• il y a 6 mois
Jean-Baptiste Marteau reçoit Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique aux élections européennes sur le plateau des 4 vérités. 

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Transcription
00:00 Bonjour Raphaël Griezmann.
00:04 Bonjour.
00:05 Bienvenue dans les 4 V.
00:06 On va d'abord parler de cette ingérence chinoise au Parlement européen.
00:08 Un assistant parlementaire allemand, d'un eurodéputé de l'AfD, c'est l'extrême droite allemande,
00:12 a été arrêté hier pour des soupçons d'espionnage en faveur de la Chine.
00:15 C'est un nouveau scandale d'ingérence qui touche le Parlement européen.
00:18 D'abord, est-ce que vous avez été surpris ?
00:20 On savait qu'il y avait des pénétrations des régimes autoritaires,
00:23 et en particulier dans les groupes d'extrême droite.
00:25 Mais là, c'est l'assistant, non seulement d'un parlementaire de l'AfD,
00:28 mais du chef de file de l'extrême droite allemande,
00:31 la tête de liste de l'extrême droite allemande.
00:33 Et ça vient quelques semaines après ce qu'on a appelé le "Russiagate",
00:37 c'est-à-dire le scandale qui impliquait des transferts de cash
00:41 à des députés ou à des personnalités politiques d'extrême droite.
00:44 Et là, on est face à quelque chose d'extrêmement grave,
00:48 et qui souligne à quel point l'extrême droite européenne,
00:51 les extrêmes droites européennes, sont en réalité des patriotes de pacotille,
00:56 qui se mettent très rapidement au service de tyrannie étrangère,
00:59 que ce soit la Russie ou la Chine,
01:01 des tyrannies hostiles aux intérêts et aux principes des nations
01:05 que ces pseudo-nationalistes sont censés défendre.
01:08 Dans d'autres scandales d'ingérence, c'était plutôt le centre-droite,
01:11 le centre-gauche qui avait été touché.
01:12 Bien sûr, mais là, on est face à la Russie et à la Chine,
01:15 qui sont dans une forme de guerre hybride contre nos démocraties,
01:19 contre nos nations, contre nos intérêts.
01:21 Et donc, ce n'est pas simplement des cas de corruption,
01:23 c'est des cas de trahison, si vous voulez.
01:25 Est-ce que ça veut dire que les mesures de prévention
01:27 contre l'ingérence étrangère au Parlement européen sont insuffisantes ?
01:30 Elles seront toujours insuffisantes.
01:32 J'ai, moi, présidé la commission spéciale sur les ingérences étrangères
01:36 pendant tout mon mandat, et j'ai pris à bras-le-corps cette question,
01:39 et j'ai exhorté nos démocraties, parce que ce n'est pas simplement à Bruxelles,
01:42 c'est vrai aussi à Paris, c'est vrai aussi à Berlin,
01:44 nos démocraties à se doter des moyens de lutter contre ces ingérences étrangères
01:48 et surtout à opérer cette révolution mentale,
01:50 à considérer que, oui, nous avons des adversaires géopolitiques
01:53 et que ces adversaires ne sont pas simplement des pays étrangers,
01:56 ce sont des forces politiques, des forces géopolitiques qui agissent chez nous.
02:00 Vous avez eu pendant très longtemps un commissariat chinois secret,
02:04 juste à côté d'ici, vous avez, si vous voulez,
02:07 une pénétration des intérêts russes au sein même de notre classe politique.
02:11 On est encore trop naïfs sur ces questions-là ?
02:12 On est extrêmement naïfs, et moi, je me bats contre cette naïveté,
02:16 je me bats pour que nos démocraties cessent d'être faibles,
02:18 qu'on cesse de se comporter comme des serpillères.
02:20 Vous savez, à Doha, à Berlin, à Moscou ou à Pékin,
02:26 on considère un peu nos scènes politiques et nos espaces publics
02:30 comme des supermarchés dans lesquels on pourrait faire ses courses,
02:33 et ça, c'est vraiment extrêmement dangereux.
