandoulière,
20:55et qui, toute la journée, agite une haine
20:57qui est impropre avec la culture de Sciences Po,
20:59qui s'appelait École libre des sciences politiques en 1872.
21:02Merci Yann Moix, on restera sur ce mot de liberté.
21:04Yann Moix, votre livre vise à sécher,
21:07Grassez, il est 8h53.

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