Le photographe de l’Equipe de France raconte comment il a vécu le but de Mbappé en finale de Coupe du Monde. Quel souvenir gardes-tu de ce moment ?
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00:00 Quand j'ai pris cette photo, je n'ai même pas réalisé que je l'avais pris.
00:02 Moi je le vois, il tire, bon super.
00:03 - Tu ne sais même pas si il y a but en fait. - Non, parce que je ne suis pas le ballon, je ne vois pas.
00:06 - Alors bonjour Simon. - Salut.
00:09 Tu es photographe pour l'équipe de France.
00:10 Là, si je te demande un souvenir, le premier qui te vient en tête, qui t'a vraiment marqué ?
00:14 Oui, j'en ai un, j'ai fait une photo, je ne sais plus c'était quel match,
00:17 c'était pendant la Coupe du Monde, Maroc ou Angleterre.
00:20 Tu es dans les vestiaires, il n'y a que toi qui peux rentrer.
00:22 Franchement, tu es là, tu es avec ton appareil, tu ne sais pas quoi prendre en photo parce que tu en as deux là-bas qui font la fête, tu en as là, et puis après ça se regroupe.
00:28 C'est un peu le bordel.
00:30 J'ai fait une photo de Griezmann qui tape sur les caisses des intendants et qui me regarde avec un regard, mais j'ai l'impression qu'il est possédé.
00:36 C'est libérateur la victoire.
00:39 Et c'est ce moment, il y a eu un truc entre lui et moi, c'est une fraction de seconde,
00:44 mais tu arrives à capter ça et c'est vraiment un moment qui est vraiment cool.
00:47 Quand tu vis ce genre de moment-là, parce que tu es avec eux au final dans les vestiaires,
00:50 tu as l'impression de le vivre avec eux ou est-ce que la distance de l'appareil photo est suffisante pour ne pas être trop dans l'euphorie ?
00:56 Tu ne captes rien.
00:58 Tu n'as pas du tout le moment.
00:59 En fait, tu es tellement dans ton travail, focus sur ce que tu dois faire que les émotions, je ne sais même pas si je les ai eues.
01:05 Donc, c'est un peu frustrant dans ce sens-là.
01:07 Je pense que les compétitions sont vécues aussi par les moments que tu partages avec les gens avec qui tu regardes, avec qui tu débriefes, etc.
01:15 Moi, je partage, je ne limite pas les moments.
01:17 Je pense que j'ai peut-être moins vécu la Coupe du Monde que les gens qui étaient en France.
01:21 Je suis tout seul avec mon boîtier et mon objectif, c'est de faire des photos, de faire des bonnes photos.
01:26 Donc, tu as tous les paramètres techniques, tu as plein de choses à gérer.
01:29 Sur des matchs à prolongation, avec la joie après, tu as les batteries.
01:32 Tu as tellement de choses à gérer que ton esprit n'est pas sur le sportif.
01:37 Ce que tu me dis, ça me fait penser à une photo qui est incroyable.
01:40 À la dernière finale, c'est au moment du deuxième but d'Mbappé.
01:42 Tu fais partie des milliers de privilégiés qui sont à une finale de Coupe du Monde en direct.
01:45 En plus, tu es sur le bord du terrain et tu es face à ça.
01:48 Tu ne trembles pas, tu arrives quand même à prendre ta photo.
01:51 C'est contradictoire ce que je dis, mais c'est plus des sentiments.
01:55 C'est plus mon cerveau qui me dit et qui essaye de rationaliser.
01:57 Je me rappelle quand je suis arrivé dans le vestiaire.
01:59 Tu commences à avoir... Tu te dis que c'est la Coupe du Monde.
02:01 Mais en fait, c'est juste l'idée que ce soit la finale ou la Coupe du Monde qui change.
02:05 Parce que toi, c'est un match comme j'en ai fait des centaines.
02:09 Donc, j'ai essayé de rationaliser comme ça.
02:11 Au final, j'ai eu cette petite pression avant le match.
02:13 Et puis après, je me suis dit "fais comme d'hab", et de toute façon, ça le fait plus ou moins à chaque fois.