02:36 Vous-même, Raphaël Glucksmann, vous avez été averti récemment
02:38 par l'agence du gouvernement chargée de traquer l'ingérence étrangère
02:40 pendant les périodes électorales,
02:42 que vous faisiez l'objet d'une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux
02:46 provenant de comptes liés à la Chine,
02:48 qui, je vous accuse, je cite, d'être entre autres
02:50 le cheval de tronc des Américains, notamment de la CIA en Europe.
02:53 Vous vous sentez menacé, intimidé dans cette campagne ?
02:56 Moi, je suis la cible de ces régimes autoritaires parce que je les combats.
03:00 Et je suis d'ailleurs sanctionné par le régime chinois
03:02 de manière tout à fait officielle, moi et ma famille,
03:05 depuis ma défense du peuple ouïgour et ma défense aussi des producteurs français
03:09 qui sont en ce moment ratiboisés par une concurrence déloyale venant de Chine.
03:14 Et donc, c'est un peu, pour moi, une médaille d'honneur
03:16 que d'être attaqué par ces régimes qui menacent les intérêts et les principes de nos nations.
03:20 Vous voyez ça comme une médaille d'honneur, plutôt une récompense de votre travail ?
03:23 C'est ma légion d'honneur à moi. Je préfère cette légion d'honneur-là que le titre officiel.
03:26 Ce qui compte désormais, c'est de se réveiller.
03:29 Moi, je veux réveiller l'Europe. Je veux réveiller nos démocraties.
03:32 Je veux qu'elles comprennent qu'en fait, face à ce type de régime,
03:35 eh bien, toute forme de faiblesse, toute forme de tergiversation
03:38 est une invitation à l'agression.
03:40 Et par exemple, quand le président de la République française se rend à Pékin
03:44 et qu'il prend dans son avion messieurs Le Guenn et messieurs Raffarin
03:48 qui travaillent pour les intérêts chinois, eh bien, en quelque sorte,
03:51 il montre de la faiblesse, il valide le fait que la Chine puisse acheter des anciens dirigeants.
03:56 Donc il faudrait ne pas se rendre en Chine, par exemple, quand on est président de la République ?
03:59 Non, on se rend en Chine sans personne qui peut être suspecté de travailler pour les intérêts chinois
04:04 parce qu'au-delà de la question des droits humains, au-delà de la question, si vous voulez, géopolitique,
04:09 il y a la question de la souveraineté.
04:11 Un mot pour finir sur ce thème sur TikTok qui propose désormais une nouvelle application,
04:15 on en a parlé dans le journal, TikTok Lite.
04:17 Bruxelles menace de suspendre dès aujourd'hui ce mécanisme de récompense
04:20 qui fidélise un peu leur durée d'utilisation.
04:23 Est-ce que c'est nécessaire de mettre fin comme ça,
04:26 de bloquer, de restreindre certaines fonctionnalités de cette application chinoise ?
04:29 On a un problème TikTok, il faut oser le dire, on a un vrai problème TikTok.
04:33 Et au-delà des questions d'addiction, de danger pour la santé mentale de nos enfants,
04:37 il y a aussi les questions d'ingérence là aussi.
04:40 Nous, on a travaillé sur TikTok et le problème de TikTok au sein de notre commission,
04:43 et le problème de TikTok, c'est qu'en fait, TikTok est soupçonné de siphonner nos données
04:49 pour les donner aux partis communistes chinois et au régime de Pékin.
04:52 Donc il faut interdire cette application.
04:54 Et donc on est dans un vrai problème.
04:56 Pourquoi moi, mes assistants au Parlement européen n'ont pas le droit d'avoir sur leur téléphone portable
05:01 ou sur leur iPad l'application TikTok ?
05:04 Pourquoi les fonctionnaires européens n'ont pas le droit ?
05:06 C'est une mesure pour les fonctionnaires européens.
05:08 Les citoyens européens, eux par contre, sont laissés sans la moindre protection.
05:13 Et donc il faut interdire TikTok ?
05:14 Et donc moi, ce que je demande, c'est une création d'une commission d'enquête
05:17 dès le premier jour de notre mandat pour faire la lumière sur l'utilisation des données des Européens
05:21 et les ingérences via TikTok.
05:23 Et si TikTok n'apporte pas des réponses satisfaisantes, alors oui, il faudra bannir TikTok.
05:28 Mais moi, en tout cas, en attendant, je ne me vois pas faire campagne sur TikTok
05:32 et donc j'ai fermé mon compte parce que ça serait une contradiction totale
05:35 entre mes principes et mon comportement politique.
05:37 Avant d'en venir à votre discours à Strasbourg ce soir,
05:40 le discours d'Emmanuel Macron demain à la Sorbonne,
05:43 la gauche vole en éclats en France depuis le 7 octobre dernier,
05:46 jour où le Hamas a attaqué Israël de la manière qu'on connaît.
05:49 Le parti de Jean-Luc Mélenchon a justifié cette attaque du Hamas
05:52 en dénonçant d'une même voix le mouvement al-Samiste et la colonisation israélienne.
05:56 Et c'est pour cette raison que Malti de Pano est convoqué par la police
05:59 pour, je cite, "apologie du terrorisme".
06:01 Est-ce que vous le comprenez, Raphaël Glucksmann, cette décision, cette convocation ?
06:04 Moi j'ai une confrontation extrêmement profonde avec la France insoumise
06:09 et ce qu'ils ont fait le 7 octobre est une faute politique, morale grave.
06:14 Mais par contre, je suis extrêmement contre que les différents politiques,
06:19 aussi violents, aussi profonds soient-ils, se règlent devant la justice.
06:22 Je suis contre les interdictions de conférences,
06:25 je suis contre les interdictions de manifestations
06:28 s'il n'y a pas vraiment la preuve qu'il y a un trouble à l'ordre public.
06:31 Il faut faire très attention, même nos adversaires les plus farouches,
06:35 même les propos qu'on aborde, qu'on déteste, qu'on combat politiquement,
06:40 la démocratie doit les intégrer dans le débat démocratique,
06:43 en particulier dans une campagne électorale.
06:46 Même si on défend le Hamas d'une manière ou d'une autre ?
06:48 En l'occurrence, la faute majeure de la France insoumise, de Jean-Luc Mélenchon
06:54 et des gens qui le suivent, c'est de ne pas avoir qualifié de terroriste
06:57 une organisation de terroristes qui venait de commettre
06:59 un des actes terroristes les plus abjects de l'histoire.
07:02 Mais ce n'est pas une apologie de cela.
07:04 Et donc, il y a vraiment un risque.
07:07 Moi, je dis même ça d'ailleurs pour les conférences d'Éric Zemmour
07:10 qui sont interdites à Bruxelles.
07:13 Il ne faut pas les interdire.
07:14 Je veux dire, où on va ?
07:16 Faisons extrêmement attention, combattons politiquement,
07:18 combattons sans relâche les dérives, mais politiquement.
07:21 Et en plus, il y a des élections là qui arrivent,
07:23 donc c'est l'occasion de trancher, de trancher sur le fond,
07:26 de trancher sur les lignes, de trancher sur les attitudes,
07:29 sur le rapport à la violence, sur le rapport au terrorisme,
07:31 sur tout ce que vous voulez, mais tranchons par les élections.
07:33 Alors, sur les lignes justement, Emmanuel Macron demain à la Sorbonne
07:36 pour un grand discours sur l'Europe, c'est l'heure du bilan pour lui,
07:38 comme il l'avait déjà fait en 2017.