02:17 Quand j'ai pris cette photo, je n'ai même pas réalisé que je l'avais prise.
02:19 Parce qu'en fait, tu as l'œil dans ton boîtier.
02:22 Moi, je le vois, il tire, bon super.
02:24 Tu ne sais même pas s'il a but en fait à ce moment-là.
02:25 Non, parce que je ne suis pas le ballon, je ne vois pas.
02:26 Je vois juste Mbappé.
02:29 Et après, tu es tellement dans le...
02:31 Et après, la joie, est-ce qu'il vienne vers toi ?
02:33 Je me rappelle, je crois que sur ce but-là, il y a les remplaçants qui s'échauffaient juste devant moi,
02:36 qui sont partis de l'autre bout du terrain.
02:38 Et en fait, tu vois, tu as tout ça à changer de boîtier et tout.
02:40 Donc en fait, c'est juste...
02:42 Je ne sais même pas si le soir même, j'ai compris que j'avais pris cette photo.
02:45 Tu as mis du temps un peu à...
02:46 Surtout vu la fin de soir.
02:47 Oui, et puis vu le match.
02:48 Oui, il y a eu tellement de trucs.
02:49 Enfin, je crois que j'ai pris 6 000 photos ce match-là.
02:52 Quand il y a une défaite comme ça, qui est très dure à avaler,
02:55 toi, quand tu vas prendre ces photos-là,
02:57 est-ce qu'il y a des joueurs des fois qui te disent
02:59 "non, je n'ai pas envie de te photographier à ce moment-là" ?
03:01 Je n'ai jamais eu ça, parce que j'ai aussi fait 5 ans à la FED,
03:06 on te fait comprendre, et à juste titre, que tu n'es que photographe.
03:10 Donc, tu vois la photo que tout le monde a vue de Mbappé sur le banc comme ça,
03:15 moi, je l'ai, mais un peu de côté.
03:17 Pour ne pas qu'il me voie frontal, parce que je le vois tous les jours.
03:19 C'est du respect en fait.
03:22 Tu ne mets pas l'objectif dans la gueule de quelqu'un
03:24 qui vient de perdre une finale de Coupe du Monde.
03:26 Donc j'essaie de rester discret, et du coup, je n'ai jamais eu de...
03:29 Non, arrête.
03:31 C'est le curseur qui est difficile à avoir pour avoir des trucs cools,
03:35 mais que tu ne dois pas dépasser, parce que sinon, c'est chiant.
03:38 Quels sont les joueurs les plus photogéniques dans l'équipe ?
03:40 Koundé, il dégage quelque chose, mais tu as des mecs dans le mouvement,
03:44 tu sais, tu as des visages qui se déforment forcément,
03:46 tu vois, l'impact du pied quand tu cours,
03:49 Meignan, Nkunku, c'est tout le temps pareil.
03:53 Et tu as Titus, Marcus Thuram, parce que le sourire qu'il a,
03:56 c'est impressionnant, quoi.
03:57 Enfin, il y a quelque chose qui se dégage, c'est fou.
04:00 Pour finir, qu'est-ce qui fait le plus kiffé dans ton métier ?
04:04 Très professionnellement, c'est les matchs.
04:06 Sinon, je pense que c'est un truc qu'on ne mesure pas.
04:12 Et j'ai pu le voir à travers mes expériences pro,
04:17 mais c'est les gens qui m'entourent.
04:18 Les trois quarts à gérer la com, tu vois, quand on est en rassemblement.
04:21 Et ce petit staff, tu vois, de novembre à mars,
04:25 quand il n'y a pas de rassemblement, il manque limite.
04:28 Enfin, il me manque, tu vois, je suis trop content de les retrouver.
04:30 Et de voir la symbiose qu'on a sur les idées,
04:33 sur comment ça peut aller vite.
04:34 C'est tellement fluide, notamment avec Arthur qui gère les réseaux sociaux.
04:37 On a tellement la même vision du truc.
04:39 En tout cas, merci beaucoup.
04:40 Avec plaisir.
04:40 Impeccable.
04:41 Impeccable, les gars.
04:42 Merci.
04:43 [SILENCE]