07:40 Tous les eurodéputés sont conviés, vous ne serez pas à la Sorbonne,
07:43 vous serez au Parlement européen à ce moment-là ?
07:44 Mais on est en train de voter pendant le discours du président de la République.
07:47 Donc la date était mal choisie ?
07:48 Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais en tout cas,
07:50 c'est en plein dans le dernier vote de notre mandat.
07:52 Vous vous imaginez ?
07:53 Donc c'est extrêmement compliqué de rater ce vote pour aller voir le président de la République.
07:56 Il aurait pu choisir une autre date.
07:58 Est-ce qu'on peut dire quand même que sur l'Europe,
07:59 le chef de l'État a plutôt bien réussi, a quelques succès à son bilan ?
08:03 Il y a une chose, moi, que je reconnais, parce que vous me connaissez,
08:07 je ne suis pas pavlovien, donc il y a une chose que je reconnais,
08:09 c'est la mutualisation des dettes au moment de la pandémie.
08:11 Il se saut en avant de la construction européenne
08:13 quand des contribuables allemands se sont retrouvés solidaires
08:16 des contribuables italiens ou grecs.
08:18 Et cela, c'était un progrès de la solidarité en Europe.
08:20 Mais même sur la question européenne, quand on prend le discours de la Sorbonne
08:24 et qu'on compare un bilan, puisqu'aujourd'hui, il y a sept ans qui se sont écoulés,
08:27 ce n'est plus Emmanuel Macron qui arrive tout frais
08:29 et qui fait un discours à la Sorbonne.
08:31 Il y a sept ans qui se sont écoulés, et ce, sept années de déception,
08:34 y compris sur la scène européenne.
08:36 À chaque fois que la Commission européenne proposait,
08:39 qui n'est pas un organisme gauchiste, vous en conviendrez,
08:41 proposait des avancées sociales, par exemple,
08:43 pour les travailleurs des plateformes de Uber, de Deliveroo,
08:46 qui sont les forçats du XXIe siècle, Emmanuel Macron s'y oppose.
08:49 Quand je lutte, moi, au Parlement européen et au sein des institutions européennes
08:52 pour le devoir de vigilance des entreprises,
08:54 pour le bannissement des produits d'esclavage,
08:56 à chaque fois, Emmanuel Macron est du côté des grandes banques,
08:59 des grands intérêts privés, et bloque des progrès de la construction européenne.
09:04 Donc ce soir, votre vision européenne, c'est celle-là que vous allez défendre ce soir
09:07 dans votre grand discours à Strasbourg ?
09:08 Moi, je vais défendre une vision de l'Europe comme puissance géopolitique
09:12 et comme puissance de solidarité, comme puissance de transformation écologique.
09:16 Nous, en fait, on fait une campagne où on parle d'Europe, déjà.
09:19 On parle d'Europe et ça passionne les gens.
09:21 Ça n'est pas une élection nationale ?
09:23 Mais c'est une élection européenne. En France, on refait toujours des présidentielles.
09:26 Moi, ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit d'une élection européenne
09:29 et que donc, il faut parler d'Europe.
09:31 Et vous savez quoi ? Au début de la campagne, on m'a expliqué que l'Europe,
09:34 ça n'intéressait personne, c'était lointain.
09:36 Et ce que je vois, c'est qu'il y a de plus en plus de monde dans nos meetings,
09:40 que les gens sont heureux, heureux qu'on parle d'Europe
09:43 et heureux aussi qu'on ressuscite cette gauche de Jacques Delors,
09:47 de Robert Ballinter, cette gauche humaniste qui croit dans le projet européen,
09:51 qui l'assume et qui veut en faire la grande aventure politique, géopolitique,
09:55 sociale et écologique du 21e siècle.
09:58 Raphaël Glucksmann, tête de l'ISPS, place publique aux élections européennes,
10:01 était l'invité des quatre V. Merci, bonne journée.

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